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Itadori porte le dernier coup, le fléau finit encastré dans le mur déjà en partie détruit par le combat, libérant l’aire de jeu de ce quartier résidentiel. Après cet affrontement, une reconstruction est à prévoir. Les balançoires et toboggans sont réduits en un tas de ferraille biscornu, le chemin de terre est devenu cahoteuse et quelques arbres fendus suite au choc contre leur fût. Les feuilles des arbres sont tombées, cachant presque le sol boueux de leur combat.
Pendant que le fléau se désintègre petit à petit en poussière virevoltant, le peu de mur restant debout finit par s’effondrer. Le garçon s’écarte des débris en chute, le sourire triomphant scotché à son visage. Un fléau en moins , se dit-il. Yuji espère que son coéquipier à vu son coup de poing final, il s’était entraîné pour le parfaire dans les moindres détails. Le garçon aux cheveux rose se retourne vers son coéquipier d’un air beaucoup trop enjoué. « T’as vu ça Nanami ! Je me suis encore amélioré depuis la dernière fois ! » L’homme regarde Yuji puis le tas de gravats derrière le jeune garçon, les sourcils froncés et la mâchoire serrée, Nanami est irrité par les évènements à venir. Pendant qu’il range son épée émoussée, il s’avance vers Itadori puis s’arrête au même niveau du jeune homme.
Le garçon regarde patiemment le presque trentenaire, s’attendant à être félicité pour cette mission réussite. Yuji observe l’exorciste de classe un retirer ces lunettes en soupirant et frotter ses yeux, visiblement fatigué. « Tout ce que je vois, Itadori, c’est la voiture sous les gravats. On ne va pas pouvoir rentrer de sitôt. » dit-il en remettant ses lunettes. Yuji cligne plusieurs fois des yeux, balayant son regard sur le tas de décombres avant de commencer à distinguer ce qui ressemble à la voiture de fonction de Nanami. « Si je la sors de là-dessous, peut-être qu’elle est encore en état de rouler ! » L’adolescent a à peine le temps de commencer sa course qu'une poigne dure le retient par la capuche, le tirant en arrière. « Reste ici et ne bouge pas. » ordonne l'homme plus grand.
Cette force dure, mais contrôlée fait comprendre au jeune garçon qu’il vaut mieux pour lui de rester tranquille pour un petit temps. Kento était sur son téléphone quand il a attrapé le jeune homme sans lever les yeux de l’objet électronique. Itadori crût entendre l’homme marmonner un : « Qui a enfermé ma voiture sous le rideau ? Mais en même temps qu’elle idée de la garer là. » L’adolescent repense au moment où il a encastré le fléau dans le mur, se rendant compte qu'il n'avait absolument pas fait attention à ce qu’il pouvait y avoir derrière. « Désolé pour ta caisse. » s’excuse-t-il d’une voix atone. L’exorciste lance un regard au garçon puis remet son attention sur son téléphone qu’il amène à son oreille. « C’est bon Itadori. Il fallait que ça arrive un jour. Ne te culpabilises pas pour ça…- Allô Ijichi ? Peux-tu venir nous chercher, la voiture est enterrée sous un tas de gravats. » Nanami écoute Ijichi, espérant que le temps d’attente ne soit pas trop long. Il a vraiment envie de rentrer chez lui en vitesse. Prendre une bonne douche, un repas rapide et dormir à poing fermé.
« Quarante minutes ?... OK, raccroche-t-il, tu as entendu ?
Le garçon aux cheveux rose hoche la tête.
— J’aurais préféré plutôt, mais bon, nous avons pas vraiment le choix, souffle Kento
— Sinon on peut prendre les transports en commun ? Revenons vers le centre ville pour faciliter Ijichi.
— Sans façon. Je préfère me mêler le moins possible à la foule pour aujourd’hui. »
Itadori soupire furtivement, sa tentative déguisée est tombée à l’eau. Il espérait revenir vers le centre, trouver un endroit où manger pour convaincre Nanami de passer du temps ensemble. Les occasions comme celles-ci de travailler en binôme sont devenues plus restreintes ces derniers temps, ces missions en duo lui manque. L’adolescent ne peut le voir que dans ces moments-là, mais Itadori aimerait le rencontrer en dehors de leurs fonctions, déceler le privé de l’homme. Nanami est-il aussi réservé et sérieux tout le temps ou est-ce une facette qu’il a uniquement pour le travail ? s’imagine Itadori.
