Actions

Work Header

Merci Commissaire Hazan

Summary:

Quand Karadec revient à la DIPJ, le lendemain du départ de Morgane, Céline veut lui parler. Très bien, ça l'aidera à penser à autre chose. Mais quand la commissaire commence la discussion, il n'en est plus si sûr...

Notes:

Ça y est ! Demain on entame la dernière partie de HPI. Déjà ! Allez une petite dernière post-5x04 pour la route, j'espère qu'elle vous plaira !

Se passe après le 5x04 mais sans aucun spoil, je n'ai même pas vu la bande-annonce. Merci de ne pas faire référence à des spoils ou à des éléments de promo dans les commentaires merci !

Vous pouvez, une fois n'est pas coutume, remercier lesbullesdegg sans quoi il y aurait vachement plus de fautes et de phrases à rallonge à trainer dans mes histoires ! Merci GG de toujours trouver le temps de me bêta !

Work Text:

La nuit avait été rude, enfin plus que ça, elle avait été longue. Il n’avait pas fermé l’œil une seule seconde. À la façon dont tout le monde semblait le regarder ce matin, son insomnie devait être parfaitement visible. Lui-même avait refusé de se regarder dans le miroir avant de partir. On lui adressait des "Bonjour commandant" prudents et des saluts de mentons fuyants. Évidemment, cela rendait la chose encore plus pénible. Il savait qu'il avait une tête de déterré, il n'avait pas besoin que tout le monde le lui renvoie en pleine face.

Il entra dans l'open-space soulagé d'atteindre son bureau. Enfin c'était sans compter sur Gilles.

- Wow, dis donc tu as l'air fatigué ! Tu sais que ma sœur m'a offert un oreiller à mémoire de forme, ça fait des miracles.

- Gilles, lui siffla Daphné pour l'arrêter, mais comme souvent le lieutenant fut sourd à ses appels.

- Après je dis ça, mais c'est pas donné. Sinon je connais une très bonne marque de masques à mettre avant de se coucher ou en se levant le matin. Ça rafraîchit le teint, c'est miraculeux. Moi par exemple... Aïeuh !

Daphné venait de lui jeter son gobelet en plastique rigide directement à l'arrière du crâne, il passa par-dessus sa tête et Gilles l'attrapa au vol. Il se retourna vers sa collègue en se frottant la tête.

- Mais ça va pas ! Pourquoi t'as fait ça ?

Karadec adressa un signe de tête reconnaissant à sa lieutenante avant de profiter de la distraction pour rejoindre sa place et se plonger immédiatement dans les dossiers qu'il avait en cours. Tout, plutôt que de penser à la maison vide qu'il avait quittée et au mot laissé sur le bloc-note qu'il n'avait plus touché. Il se mit alors en tête de remplir les paperasses les plus barbantes qu'il put trouver, celles que tout le monde laissait de côté dans l'espoir que le lendemain elles aient disparues. Et bien, aujourd’hui, ce serait chose faite. Lorsque Céline l'approcha, elle dut l'appeler au moins trois fois avant qu'il ne réponde, tant il était absorbé par son activité.

- Oui ?

- Où est Morgane ?

Il reçut la question comme un seau d'eau glacée en plein visage. Les lignes abrutissantes d'informations à remplir avaient temporairement réussi à noyer son chagrin et ses peurs. Le retour à la réalité était violent. Surtout quand il dut admettre que :

- Je ne sais pas.

Il vit très bien le moment où le regard de Céline changea pour se poser vraiment sur lui et pas simplement pour qu'il lui donne l'information qu'elle était venue chercher.

- Adam, tu peux venir dans mon bureau ?

Pourquoi n'avait-il pas simplement le droit de retourner à ses occupations ? Il avait trouvé le compromis parfait pourtant, c'était soit ça, soit se rouler en boule sous sa chaise du bureau et pleurer que les histoires d'amour étaient bien trop compliquées. Au lieu de ça, il se força à se lever pour suivre sa cheffe qui l'attendait déjà dans son bureau.

Dès qu'il ferma la porte, Céline baissa le premier store. Alors qu'elle l'invitait à s'asseoir, elle se dirigea vers le second. Karadec eut juste le temps de voir l'expression surprise et inquiète de ses lieutenants avant que la commissaire ne le ferme aussi.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il en s'installant.

