Chapter 1: Deuklo ou celui qui savait depuis le début
Notes:
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Celui qui savait depuis le début :
De la bande, c'est Claude qui est le premier au courant du statut particulier de Guillaume. En réalité, c'est même parce-que Deuklo a une certaine "réputation" dans le milieu des Demis que Guillaume part à la rencontre de Deuklo.
Guillaume traîne peu avec d'autres Demis. Là où des associations de défenses de leurs droits ou simplement des réseaux d'entraides plus ou moins clandestins s'organisent, Guillaume fait bande à part. L'égalité théorique des demis-humains devant la loi n'est que très récente. Beaucoup craignent qu'au prochain revirement politique le peu de droits qu'ils ont obtenus partent aux oubliettes, alors Guillaume, comme de nombreux autres, choisit de parier sur la discrétion.
Il n'affiche pas sa différence au regard du monde. Qui sait si ses voisins ne le dénonceront pas pour des délits imaginaires s'ils connaissaient son identité, une fois que la délation de Demis reviendrait légale. Il a pas besoin de crier sur tous les toits les spécificités de son ADN, sa vie est déjà suffisamment compliquée comme ça, il va pas tester le niveau de difficulté supplémentaire, merci bien.
Impossible de cacher son identité complètement, bien entendu. Il doit le déclarer à la moindre occasion, pour pas prendre la place d’un vrai humain. À son proprio, à son boss, aux flics. C'est illégal de tenir son statut de Demi secret à toute structure d’autorité, alors Guillaume fait le dos rond et se soumet même si ça lui irrite le poil de courber l'échine devant des proies. Mais il a bien trop à perdre. Il a entendu beaucoup trop de rumeurs horribles à la cité sur ce qui arrivent aux Demis en prison. Il n'a pas envie de découvrir ce qui tient de la vérité et ce qui tient de la légende urbaine gore qu'on se raconte pour se faire frissonner entre ados qui jouent à être téméraires.
Quand il a le choix, dans sa vie quotidienne, Guillaume la joue incognito, comme l'a élevé sa mère. Pantalon large pour dissimuler sa queue, bonnet enfoncé sur la tête pour les oreilles, il fait illusion d'une humanité entière. Pas un mot à qui que ce soit. Si ça avait été une meuf, il aurait sans doute porté le foulard, comme le font les petites gamines à la cité. C’est ce qui évite encore le mieux les soupçons, même si les gens ne sont pas dupes, et qu'ils voient bien qu'il y a bien trop de filles voilées par rapport au nombre de garçons musulmans. Quand il était gamin, les petites filles avaient encore le droit du voile à l'école. Encore une belle connerie pour tenir hors de l'école les musulmans et les Demis, cette foutue loi sur le voile. Toujours sur les même qu'on tape. Égalité devant la loi, quelle connerie.
Le bonnet est une bonne alternative. Il a essayé la casquette également mais préfère le bonnet dont le contact est plus doux avec ses oreilles trop sensibles. Moins de risque qu’il s’envole à la première bourrasque de vent aussi.
Guillaume porte son bonnet en tout temps et en tout lieu. L'anonymat de sa méthode dépend des modes et des saisons. Guillaume et sa mère ont fait bien attention de toujours emménager dans des lieux bien froids et humides pour que le fils puisse porter son précieux bonnet en toutes saisons et même à l'intérieur sans que personne n’y retrouve rien à redire.
La Normandie est juste ce qu'il lui fallait à Gringe quand il a voulu d'une nouvelle vie.
Guillaume est régulièrement obligé de déménager. Il a un tempérament colérique, bagarreur, territorial. C'est l'instinct. Alors les patrons qui le traitent comme une sous espèce sous prétexte qu'il ne partage pas la moitié de son ADN avec un grand singe mais avec un autre animal, ça a tendance à le gonfler rapidement. Dans ces taffs merdiques se retrouve toute la misère du monde : immigrés, demis, handicapés, marginaux, queer, ... Chacun arrivant avec son lot de problème persos plus long que sa queue , obligés de travailler en étroite proximité dans des conditions lamentables avec d'autres espèces Pas Du Tout Compatibles entre elles, ça fait souvent des étincelles. Avec son patron, avec ses collègues. Les esprits s’échauffent.
Ça finit souvent avec du sang sous ses ongles bien trop courts et des cicatrices supplémentaires sur ses oreilles à lui. Il est obligé de changer de taff. Il a de la chance quand on lui paie les heures qu'on lui doit. Et comme le nombre de gens prêts à recruter un type bagarreur en plus de la tare génétique déjà impardonnable d'être Demi est limité, Guillaume doit déménager souvent pour pas se retrouver à la rue.
Ça ou ses voisins indiscrets appellent les flics une fois de trop simplement parce qu'il va et vient à des heures qui ne conviennent pas à la bienséance de l'humanité diurne. À force de se plaindre, même les propriétaires les plus progressistes l'encouragent gentiment à prendre sa pelote de laine et ses croquettes et à foutre le camps.
Bref, Guillaume a la bougeotte, même si ce n'est pas par choix. Il a choisi cette fois ci la belle ville de Caen pour passer les quelques mois que son existence incognito saura durer.
Pour emménager, sans le sous, ni réseau dans une ville totalement nouvelle, Guillaume fait parfois appel aux réseaux d'entraide clandestins de Demis. Ce n'est plus vraiment illégal, comme ça pouvait l'être autrefois ce type d'associations mais Gringe reste méfiant, y ayant recours le moins souvent possible. Il a sa fierté, il tient à son indépendance.
Cette fois ci, il a eu le contact de ce type. Un mec un peu chelou qui a tous les bons plans de Caen et qui est pas trop regardant sur les gens qui lui doivent des services : qu'ils portent des lunettes de soleil cachant leurs pupilles même à l'intérieur, des cols roulés jusqu'au nez dissimulant la forme particulière de leur canines, des couvre chef plus ou moins encombrants, des pardessus couvrants en plein été, l'homme ne s'en formalise pas. Si le type est pas con, il a du se rendre compte que son contact a atterri dans la liste des noms safe pour les Demis alors soit le gars est tolérant (ce qui est rare chez un Grand Singe, mais pas complètement impossible), soit il a le sens des affaires. Guillaume parie sur le deuxième.
Avant toute chose, Guillaume a besoin d'un lieu où crécher, et vite. Les raisons secrètes qui poussent Deuklo a agir comme ça, dans le fond, il s'en tape, tant que leurs intérêts sont communs.
Guillaume aime pas partager son espace vital. C'est sa nature. Peut être que ça aurait été différent s'il avait eu des frères et sœurs de porté, mais avec une mère complètement humaine, il est né enfant unique, chose rarissime chez les Demis de son espèce. Sa sociabilité aurait pu être sauvée si ses parents avaient eu d'autres enfants après lui, mais son père s'était barré à la seconde où il avait vu les oreilles surnuméraire sur le crâne de son fils à la maternité. Trois chances sur quatre de naître juste humain, son père avait voulu jouer le jeu, Guillaume et sa mère avaient perdu. Inconsolable, sa mère ne s'était jamais laissée approcher de nouveau par un homme. Encore moins un Demi.
Sa mère avait jamais su pour l'identité de son père avant que son fils ne naisse avec une paire d'oreille en trop et une queue touffue qui s'enroule autour de ses petites jambes potelées de bébé. Guillaume sait pas vraiment comment son père a pu dissimuler son identité aussi longtemps comme ça. Mais ça existait, des Demi qui réussissaient à s'infiltrer complètement dans la société des hommes. Sa naissance, le seul échec de la mascarade de son père. Sauvage, fugueur et infidèle, la nature avait finit par rattraper son père en même temps que ses gènes rejaillissaient chez lui. Ce connard avait pris ses pattes à son cou et avait disparu définitivement, laissant à son ancienne amante le soin d'élever un enfant qu'elle ne comprendrait jamais complètement.
Alors ouais, Guillaume était enfant unique. Les déménagements successifs de sa mère pour pas trop attirer l'attention sur eux l'avaient exclu des bandes de copains d'école, quand sa différence ne suffisait pas à faire de lui un paria. On pouvait dire qu'il avait raté quelques marches de la sociabilité de groupe. Il avait même pris l'escalator à l'envers. Direction le centre de la terre s'il vous plaît. Là où on le laisserait tranquille, merci.
Avec sa mère pour seule famille, quasiment pas d'ami, quelques amantes de passage quand il se lassait des putes, Guillaume était le cliché du type solitaire et baroudeur. Il aime vivre seul.
Dans la vie, on a pas toujours ce qu'on veut, alors quand il regarde ses maigres économies, Guillaume demande à Deuklo s'il connaîtrait un type qui cherche un colocataire et qui serait pas trop regardant sur ses papiers tant qu'il paie le loyer en cash.
- Comment je sais que c’est un gars de confiance, ton type ? Je veux dire, du genre qui pose pas trop de questions et qui reste gentiment sur sa moitié d'appartement.
- T'inquiète, Orel, c'est mon gars sûr. C'est un extraterrestre, ce qui est encore la meilleure protection que tu puisses avoir. C'est un bon gars, hein ? Mais complètement dans la lune. Il s'est même pas rendu compte que les six autres sous loc' que je lui ai refilé étaient comme toi des ...
Guillaume peut pas s'en empêcher de feuler pour l'interrompre. Il le sait pas, mais ses pupilles se fendent sous l'angoisse d'être découvert. Mentalement, Deuklo élimine quelques espèces potentielles. Guillaume jette un regard paniqué aux tables alentour pour voir si quelqu'un a espionné leur conversation. C'est pas illégal pour les Demis de consommer dans les bars et les cafés, ou ça l'est plus depuis longtemps.( Un peu avant sa naissance, c'est dire si c'est de l'histoire ancienne...), mais les Demis et l'alcool sont associés à une certaine réputation que Guillaume souhaite éviter...
Heureusement, personne à part eux dans le petit bar désert. La serveuse est partie compter ses stocks au sous sol. Deuklo leur a servi deux pintes à la tireuse en faisant le tour du comptoir et laissant les sous directement dans la caisse. Au départ, Deuklo avait proposé un truc sans alcool, une courtoisie pour sa condition. Un geste plutôt délicat de sa part en réalité, mais Gringe avait voulu lui prouver que si, il buvait de l’alcool qu’il en était capable. Deuklo l’avait regardé interloqué, puis n’avait pas insisté.
