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Chapter Text

“Je peux le faire tout seul vous savez ?”

Séli tape gentiment la main que Léodagan porte vers la mèche de cheveux qu'elle est entrain de tresser.

"Touchez pas, quand c'est vous qui le faites vous le faite mal, vos boucles sont emmêlées et aucune tresse fait la même taille. Résultat vous avez l'air de rien et vous plaignez que ça vous tire le crâne du matin au soir.”

Léodagan se tait et les doigts fins de sa femme continuent de séparer les brins avec expertise, effleurant à l'occasion la nuque de leur propriétaire d'un geste pas si subtil qui ne parvient pas à tromper Léodagan qui n'est pas dupe. Voilà des semaines maintenant que sa femme insiste pour lui tresser les cheveux à sa place, pour faire sa peinture de guerre avant que celui ci ne parte au combat, que des choses qu'il pourrait très bien faire lui même mais qu'il délègue avec plaisir à Séli, bien qu'il n'en montre rien. Au fond ces petits moments ne sont rien que des excuses, des excuses pour passer un peu de temps avec sa femme maintenant qu'il est roi et que son emploi du temps a triplé de volume, des excuses pour sentir sa silhouette dans son dos quand elle l'aide à accrocher ses colliers, sa main caressant sa peau innocemment au moment le plus opportun, juste histoire d'avoir un peu d'intimité, d'enfin se retrouver l'un l'autre.

Séli attache la dernière tresse et la ramène délicatement à côté du visage de son mari, glissant gentiment l'index sur sa joue au passage.

“Voilà. Et surtout vous les tripotez pas, sinon vous allez les défaire et je vais devoir venir tout recommencer.”

Un léger sourire se forme sur les lèvres de Léodagan, il prend délicatement la main de sa femme pour venir en baiser le dos.

“C'est ça, je manquerai pas de vous appeler si c'est le cas.”

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Léodagan ne supporte plus de ne pas comprendre sa femme.

Séli fait des efforts pour apprendre la langue commune le plus vite possible mais ça ne suffit pas, leurs soirées silencieuses et leurs quelques tentatives de conversations infructueuses le frustrent au quotidien. Ils n'ont heureusement pas besoin de mots pour tout, il peut l'emmener se balader à cheval à travers le royaume sans qu'un son ne soit échangé, son sourire suffit à lui faire comprendre quand elle est heureuse et sa femme peut bien gémir en picte le soir venu, là il n'a étonnamment pas besoin d'interprète pour comprendre le message. Mais pour ce qui est des dîners ou des moments passés en tête à tête sans avoir rien d'autre à faire, avec seul le silence pour compagnon, c'est une autre histoire. Il voit bien que sa femme aussi est gênée, de son côté non seulement elle ne comprend pas son mari mais elle ne comprend pas non plus ni son beau père, ni ses suivantes, à vrai dire elle ne comprend rien à personne dans le manoir. Ca la frustre et limite grandement ses activités, elle ne peut pas décemment demander un traducteur à chaque fois qu'elle aimerait qu'on lui passe le sel.

Un soir le jeune couple est assis dans son lit, Léodagan un manuel sur les armes de jets à la main et Séli fixant le plafond en silence. Bien sûr elle ne comprend aucun des livres disponibles sur place. On lui a bien proposé d'en faire venir quelque uns de sa tribu natale mais pour une raison qui lui échappe elle a catégoriquement refusé. Ou alors elle n'a pas compris ce qu'on lui proposait, possible aussi. Léodagan jette un oeil discret vers elle de temps en temps entre deux chapitres et plus les minutes passent, plus la situation devient pathétique à ses yeux. Soudain il abaisse son livre et tentant de briser le silence surplombant la pièce, pointe le chevet de sa femme qui le remarquant se met à regarder dans la même direction.

“Vous pouvez me passer le marque page qu'est sur la table là ?”

Séli, qui a beau ne pas tout à fait comprendre la langue n'est pour autant pas si bête que ça, attrape le machin que son mari semble pointer et se tourne vers lui.

“Tu veux ça ?”

Léodagan ne la reprend pas sur le vouvoiement, dire "tu" à l'air plus facile pour elle et il le cache bien mais il trouve ça presque adorable.

“Oui, je veux ça.”

Elle sourit légèrement et lui donne, contente d'avoir compris sa première phrase de la journée.

Léodagan place le marque page dans son manuel et marque une pause avant de montrer la couverture à sa femme en pointant le titre.

“Y'a écrit quoi là ?”

Séli fronce les sourcils, hyper concentrée. Elle ne veut pas se planter après sa première petite victoire.

“Aaarmé-dé-j-j..jettes.”