Céline ne s'assit pas derrière son bureau mais plutôt dessus, et Karadec rapetissa juste un peu. Elle le jaugea quelques instants de plus avant d'attaquer.

- Comment ça, tu ne sais pas où est Morgane ? Je croyais que vous viviez ensemble.

- Ce n'était pas exactement ça...

"Vivre ensemble" ça sonnait tellement couple et famille normale. Quand on vivait ensemble, on ne quittait pas le domicile du jour au lendemain en disant qu'on avait trouvé une autre solution d'hébergement. 

- Elle n'habite pas chez toi avec Léo et ses enfants ?

- Si, concéda-t-il.

- Et bien alors ? Elle n'était pas là ce matin ?

- Non…

Cet aveu faisait bien plus mal qu'il n'aurait dû. Morgane n'avait pas été là ce matin parce qu'elle n'avait pas été là hier soir non plus. Et si elle n'avait pas été là hier soir, c'était qu'il avait encore tout fait foirer. Céline soupira profondément. 

- Ça ne t’inquiète pas ?

Si, il avait un millier de questions en tête auxquelles il essayait désespérément de ne pas penser.

- Non, pourquoi ça m’inquiéterait ?

Céline pouffa.

- C’est vrai ça. Pourquoi ça t’inquiéterait de ne pas savoir où est Morgane alors que c’est ta partenaire, la mère de ton fils et que chaque fois qu’il lui arrive quelque chose tu te mets à faire n’importe quoi ?

Karadec se sentit rougir jusqu’aux oreilles.

- Céline, écoute…

- Non, non, je ne t’ai pas fait venir ici pour écouter encore une fois tes bobards sur ta relation avec Morgane. Non. Merci. Il fallait que je te parle de quelque chose. Alors ce n'est peut-être pas le meilleur moment mais c'est assez urgent.

Karadec essaya de ne pas montrer son soulagement de manière trop visible. S'il pouvait éviter de parler de Morgane ou de la relation qu'ils entretenaient, il ne s'en porterait pas plus mal.

- Ils n'ont pas de cases pour Morgane dans leur nouveau logiciel, son contrat sera caduc dans trois mois. 

Karadec fixa Céline sans comprendre.

- Quoi ?

- Morgane ne rentre dans aucune des catégories de la DIPJ, mais j’ai peut-être une solution. Il faudrait que Morgane passe le concours.

- Quel concours ?

Karadec ne comprenait pas. Il n'y avait pas de concours pour devenir consultant justement parce que c'était des gens extérieurs au service.

- Le concours d'OPJ.

Karadec ne put retenir un éclat de rire. Morgane ? Officier de police judiciaire ? L'idée était ridicule. Bien sûr, elle en aurait les capacités. Le problème n'était pas là. Morgane n'était pas faite pour rentrer dans les cases. 

- Morgane n'acceptera jamais.

- Pourquoi pas? Je l'ai déjà vue faire bien pire pour une anti-flic…

Céline lui glissa ça avec un sourire en coin. En temps normal, Karadec aurait sûrement senti venir le piège, mais, avec le manque de sommeil, il sauta à pieds joints dedans.

- Je te signale qu’elle a fait du chantage au major Lenormand pour avoir une bonne note à son stage. Elle ne portera pas l'uniforme.

- Pourtant on a de très bons arguments...

- De quoi tu parles ?

Céline avait cet air qu’il n’aimait guère comme si elle avait un temps d’avance sur lui.

- Bah Adam, enfin…

- Elle a un vrai sens de la justice et elle s’entend très bien avec toute l’équipe. Enfin c’est pas facile tous les jours, mais je pense que Gilles est très attaché à elle, Daphné aussi, même si elle aura plus de mal à l’admettre et même toi…

- C’est de toi dont je parlais Adam. C’est toi, l’argument majeur pour convaincre Morgane de passer ce concours, pour qu’elle reste avec nous.

