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Echappatoire

Summary:

Une cabane cachée au regard des plus curieux est le théâtre de rencontres entre des amants au fil du temps. A quelques quatorze du mois, une parcelle d’histoires est déposée entre ses murs silencieux.

Notes:

Ce texte est un OS écrit lors de la participation à l’ASPIC (Ateliers Scripturaux Promouvant l'Imagination et la Créativité) organisé par le serveur Discord Potterfictions sur le thème : fluff et Saint-Valentin.
Vous pouvez nous rejoindre via le lien suivant : https://discord.gg/5FHmSpEfvh
Mon ship imposé est : Sirius Black / Remus Lupin
Mon personnage secondaire imposé : aucun
Lieu imposé: En huis-clos
Liste de mots à caser : alliance / passerelle / doux / cabane / cheville
Nombre de mots imposés: Entre 500 et 3000 mots.

Ce texte a été assez difficile à écrire et m'a sortie de ma zone de confort. Je remercie les deux bêtas anonymes et la lecture des deux organisatrices @Pouik et @ Akhmaleone sans qui, cet OS n'aurait pas la même tête. J'espère que vous l'apprécierez, d'autant plus car il se déroule dans l'univers de ma prochaine longue fanfiction.

Work Text:

14 février 1988

Lorsque Tonks avait créé cette petite cabane à l’orée du bois, l’année de ses quinze ans, c’était pour pouvoir embrasser la fille dont elle était tombée amoureuse cet été de son adolescence. Elle s’appelait Saphia. C’était la grande cousine d’une sorcière qui habitait dans la même commune qu’elle. Et Saphia ne possédait pas de magie ni de baguette. Elle n’avait aucun pouvoir. Aucun. À part peut-être celui de fasciner Tonks. De l’ensorceler avec ses yeux un peu trop verts pour être tout à fait réels et avec sa bouche charnue toujours colorée d’un rouge à lèvres noir qui se mariait avec ses longs cheveux charbonneux. 

Tonks se rappelait encore les baisers de son premier amour. Le goût du cassis resterait à jamais lié à cet été torride où elle avait fait apparaître cette cabane , rien que pour elle. Ce ne fut que l'année suivante que la sorcière pensa à l’effacer des radars et à lui jeter un sort afin que ce logis, qu’elle avait fait sien, puisse guider les êtres qui s’aimaient. Créer ce sort pour faire de ce lieu de sérénité une chaumière sur demande n’avait pas été simple. Mais Dora aimait les défis. Et la sorcière avait été touchée par la carte d’amour et d’adieu que lui avait envoyée Saphia le quatorze février, en hommage à un certain Valentin. Durant des jours, la sorcière s’était demandé ce qu’avait pu faire cet homme pour que son nom réunisse les amoureux du monde entier.

 


14 février 1976

  Lorsque Sirius avait découvert le secret de Remus aux côtés de Peter et de James, il avait eu peur. Qui n'aurait pas eu peur en découvrant que l'un de ses amis les plus proches se transformait en bête féroce à chaque pleine lune? Puis il avait ressenti de la peine et une envie viscérale d'aider son meilleur ami à supporter ces nuits de solitude. Sirius fut le premier à penser à l'idée d'animagus. Deux longues années. Ce fut le temps nécessaire pour que les trois amis puissent utiliser correctement cette faculté. Cela avait été long, éreintant, mais Sirius n'avait jamais pensé à abandonner. Il pensait que c'était par amitié, par amour pour Remus qui était si tendre, si gentil, si compréhensif comparé à James ou lui-même.

La première fois que les trois amis l'avaient accompagné lors de sa transformation était une nuit qui avait marqué à l'encre indélébile l'esprit de Sirius. Pour la première fois, il avait assisté à l'intégralité de la douloureuse transformation de Remus. Sirius aurait pensé ne ressentir que du dégoût et de la détresse en entendant les os du rachis, des poignets et des chevilles de son camarade craqueler. Cependant, lorsque les gémissements de son ami fendirent l'air dans l'obscurité, un désir saisissant l’avait foudroyé. Et il comprit enfin lorsque le gigantesque loup aux yeux dorés, sauvage, indomptable plaqua son corps contre le sol avant qu'il ne se transforme en chien pour amortir le choc. Sirius comprit à ce moment-là qu'il voulait Remus. Que le garçon aurait pu le tuer sur le champ. Il se serait laissé complètement faire. Parce que Sirius n'avait pas opéré cette transformation par simple camaraderie. Il voulait Remus dans son entièreté. Même au plus bas, il voulait ses yeux lupins, brillant comme des torches dans l'obscurité pour mieux l'embraser. Sirius voulait tout de Remus, même cette part meurtrière et sale de lui qu'il abhorrait. Sirius voulait tout aimer, tout disséquer, tout absorber. Pour ne faire qu'un avec Remus. Et effrayer la solitude qui toujours le poursuivait.