Voyant ces pensées diverger, l’adolescent se reconcentre sur le réel et regarde autour de lui. Rien pour s'asseoir qui n’a pas été détruit dans ce parc, Yuji continue de balayer son regard dans la rue cette-fois-ci, guettant le moindre rebord de muret ou banc public, hélas rien à l’horizon. Les sourcils du garçon aux cheveux rose se lèvent de curiosité à la vue d'un panneau d’arrêt de bus vert presque collé au mur recouvert en parti de verdure, avec ce qui semble être des tabourets et une chaise tournante de bureau disposés de part et d’autre du poteau. Bizarre d’avoir laissé ça là, mais ça fera l’affaire ! rit-il intérieurement. Itadori bondit en avant, invitant l'exorciste à le suivre.
Tous deux emboîtent le pas vers ces sièges atypiques. Nanami est visiblement perplexe face à la qualité de ces assises, néanmoins l’envie de rester quarante minutes debout l’emballe encore moins. Avec une expiration, l’homme s’assoit côté gauche du poteau d’arrêt, sur le tabouret dur, froid et un peu rouillé. Tandis que Yuji se vautre dans le siège de bureau à droite, l’aubette verte les séparant.
Nanami s’adosse au mur derrière lui, sentant les feuilles lui chatouiller le haut de la tête. Ces yeux se ferment pendant une minute de respirations lentes et fatiguées. Son regard s’ouvre laborieusement, fixant la voiture sous les débris, son esprit est parti ailleurs, il en profite pour se reposer un peu l’esprit. Mais c'est de courte durée, la sensation d’être observé lui fait tourner la tête vers Yuji, qui le contemple.
« Itadori ?
— Tu ne veux pas me voir Nanami ? Demande-t-il d’un ton espiègle.
— Excuse-moi, mais je ne te suis pas.
— Tu t'es assis loin. Tu me boudes ? »
Nanami cligne des yeux ne comprenant pas vraiment cette question ni même le pourquoi de cette question.
« J’ai pris le siège qui était à ma porté. Rien à voir avec ta personne, Itadori.
— Cool ! Alors je peux venir à côté de toi ?
— Fais comme tu veux. »
Le sourire s’élargit sur son visage, c’est alors que, toujours assis, Yuji décolle la chaise de sa place puis avec ses pieds se dirigent jusqu’au côté libre de son coéquipier. Le bruit des roulettes en plastique qui se meuvent sur le béton humide, casse le silence de ce coin calme de la périphérie. Nanami porte un regard sur tout le trajet d’Itadori pour arriver à ses côtés. Voir ce sourire et l’attitude d’un adolescent normal encore présent chez Yuji lui réchauffe le cœur. Lui qui s’inquiète que le rôle de réceptacle de Sukuna oblige son protégé à quitter prématurément ce moment d’insouciance. Pauvre garçon , avait pensé Nanami en apprenant pour la première fois son existence, qui plus est, arrivé par hasard dans ce monde d’exorcistes et de fléaux.
Un silence confortable s’installe dans la rue, seul le bruit des voitures et de la vie de début de soirée se font entendre au loin de ce quartier résidentiel. Kento scrute un moment le visage de son coéquipier, remarquant les petites cernes sous ses yeux, le teint légèrement plus pâle que d’habitude. Sa position contractée lui fait se demander si Itadori ressent une douleur quelconque ou, alors a-t-il tout simplement froid ? Peut-être devrait-il chercher un endroit où se mettre au chaud en attendant Ijichi ? Son attention revient sur les petits traits sous le côté des yeux marron de l’adolescent. Kento se demande si le Roi des Fléau entend tout ce qui se passe autour de Yuji, ressent-il les sentiments et les émotions de son respectable ? Comment ce garçon peut-il avoir une vie privée avec un énergumène à se trimballer, s’indigne-t-il. Sans s’en rendre compte, sa mâchoire se serre et sa respiration ralentit. « Nanami ? Tout va bien ? Tu me fixes depuis tout à l’heure. » L’homme croise le regard préoccupé et visiblement intrigué par cette fixette de sa personne. L'exorciste se détend, revenant au moment présent.
« Désolé Itadori. Je me pose juste des questions.
— Par rapport à moi ?
— Oublie. Je me suis perdu dans mes questionnement. »
Toujours bienveillant, le garçon le regarde avec un doux sourire et pivote sur sa chaise vers son interlocuteur : « Tu peux me les poser, tes questions. Je sais que c’est en rapport de près ou de loin avec moi. Tu me regardes comme si j’étais un fléau à abattre, même si c’est un peu vrai. » rit Yuji.