Si seulement. Mais il n’arrivait même pas à la convaincre de rester chez lui alors trouver un moyen de la faire devenir policière…

- Céline, je ne suis pas sûr d’être la bonne personne pour ça…

Ça faisait mal de l’admettre. Il était son partenaire depuis des années, ils avaient fait un enfant ensemble, partagés un foyer des mois durant, ils avaient même été amants pendant quelques temps et pourtant il ne se sentait absolument pas capable ou légitime à trouver de quelconques arguments pour faire changer Morgane d’avis.

- Adam, je n’ai jamais vraiment compris ta relation avec Morgane mais une chose est sûre, vous tenez beaucoup l’un à l’autre. 

Adam sentit les larmes lui monter aux yeux. Qu’est-ce que ça voulait dire « tenir beaucoup l’un à l’autre » ?

- C’est compliqué, répondit-il, abattu.

- Ça j’avais bien compris oui, sinon Léo aurait sûrement au moins 4 ans et vous seriez déjà mariés depuis un moment.

L’image lui apparut, vive et claire, comme un souvenir. Il était là, devant l’autel, à l’attendre dans son plus beau costume. Morgane entrait dans une robe magnifique, blanche comme neige, ses longs cheveux roux cascadant autour d’elle. Elle le rejoignait et lui prenait les mains avec un sourire doux et taquin alors qu’un Léo de quelques années de plus leur apportait les alliances. Karadec fut pris d’une quinte de toux soudaine. Son cœur battait la chamade. Il jeta un regard vers l’open-space, enfin vers le store qui le cachait, comme pour vérifier que personne n’avait surpris sa pensée.

- Pff, comme si elle aurait accepté de se marier avec un gars comme moi.

L’idée était aussi alléchante qu’elle n’était ridicule. Jamais Morgane n’accepterait de se faire passer la bague au doigt et encore moins par un flic.

- Et toi ?

- Quoi moi ?

- Et bien si Morgane t’avait demandé de l’épouser, qu’est-ce que tu aurais répondu ?

- Elle ne ferait jamais ça.

- Peut-être mais dans l’hypothèse où. Qu’est-ce que tu aurais fait ?

- Je… Je ne sais pas…

- Donc, tu dis que c’est compliqué mais toi-même tu ne sais pas ce que tu veux. Peut-être que tu devrais y réfléchir vraiment pour une fois.

Il n’avait pas besoin d’y réfléchir. Il savait exactement ce qu’il voulait. Il voulait tout. Il voulait Morgane dans tout ce qu’elle voudrait bien lui donner, dans tout ce qu’elle accepterait de prendre de lui. Mais plus que tout, il aurait voulu être sûr que c’est ce qu’elle voulait, elle aussi. À la simple idée que Morgane ne souhaitait pas la même chose, il se recroquevilla juste un peu sur sa chaise et fixa le sol. Céline devait probablement penser qu’il écoutait ses conseils et qu’il réfléchissait à la situation. Soudain, à l’extérieur, on entendit un vacarme nouveau.

- Big up la team ! Alors, je vous ai pas trop manqué ?

Karadec se rabougrit peut-être encore davantage en entendant Morgane si joyeuse. Lui s’était fait un sang d’encre et n’en avait pas dormi de la nuit, alors qu’elle arrivait plus joyeuse encore qu’à son habitude. Ça lui avait pesé tant que ça de vivre chez lui ? Céline bondit sur ses pieds et fila jusqu’à la porte de son bureau pour héler :

- Morgane, je peux vous voir une petite minute ?

Adam aurait peut-être dû se lever pour quitter la pièce et les laisser mais il n’en avait pas le goût et, avant qu’il ait le temps de se décider, Céline avait déjà refermé la porte sur eux.

- Oh tiens salut Kara ! s’exclama-t-elle en le voyant.

Ce dernier répondit sans entrain, le cœur trop à la peine.

- Asseyez-vous, Morgane.

Malgré les apparences, Karadec remarqua bien qu’au moment où elle prit la chaise pour s’asseoir, elle la tira un peu avant, pour s’éloigner de lui, l’air de rien. Elle ne supportait même plus de s’asseoir à côté de lui, comment est-ce qu’il était censé la convaincre de devenir flic ? Céline se trompait sur toute la ligne.

- Bon vous m’expliquez un peu ? C’est quoi ce bordel ?