Il était que neuf heures du matin.
Deuklo reprend comme si de rien était.
- Des types comme toi qui aiment leur discrétion et préfèrent pas avoir à faire de papier ni être sur le bail...
Guillaume hoche la tête.
- Après, c'est un bon gars, le p'tit. Je pense pas que ça le choquerait si tu sortait de la douche sans ça.
Deuklo fait un geste du menton pour designer son bonnet. Forcément, comme il a déjà été identifié comme Demi, son bonnet est immédiatement suspect, pas question pour Guillaume de l'enlever cependant. Moins Deuklo sait de choses sur lui, moins il pourra en dénoncer si les choses tournent mal. Même la forme de ses oreilles est compromettante. S'il ne connaît pas son espèce secondaire, c'est autant de stéréotypes qu'il s'évite contre lui.
- J'ai pas besoin d'un ami. Juste de quelqu'un pour partager le prix du loyer et mettre son nom sur les papiers. Le temps que je prenne mes marques et que je trouve un truc à moi en ville. Ça durera pas.
- OK. Et je lui dis que tu t'appelles comment ?
Guillaume réfléchit quelques secondes à un pseudonyme. Il repense au nom que ses potes de Cergy lui avaient donné au collège. Gringo. Pris d'une bouffée de nostalgie. Il répond :
- Gringe. Mon nom c'est Gringe.
Et celui qui savait pas
Aurélien est un type chelou. Tellement étrange que ça attire l'attention de Gringe qui fait pourtant tous les efforts du monde pour ne pas remarquer son nouveau colocataire.
Pendant un moment, il pense même que Deuklo lui a menti, et lui a refilé un colocataire Demi. Ou alors Deuklo n'est pas au courant pour le "statut" d'Aurélien.
Pour commencer il a un cycle de sommeil chaotique. Gringe avec son cycle de vie nocturne pourtant déréglé a aucune idée de comment fonctionne son colocataire ou aux heures auxquelles il peut le trouver debout. Heureusement, Aurélien est du genre discret, alors à part la télévision qui reste allumée en bruit de fond toute la nuit, Gringe a pas vraiment à se plaindre.
Aurélien boit de l'alcool. Beaucoup. Souvent. Il ne mange presque rien si ce n'est des sucreries destinées aux enfants. Gringe sait pas comment il survit, et c'est lui qui est supposé avoir neuf vies ! Le frigo est vide perpétuellement. Gringe se demande si son colocataire cache pas un autre frigo secret dans sa chambre où il garderait sa bouffe moins ... adaptée à une alimentation strictement humaine.
Son coloc a pas l'air d'avoir de taff, ce qui explique sa présence en tant que sous locataire sûrement. Il passe sa journée à regarder des documentaires animaliers à la télé ou devant des dessins animés dont il imite les voix des personnages en même temps qu'ils parlent à l’écran. Ses fringues sont toutes de vieilles loques informes, et il porte en permanence une casquette vissée sur la tête.
Gringe se surprend à surveiller son colocataire étrange et taciturne. Ils se parlent pas beaucoup, mais ils marchent bien ensemble. Gringe apprécie pour la première fois de sa vie la compagnie d'une autre personne dans son espace vital. Sans rien faire. Juste une présence, à ses côtés. Quelqu'un qui attend rien de lui, qui lui doit rien. Juste là.
Gringe sait pas quand il s'est pris à rêver à plus quand il pense à Aurélien. À imaginer autre chose pour leur relation. Un frère. Un allié face à un monde extérieur si cruel. Quelqu’un qui le comprendrait. Un compagnon. Son imagination débordante a du sacrément déconner pour se projeter de la sorte alors qu'il s'était entraîné à ne plus rien espérer de la vie depuis longtemps.
Un jour, Guillaume découvre Aurélien endormi sur le canapé. Sa casquette tombée au sol. Son crane rasé ne laisse aucun doute possible sur sa véritable nature. Humain. Simplement humain. Autre. Le cœur de Gringe se serre douloureusement alors qu'il s'était même pas rendu compte qu'il avait espéré quoi que ce soit jusqu'alors. Il dépose la casquette traîtresse sur la table, recouvre le corps d'Aurélien d'un plaid pour pas qu'il chope froid, (ça chope froid facilement les humains), et puis Gringe quitte l'appartement. Il a besoin de prendre l'air.
Après ça, Gringe est plus distant, même s'il n'était pas vraiment chaleureux en premier lieu.
Il est de nouveaux craintif, méfiant à l'idée d'être découvert, mais comme le comportement d'Aurélien lui n'a pas changé, tout rentre à peu près dans l'ordre en quelques semaines. Il a entre temps laissé tombé l'idée de chercher un autre logement. Il faut dire qu'il a plutôt la flemme, Aurélien le chassera quand il sera plus occupé à être observateur qu'à être alcoolique. En attendant, Gringe profite de la sensation réconfortante d'avoir un chez lui, même s'il le partage avec un Grand Singe. Petit à petit, il s'est habitué à la présence de l'autre, il peut plus faire marche arrière, même s’il connaît l’espèce d’Aurélien à présent.
Un matin, à une heure suffisamment matinale pour qu'on considère encore qu'il est tard chez certains fêtards, Gringe croise Aurélien dans l'appartement.
- Pardon… Est ce que je t'ai réveillé ? demande Aurélien quand il le surprend dans le salon.
Aurélien a une ouïe déplorable, il est toujours surpris quand Gringe arrive derrière lui à pas feutré. Ça l’amuse de le faire sursauter ainsi. Il en joue. Souvent.
- Je dormais pas, le rassure Gringe.
- J'allais me prendre une bière, t'en veux une ?
Aurélien a l'air parfaitement décomplexé de lui proposer une bière au cœur de la nuit. Ça surprend même plus Gringe habitué au comportement décalé de celui dont il partage l'appartement. Gringe réfléchit à la dernière fois qu'il a bu de l'alcool, et combien de temps il peut tenir s'il en boit maintenant. Il finit par laisser tomber ces calculs compliqués, et se fie à son credo habituel, en terme d'alcool mieux vaut trop que pas assez.
- Pourquoi pas, allez.
Il s'installent dans le canapé et sirotent leurs bières en silence.
- Je pensais pas que tu tiendrais si longtemps...
- Hum ? demande Gringe, sans avoir l'air particulièrement intéressé par la conversation.
- Les autres ... Ils sont tous partis au bout de quelques semaines. Je dois être un coloc affreux...
Gringe sait pas quoi dire... C'est sûr qu'Aurélien fait pas le ménage. Il est bordélique et ne sort pas vraiment les poubelles, Gringe non plus cela dit... Quand Gringe repense aux psychopathes avec qui il avait envisagé d'habiter, Gringe pense qu'il est plutôt bien tombé. Et vu la situation "particulière" des types que Deuklo a du lui refilé comme colocataire, Gringe se dit qu'ils ne sont probablement pas partis à cause de la flemmardise d'Aurélien, mais plutôt à cause de leurs propres vies tourmentées. Il n'en dit cependant rien à Aurélien. S’il a rien remarqué sur la nature de ses anciens locataire, ce n’est pas lui qui lui dira la vérité.
- Enfin, je suis content que toi, tu sois resté. Je suis pas fait pour vivre tout seul, j'crois ... Et Deuklo pense pareil puisqu'il arrête pas de me foutre dans les pattes des "cousins" à lui et des "potes d'enfance" en galère qui auraient besoin d'un endroit ou se pieuter en attendant... Il a peur de m'laisser tout seul, j'crois. Avant, il a essayé de me filer un chaton qu'il a été trouvé dans le local poubelle de son immeuble. Un chat... parce que il pense qu'il est HILARANT, ce petit con. Sauf que je réussissais pas à m'en occuper et à le nourrir régulièrement. Alors il a du lui trouver une famille d'accueil avant que la pov' bête ne crève. Du coup, il a compris sa leçon et il m'envoie que des colocs qui ont pas besoin de mon aide pour leur survie à présent.
- Ah. T'as eu un chat... C'est pour ça l'odeur. Je me demandais...
Gringe a un odorat très développé, hyper-sensible même, alors au départ, l'appart avec Aurélien, c'était un enfer. Un enchevêtrement de traces olfactives, fruit du passage des colocs Demis ayant tous marqué leur territoire de leur odeur qui rendait Gringe fou. Il a vécu la fenêtre de sa chambre grande ouverte le premier mois. Et puis Aurélien aussi avait une odeur toute particulière. Assez repoussante. Pas la sienne, parce-qu’elle est partie avec le temps. Un peu comme un souvenir qui se serait accroché là et tarderait à s'en aller. Ça devait être le chat, réalise Gringe... Il supporte pas l'odeur des chats, ça lui file mal au crâne.
- Quoi ?
- Non rien. Il y avait une odeur chelou dans ma chambre quand je suis arrivé. C'est parti avec le temps. Ton chat avait du pisser dans un coin, ment Gringe avec facilité.
- Ah merde déso. Tu veux qu'on échange de chambre ? Propose Aurélien avec gentillesse.
- T'inquiète, c'est rien. Ça a fini par partir.
Le silence retombe entre eux. Gringe sait confusément que c'est à lui de relancer la conversation. Il est un peu mal à l'aise d'interroger Aurélien sur sa vie, car il sait que c'est ouvrir la porte à ce que lui lui pose des questions sur la sienne, mais Gringe est intrigué par son colocataire.
De plus, il a pas l'air d'aller ouf bien, le gars. C'est plus un instinct de survie à ce stade. Histoire d'être préparé, savoir ce qui va lui tomber sur un coin du museau. C'est pas du tout parce qu’il ressent de la pitié ou de la compassion pour un autre être humain, certainement pas.
- Et ton pote là ... Deuklo... Il a peur pour quoi exactement ?
- Il s'inquiète. Il est comme ça, Deuklo. Il le cache. Il fait le mec fier et tout, mais c'est une flipette, en vrai. Une vraie mère poule sous ses allures de dealer de drogue Ali Express. Et moi... Je vais pas très bien en ce moment... Ma meuf s'est barré. Elle m'a trompé, cette connasse. On était ensemble depuis des plombes. Amoureux depuis le collège, je sais pas si t'imagine. J'ai fait toutes mes premières fois avec elle. Je sais plus trop qui je suis si je suis plus avec elle. C'est con, j'ai l’impression de me taper une deuxième crise d'adolescence dans la face. Les insomnies, le sexe, l'alcool, la déprime. Sauf qu'en plus, maintenant, j'ai un loyer à payer... Je préférais encore l’acné tiens.