Sukuna doit être vexé d’être considéré comme un simple fléau. Cette pensée fait lâcher un rictus de la part de Nanami, tous deux se détendent en un instant risible partagé. Kento réfléchit à ce qu’il allait dire avant de croiser les bras contre sa poitrine et de commencer : « Comment le vis-tu ? Ta vie d’avant ne te manque-t-elle pas ? » À la question, le visage d’Itadori se fane, le sourire disparaît pour laisser place à un visage pensant. Le garçon regarde devant lui, sa bouche forme une petite moue de quelqu’un qui cogite.
« Eh bien, je n’y ai pas vraiment réfléchi, ou peut-être au début, mais en fin de compte non, et puis je fais encore des activités comme avant tout ça. C’est juste un petit plus dans mon quotidien.
— Et avec Sukuna ?
— Parfois sa… non présence ? Cela me met mal à l'aise, surtout au début. Il aime bien apparaître soudainement pour me faire part de ces commentaires désobligeants et ça m’énerve. Cet enfoiré fait exprès de surgir dans les pires moments… avoue Yuji en prononçant sa dernière phrase dans un ton bas et les joues légèrement rouges.
Nanami comprend cette dernière phrase, même s’il doute de la nécessité de savoir cette information.
– Je suis désolé que tu dois subir ça.
– Maintenant ça va mieux. Il me laisse tranquille.
– Tu t’es préparé à mourir ? Tu seras exécuté si tu ne meurs pas avant.
– Oui je suis prêt. Au fond, j’ai dû l’être au moment de la mort de papi. Certes je ne vais pas vivre longtemps donc je ne vais pas pouvoir réaliser certaines des choses que je veux faire, mais si cela permet d’empêcher Sukuna de tuer des innocents, alors je le ferai. »
Kento l’écoute, comprenant mieux l’attachement qu’il a pour ce garçon. Yuji reprend : « Papi m’a dit ; De mettre ma force aux services des autres. Si cette force doit prendre cette forme, alors j’accepte de me battre et de mourir le jour venu. » L'exorciste s’était levé pendant que Itadori parlait. Il est maintenant devant le garçon, ses pieds touchant presque ceux de l’adolescent. Kento retire ses lunettes et les range dans sa poche. Itadori peut voir les petits yeux fatigué de l’homme en face de lui qui le regarder d’un air affectueux, avec les coins de sa bouche qui se courbent en un sourire discret, sincère et unique à l’homme.
— Je t’apprécie. Tu es courageux, empathique au point où tu es prêt à te sacrifier pour les autres. Tu es ce que je ne suis pas. Tu mérites de vivre.
— Nanami… murmure l’adolescent manifestement touché.
— Prends soin de toi. Reste en vie le plus longtemps possible. On ne veut pas te perdre.
Je ne veux pas te perdre, s’avoue-t-il pendant qu’il lève sa main et la glisse dans la touffe rose de Yuji pour l'ébouriffer tendrement. Une marque d’affection quasi nouvelle pour Nanami et voir la réaction mi-gênée, mi-heureux du garçon, lui donne envie de continuer juste pour voir cette expression un peu plus longtemps.
« Dit moi Itadori, quels sont tes projets, que tu veux réaliser ? interroge-t-il en retirant sa main des cheveux rose du garçon.
— Je te le dirai si tu me dis les tiennes !
Nanami semble réfléchir puis répond :
— Je veux prendre au plus vite ma retraite et finir mes jours en bord de mer, surtout en Malaisie. Sur une plage déserte de toute présence avec comme unique divertissement des livres à lire à en plus finir. C’est sans doute le dernier rêve de mon ancienne vie d’employé. Étrangement ça m'a suivi même quand je suis redevenu exorciste.
Yuji l’écoute le cœur grand ouvert, prenant mot après mot le rêve de son partenaire.