- Quel bordel ? C'est bon. On a trouvé un endroit avec les enfants. Karadec a récupéré sa maison. Tout est rentré dans l'ordre. Y’aura plus de problème. Tout va bien. 

- Non. 

- Pardon ? s'étonnèrent Morgane et Céline en même temps. 

Karadec avait parlé sans réfléchir mais entendre Morgane dire que tout allait bien lui était insupportable.

- Vous dites que tout va bien mais c'est pas vrai.

- Qu'est-ce qui vous prend, Kara ? 

- Pourquoi vous êtes partie ? Pourquoi vous m'avez laissé sans rien dire ? 

- Quoi ? Vous vous foutez de ma gueule j'espère ! répondit Morgane, élevant immédiatement la voix.

- Moi je me fous de votre gueule ? Non mais c'est la meilleure ! s’indigna-t-il.

Soudain Céline se leva, les coupant tous les deux dans leur élan. Ils la regardèrent traverser le bureau jusqu'à la porte et saisir les clés qui pendaient juste à côté. 

- Ça y est, c'est fini. J'en ai marre ! Je suis commissaire de police, pas psychologue ! Y’en a pas un pour rattraper l’autre en plus. Et vas-y que je me barre si elle reste dans l'équipe ! Et vas-y que je menace de me barrer si elle s'en va ! Et puis que je disparais pendant des mois sans donner aucune nouvelle ! Oh, et que je reviens pour tomber enceinte on ne sait comment ! Mais, vous vous êtes crus dans les feux de l’amour ou quoi ? Alors maintenant, je veux rien savoir, vous restez dans cette pièce autant de temps qu'il faudra, vous vous racontez ce que vous voulez, mais quand vous ressortez, soit on arrête pour de bon, soit vous êtes à nouveau une équipe, c'est clair ?

Céline claqua la porte derrière elle, les laissant tous les deux stupéfaits jusqu'à ce qu'ils entendent la clé tourner dans la serrure et qu’ils comprennent qu’ils étaient vraiment enfermés. Morgane bondit de sa chaise pour se jeter sur la poignée.

- Elle est sérieuse ? Elle a pas le droit de nous enfermer comme ça ? Y’a pas une règle qui dit que c’est interdit ? Hein Kara ?

Mais malgré le ton qu’elle avait employé, ce dernier avait parfaitement compris ce que Céline attendait d’eux et vu comme Morgane avait essayé de mettre sous le tapis son départ, il ne pouvait que saisir l’occasion qui lui était offerte.

- Vous n’avez pas répondu à la question, lui fit-il simplement remarquer en se retournant sur la chaise.

Morgane réduit ses ardeurs sur la poignée de la porte, tout en continuant à marmonner sur le fait qu’elle était fermée.

- L’autre jour, vous m’avez dit que je ne pourrais plus m’enfuir comme un lâche, mais c’est vous qui êtes partie.

- Quoi ? C’est vous qui m’avez menti droit dans les yeux tout ça pour vous barrer dans une location pourrie !

- Je me suis pas « barré » comme vous dites, j’ai simplement passé la soirée là-bas parce que j’en avais besoin !

- Et vous aviez aussi besoin de me dire que vous étiez chez votre frère ?

- Je ne savais pas comment vous le dire et je ne voulais pas vous blesser !

- Ah bah c’est vachement réussi !

- Vous ne m’aviez rien dit non plus quand votre père volait des bijoux je vous signale.

- Attendez, vous faites des comparaisons là ? Ma famille était menacée par un chef de gang puis par un tueur en série je vous signale. Alors excusez-moi de pas avoir géré la situation comme il fallait !

- Attendez comment ça un chef de gang ? Redbones vous avait menacé ? Vous ne me l'aviez jamais dit.

- Évidemment, quand j'ai voulu en parler vous m'avez envoyé bouler en me disant qu'entre nous c'était terminé !

Quand il y repensait ces mots étaient encore douloureux. Il n’avait jamais eu autant besoin de dire ce qu’il avait dit ce jour-là mais il n’avait jamais autant regretté ses paroles non plus.

- J'avais peur, Morgane ! D'accord ? Vous veniez de manquer de vous faire tuer. Alors oui, j'ai eu peur et j'ai fait une connerie ! Mais vous ne me dites jamais rien aussi ! Comment voulez-vous que je vous fasse confiance ?