Gringe sait pas ce qui le pousse à prononcer la question suivante en réponse, mais cet éclair de génie façonnera toute la suite de sa relation avec celui qui deviendra son meilleur ami.
- Tu préfères... Avoir de l’acné juvénile sur toute la face, mais pas sur le reste du corps, ou être couvert de pustule sur le corps mais pas sur les endroits visibles ?
Ils passent la nuit et la matinée à vider le bac à bière, et à échanger des "tu préfères" un peu gore sur les différents fluides corporels. Tu préfères que tes boutons d'acnés crachent de la mayonnaise ou que tu transpires du sirop de grenadine. Tu préfères avoir un bouton en plein milieu du front tous les matin, ou rien avoir pendant 364 jour et le dernier de l'année tu en a un énorme qui fait la taille de tous les boutons que tu as jamais eu ?
Ils rient à inventer les "tu préfères" qui feront pousser les grimaces les plus disgracieuses à l'autre. Ils découvrent qu'ils sont naturellement très doués à ce jeu. Le soleil de midi les trouve fatigués, toujours avachis dans le canapé, et un peu saouls. Ils n'ont pas envie de retourner dans leurs chambres respectives mais n'osent pas se le dire. Il est cependant trop tôt encore pour qu'ils restent l’un avec l’autre sans se parler alors Aurélien propose un film. Gringe a jamais vu Maman j'ai raté l'avion, ce qui pour Aurélien constitue un sacrilège. Ils lancent le film. Malgré leurs efforts, ils finissent par s'endormir devant l'écran. Ils le regardent à nouveau l’après midi.
Le lendemain, Gringe appelle Aurélien Orel et ne l’appellera plus jamais autrement.
Notes:
Ca va ? Est ce que ça vous plait ? Je suis pas partie toute seule trop loin dans mon délire ? Ca va momentanément retarder la publication de Comment il est Gay, et des Conneries de la Veille, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Chapter 2: Skread ou celui qui savait reconnaître les signes
Notes:
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Celui qui savait reconnaître les signes:
Avec le temps, Orel propose à Gringe de sortir avec ses potes. Il est d'abord réticent. Guillaume n'aime pas rencontrer des nouvelles personnes, mais Aurélien insiste tant et si bien qu'il finit par céder. Plusieurs fois. Puis ça devient une habitude. Il n'a plus besoin de tant se faire prier pour les retrouver dans leur bar miteux. Les potes d'Orel finissent par ne plus être des inconnus. Gringe est un être d’habitude, ça devient plus facile.
Les potes d'Orel sont plutôt loufoques mais assez bon délire. Ils ne s'offusquent pas quand il passe la soirée dans son coin à ruminer la journée de merde qu'il vient de passer, le nez dans sa pinte de bière. Il en trouve toujours un pour le suivre quand il part en chasse pour aller draguer les midinettes de passage, ou quelqu'un pour se mettre une caisse quand il veut oublier ses problèmes.
Comme il arrive dans le groupe en temps que protégé d'Orel, les garçons sont plutôt accueillants. Ils lui font goûter l'embuscade, la boisson du coin. Lui donnent des conseils et les bons plans de la ville qu'ils connaissent comme leur poche. La pizzeria la moins chère, le Kebab le plus sympa, le sushi shop où la caissière est la plus mignonne et celui où le livreur est le plus rapide. Gringe a une affection particulière pour le poisson cru.
Peut être les potes d'Orel sont ils juste sympas, ou peut être cet accueil est celui que les Grand Singes réservent à ceux qu'ils considèrent comme leurs égaux. Son bonnet bien enfoncé sur la tête, et avec le parrainage d'Orel, personne ne remet en question son humanité. C'est assez reposant. Il finit par accompagner Orel à chaque fois quand il sort, au point que les gars l'invitent à sortir à présent même quand Orel n'est pas là.
C'est agréable d'avoir une bande. Une meute.
Il a eu peur lorsque Deuklo s'est ramené un jour pour boire une bière avec eux et qu'il a appris qu'en plus d'être un pilier de bar, Deuklo était un pilier de leur bande. Il a craint que Claude (son vrai prénom visiblement) ne le dénonce auprès de ses amis. Après tout, c'est une chose de faire des affaires avec des Demis quand il y a du fric à se faire, c'en est une autre de traîner avec eux sur son temps libre et de les voir envahir ton groupe de pote...
Ça remet aussi en question son choix de lui avoir foutu Aurélien comme colocataire. Gringe avait pensé au départ que Orel n'était pour Deuklo qu'un pigeon un peu naïf qu'il pouvait rouler dans la farine en lui refilant des sous locataires Demis sans qu'il ne se rende compte de rien, mais Claude a l'air d'avoir une véritable affection pour Orel. Globalement, l'entièreté du comportement de Deuklo est ... étrange. Même pour un Grand Singe.
Les jours passent. Gringe continue d'être invité aux soirées. Parfois Deuklo est là, parfois non. Deuklo a un humour abrasif, insultant. Son affection est envahissante. Il est étrangement loyal pour un type qui est au centre de tous les marchés noirs de la ville. Il a l'air de se foutre complètement de son statut de Demi. Peut être qu'il lui en faut plus que cela pour l'effrayer. Il n’a pas l'air d'avoir des standards raisonnables de ce qui continue la normalité.
Gringe s'entend particulièrement bien avec Ablaye et Serge. Ils sont alcooliques comme lui et se sont trouvé un intérêt commun pour la gente féminine. Ils ne sont pas spécialement observateurs, ni curieux. Ils ne déballent pas leur vie intime, et ne s’enquièrent pas de celle des autres. Safe. Cette camaraderie masculine facile convient bien à Gringe. Il est clair qu'ils ne se doutent d'absolument rien, ce qui rend leur contact plus facile.
Il y a aussi un autre garçon, un blondinet. Skread. Il ne sait pas pourquoi, il est au départ mal à l'aise en sa présence. Quelque chose qui ne lui revient pas, qui le force à être sur ses gardes en permanence à son contact. Gringe maîtrise mal ses instincts. Sans mentor pour lui apprendre tous ces sens que n'ont pas les Grands Singe, il a du se débrouiller seul. Certaines choses lui sont venues facilement, d'autres restent des mystères pour lui. Il a appris à se fier à son instinct. Ce n'est pas une science exacte mais il n'a jamais eu à regretter d'être trop sur ses gardes auparavant.
Skread est calme. Attentif. À l'écoute. Ça semble être le confident privilégié du petit groupe. Il semble relativement tolérant de ce qu'il a pu capter mais Gringe reste méfiant. Il ne comprend pas pourquoi c'est avec lui que son anxiété monte en flèche. Pourquoi pas l'envahissant Deuklo, ou Ablaye dont la carrure est bien plus menaçante que le corps de crevette de Skread ?
Alors qu'il allait décider de mettre en sourdine ses instincts paniqués, il reçoit le SMS qui lui rappelle pourquoi, en tous temps et en tous lieux, il doit écouter son sixième sens.
De Skread : On peut parler stp ? Seul à seul.
Skread lui donne un rendez vous en plein jour dans un bar. Un lieu public, ce qui le rassure, il n'est pas parti pour un lynchage en règle. Pas leur repère habituel cependant, pour plus de discrétion lui dit il. C'est vrai que chacun d'entre eux est connu par son prénom par le personnel du bar, et par chacun des habitués. À ce niveau là, Gringe décide d'arrêter de se voiler la face, il fait lui même partie des murs de l'Embuscade à présent.
Gringe se rend au bar juste après son taff à l'usine. Il n'aura ainsi pas à mentir à Orel sur le lieu où il va. Plus le temps passe, plus il déteste mentir à celui qu'il considère de plus en plus comme en ami. Il sait cependant cette relation fragile et conditionnelle à son statut d'humain à part entière, alors Gringe continue de perpétuer cette mascarade.
S'il est honnête avec lui même, Gringe sait qu'il évite aussi l'appartement parce qu’il n'a pas envie de faire sa valise. Pour la première fois de sa vie, il s'était senti bien quelque part. Chez lui. Il avait déballé ses affaires et les avait rangé dans des tiroirs. Des tiroirs ! Finie l’époque où sa vie tenait dans un sac à dos prêt à emporter. Guillaume avait même découvert qu'il était d'un naturel bordélique. Une révélation.
Skread est assis à l'intérieur du bar dans un coin plutôt tranquille alors que tous les autres clients sont en terrasse à profiter d'une des rares journées ensoleillée du ciel normand.
Gringe laisse Skread mener la conversation. C'est lui qui l'a invité après tout. Il ne s'avancera pas à découvert tant qu'il n'est pas certain de ce que l'autre homme sait. Gringe tient la bride de sa paranoïa. Peut être pourra t il embobiner l'autre homme et endormir ses suspicions.
Skread est semblable à son habitude, ni plus froid, ni plus ouvert. Gringe essaie de prendre ça comme un signe encourageant. Matthieu lui dit des banalités pendant que le serveur s'occupe de leur commande. Il finit par leur apporter les deux pintes qu'ils ont commandé. Il s’en va. Les deux hommes sont enfin seuls.
La voix de Skread est dangereusement précise quand il demande avec un mouvement de menton vers sa bière.
- Comment tu fais ça ?
Gringe choisit de faire l'idiot et de ne pas comprendre ce dont il parle. Il fronce les sourcils. Skread continue comme s’il n’avait jamais eu l’intention de s’arrêter.
- Boire de l'alcool. T'es pas supposé pouvoir faire ça ... Il y a un truc ? Une drogue ou quelque-chose ?
- Et pourquoi je pourrais pas boire de l'alcool ? En tant qu'ancien alcoolique anonyme repenti tu veux dire ?
Matthieu soupire devant la mauvaise volonté qu'il met à ne pas le comprendre. Gringe jouera au con tant qu'il lui aura pas dit clairement qu'il est grillé. Et encore, peut être se débattra-t il encore un moment à essayer de nier les faits.
- Gringe, c’est bon, je sais pour toi...
Gringe ne fait que le fixer, peu impressionné par cette révélation en demi teinte.