“C'est.. presque ça. Arme. De. Jets.”

“.. Armdéjé ?”

“.. on va dire que c'est assez proche.”

Séli sent bien que c'est un nouvel échec et soupire, se recouche dos à son mari en lançant une injure picte qui résonne dans le vide. Elle aussi ça commence à l'emmerder profondément comme situation. Elle qui déteste plus que tout au monde se sentir faible, qu'y a t il de plus vulnérable qu'une personne qui ne comprend rien de son environnement, ni de ce qu'on lui raconte à longueur de journée ? Pourtant elle en aurait des choses à redire et elle se promet même qu'à la seconde où elle sera capable de former un discours cohérent, elle ne se gênera pas pour faire un petit résumé personnel à tous les habitants de la maisonnée.

Elle sent la figure de son mari quitter le lit derrière elle et ça à le don de la mettre encore plus sur les nerfs. C'est déjà assez de se sentir bête soi-même, elle n'a pas besoin que Léodagan se mette à la sous estimer de son côté. Elle ne l'entends pas revenir alors elle se force à fermer les yeux pour tenter de s'endormir, se concentre sur les sons qu'elle a entendu tout au long de la journée pour essayer de les décrypter et soudain sursaute quand un bras encercle sa taille sans prévenir et qu'une voix s'approche de son oreille.

“Venez là.”

Elle n'est franchement plus d'humeur pour ce qu'il semble demander alors d'un geste de la main lui fait comprendre d'aller voir ailleurs mais celui ci la force à se retourner vers lui pour lui présenter ce qu'il tient dans les mains : un énième foutu livre. Séli fronce les sourcils et lui jette un regard mauvais, il se fout définitivement de sa gueule. Elle remarque bien que ce n'est pas celui de tout à l'heure, il est bien plus gros et bien mieux relié et surtout à l'air encore plus dur à comprendre. Il ramène sa femme contre son torse et elle accepte sans rechigner mais toujours méfiante alors qu'il ouvre le livre au dessus de leurs visages, c'est bien un roman que Léodagan est parti chercher dans la bibliothèque. Lui de son côté est déjà exaspéré d'avance, il déteste ce genre de bouquins mais il sait que pour apprendre c'est ce qu'il y a de plus efficace, alors il décide de faire un effort, pour elle.

Au bout de la troisième phrase Séli en a déjà marre mais Léodagan l'encourage, il lui montre les mots et lui donne la prononciation, recommence jusqu'à ce que Séli ai juste. Son envie de réussir reprend le dessus et elle se prend au jeu, essaie de deviner le sens des phrases et quand elle bloque il essaie d'expliquer avec des mots plus simple ou même des mimes un peu maladroits qui ne manquent pas de faire éclater de rire la picte. Il se met à l'embrasser dès qu'elle donne une réponse juste, ce qui a l'air d'assez bien motiver cette dernière qui répond à ces baisers en riant, plus déterminée que jamais. Très vite il y a plus de baisers qu'il n'y a de phrases bien prononcées et le livre fini délaissé par les deux amants à l'autre bout de la couette.

Après cette nuit, on dit que Séli se mit à apprendre la langue à une vitesse impressionnante grâces aux leçons privées de Léodagan, et toute la forteresse de Carmélide en fit les frais.

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- Qu’est ce qu’il y a, vous voulez venir ?

La voix de sa femme sorti Léodagan de la transe temporaire dans laquelle il s’était retrouvé après être entré dans sa salle de bain, y retrouvant non seulement la baignoire dont il avait rêvée toute la journée mais aussi sa femme, qu’il avait eu tout autant hâte de revoir enfin après dix longs jours de mission loin du château. Un sourire idiot avait poussé sur ses lèvres, un sourire pas tant intéressé que très amoureux. Séli portait très bien les nombreux bijoux et les lourdes étoffes, mais la voir les cheveux lâchés, ses longues mèches brunes encadrant doucement son visage fin sans grand chignon ou coiffure à étages, sans couronne ni collier luxueux, c’était tout ce qu’il fallait au Sanguinaire pour devenir toujours un peu plus épris de sa femme. Comme ça, dans son bain les joues rougies par les vapeurs et rien ne pouvant détourner l’attention de ses yeux perçants vous défiant du regard à tout instant, elle lui rappelait leur première rencontre. Il avait face à lui une Séli que peu à Kaamelott avait connue, une Séli authentique, une femme que lui seul avait le privilège de pouvoir admirer.

Face à son manque de réponse, la picte replia ses jambes vers elle dans l’eau, insinuant d’un geste simple à son mari qu’il pouvait la rejoindre. Il hésita une seconde. Elle était magnifique plongée dans le liquide un peu laiteux de savon mais toujours clair, lui revenait de plus d’une semaine de marche dans la forêt à crapahuter dans la boue et les feuilles mortes.