- Ah c’est sûr que c’est facile de balancer ça à chaque fois ! La confiance, la confiance. Je vous en foutrais de la confiance ! Je vous signale que je fais des efforts ! Si je vous avais pas dit que vous étiez le père de Léo, vous vous en seriez même pas souvenu !

- Alors techniquement vous m'avez dit "peut-être".

- Oui bah maintenant qu'on est sûrs vous allez pas chipoter !

- « Pas chipoter » ? On parle quand même de notre fils là, Morgane ! Mais forcément avec vous, rien n'est jamais grave alors que ce soit moi ou un autre, c’est pareil ! De toute façon on était trois dans la course.

- Alors là c’est petit. Je vous l’ai dit ou je vous l’ai pas dit que je voulais que ce soit vous le père ? Mais c'est vrai que vous, vous êtes tellement plus raisonnable ! On peut rien vous dire sans que vous vous mettiez à hurler ou que vous renvoyez les gens chez eux ! Tu m’étonnes qu’on n’ait rien envie de vous dire. C'est vrai que c'est vachement mieux comme communication. Et puis quand je vous demande pourquoi vous m'avez embrassé alors que vous étiez en couple et que vous répondez juste "Parce que j'en avais très envie" c'est pas ce que j'appelle une conversation ! Du coup, si je vous demande pourquoi on couchait ensemble, vous allez me sortir que vous aviez rien de mieux à faire, c'est ça ? 

- M'enfin Morgane ça va pas ? 

Comment pouvait-elle penser ça ? Il s’en leva de sa chaise d’indignation.

- Quoi ça va pas ? Si ça va ! Qu’est-ce que vous voulez que je crois d’autre ? Vous avez jamais été très clair, je vous signale! 

- Moi j'ai jamais été clair ? 

- Oui vous ! Vous qui m’avez engueulé parce que votre copine du moment avait appris que vous m’aviez embrassé. Vous qui m’avez largué le pire jour de ma vie alors qu’on n’était même pas ensemble ! Vous qui m’avez dit que vous aviez foutu votre vie en l’air à cause de moi avant de m’abandonner alors que j’étais enceinte. Vous qui vous cassez carrément de chez vous parce que vous pouvez pas supporter de m’avoir à la maison !

- Parce que vous vous êtes claire, peut être ? 

- Ah parce qu’il faut vous faire un dessin un plus ? Je suis quand même presque devenue flic pour travailler avec vous. Je me suis remise avec mon ex quand vous m’avez posé un lapin et puis je l’ai largué à nouveau. Je suis partie en dep pendant six mois parce que vous m’aviez jetée. J’ai coupé les ponts avec mon père alors qu’il était en train de mourir. J’ai gardé un bébé alors qu’il avait qu’une chance sur trois d’être de vous. Je sais pas ce que j’aurais pu faire de plus !

- Et bien faites comme d’habitude ! Dites ce qui vous passe vraiment par la tête, sans vous soucier des conséquences ! Pourquoi vous le faites pour tout le monde et pas pour moi ?

- Ah ! Mais oui c’est vrai, pourquoi je ferais pas ça ? Peut-être parce que cette fois-ci j’ai trouvé quelque chose auquel je tiens vraiment, quelqu’un en l’occurrence. Peut-être parce que c’est si important pour moi que je ne veux rien faire comme d’habitude, justement. Peut-être parce que je me suis déjà fait jeter par tous mes ex, dont deux avec qui j’avais des enfants quand même ! Par mes proprios ! Par mes patrons ! Par Céline ! Par vous ! Que tout le monde passe son temps à me dire que je suis bordélique et insupportable, vous le premier encore une fois, alors excusez-moi si parfois il faut un peu lire entre les lignes.

Ça n’avait pas vraiment l’air de la gêner habituellement ce que les autres pensaient ou disaient d’elle. Il l’avait toujours vu forte, indépendante et incroyablement résiliente, comme si elle pouvait, à tout moment, toujours tout lâcher pour partir ailleurs, sans un regard en arrière.

- Qu’est-ce que vous auriez à y perdre ?

- Tout.