- Tu sais que je viens d'une famille de canin, mec ? lâche d'un coup Skread.
- Non, je savais pas.
- C'est pas une info confidentielle pourtant. En même temps, si tu t’intéressais à qui que ce soit d'autre qu'à Orel, ça se saurait...
- Je vois pas ce dont tu veux parler...
- Bref, ma mère, ma frangine. Demis. Golden retriever, j'ai les cheveux blonds de ma mère, mais pas le reste. Mon père est Grand Singe, Gwen a eu les gènes canin, pas moi. Une chance sur quatre. On est assez proche, malgré notre écart d'age. Quand c'est moi qui la garde, je l’emmène souvent avec moi à l'Embuscade. Pauline lui sert une grenadine, elle l’a à la bonne. C'est étrange que tu l'aies jamais croisé d'ailleurs. Les gars sont cools avec elle. Elle a que quinze ans, elle adore traîner avec son grand frère et ses potes tu penses bien.
- C'est bien mignon ton histoire de vie, mais je vois pas ce que ça a à voir avec ouam.
- Ben déjà que je sais pour toi. Depuis le début. La première fois que je suis rentré chez mes parents en sentant le chat de gouttière, ma sœur m'a fait la gueule pour savoir où est ce que j'avais été traîné pour puer le chat comme ça. J'ai pas compris immédiatement... Surtout que tu bois de l'alcool en plus, ce que je savais pas qu'il était possible de faire. Mais une fois admis que t'avais réussi l'impossible, c'était plutôt évident. Je rencontre pas 10 000 nouvelles personnes par jour non plus.
- Et alors, tu vas me dénoncer ?
- Je vois pas ce que j'aurais à dénoncer déjà. Tu fais rien d’illégal.
- Question de point de vue.
- Ouais, tu pourrais être plus francs avec les gars, et surtout avec ton coloc, mais honnêtement, je m'en fous. C'est pas mes histoires. Si tu veux vivre caché toute la vie dans la peur, c'est ton soucis.
- Tu veux quoi alors ?
- J'ai besoin d'un service...
Ben voyons pense Gringe alors qu'il croise les bras autour de sa poitrine. Juste quand il commençait à trouver ce type sympathique. Finalement, famille demi ou pas, un Grand Singe, ça reste un Grand Singe. Il ne connaît aucun humain qui aie appris sa condition qui n'aie pas essayé de l'exploiter d'une façon ou d'une autre.
- Je te préviens, si tu me demandes de te sucer la bite parce que tu as trop vu de porno spéciste dégueulasse, lieu public ou pas, je te la coupe. Avec les dents.
- Quoi ? Mais non ! Putain mec, c'est crade. Putain, je sais pas quels Grands Singes t'as croisé à Cergy, mais je suis bien content d'avoir passé ma vie en province, bordel.
Skread ferme les yeux et agite des mains pour chasser l'image mentale qui se forme dans son cerveau. Gringe arrive pas à savoir si Skread est dégoûté qu'on puisse se servir de son ascendant sur un Demi pour obtenir des faveurs sexuels ou s'il est juste homophobe.
Pour la plupart, les Grands Singes ne sont pas dérangés à l'idée de coucher avec un Demi, même si c'est un homme. Tant qu'ils peuvent dominer l'autre complètement, ils gardent l'illusion de leur hétérosexualité intacte. Son espèce fétichisée et réduite au statut d'esclave sexuel. Bête de sexe avant d'être des hommes. Des animaux avant d'être des humains. La soumission, c'est bien le truc féminin par excellence, non ? Qu'importe s'il a une queue et des couilles, puisque il a des oreilles touffues et une autre queue quasiment moins montrable en public que la première.
Gringe hausse les épaules. Peut être que Skread se sent au dessus de tout cela. Qu'il ne l'envisage même pas. Il est bien privilégier de croire que ça n'existe plus sous prétexte de quelques lois "progressistes" qui ont donné des miettes de droits à son espèce ces quinze dernières années.
- C'est à propos de ma sœur...
- Ouais, et bien ?
- Ma sœur est ... jeune. Une autre génération que la notre vraiment. Elle est bruyante. Elle est out. Elle est engagée. Politiquement. Elle va en manif, organise des boycott, fait signer des pétitions. Antispéciste à donf, elle revendique fièrement son héritage, comme ma mère s'est jamais autorisée à le faire. Je suis super fier d'elle, je l'encourage et tout, mais je peux pas m’empêcher d'avoir ... peur. Je sais c'est pas ma place... Ni en tant que son frère, ni en tant que Grand Singe. Mais elle a que quatorze ans, bon sang ! Elle grandit. Et je sais qu'elle va commencer à aller à des soirées où il y aura de l'alcool. Dieu sait que j’ai pas attendu quatorze ans moi ! Et je sais que les filles demis et l'alcool c'est ... compliqué. Je veux pas qu'il lui arrive un truc. Qu'un connard mal intentionné se serve de ça contre elle.
- Skread, je peux pas t'aider, mec...
Gringe soupire. Les Demis sont pas supposés digérer l'alcool. Pas du tout. Tare biologique, ou avantage génétique spécifique aux Grands Singes. L'alcool les rend malades presque immédiatement. Drogués, rendus artificiellement dociles. Manipulables au possible. Et cerise sur la benne à ordure, l'alcool a des effets aphrodisiaques sur eux. Le combo toxique par excellence. Chez eux, pas besoin de GHB, une simple gorgée de panaché et l'affaire est pliée.
- Je voulais pas te demander au départ. T'as pas l'air d'être hyper au clair avec ton identité, je voulais te laisser tranquille. J'ai demandé à Deuklo. Si il avait entendu parler d'une drogue pour aider les Demis à digérer l'alcool. Qui les rendrait moins ... vulnérables. Il m'a dit qu'il avait jamais entendu parler d'un truc comme ça. Jamais vu ou entendu parler de quelqu'un comme ... toi.
- Ouais, je sais que je fais figure d'exception parmi mon espèce. C'est bien pratique pour se cacher. Dès qu'ils te voient avec une bière à la main, les plus méfiants des Grands Singes endorment leur vigilance et oublient mes comportements un peu limites qui les rendaient suspicieux. J'en fais parfois un peu trop avec l'alcool, mais l’expérience m'a montré que mieux vaut passer pour un connard alcoolique violent que comme un Demi. Malheureusement... mon truc... Il marchera pas sur ta sœur. Je suis désolé.
- S'il te plaît Gringe. Je t'en supplie. Pour la protéger, je ferais n'importe quoi. Je m'en fous si c'est illégal. J'te dénoncerai pas. Et puis l'argent est pas un problème non plus. Je paierai pour vous deux même. J'veux la mettre à l’abri.
La voix de Skread est un peu éraillée. Il pousse dessus pour qu'elle reste forte et qu'elle contienne un soupçon d'autorité. Il pourrait craquer sous l'émotion, il n'en est vraiment pas loin. Il ne sait pas si les trémolos dans la voix de Skread seraient audible pour quelqu'un qui n'a pas ses facultés auditives, mais les mots de Skread sont aussi puissants que la façon dont il les prononce.
Il peut voir en quoi Skread est proche du clebs. Ouais, il a gagné à la loterie génétique, c'est sur, mais ce n'est pas un hasard si ses plus grandes qualités sont aussi celles du "meilleur ami de l'homme". Protecteur, loyal, aimant.
Gringe est peu enclin naturellement à apprécier la présence des chiens. Déjà parce qu'ils le grillent comme Félin en un instant, mais aussi par ce vieil instinct millénaire qui les désigne comme rivaux. Rivaux pour quoi ? La bouffe ? L'affection de l'humain ? Il en sait rien. N’empêche qu’il peut pas les saquer.
Pour une fois, il se surprend à respecter l'autre espèce de Demi si différente de la sienne. Il se demande même ce que ça aurait été de vivre et grandir dans une famille canine comme la sienne. Surprotégé et entouré. Son père préférant se couper une patte plutôt que d'abandonner les siens.
Est ce qu'il aurait eu un grand frère ? Protecteur et taquin, comme Skread ? Ou aurait il été lui le plus vieux de la porté. Apprenant les plus jeunes à chasser, la meuf ou les souris. Jouant jusque bien trop tard à la baballe sous prétexte de divertir les plus jeunes. À quoi aurait ressemblé sa vie, s'il n'avait pas été sauvage et solitaire ?
Gringe ne peut s'empêcher d'être jaloux de la vie paisible et apprivoisée de la sœur de Skread.
Pas au point de refuser de lui venir en aide bien sur, mais malheureusement, certaines choses sont hors de sa portée.
- Tu comprends pas Skread. C'est pas que je veux pas ou quoi. C'est que c'est physiquement pas possible. C'est trop tard pour ta sœur. Je suis désolé.
- Laisse m’en juge. C’est peut être pas trop tard. Comment tu fais ça, toi ?
- Moi c'est mon père qui... Voilà. Ma mère était pas au courant. Humaine. Elle s'attendait pas à avoir un gosse... Comme moi. Elle a pris peur. Pour moi. À l'époque de ma naissance ils venaient de démanteler tout un trafic de prostitution de Demis sur Paris. Sale affaire. Une centaine de personnes maintenus contre leur volonté grâce à l'alcool et d'autres drogues aussi mortifère pour nous mais inoffensives sur les Singes. Ma mère a cherché de l'aide... Pas très discrètement apparement... La nuit de ma naissance, une femme de ménage est venue voir ma mère. Une demi, forcément. Une Soigneuse, les Grand Songe lui interdisaient de travailler la médecine, mais en travaillant des boulots de merde à l’hôpital, elle se formait petit à petit pour aider les gens de sa communauté. Elle a donné un conseil à ma mère. Un truc risqué, mais qui ferait que son petit bébé saurait tenir l'alcool et se retrouverait jamais démuni face à un Singe qui l'aurait piégé. Un truc que jamais aucune mère Humaine a réussi à faire jusqu'au bout parce que ça demande trop de sacrifice.
- Qu'est ce qu'elle a fait ?
- Elle m'a fait boire de l'alcool. Tout simplement.
- Quoi ? Mais tu venais de naître ?!
- Ouais, je sais. Mais avec une mère humaine, j'avais encore les enzymes et autre bordel génétique pour digérer l'alcool. Suffisait de les entretenir tous les jours pour pas qu'ils disparaissent sous le manque d'usage.