14 février 1996

La passerelle pour atteindre la petite cabane créée par Dora était ravissante. Le genre de chemin qu’on retrouvait dans les contes de fées et qu’il aurait adoré plus jeune. Ce fut ce que se dit Sirius alors qu’il atteignit la porte en bois. Il pénétra dans l’habitacle, qui était d’une chaleur réconfortante et contrastait avec le vent qui fouettait son visage.

Depuis Azkaban, Sirius avait toujours froid et tout lui semblait plus beau. Parfois il se demandait s’il avait bien fait de revenir. 

Se battre. Il n’avait fait que ça. Se battre pour rester en vie ces douze années à Azkaban. Se battre lors de sa cavale. Se battre encore et encore. Il avait besoin de paix. Juste un peu de paix dans le tumulte douloureux de son existence. Et Dora lui avait offert ce repos. Ce cadeau. Sirius avait éclaté de rire lorsqu’elle était venue lui parler une semaine plus tôt. Leur conversation avait été hilarante.

Le fugitif s’était senti rajeunir, un peu comme lorsqu’il discutait avec Harry. Ou lorsqu’il était seul avec Remus et que ses longs doigts anguleux se mêlaient aux siens dans un réflexe pavlovien pour le détendre lors des réunions de l’Ordre.

Tonks était arrivée alors que Sirius mangeait du porridge dans la cuisine de ce manoir qu’il abhorrait et qui lui rappelait des souvenirs de son adolescence qu’il aurait préféré effacer. Plus il avançait dans sa vie, plus le sorcier trouvait l’idée de l’oubli attirante. Puis, il se souvenait que Remus était présent dans certains souvenirs terribles de son adolescence. Et pour Sirius, il était inimaginable d’oublier son meilleur ami. Son premier amour. Son seul amour sans doute.

Sirius s’égarait. Cette femme qu’il avait imaginée comme celle détenant le cœur de Remus dont il s’était éloigné à cause de la mort, de la guerre, des détraqueurs, de la détresse et de la solitude, était venue à lui. Et elle lui avait balancé sans pincette :

 

« Vous vous aimez encore alors pourquoi vous ne faites rien ? avait demandé l’auror aux cheveux roses.

      Pardon ? s’était étouffé Sirius, pris au dépourvu.

      Je peux bien être le soleil de Remus mais je ne peux pas être son étoile la nuit, avait expliqué Tonks. Remus n’osera jamais faire un pas vers vous parce qu’il m’aime. Je le sais même s’il n’ose pas me le dire. Et il craint aussi de ne pas mériter votre amour.

      Comment tu peux être si sûre de toi alors qu’il ne t’a rien dit ? demanda Sirius, amusé par son assurance.

      Qui ne le remarquerait pas ? Il a beau être un ancien membre de l’Ordre du Phoenix, il cache très mal ses sentiments.

      Remus est un idiot.

      Notre idiot imbécile, rectifia Dora avec un rire clair. Donc, parlez-lui. Je sais que vous ne pouvez pas sortir de square Grimmaurd mais j’ai une propriété indétectable… »

 

Après une discussion colorée, la sorcière lui avait donc prêté cette cabane, lui jurant qu’elle trouverait un moyen de rameuter Remus sans le faire fuir. Pourquoi Dora avait choisi le quatorze février ? Une histoire de fête des amoureux chez les moldus. Et cette simple information avait fichu la trouille à Sirius. Il s’était donc rasé de près, avait pris soin de lui comme il ne l’avait pas fait depuis des l ustres pour ne pas avoir l’air ridicule.

Sirius voulait encore d’une histoire avec Remus. Malgré ses doutes, malgré le fait qu’il n’avait pas cru  en son innocence, malgré la distance, Sirius l’aimait encore. Il ne l’aimait pas comme au premier jour. L’ancien Gryffondor ne saurait même pas dire quand il avait commencé à l’aimer. C’était aussi simple que de respirer, que de jeter un sort, que de se transformer en animagus pour pouvoir observer le monde à travers les yeux d’un être canin. Aussi facile que de le protéger de lui-même. Et de créer ensemble un monde chatoyant, loin de la morosité, de la terreur qu’était le monde.

Sirius éclata de rire, seul. Il n’était plus un adolescent. Il devait se ressaisir.

Cette idée s’échappa de son esprit dès que Remus pénétra à l’intérieur de la cabane. Il ne portait qu’un simple tee-shirt gris. Ses bras nus malgré le froid étaient recouverts de cicatrices. L’ancien professeur en avait de nouvelles que Sirius ne connaissait pas. Et il voulait les redécouvrir et lui montrer les siennes. Occulter la pudeur et la honte.