— Tu pourrais faire une exception et me laisser taper l’incruste ? J’ai jamais voyagé et j’aime bien la mer. »
L’homme sourit en s’imaginant ce paysage avec Itadori à ses côtés et cette idée ne pourrait pas lui déplaire. Après quelque seconde de silence, l’adolescent compris que l'exorciste attendait sa réponse, Yuji hésite de trouver un mensonge bateau, ne se sentant pas vraiment prêt à le dire de cette façon, mais au regard encourageant de Nanami, Itadori se sent pousser des ailes et finis par essayer de plonger dans le regard de son interlocuteur. Les joues commencent à virer vers le rouge et sa lèvre du bas devient vacillante à l'approche de sa réponse. « A-accepte de manger avec moi, même si ce n’est qu’une seule fois. » Yuji reprend son souffle et de finir : « S-s’il te plait, Kento. »
Nanami n’en croit pas ses oreilles, il s’attendait à entendre quelque chose d’extravagant tout droit sortie du cerveau d’Itadori, pas à quelque chose d’aussi trivial, d’aussi intime. Mais en y repensant, il se dit que c’est peut-être la chose la plus sincère et la plus représentative de jeune garçon. L’homme se dit qu’il allait s’amuser à le voir s’embarrasser un petit peu.
« Pourquoi tu rougis en me demandant ça ?
– Parce que pour moi ça ne sera pas juste manger avec un coéquipier de mission ou un ami, mais plutôt comme… comme… »
D’habitude tu es si confiant et là si hésitant, pense Nanami en regardant Itadori. Maintenant le jeune homme a le regard fuyant, des joues pourpre et se tortille d'inconfort d’être piégé par cette situation. Tu es si joli, s’avoue Kento.
« Te rends-tu compte de ce que tu dis, Yuji ? » demande-t-il d’un ton rauque. À l’entente de son prénom de cette manière, l’adolescent rougit de plus belle en hochant la tête accompagné d’un “oui”. Nanami acquiesce et jette un coup d’œil à sa montre, découvrant la rapidité dans laquelle les quarante minutes sont passées et aucune trace de Ijichi. Il s’excuse auprès de Itadori accompagné d’un doux effleurement sur l’épaule de l'adolescent puis s'écarte pour appeler leur collègue.
Ijichi ne répond pas aussi vite que d’habitude, quelque chose a dû se passer pendant ce laps de temps. Après une deuxième tentative d’appel leur ami décroche enfin, au bout de la ligne l’homme s’excuse avant même que Nanami puisse dire quoi que se soit. Il n’a pas fallu longtemps pour comprendre qui est derrière l’agitation de son collègue, il imagine très bien la situation ; Ijichi en route pour venir, se doit de bifurquer sous l’ordre capricieux et soudain après un appel d’un certain Satoru.
L'exorciste écoute d’une oreille les explications déjà deviner de Ijichi. Il regarde Itadori attendre son retour. Le blond peut voir les jambes du jeune garçon se secouer nerveusement, sans doute à cause de son aveu imprévu. Normal qui l’est des réactions en adéquation avec son âge, même si venant de Yuji, le contraire ne l'aurait pas étonné pour autant.
La lumière blanche du lampadaire vient souligner encore plus les traits fatigués du garçon. Fatigué de toutes ces missions en plus des cours. Kento se dit qu’il touchera un mot ou deux à Satoru, quitte à le faire partir plus souvent en mission à la place de Yuji. Il met fin à l’appel en précisant bien à son interlocuteur qu’il n’a rien à se reprocher, puisque personne ne peut passer à travers la ténacité de Gojo quand il désire quelque chose. Le blond se rapproche de Yuji qui semble s’être calmé et faire comme s'ils n'avaient jamais eu cette discussion.
« Gojo je parie, affirme Itadori en sachant d’avance la réponse.
– Tu as deviné. Bravo. »
Un sourire naît sur le visage du jeune homme et Kento le regarde, capturant cette image pour toujours en mémoire. Malgré tout, l’adolescent à su trouver son rythme et sa place parmi ce monde d’exorciste et de fléaux. Peut-être y arrivera-t'il aussi avec Nanami ? C'est avec un visage serein et un sourire paisible se dessinant que l'exorciste de classe un prend la parole. « Yuji, choisis ce que tu veux dîner. Je te suivrai, peu importe ce que tu veux. » propose-t-il la main tendue, invitant le garçon à la prendre.
Itadori regarde la main, se demandant si c’est réel ou si Sukuna lui joue des tours, mais au moment où ses doigts touchent la paume de Kento, il sentit la bienveillance, la chaleur et l’affection dans cette prise de main. Yuji sait qu’à partir de maintenant, il ne lâchera en aucun cas cette main. « Va pour des nouilles ! » sourit-il et bondit de sa chaise, la faisant claquer contre le mur et laissant son corps et son esprit épancher sa joie sous le regard aimant de Nanami.