Ou peut-être avait-elle dit « vous », il n’était pas sûr. La voix de Morgane n’était plus si sûre. Ou peut-être que c’était son audition à lui qui lui jouait des tours. Mais avant qu’il ne puisse demander des précisions, Morgane continuait.

- Théa vient d'apprendre que son père l'avait abandonnée à cause de moi. Je veux pas faire subir ça à un autre de mes enfants. Mais vous pouvez pas comprendre, vous…

Comment ça il ne pouvait pas comprendre ? Bien sûr que si ! Certes il n’avait eu aucun enfant, mais ce n’était pas vraiment de cela dont il était question. Parfois il faut un peu lire entre les lignes.

- Je pense que vous avez tort.

- Ah bon ? Et à propos de quoi ?

- Je suis comme vous, Morgane.

- Je crois pas non.

- Moi aussi, j’ai peur de vous perdre. Moi aussi, j’ai peur de franchir une limite que vous n’êtes pas prête à franchir avec moi. J’ai peur de me retrouver seul, sans vous et de devoir expliquer à Léo pourquoi. J’ai peur que tout ça ne soit que dans ma tête. J’ai peur de dire ou de faire quelque chose de trop.

- Vous ? Faire quelque chose de trop ? Ah ! Karadec, même si vous essayiez de faire trop vous y arriveriez même pas. Vous êtes tellement… procédurier et psychorigide, vous ne direz jamais rien qui soit trop. Je sais même pas si vous savez ce que ça veut dire.

- Rien ne sera trop ? Vraiment ?

Elle lui tendait une perche presque trop belle pour être ignorée. De toute façon, maintenant il en avait trop dit pour revenir en arrière. Qu’est-ce qu’il avait à y perdre ? se répéta-t-il comme un mantra. Mais il ne devait surtout pas penser à la réponse, vertigineuse et terrifiante. Il ne fallait pas non plus qu’il pense à ce qu’il s’apprêtait à dire ou il ferait demi-tour. Il prit une grande inspiration en pensant à toutes ces fois où il avait vu Morgane dire le fond de sa pensée sans se soucier du reste. Si elle le faisait au quotidien, il devrait pouvoir le faire au moins une fois, juste une fois. Il avait pris son élan, il était prêt à sauter. La seule chose qu’il pouvait faire maintenant c’était d’ouvrir son cœur et de se lancer, en ne regardant surtout pas en bas.

- Je vous aime, Morgane. Depuis un certain temps déjà. Et j'aimerais que vous reveniez à la maison pour qu'on puisse vivre tous ensemble.

- C'est une blague ? 

Elle paraissait tellement interloquée. Au moins, surprise, c'était mieux que dégoûtée ou moqueuse. Il ne put s’empêcher de ressentir une petite pointe dans son cœur. Il était en pleine chute vertigineuse et le sol se rapprochait de plus en plus.

- Vous voyez, je vous avais dit que ce serait trop, tenta-t-il d’un air faussement nonchalant qui ne trompait personne mais comme un dernier parachute à son cœur.

- Non, non, mais… Qu'est-ce que vous entendez par un certain temps ? 

Qu’est-ce que c’était que cette question ? Et surtout, est-ce que ça avait vraiment de l’importance maintenant ? Mais finalement, ça n’avait pas beaucoup d’importance de le lui cacher non plus.

- C’est un peu dur à dire…

- Ah non, vous me la jouez pas comme ça maintenant ! Un certain temps genre une fois que vous avez découvert que j’étais enceinte et que vous alliez peut-être être coincé avec moi pour le restant de votre vie ou un certain temps comme…

- Depuis notre première enquête, la coupa-t-il. Ou pas très longtemps après.

Mais peut-être que tout avait effectivement commencé lors de leur première enquête. Après tout, elle l’avait tant subjugué qu’il en avait rêvé la nuit et depuis, elle n’avait plus vraiment quitté ses pensées, qu'elles soient diurnes ou nocturnes…

- Et vous me le dites que maintenant ? s’offusqua Morgane.

- Je vous signale qu’entre temps, vous étiez retournée avec Ludo !

- Et vous, et Roxane alors ?