- Je voudrais pas vous déranger.

- Vous faites votre timide ?

- Je vais encrasser votre bain.

- Ça tombe bien, un bain c’est fait pour se laver.

Un sourire joueur passa sur les lèvres de Séli alors qu’elle l’éclaboussait de quelques gouttes d’eau depuis sa baignoire, Léodagan esquivant sans grande conviction d’un air amusé.

- Allez, venez.

Convaincu, il ne lui fallut pas longtemps pour retirer sa chemise pleine de terre d’un air satisfait avant d’envoyer valser le reste de ses vêtements pour venir s’immerger dans l’eau chaude et accueillante, râlant de soulagement quand ses vieux muscles tiraillés par l’exercice purent enfin prendre un peu de repos à son contact. Il ferma les yeux, adossé au rebord, ses boucles déjà à moitié trempées glissant sur son visage pour venir s’égoutter juste au-dessus du carrelage. Il sentit sa femme bouger et une main se poser sur son torse mais n’y prêta pas attention, oubliant le monde autour de lui jusqu’à ce que deux lèvres douces se joignent au siennes, une main humide posée sur sa joue encore sèche. Leur baiser fut long et tendre, entrecoupé de baisers dans le cou de la part de Séli et de caresses le long des reins de la part de Léodagan, ses doigts se perdant et s'emmêlant dans les longueurs qui cascadaient le long du dos de sa femme, ses paumes abimées chérissant la peau douce qu’il avait sous les mains. Il n’avait visiblement pas été le seul à avoir hâte de retrouver l’autre.

A son grand regret il sentit sa femme reculer et en profita pour enfin ouvrir les yeux. Il la trouvait déjà belle de son côté de la baignoire, mais elle était d’autant plus magnifique à quelques centimètres de son visage. Ses bras ne la quittèrent pas alors que Séli semblait le scruter sous tous les angles.

- Vous vous êtes roulé dans les entrailles de quelle bestiole pour revenir dans un état pareil ?

Léodagan leva les yeux au ciel avant de regarder sa femme d’un air blasé et un peu honteux.

- Je vous avais prévenu.

Elle rit légèrement en éloignant une boucle dégoulinante de son front plissé.

- Je vous taquine jus- Hé !

Cette fois c’est lui qui avait éclaboussé sa femme dans une petite vengeance, arborant un sourire satisfait. Séli glissa dans l’eau pour s’éloigner d’un léger air offensé et quand Léodagan se releva pour tenter de la rattraper seul un grognement lui échappa, retombant dans l’eau, les muscles de son dos lui interdisant de faire un mouvement de plus. Il se n’était peut être pas roulé dans ses entrailles, mais la bête qu’il avait eu à combattre avec ses compagnons lors de leur voyage ne l’avait définitivement pas épargné. Sa femme fronça les sourcils et prit la parole avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit pour prétendre aller parfaitement bien.

- Tournez vous.

- Hein ?

- J’ai dit : tournez vous.

Pas en mesure de riposter, Léodagan se retourna dos à Séli et ce sans broncher. Celle-ci le guida jusqu’au rebord de la baignoire avec une délicatesse dont elle faisait rarement preuve avant de venir s’attaquer aux lombaires de son mari avec beaucoup moins de gentillesse, la tête de celui-ci tombant d’un coup d’un seul dans un soupir sur ses bras pliés contre la bordure en bois. S’il y avait une chose qui lui était sortie de la tête, c’est qu’un des rares avantages à avoir une femme qui avait connu le champs de bataille était ses très bonnes connaissances en massage/décoinçage post-combat. Il aurait pu s’endormir sous les doigts experts de sa femme si quelques baisers n’étaient pas venus se déposer dans sa nuque, le maintenant agréablement éveillé. Quand Séli jugea bon d’arrêter les soins sur le dos de Léodagan elle l’en informa d’une légère caresse sur l’épaule et très naturellement celui ci se retourna, laissant sa place à Séli qui vint instinctivement s’adosser à la baignoire et tirer son mari fatigué dans ses bras, laissant sa tête reposer sur sa poitrine et fermant les yeux à son tour.

Quand la suivante de Séli entra pour s’assurer que tout allait bien pour elle, Léodagan grapilla le peu de volonté qu’il lui restait pour demander à faire réchauffer l’eau du bain. Il était bien, là, au chaud dans les bras de Séli et loin du tumulte des réunions qui l’attendaient à Kaamelott, alors ce bain il comptait bien en profiter et ce le plus longtemps possible.