- Tous les jours...
- Ouaip. Biberon au panaché. Quatre heure avec biscuit et Baileys. Forcément, gamin je trouvais l'alcool dégueulasse. Ma mère a un peut tout essayé. Les cocktails sucré, l'alcool le plus concentré possible à boire en une fois comme un médoc, cuisiner avec de l'alcool. Autant c'est facile adulte de boire tous les jours, autant gamin, c'était vraiment étrange. Alcoolique fonctionnel dès la naissance. Enfin, bien sur je suis pas alcoolique-alcoolique. Mon foie et mes reins fonctionnent différemment des votres. L'alcool a un effet complètement différent sur moi. Mais de ce que j'en sais, aucune mère humaine a jamais réussi à forcer son gosse à ce régime jusqu'à l'age adulte. Elles finissaient par se dire que ce n'était pas si grave. Que leur rejeton ne tomberait jamais dans les sales pattes des Singes. Jamais piégé. Jamais manipulé. J'espère qu'elles ont eu raison. Mais moi, malgré la galère logistique que c'est de boire pour garder mon corps fonctionnel, je l'ai jamais regretté.
C'est la première fois que Gringe raconte cette histoire. Ça lui fait du bien. Dévoiler une partie du traumatisme de naître dans une société qui ne veut pas de toi, et mettre en avant le sacrifice de sa mère pour le protéger.
Il était pas obligé de raconter tous les détails à Skread. Il aurait sûrement lâché l'affaire au bout d'un moment quand il l'aurait suffisamment assuré que sa "méthode" n'était pas compatible avec les circonstances de sa sœur. Il aurait aussi pu mentir, tout simplement, pense soudain Gringe.
Il ne peut se résoudre à regretter son choix. Ce morceau de confiance qu'il place en quelqu'un d'autre que lui même. Pas parce qu'il est obligé et qu'il ne peut pas faire autrement. Pas parce-que ses confessions lui assurent une sécurité alimentaire ou financière. Simplement parce qu'il le décide.
Il a envie de faire confiance à ce petit blond à la famille si différente de la sienne. Celui qui est calme mais farouche quand il s'agit de protéger les siens. Le seul de la bande à ne pas hésiter une seconde avant de répondre aux je t'aime alcoolisés d'Aurélien. Celui qui a les mots pour calmer Ablaye quand il se met la tête à l'envers et veut tout casser. Celui à qui Serge a jamais essayé de raconter un mytho, simplement confiant l'un avec l'autre. Le seul qui sait raisonner avec Deuklo quand ses idées sont plus dangereuses qu'hilarantes. Celui qui passe une main rassurante dans le dos d'Orel quand il vomit ses tripes.
Orel a dit un jour qu'il confierait sa vie aux gars. Et puis il a ajouté en riant qu'il y aurait que Skread qui saurait en prendre soin et pas le laisser crever en deux jours comme un poisson rouge acheté en fête foraine.
Gringe en est pas là. Certainement pas. Mais il confie un petit morceau de lui à un autre. Quelqu'un dont l'histoire aurait pu être la sienne. Quelqu'un qui ne gagnerait rien à le trahir, pas plus qu'à garder son secret.
Gringe fait un pari sur l'avenir et sur la nature de l'homme. Pas un immense pari. Un pari maîtrisé. Un pari quand même.
Il quitte le bar et il espère. Ça ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps.
Celui qui était pas sûr de reconnaître les signes :
- Hey Gringe, pourquoi t'es hétéro ?
Quand Claude lui demande ça, Gringe s'étouffe avec la fumée de sa cigarette comme s'il était de nouveau un ado puceau qui tirait sa première taff pour impressionner les grands mais finissait par se tourner en ridicule.
Gringe jette un œil furtif à la clope que tient Deuklo, une mentholée qu'il a piquée à une jolie fille au bar. Même pas un pet'. Il a même pas l'excuse d'être défoncé.
- Je sais que t'as été élevé par des trolls, mec, mais depuis le temps, tu devrais le savoir... On demande pas aux gens pourquoi ils sont hétérosexuels, Claude !
- Non mais je veux dire... Essaie de s'expliquer son ami.
Gringe le coupe.
- Bon dieu, est ce que c'est ta vision d'une tentative de drague ??
- Eurk non. Déso, ma poule, mais t'es pas du tout mon style.
Les deux hommes rient, mal à l'aise. Ils se bousculent et se taquinent pour dissiper ce moment embarrassant où deux personnes doivent se dire que oui... Ils s'apprécient, mais pas comme ça. Exercice d'équilibriste périlleux entre le déni trop virulent qui entraîne la vexation et celui trop mou qui laisse planer un doute inconfortable. L'exercice n'est jamais simple, et toujours un échec, il faut l'avouer.
- Alors quoi ?
- Alors moi je pensais que tous les Demis étaient automatiquement Pansexuels. Comme ils ont pas forcément les même notions de genre et tout ça... Mais si ça se trouve c'est qu'un stéréotype de merde et c'est moi qui est ignorant. Ou alors c'est juste un truc bizarre qu'il n'y a que toi qui fait...
- Deuklo... Gringe soupire.
Avec le temps il a compris que Deuklo gardera son secret comme une tombe. C'est bien le seul secret qu'il l'ai vu gardé d'ailleurs... Pourtant, même s'il n'est plus une menace, Gringe est toujours mal à l'aise de parler de ça.
- Non mais je demande ça comme ça ! Pour ma culture personnelle ! Ça me générait pas si t'étais dep ! Ça générait personne dans le groupe d'ailleurs. Ils seraient bien mal placé...
Gringe hausse les sourcils, poussant Claude à développer. Celui ci, qui lit de mieux en mieux ses micro expressions chaque jour s'exécute ;
- Serge nique tout ce qui bouge et en état de consentir. Ablaye est pan mais avec des critères impossibles à satisfaire. Je crois pas qu'Orel aie mis une étiquette sur sa sexualité mais il nous a définitivement ramené des mecs, le petit. Du groupe, je crois qu'il y a que Skread qui soit 100% hétéros. Et encore... Il est en couple avec Angie depuis le début du lycée. De mon point de vue, il est plus Angie-sexuel qu’hétéro... Je l'ai jamais vu porter un jugement sur une meuf qui soit autre chose que purement esthétique. Sur un mec aussi d'ailleurs. Tu vois, c'est presque plus surprenant que tu sois le pote hétéro du groupe...
Gringe savait pour Aurélien. Depuis qu'il a décidé de recommencer à draguer, il s'est un peu cherché. Il a probablement une préférence pour les filles si il devait avoir une préférence.
Ce soir, au bar, comme pour le faire mentir, Orel s'est fait abordé par un grand rouquin à lunettes. Baraqué, tatoué, mais avec un look de nerd. Un T shirt rigolo, monture de travers et un sourire charmeur ont suffi pour accrocher l'attention d'Orel qui s'est laissé gentiment traîner à une autre table où l'autre type le baratine. Le type a l'air doux. Un peu maladroit. Romantique. Ça fait sourire Gringe plutôt gentiment. Orel mérite qu'il lui arrive des trucs bien. Il mérite quelqu'un qui comblerait son cœur d'artichaut.
C'est probablement le plan drague d'Orel qui a poussé la question de Deuklo.
Gringe savait pas forcément pour les autres gars du groupe. Faut dire qu'ils sont plutôt discrets. Et ensemble, ils parlent surtout meuf. C'est une question d'habitude plus que de préférence alors ?
Gringe soupire et abdique.
- C'est pas une légende urbaine... Enfin. Pas à ma connaissance. Après, même pan, chacun a ses préférences perso.
- Donc t'es Pan. Ben pourquoi on te voit qu'avec des meufs alors ? Pire pourquoi tu t’insurges comme un homophobe de première dès qu'on suggère qu'un mec est un peu mignon ?
- C'est pas parce-que j'ai la capacité physique de bander sur des types que je suis prêt à prendre le risque de me retrouver attaché aux barreaux du lit, une laisse et une médaille autour du cou marquant comme la propriété de quelqu'un.
- C'est une question de peur alors ?
Gringe écrase son mégot de cigarette du pied. Il réfléchit à laisser la conversation en plan et faire demi tour. Deuklo n’osera pas continuer la discussion devant les autres. Il faut lui reconnaître au moins ce mérite : ses sujets de conversations sont hautement personnels et embarrassant, mais il choisit toujours des moments où Gringe est seul.
Quand il jette un œil à l’intérieur de l’Embuscade, Gringe se rappelle que pour rejoindre leur table, il devra passer devant celle d’Orel et de son joli cœur.
Il reprend une cigarette.
- C'est une question d'acceptabilité du risque. Je peux pas cacher mon espèce secondaire à un amant. Si une maîtresse réagit mal, je sais que je peux la maîtriser physiquement. Je suis déjà moins sûr avec un gars. Je suis plus tranquille en passant pour hétéro.
- Comment c'est de la merde d'être Demi.
- Je te le fais pas dire...
-De toutes façons l'homosexualité masculine chez les Grands Singes, c'est suspect. C'est toujours associé aux Demis quoi qu'il arrive. Vu comme une déviance dont vous pouvez nous faire porter le chapeau. En restant gentiment hétéros, j’évite les embrouilles. Et puis je préfère les chattes des toutes façons...
- Mais c'est une préférence. En théorie tu pourrais tomber amoureux d'un gars, n'est ce pas ? Si tu baissais ta garde... Tu pourrais.
- C'est théorique on est d'accord ?
Deuklo hoche la tête.
- Ouais, je pourrais.
À l'intérieur du bar, le rouquin se penche vers Orel et dépose un léger baiser sur sa joue. Ablaye et Serge applaudissent comme des cons depuis leur table, alors que Skread essaie de les faire taire. Leur brouhaha porte jusqu'à eux, alors Claude et Gringe se retournent juste à temps pour voir Orel s'armer de courage, encercler le poignet du type pour le tirer à lui et planter un baiser franc sur ses lèvres.
Gringe sourit, heureux pour son colocataire et ami.
Dans le même temps, son cœur se serre. Il se fait la reflexion qu'il est seul depuis bien trop longtemps. La chaleur d'un corps contre le sien lui manque sacrément pour qu'il réagisse comme ça à un simple baiser. Jalousant son pote pour un simple smack.