- Vous voulez vraiment qu’on reparle de ça ? On commence par quoi ? La fois où je l’ai trompée alors qu’elle était à l’hôpital parce que je ne pouvais pas supporter de vous entendre dire que personne ne vous aimait ? Ou celle où j’ai foutu en l’air son job de rêve, son déménagement, et notre couple parce que je vous ai vu avec un autre homme et que ça m’a rendu dingue ?

- C’est sûr qu’elle me portait pas dans son cœur, votre copine.

- Évidemment, elle a toujours su.

- Su quoi ?

- Que c’était vous, et pas elle. Que, qu’importe ce qu’on construisait ensemble, vous aviez juste à revenir dans ma vie pour tout détruire.

- Je suis désolée.

Morgane paraissait si profondément affectée qu’il s’en sentit coupable. Ce n’est pas ce qu’il avait voulu dire mais peut-être que Morgane était trop habituée à ce qu’il la blâme constamment, auquel cas, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même.

- Non c’est pas votre faute. C’est moi. J’aurais dû être franc dès le départ. Avec vous, avec Roxane, avec tout le monde. On se serait sûrement évité quelques problèmes. C’est moi qui suis désolé, Morgane. Vraiment.

Karadec ferma les yeux, incapable de soutenir le regard de Morgane plus longtemps. Il se sentait si pathétique maintenant que tout ça était sorti. Il sentait à quel point ses derniers mots étaient sincères, plus encore que son « je vous aime ». Il y avait tant de choses pour lesquelles il fallait qu’il s’excuse avant de pouvoir prétendre lui prouver son amour. Pourtant il sentit soudain des lèvres contre les siennes. Le toucher était doux et appuyé. Quand Karadec ouvrit les yeux à nouveau et redressa la tête, Morgane ne rompit pas le contact. Ce baiser ne ressemblait à rien de ce qu’ils avaient déjà partagé.

- Moi aussi, lui répondit-elle finalement.

- Morgane, je vous répète, vous n’avez à vous excusez de rien. C’est moi qui suis…

- Je voulais pas parler de ça, murmura-t-elle.

- Ah…

De quoi alors ?

- Moi aussi, je vous aime.

Pendant plusieurs secondes, il se contenta de la fixer, comme attendant qu’elle se rétracte, qu’elle ne se mette à rire, qu’elle ne lui dise que ce n’était pas vrai. De son côté, Morgane ne flanchait pas. Pas une seconde, elle ne regarda ailleurs. Pas une seconde, son regard ne vacilla. Parfois il fallait savoir lire entre les lignes et là, elle le défiait, clairement, de trouver à redire. Petit à petit, l’information atteignit plus pleinement son cerveau. Morgane venait de lui dire qu’elle l’aimait. Elle était si proche encore qu’il pouvait sentir son odeur. Elle était si proche qu’il n’avait qu’à se pencher un peu…

Cette fois-ci, quand ils s’embrassèrent à nouveau, Karadec retrouva toute la passion et la fougue auxquelles il s’était habitué. Rien n’était trop près. Rien n’était trop intense. Il saisit Morgane par la taille, la soulevant à moitié pour la prendre contre lui. Elle agrippait son cou, sa nuque, ses cheveux courts comme elle le pouvait, pestant contre ses ongles trop longs qui l’empêchaient d’atteindre pleinement son but. Qu’importe. Sentir à quel point Morgane avait envie de le tenir près d’elle lui suffisait bien amplement.

- Je ne veux pas vous perdre, lui murmura-t-il.

- Moi non plus.

- Je veux continuer à vivre et à travailler avec vous. Je ne veux pas que vous quittiez la DIPJ.

- J’en avais pas l’intention. Ou alors Céline veut me virer, plaisanta-t-elle.

Mais, en voyant son expression, le sourire léger de Morgane la quitta bien vite.

- Céline veut me virer ?

- Non ! Bien sûr que non ! Elle cherche même toutes les solutions possibles.

- Attendez, toutes les solutions possibles à quoi ?

Karadec se mordit les lèvres. Ce n’était ni le moment, ni la façon d’amener le sujet. Il serra Morgane un peu plus fort contre lui.

- C’est les RH et leur nouveau logiciel… Vous ne rentrez pas dans les cases…

- Sans déc ! J’aurai pas dit, tiens !