Sirius était stupide. Stupide de croire qu’il pouvait ignorer et atténuer son amour pour éviter de les consumer. Enfin, ils étaient seuls. Personne dans une autre pièce ne les empêcherait de dépecer leur cœur. Les yeux de Remus, océan d’or pur, étaient emplis d’un éclat presque douloureux à cause de toute la tendresse qu'ils transmettaient.

Sirius était tétanisé par l’apparition de Remus. Par son sourire doux et timide.  Il n’avait pas la force d’ouvrir la bouche. Alors que l’animagus était toujours celui qui prenait les devants lorsqu’il s’agissait d’eux. Sirius avait l’impression de pouvoir se briser à n’importe quel moment à cause du poids de l’amour et du désir. À cause de la peur de la mort et de la disparition.

Remus resta silencieux. Et le brun n’eut pas le temps de calmer les battements de son cœur que déjà l’homme de sa vie s’avança vers lui et fit une seule chose. La seule chose dont il avait besoin à cet instant. Remus l’enlaça. Et Sirius s’effondra.

Les bras fins du lycanthrope le serrèrent fort. Si fort que Sirius espéra que son corps puisse se disloquer, se craqueler et devenir de la poudre d’os que Remus pourrait garder tout contre lui. Les larmes tombaient en cascade de ses yeux gris, ses gémissements pitoyables à ses propres oreilles, mais enfin le parfum de Remus le recouvrait. L’odeur de sa peau avait changé mais il y avait toujours ce petit quelque chose qui n’appartenait qu’à lui. Et il y avait la voix rauque et chaude de Remus qui lui murmurait qu’il l’aimait encore. Qu’il était désolé d’être ainsi. Si maladroit et si avide. Et son meilleur ami lui chuchota qu’il le voulait encore. Qu’il le voulait peau contre peau. Remus était stupide de s’excuser ainsi, de le révérer ainsi alors qu’il avait perdu toute prestance. Ils étaient tant ravagés tous les deux. L’ancien prisonnier avait encore si froid. Mais Sirius se laissa étreindre par la chaleur de Remus. À nouveau, leur amour créa un barrage contre leurs propres démons et un réceptacle pour y déposer les naines noires qu’étaient leurs rêves d’antan en quête d’espoir.


14 février 1977

Remus désirait Sirius. Il le désirait à s’en étouffer. Et l’adolescent ne savait pas si c’était normal de ressentir une émotion d’une telle force pour son meilleur ami. Parfois, il l’observait rire avec James. Remus l’observait détailler le lunetteux et les autres garçons de leur promotion. Ses cils beaucoup trop longs papillonnaient lors du processus. Et le lycanthrope voulait lui arracher les yeux. Pour les goûter, pour que ses pupilles ne regardent que lui. Remus avait faim de son odeur, de sa sueur, de ses muscles, de ses tendons et de la graisse légère au niveau de ses cuisses. Cet appétit bestial le rongeait de l’intérieur. 

Et Remus était là, assis juste à côté du garçon qui lui faisait douter de sa sanité. Tout en haut de la tour d’astronomie, les jambes au bord du précipice, l’élève de sixième année se demandait comment il pourrait continuer de feindre son absence d’attirance. Les cheveux de Sirius cascadaient sur ses épaules alors qu’il lisait un livre érotique. C’était un ouvrage avec des hommes et des images qui auraient fait pâlir plus d’un. Sa cigarette au coin de ses lèvres, un poison moldu qui l’avait fait chavirer, pendait entre ses dents. 

Et Remus détestait cette odeur goudronneuse qui commençait à se lier à la sienne. Et il détestait aussi le fait que Sirius n’en avait rien à faire de se ruiner les poumons avec ces bizarreries. Avec un soupir agacé, l’adolescent lui retira l’objet blanc d’un geste brusque avant de le jeter. 

Sirius n’émit aucun commentaire. À la place, un sourire à mi-chemin entre la tristesse et un amusement manifeste se dessina sur son visage. Cette expression, c’était tout lui. Insolente, fragile et étrangement désirable.  

«Tu n’as pas à être aussi stressé… La nicotine ne tue pas avant de nombreuses années.

— Même… Ça n'a aucun sens de vouloir se pourrir la santé comme ça. En plus, ça change ton odeur. C’est pas agréable …

— Au moins, tu ne pourras jamais m’oublier comme ça.

— Quoi ? s’exclama le loup décontenancé. 

— Dès que l’animal en toi sentira l’odeur de ces cigarettes, il pensera à moi.» déclara avec une nonchalance insupportable Sirius sans le quitter des yeux.