Il a fait taire ses désirs bien trop longtemps. C'est toujours risqué pour lui de se déshabiller devant quelqu'un. Même si les femmes Grand Singe sont généralement plus tolérantes là dessus que les hommes. Elles veulent bien de lui pour les sauter, accomplir un fantasme, mais ne le présenteront jamais à leur parent. Gringe se dit qu'il s'en fout. Il ne cherche pas de relation. Aucune d'entre elles n'est assez bien non plus pour qu'il leur présente sa mère alors…
Quant à draguer une Demi, Gringe se dit que ce serait encore d'autres problèmes. Comment lui expliquer qu'il cache qui ils sont ? Le dégoût qu'il a pour lui même. Pour leur espèce ? Sortir en plein jour avec l'une elle n'attirerait que trop d'attention sur lui.
Il se dit qu'il profitera de l'absence d'Orel pour aller aux putes ce soir. Plus facile.
Celui qui s'en foutait :
- Tu fais quoi ? demande Gringe quand il trouve Orel allongé sur le sol du salon, un PC portable sur les genoux, différentes tables de mixages éparpillées au sol, un casque son sur les oreilles.
- Skread m'a envoyé une instru. J'essaie de boucler une maquette, mais je galère... Faut que je l'envoie dans deux jours si je veux qu'elle passe en radio.
- Tu fais du son ? demande Gringe sincèrement surpris.
Depuis quelques mois, Orel a repris du poil de la bête. Il boit moins. Il sourit plus. Peut-être que la récente présence de Ben dans la vie d'Orel y est pour quelque chose, ou alors Orel est simplement arrivé au bout de sa dépression saisonnière et ses passions refleurissent avec le retour du soleil.
Son colocataire, qu'il avait apprécié morne et triste, s'anime un peu plus de jour en jour. Joueur. Enfantin. Passionné.
Et dire qu'il était déjà fou de lui. Ça va pas arranger sa promesse de pas trop s'attacher, cette histoire.
- Ouais, du rap. Rien de sérieux hein. Pour la déconne. C'est fun. Tu veux écouter ?
Gringe s'assoit alors à son tour au sol, faisant fit du canapé juste à ses côtés et de ses instincts qui lui crient de toujours se mettre en hauteur. C'est bon, ça va. Il est chez lui. À la maison. Il est en sécurité. Il s'assoit en face d'Orel, dos à la porte d'entrée. Il fait instinctivement confiance à Orel pour couvrir ses arrières.
- Fais moi voir ça.
Il écoute d'abord l'instru de Skread. Puis une première version que Orel a enregistré quelques jours auparavant et qui ne lui convient pas. Orel chante la dernière version du morceau. Il lui parle de ses idées. De ses inspirations. De ce qu'il a envie de faire ressortir. Des modifications qu'il a fait à chaque étape et ses hésitations.
Orel a une belle voix, même s'il chante limite niveau justesse. Ça donne un côté vulnérable à ses paroles. Ses textes sont amusants. Bourrés de références de pop culture et de l'irrévérence gracieuse qui caractérise son ami. C'est un peu un OVNI musical. Comme tout ce que fait Orel, ça plaît immédiatement à Gringe.
Naturellement, comme ils ont l'habitude de le faire quand ils ont des délires ensemble, Gringe essaie de faire parler Orel. De l'aider à se faire confiance. Le pousse à aller au bout de ses idées, même les plus incongrues. Son soutient lui est total. Avant Gringe savait même pas qu'il pouvait avoir des opinions sur la musique.
Gringe se retrouve soudain à reprendre Orel sur un rythme qui ne tombe pas juste. Il lui propose de remanier la phrase. Fredonne une version alternative du couplet.
Gringe ne se rend pas compte qu'avec le temps, c'est de plus en plus lui qui parle, et Orel qui l'écoute.
Il en prend douloureusement conscience alors qu'il vient de scander un couplet entier de sa création sur le morceau que Orel était en train de travailler. Orel le regarde avec un sourire immense.
- Enfin. Voilà quoi. Quelque chose comme ça... Enfin ce que j'en dis moi. Tu fais ce que tu veux hein... J'y connais rien.
- Non, moi je trouve c'est cool. T'as une belle voix, Gringe. Pourquoi tu chantes jamais ? Je t'avais jamais entendu chanter avant. Même sous la douche.
Avant Orel, Gringe pensait que c'était une forme de légende urbaine les gens qui chantaient sous la douche. Il a depuis découvert que non. Il a aussi découvert que ne pas parler japonais n'empêche pas son ami de massacrer les génériques de ses anime préférés dès 16h du matin dans la salle d'eau.
- Arrête de te foutre de ma gueule. J'ai pas une belle voix. Je le sais très bien.
On associe plein de caractère aux Demis en fonctions de leurs espèces secondaires. Et s'il y a bien une chose qu'on associe pas au chat, c'est la mélodie de leur miaulement. Agaçants. Irritants. Insupportables. Gringe a toujours eu peur qu'on lui dise de la fermer s'il disait plus de deux mots l'un après l'autre. Son adolescence et sa mue ont été un enfer, sa voix basculant entre la crécerelle et le chat de gouttière qu'on égorge. Il a appris à la moduler pour qu'elle reste dangereusement basse. Presque inaudible. Le plus proche du ronronnement qu'il a réussi à maîtriser. Pour ne pas attirer l'attention à lui, et aussi inconsciemment attendrir ses bourreau par ce son naturellement apaisant.
Il a jamais pensé qu'il pouvait avoir une belle voix. Une voix de chat de gouttière. Assurément, Orel lui dirait pas ça s'il savait la vérité.
- Je sais pas. Moi j'aime bien. Et puis t'as une méchante plume mec. Comment je suis jaloux. Des semaines que je bosse sur ce texte, et toi t'arrives comme un prince, tu trouve des couplets comme on trouve des miel pops au fond d'un canapé. Naturellement.
- Déconne pas. T'avais déjà prémâche tout le travail. Il y avais déjà toutes les idées.
- Merci de m'avoir aidé en tous cas. J'mettrais ton nom en featuring sur la maquette.
- C'est pas obligé...
- Attends, je vais pas faire foirer notre première collaboration comme ça. Premier morceau de notre groupe mec !
- Notre groupe ? Rien que ça ?
- Maintenant que tu m'as fait voir ta plume ? C'est mort pour que je te lâche. Je te laisserai pas gâcher un talent pareil. Et puis je suis égoïste aussi... Je vais t'faire la cour mec, t'imagines même pas. Te draguer musicalement comme on t'a jamais dragué. J'vais t'écrire des sérénades tellement belles, des sons tellement puissants qu'à la fin, ce sera toi qui me suppliera d'accepter de monter un groupe ensemble.
Gringe lève les yeux au ciel. Il n'y croit pas une seule seconde.
- Et on l'appellerait comment ce groupe ?
Orel regarde autour de lui. Il s'arrête sur la VHS de Maman j'ai raté l'avion qui traîne dans l'appartement. Ils n'ont même pas de lecteur VHS...
- Hummm... Maman j'ai... Maman, j'ai rappé un son ?
- Ouais c'est mort.
- T'as raison. On est pas trop ambiance Kevin McAllister. Gentils chiots blondinets débrouillards. On est même tout l'inverse. Méchants, flemmards, adultes ratés et destructeurs. Les casseurs flotteurs ? Non attend. Les Casseurs Flowters ! Gringe ! Les Casseurs Flowters
- Pfff, tu rêves !
À ce moment là, Gringe a pas encore capté que les rêves d'Aurélien, ont tendance à se réaliser.
Notes:
J'espère que l'univers vous plaît toujours et que vous voyez un peu plus comment cette histoire avance.
J'adore écrire la relation de Gringe avec les gars, et comment celui ci evolue au fil du temps. Gringe est persuadé d'être un chat de gouttière, mais ne nous mentons pas : c'est une pantoufle de canapé.
Venez me voir dans les commentaires pour me dire ce que vous en pensez ! Vos idées sur comment les autres mecs de la bande vont l'apprendre et leurs réactions. Ce que vous pensez de Skread en grand frère protecteur. Et comment Orel fait pour louper les signes pendant si longtemps ? Oblivious bébou.
Chapter Text
Celui à qui on l'avait dénoncé :
Skread arrive tard au studio comme il a l'habitude de le faire. Matthieu n'est pas du matin, Ablaye si. Ils se sont bien trouvés. À eux deux ils assurent le maximum de présence au bureau pour faire tourner le label. Les gens du monde de la musique travaillant avec les horaires les plus étranges, il est préférable de se relayer en permanence pour réussir à attraper certains créatifs disponibles qu'aux heures les plus stupides du jour et de la nuit.
Il est surpris de trouver Ablaye dans son bureau, assis dans son fauteuil, une console de jeu entre les doigts. Celui ci l'attendait visiblement. Un coup d’œil sur son score l'informe qu'il est campé là depuis un bon moment même. Ça intrigue Skread qui se demande ce qu'il veut lui dire de si urgent. Un sujet perso aurait pu être traité par un SMS ou un coup de fil, et pour le taff son ami a plutôt tendance à lui envoyer des mails pour traiter les sujets importants et en garder la trace. De plus, ils sont plutôt bons pour se répartir les taches, leurs sujets s'entrecroisent finalement peu, Ablaye à la logistique, les visuels, la com et la paperasse en général et Skread pour les instrus, le contact avec les pros, les plannings et la comptabilité.
C'est plus le fait de trouver son acolyte en train de jouer à Tetris sur ses horaires de boulot qui le surprend. Ablaye n'est pas du genre à traîner au bureau à glander juste pour faire ses heures. C'est même plutôt l'inverse. Ablaye, c'est une tempête de nerfs et d'efficacité qui règle toute l'orga en trois coups de cuillère à pot, avant de s'en retourner aller s'éclater en ville avec deux heures d'avance sur le planning prévu.
Du point de vue d'Ablaye, la vie est trop courte pour perdre du temps à procrastiner un taff alors qu'il pourrait être au bar ou sur un terrain de basket avec ses potes. Il est tellement brutal dans sa motivation et son organisation qu'il arrive même à bousculer les Casseurs dans leurs habitudes de glandeurs. Enfin, de temps en temps, c'est pas un magicien non plus.