- Morgane, c’est pas drôle. S’ils ne trouvent pas une catégorie à laquelle vous rattacher, ils ne pourront pas renouveler votre contrat.

- C’est pas possible ! Y’aura toujours un truc pas vrai ?

- Je suis désolé.

- Non mais Kara c’est pas votre faute. Pour une fois, ajouta-t-elle avec un sourire taquin.

Son cœur s’allégea un peu. En attendant qu’ils trouvent une solution, cette nouvelle ne changerait rien entre eux et au chemin sur lequel ils venaient de s’engager.

- On trouvera une solution, Morgane, je vous promets. Et si on n’en trouve pas, je quitterai la police avec vous et on trouvera autre chose.

Il était hors de question qu’il soit encore séparé d’elle, même professionnellement. Ils formaient une trop bonne équipe pour ça.

- Soyez pas bête Karadec. Vous voulez faire quoi à part flic ? Vous êtes fait pour ça.

- Vous aussi vous êtes faites pour ça Morgane ! Et c’est dégueulasse, qu’à cause d’un foutu logiciel, ils veuillent vous enlever ça ! Alors s’il n’y a pas d’autres solutions que de quitter la police…

- Si, il y a une autre solution. Madame la commissaire !!! appela-t-elle avec clairement déjà dans la voix, le sourire déterminé de la victoire.

Elle se détacha de lui mais prit sa main dans la sienne. Morgane le serra fort et il comprit. Elle n’avait pas envie de s’éloigner mais c’était nécessaire, et uniquement très temporaire.

- Ça y est, vous êtes calmés ? répondit du tac au tac la voix de Céline de l’autre côté de la porte.

- Ouais mais ouvrez faut qu'on négocie un truc.

Karadec n'avait aucune idée d'où Morgane voulait en venir. Visiblement, leur supérieure non plus puisqu'elle lui demanda.

- Qu'est-ce que vous me chantez encore Morgane ?

Elle ouvrit pourtant la porte en continuant de râler.

- Je suis pas vendeuse de tapis. Vous vous êtes crue au marché aux puces ou quoi ?

Elle parut cependant intriguée quand, une fois la porte grande ouverte, elle vit qu'ils se tenaient la main. Morgane fut sur elle avant qu'elle n’ait pu poser la moindre question.

- Déjà je suis en couple avec Karadec ! Il est en couple avec moi. Enfin on l'est, tous les deux, l'un avec l'autre, ensemble quoi. Alors vous allez écrire un nouveau papelard puisque ça vous passionne tant, où vous allez dire qu’on est ensemble. Relation amoureuse, sexuelle, familiale, parents, tout quoi ! On coche toutes les cases. Et si ça plaît pas aux RH, ils iront bien se faire m… !

- Morgane ! la coupa Karadec in extremis.

Mais Céline ne broncha pas, attentive au moindre mot de Morgane.

- Prochaine condition ?

- Vous allez m'inscrire au concours de police. Et non seulement je le passerai haut la main mais je deviendrais la flic la plus anti-flic de tous les Hauts-de-France ! Est-ce que c'est clair ? Et le premier qui essaye de me faire enfiler un képi ou de me coller un badge sur les strass, je le marave.

Karadec était abasourdi. Est-ce que Morgane venait vraiment de dire qu’elle acceptait de…

- Ça devrait pouvoir se faire, approuva Céline avec un sourire.

Elle lui jeta un coup d'œil comme s'il avait quelque chose à voir avec ça mais il était tout aussi surpris qu'elle. Morgane voulut filer mais il la retint par la main. Elle se retourna vers lui. Tant de questions se bousculaient dans sa tête qu'il ne parvenait à en poser aucune. Mais ces interrogations devaient se lire sur son visage car Morgane répondit quand même.

- Bah quoi ? On forme une bonne équipe, non ? Ça aurait été dommage que notre collaboration s'arrête là.

Pour toute réponse, il l'attira à nouveau vers lui pour l'embrasser alors que Céline relevait les stores, les dévoilant aux yeux de tout le reste de l'équipe. Gilles et Daphné s'exclamèrent. Morgane se retourna vers eux.

- Quoi, y’a un problème ?!