À ces mots, des larmes s’échappèrent des orbites de Remus, malgré lui. À quoi bon se cacher si Sirius savait qu’il était aussi sombre, aussi sale ? Remus savait à quel point le garçon tordu au sourire fleuri avait su voir au travers de son masque de mesure et de gentillesse. Remus était fatigué. Il sentit la panique de son compagnon à la première apparition d’une goutte d’eau salée et ses doigts éclipsèrent cette averse avec délicatesse. 

 

«Lunard, je… murmura son ami, embarrassé. 

—Ne t’excuse pas… Juste serre-moi fort. Et n’arrête jamais… le coupa Remus bouleversé. 

— Je t’aime. » lâcha Sirius.

Cette déclaration était comme un écho des mots qui traversaient l'esprit de Remus sans jamais atteindre leur cible.


  14 mars 1996

Remus écrasa la cigarette qu’il fumait sur le cendrier multicolore de Dora avant de rentrer dans la cabane. Depuis qu’il pouvait prendre Sirius dans ses bras, respirer son odeur sans se priver et le sentir tout contre lui lorsqu'il dormait, le sorcier avait l'impression de revivre. Et déjà ses anciens travers revenaient au galop. 

Sirius lisait un livre, allongé avec nonchalance sur l'énorme lit à baldaquin. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en un nœud lâche et il arborait le genre d'expression si rare sur son visage mais si belle. Celle de bonheur tranquille, de plénitude malgré les ombres, malgré la guerre. Et Remus ne désirait rien de plus que manger ses lèvres, lécher sa peau. Il voulait manger son étoile tout simplement pour qu'il continue de briller à l'intérieur de lui et jamais ne s'éteigne. Oh il se perdait et l’ancien forçat le remarqua ! Ses pupilles pleines de malice s'illuminèrent alors qu'un sourire mutin apparut sur son visage. Son amour n'était jamais plus beau que dans ses moments. Lorsque Sirius lui souriait rien qu'à lui. Pas d'un sourire faux, moqueur ou rieur pour amuser la galerie. Non, un sourire éclatant, luisant dans l'inconsistance de l'existence. Rien que pour lui. 

« Si tu veux me rejoindre Lunard, fais-le au lieu de rester planter ainsi. » déclara Sirius en refermant son ouvrage.

Remus lui répondit avec un sourire avant de s'approcher avec lenteur de la couche jusqu'à s'agenouiller juste au bord de celle-ci. Ainsi son visage était aligné avec celui beaucoup plus pâle de Sirius.

« Je veux plus que ça et tu le sais, murmura le lycanthrope, fasciné par l’intensité de ses propres émotions. 

— Tu sais bien que je n'aie jamais rien pu te refuser. Embrasse-moi.» répondit son homme avec insolence.

Et ce fut ce que Remus fit. Le goût du café et de l'amande explosa dans sa bouche alors que sa langue dansait, valsait avec celle de son compagnon. C’était doux . Et Remus savait qu'il ne se passerait jamais de sa chair. Jamais.


14 avril 1996

Sirius avait passé une alliance à son doigt. Elle était en acier puisque l’argent irritait Remus. Un simple anneau à son annulaire droit. Sa tête posée sur ses cuisses alors que Remus lui caressait les cheveux, pensif, il avait passé la bague l’air de rien sur sa phalange déformée. 

Remus en resta sans voix quelques instants avant de prendre la main de son amant, ornée du même bijou et d’y déposer ses lèvres avec tendresse. 

« J’ai demandé à Tonks si elle voulait aussi t’offrir une bague ou en recevoir une… déclara Sirius.

— C’est pas son genre, pouffa de rire Remus.

—  La folle m’a dit qu’il faudrait un truc plus utile qu’un objet en acier qu’elle finirait par perdre. T’as une idée d’un truc qui lui ferait plaisir? 

— Elle a tout le temps froid. Peut-être qu’un foulard ou une écharpe serait pas mal… réfléchit le lycanthrope.

— Je garde l’idée en tête. »

Les deux hommes se plongèrent dans leur silence confortable. Et Remus se décida à s’allonger pour s’enrouler telle une cuillère autour de son amant. L’ancien professeur trouvait cela amusant que son amour offre un cadeau à son autre amante comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Il se demanda s’il avait le droit de recevoir autant d’affection. Parfois, Remus se rappelait qu’il pouvait perdre cet équilibre précaire en un claquement de doigts. Et Sirius lui manquait toujours même lorsqu’il l’enlaçait. 

«Arrête de réfléchir. Je peux pas dormir sinon… » chuchota Sirius avant de l’embrasser. 

Et les lèvres de son étoile dressèrent un voile brumeux entre leurs corps enlacés et le monde crevassé.

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