Quoi qu'il en soit, Skread sait que son ami squatte son fauteuil ergonomique personnel pour une bonne raison, alors il patiente jusqu'à ce qu'Ablaye mette son jeu en pause. Il n'aime habituellement pas qu'on touche à ses affaires, mais Skread fait une exception. Son instinct lui dit qu'il est en train de se passer quelque chose d'inhabituel.
- J'ai reçu une visite de la Brigade de la Répression des Fraudes des Travailleurs Demis ce matin, commence Ablaye.
Ça explique l’énervement d'Ablaye. Il peut pas saquer ces types qui sont une chimère monstrueuse entre des fonctionnaires trop protocolaires et des flics trop portés sur la bavure.
Skread partage l’avis de son ami. Au delà de leur idéologie nauséabonde concernant les Demis, ces gens sont tout simplement insupportables en tant qu’humains. Personnellement, il a préféré discuter avec le contrôleur des impôts quand ils ont eu un soucis avec leur déclaration l'an dernier. Le bureaucrate teigneux avec qui il avait eu à traiter lui avait paru plus bienveillant que ces raclures qui s’enivrent de leur statut de petits chefs et qui réussissent à abuser des bribes de pouvoir qui leur sont donnés.
- Ah, merde... Ils ont encore trouvé des trucs à redire sur le dossier d’Alison ? Putain, ils font chier. C'est la troisième fois depuis le début de cette année. Ils ont pas autre chose à foutre que venir l'emmerder sur les 6 heures de secrétariat par semaine qu'on lui paie ? Sérieusement !
- Non, ils étaient pas là pour Alison. Même si t'as deviné juste, ils ont encore renvoyé son dossier en début de semaine, on est reparti à zéro avec la paperasse de son temps partiel. Mais c'est pas pour c'te Demis là qu'ils se sont déplacés...
Matthieu fronce les sourcils lorsque Ablaye ne lui donne pas plus de précision. Ce n'est pas son genre de jouer aux devinettes pour le plaisir de ménager son effet. Pas au taff en tous cas. Ablaye reste assis au fond de son fauteuil alors qu'il poireaute toujours debout. Il s'amuse à tournoyer sur sa chaise pendant que Skread se plie à ses facéties de mauvaise grâce.
- Kevin ?
Ablaye hoche la tête. Non.
- Taz ? Shohreh ? Max ?
Ablaye fait un signe de dénégation à chaque fois, jusqu'à ce que Skread comprenne enfin de quoi il en retourne.
- Ah... Merde.
- J'aurais pas dit mieux.
Ablaye le regard fixement, le regard lourd de reproches. Skread a la décence de rougir. Il est soudain très intéressé par cette vieille tache de café sur la moquette. Est ce qu’elle ressemble à un cheval ? À un tabouret ?
Ablaye se tait. Le silence se prolonge et s'étire. Infini.
Quand Skread comprend qu’il va devoirs arracher à Ablaye des explications et que c’est sa pénitence pour avoir caché le secret de Gringe si longtemps, il demande :
- Du coup, ça a donné quoi ?
- Tout s'est parfaitement bien passé. J'ai fait comme si de rien était. Tu me connais, pas question d'ouvrir ma gueule devant les keufs sans la présence de mon avocat. Ils voulaient voir les papiers qu'on avait sur Gringe. Je leur ai montré sans comprendre ce qui était en train de se passer, quand ils m'ont dit que tout était en règle, j'ai regardé à mon tour le dossier des gars et j'ai été... surpris.
- Écoute mec...
- Ce qui est vraiment étonnant c'est que TOUT soit en règle, parce-que ces papiers là, c'est MOI qui les ai remplis, et quand je l'ai fait, ils l'étaient certainement pas, en règles. Pas avec les infos que j'avais. Et vraiment, c'est Orel et Gringe. J'y ai passé du temps à compléter leur dossier de merde. À les relancer. À les menacer. À les supplier. À leur faire du chantage. Tout ça pour quoi ? Pour que tu passes dans mon dos et que tu refasses tout le taff à ma place ? Non mais tu le dis, mec, si tu veux ma place... Que je m'emmerde pas à faire les dossiers que tu mettras ensuite à la poubelle.
- Ablaye, mec, j'voulais pas te blesser. Gringe refusait de m'écouter et de m'envoyer le moindre document sur le sujet. Il se braquait dès que j'essayais de lui en parler. Pas question de le convaincre de te mettre dans la confidence. Il s’énervait tellement que j'ai cru plusieurs fois qu'il allait faire son sac et retourner chez sa mère à Panam.
- Du coup, la solution la plus logique ça a été de falsifier ces documents. Dans mon dos. Mais tu te rends compte que t'aurais pu planter le Label avec une connerie comme ça ?
- Et si je l'avais pas fait Gringe ce serait retrouvé en prison à cause de ces conneries !
- Mais tu m'aurais demandé, bien sur que j't'aurai aidé à trafiquer ces papiers, mais putain Matthieu, là n'est pas la question ! La question c’est : Depuis quand tu fais ce genre de choix de merde sans moi ? On est supposé être une équipe. J'm'en cogne que Gringe soit un Demis Phacochère, Ascendant Sagittaire ou qu’il ai de l’ADN de Carotte. Si tu savais combien je m'en tape. Tes faux papiers d'identité de pacotille, par contre, là faut qu'on parle, mec ! Tu les as fait sous quoi ? Paint ? T'as vraiment le cul bordé de nouilles que ces types soient plus aveugles que Serges à 3 grammes qui essaie de retrouver sa caisse dans un parking ... parce que le travail que tu m'as fait là ? C'est juste une insulte à notre amitié. J'ai déjà fait des meilleurs montages dans mon sommeil. Comment tu t'es dit que tu pouvais faire ça tout seul, mec ? Et comment tu peux être aussi bon en son et autant une tanche en image ?
Ablaye l'engueule. Skread est désespéré car même s'il est certain de sa décision de garder le secret de Gringe, il aurait tellement voulu qu'il existe une autre solution. Une troisième voie possible qui aurait ménagé tout le monde. Il se sent à la fois coupable, et dans son bon droit. Et ça le tue. Ablaye a toutes les raisons de lui en vouloir. Il a mis en péril non seulement leur amitié, mais aussi leur label, leur taff, le fruit d'années de rêves et de travail acharné, tout ça pour quoi ? Pour un pote qui ne leur en sera jamais reconnaissant ?
Skread se sait injuste envers Gringe. Il a été injuste envers Ablaye, ça compense.
Bien sûr qu'Ablaye aurait compris si Skread avait pu lui dire. Bien sûr qu'il n'a pas douté une seul seconde de la loyauté et de la droiture de l'autre producteur. Ablaye passe sa vie à les défendre tous. Alison, Kev, Sho'. Du zikos à la secrétaire.
Occupez vous d'avoir du talent et de briller, je me charge du reste.
Il se bat comme un diable pour faire défendre ses petits protégés. Proposer à des festivals les premiers artistes Demis qu'ils aient jamais accepté, se démenant comme un diable, choisissant les bons mots, sélectionnant les bonnes maquettes. À la fois coulant et mielleux, à la fois retords et mordant quand il le faut. Il passe plus d'heures par semaines à batailler avec la boite d’intérim qui leur a envoyé Alison qu'ils ne lui paient d'heures par mois, mais c'est la façon dont Ablaye travaille. La façon dont ils ont décidé de mener leur label. On y arrive tous, ensemble, ou personne ne décolle.
Malheureusement, ce n'est pas à propos d'Ablaye, ça n'a jamais été à propos de lui, pas plus qu’Ablaye ne lui reproche ses compétences passables en photoshop (Honnêtement, ces papiers n’étaient pas si terribles, Ablaye exagère) . C'est à propos de Gringe et de son apparente incapacité à faire confiance à qui que ce soit.
Skread s’énerve, plus contre Gringe que contre son ami producteur :
- Gringe est pas out, OK ? Auprès de personne. Ni auprès d'Orel, ni d'Serge, ni moi ni de personne. Je l'ai démasqué à cause de Gwen. Ça l'a catastrophé, le mec, j'ai cru qu'il allait faire une syncope. Ablaye, je te ferais confiance avec ma vie, mec, mais pas avec ça. Pas avec la vie d'un autre Demi. J'en ai pas le droit. Et puis Gwen m’arracherai la tête avant que j’ai l’occasion d’outer quelqu’un contre son gré.
Ablaye relève la tête quand il parle de sa petite sœur. La jeune militante Demie leur a suffisamment vrillé le crâne sur le sujet de leurs privilèges pour qu’ils sachent le sujet sérieux. Ablaye essaie de se calmer. De prendre un peu de recul.
Quand il voit que son petit discours commence à marcher, Skread s’accroche et continue encore :
- Donc, même si je les trouve merdiques, ce sont ses choix, alors j'essaie de les respecter du mieux que je peux. Je suis pas Demi, et puis toi non plus. On peut désespérer, juger, mépriser, mais ça n'enlèvera jamais qu'il est Demi, et pas nous, et on a pas notre mot à dire sur à qui il le dit ou pas.
Ablaye repousse sa chaise en s'appuyant contre le bureau dans un geste d’énervement. La chaise roule en arrière et vient taper contre le mur.
- Pff, ça me gonfle tellement fort. T'imagines même pas.
- Je t'assure que j'en ai une assez bonne idée, ricane Skread qui ne trouve pas la situation plus facile à encaisser avec le temps.
Ça va faire des années qu'il sait pour Gringe. Il s'était naïvement dit au départ qu'il finirait par leur faire confiance. Que ses angoisses et ses traumas d’enfance de chat errant se calmeraient alors qu'il apprenait à vivre avec pour la première fois un quotidien calme et prédictible. Toujours le même toit au dessus de sa tête, le même alcool dans son verre, les même amis à ses côtés. Ce bâtard de Gringe a décidé de le faire mentir, ses peurs plus profondément incrustées en lui que l'odeur de gin sur le blouson d'aviateur de Deuklo.
Bien sûr que Gringe change avec les temps. Il évolue. Il grandit, comme eux tous. Devenant chaque jour un peu plus un homme, en choisissant de ne plus renier sa part d'enfance. Ses rêves se forment, s'aiguisent puis se meuvent. Il crée du lien avec les gens qui l'entourent, et si c'était malgré lui au départ, il est conscient de sa place dans le groupe à présent. Pas uniquement le coloc taciturne et bagarreur d'Orel, mais comme un pote de la bande à part entière.
Celui qui accompagne Seydou les week-ends, levé bien avant l'aube pour aller pécher en mer sur le bateau de son grand père. Le baratineur qui égale Serge en soirée lors de leurs concours d’anecdotes et le seul qui distance son tableau de chasse auprès des filles. Le type fiable et sans chichi que Claude va voir quand il a besoin d'un conseil franc sur une de ses combines foireuses. Celui qui a acheté la totalité du rayon d'alcool fort du petit carrouf' le jour où la fiancée d'Ablaye lui a annoncé qu'elle le quittait pour un autre. Le musicien à l'oreille la plus fine que Skread connaisse, celui avec qui il peut parler des heures, même de ses références les plus obscures où de ses délires les plus chelous, Gringe laissant sa chance à chaque morceau, chaque mélodie, peu importe les influences et le genre.
Et puis il y a Gringe et Orel. Orel qui se révèle sous le contact de Gringe autant que Gringe se laisse apprivoiser auprès d’Orel. Aurélien qui devient un peu plus lui même quand son colocataire est à ses côtés. Sa plume soudain plus acérée, ses vannes plus drôles, son dos plus droit, son sourire plus doux. Orel qui avait toujours été qu'un enfant, le bébé de la bande, le voilà qui s'affirme et les épate tous. Enfin assuré, disparu l’ado boutonneux et aigri, le voilà un leader charismatique, chose que personne n’avait vu venir, mais qui n’attendait pour surgir que la main réconfortante dans son dos d’un meilleur ami prêt à le défendre contre vents et marées.
Skread avait pensé qu'ils changeraient Gringe, il avait oublié que lui aussi les ferait changer. S’il avait pu choisir, il aurait préféré qu'ils fassent de leur ami un Demi confiant en son identité, qu'un rappeur talentueux sur le point de percer. On choisissait pas, hein ? Peut être que ça viendrait après... Skread ne pouvait qu'espérer. D’expérience, presser Gringe ne causait que des catastrophes.
Inconscient de ses pensées, Ablaye continua.
- Il est out dans ses autres taffs pourtant, ce con, de ce que m'ont dit les gars le la Rep'. Il était en règle partout. Pourquoi d'un coup ce couillon a décidé de jouer avec le feu ?
- Parce-que ça voudrait nous dire la vérité. Et surtout la dire à Orel, dit Skread avec un ton lourd de sous entendu.
- Connard constipé émotionnellement, crache Ablaye.
Skread rit. Il aurait pas dit mieux lui même.
- Du coup, pourquoi ils étaient sur son dos les Fraudes ?
- Il a pris un nouveau taff au port il y a quelques semaines. Un CDD dans un genre d’entrepôt, un truc un peu glauque où il y a que les Demis les plus précaires qui accepteraient de travailler. Son patron l'a dénoncé aux gars de la Rep en disant qu'il avait pas déclaré son statut de travailleur Demi.
Skread fronce les sourcils devant la véracité de l'histoire, Ablaye lui confirme.
- Ouais, je sais. Foutaises ! Ça devait être une combine pour pas lui payer ses heures. Du coup, comme il a une tache sur son dossier, les Fraudes ont ouvert une enquête auprès de tous ses anciens employeurs pour vérifier qu'il était en règle partout. À la moindre incartade, ça aurait été la prison sans passer par la case départ, sans toucher 200 euros. Comme on a un dossier d'emploi à son nom, leur charmante brigade de bras cassés est venue remuer la merde ici dès l'aube pour nous demander si on était au courant qu'on employait de la vermine. Puis comme bien sûr, on n'a pas que Gringe qui taffe pour nous, niveau vermine, ça a été tournée générale.
- Charmants ces types, comme toujours. Du coup, tu as réussis à les balader toute la matinée dans le studio sans leur foutre ton poing dans la face ?
- Ça a été dur de me retenir, crois moi. J'en ai des palpitations. Tu te rends compte qu’ils ont essayé de me faire participer à leur petit Monkey’s club de péteux ? Il étaient là à dénigrer les Demis comme des sous races... Essayant de m’inclure pour rire à leurs blagues. Comme si ça faisait pas moins de deux cents ans que les Noirs sont considérés comme des Sino Humains, et pas comme automatiquement des Demis croisés avec des créatures dont on aurait jamais trouvé l’identité ? Chainon manquant, mon cul. Comment j’ai cru qu’ils allaient me coffrer pour avoir pété le nez à l’un d’entre eux. Petits Singes Albinos de merde. Tu viens à la boxe ce soir ? J’ai besoin d’extérioriser.
- Non, je retrouve Gwen à l'Embuscade. Tu veux venir ? Et on va boxer ensemble demain si tu veux, tu me mettras toutes les patates que t'as rêvé de mettre à ces types.
Ablaye lui tape dans la main, signe de son accord pour un vendredi boxe. Les muscles de la mâchoire de Skread se contractent rien qu'à l'idée de la raclée qu'il va prendre, mais Ablaye a besoin de se défouler. Toutes choses considérées, il a plutôt bien pris que l'un de leur meilleur pote leur ai caché son identité depuis toujours et que lui, Matthieu, il l'ai aidé en douce.
Il mérite aussi toute son admiration pour avoir géré tous ces fliqueux spécistes toute la matinée, et avoir protégé les leurs de leurs griffes qui cherchaient le sang.
- Qu'est ce qu'il a été foutre à accepter un taff supplémentaire aux docks, ce con ? Ça pue la merde les plans aux docks, râle encore Ablaye
- J'en sais rien mais si je devais parier ... Matthieu laisse volontairement traîner la fin de sa phrase.
- Oh putain ! Orel ? Pourquoi à chaque fois qu'il déconne son coloc est toujours mêlé de près ou de loin à l’affaire et à chaque fois qu'Aurélien fait une connerie, on peut être sûr que Gringo est derrière ?
- Tu te souviens quand le mois dernier Orel avait choppé une vilaine grippe ? Deux semaines cloué au pieu.
- Ouais, je me souviens. Il en a profité pour nous extirper un délai pour les maquettes qu'il nous doit cet enfoiré. Ça a décalé tous tes plannings pour l’album, t’as pas arrêté de te plaindre depuis.
- Ouais, mais du coup, avec Orel dans les vapes à délirer sous la fièvre, il a bien fallu quelqu'un pour payer leur loyer en totalité. Et comme ces deux couillons sont incapables d'avoir 5euros sur leur compte en banque à la fin du mois sans que le biffeton ne se transforme magiquement en Kebab ou pire, en tournée générale à l'Embuscade, ben nos Casseurs ont du se trouver dans la merde pour payer le loyer.
- Et il pouvait pas nous demander une avance, ce demeuré ?
- Oui, enfin, ça, il nous a déjà fait le coup, on dit non depuis.
- Pas faux. Mais il nous aurait dit qu'il était à ce point dans la merde, on lui aurait trouvé un truc au studio ! Des heures de mixage, du secrétariat, même du ménage, j'en sais rien moi. Je lui aurais fait un CDD pour arroser les plantes vertes du studio, s’énerve Ablaye toujours aussi démuni quand il se rend compte qu’il ne peut pas venir en aide à tout le monde tout le temps.
- Oui, enfin Gringe et demander de l'aide, c'est un peu comme la Russie et la liberté de la presse. Historiquement, on part pas avec les meilleurs antécédents.
- C'est sûr que là, c'est beaucoup plus simple de créer dans son dos de vrais-faux papiers pour lui dans son dos.
- Tu vas rien lui dire ? demanda Skread, surpris.
- Pour qu'il se sente reconnaissant envers nous et qu'il disparaisse de la surface du globe pendant 3 mois ? C'est mort. Il a une maquette à finir pour le 10. Officiellement, il ne s'est rien passé.
Skread hoche la tête. C’est d’accord. Il ne s’est rien passé.
Celui à qui personne n'avait osé en parler:
Orel, Gwen, Skread et Ablaye sont assis en terrasse à l'Embuscade. C'est le début de l'été et la longueur des journées s'étire. Il est encore impossible de sortir sans une écharpe et un blouson confortable, mais les habitants de Caen sont décidés à profiter jusqu'au bout du moindre rayon de soleil.
Gwen boit son éternelle sirop de Grenadine, et pour une fois Ablaye s'est laissé tenté par un sirop. D'abord parce qu'il adore sa petite sœur, mais aussi parce-qu’il a une affection pour le sucre qui n'a d'égal que le palais d'un enfant de 7 ans.
Matthieu et Orel boivent une pinte de cidre. Ils ne sont pas saouls, loin de là, mais l'alcool les aide lentement à décompresser de cette longue journée de travail. Orel et Matthieu ont bossé toute la journée pliés en quatre sur une table de mixage, ils ont le dos en compote.
Les épreuves du bac approchent, ce sera une formalité pour Gwen qui est une élève modèle, mais les choix d'orientation la travaillent pas mal. Partir, rester. L'aventure, le foyer. Pour compliquer plus les choses, la sœur de Skread s'est récemment mise en couple avec Rafael.e, un.e autre Demi.e qu'elle a rencontré en manif, et tous leurs choix de vie se conjuguent à présent au pluriel.
Chacun évoque ses souvenirs du bac, et la délivrance de s’échapper du cocon familial que ce soit pour partir faire des études ou s'atteler immédiatement à la vie active. Le début de soirée est doux, mais Aurélien est distrait.
Il finit par se lever et chuchoter quelque chose à l'oreille de la serveuse. Il lui tend un billet que Pauline empoche en secouant la tête. La serveuse revient quelques instants plus tard avec une autre pinte, mais au lieu de l'apporter à leur table, elle la dépose devant une jeune femme, assise seule à une table voisine.
Pauline et la cliente discutent quelques instants. Pauline fait des gestes dans leur direction. Orel a un grand sourire et fait un petit signe de main. La jeune femme rougit. Elle accepte le verre.
Les discussions continuent, mais Orel n'est plus vraiment avec eux, trop occupé à échanger des petits regards en coin avec la jolie blonde qui répond à chaque fois favorablement à ses approches. Enfin, il se lève et part s’asseoir auprès d'elle.
- Toquard, crache Gwen dès qu'Orel est trop loin pour les entendre.
- Gwendoline ! s'exclama Ablaye qui est toujours outré de voir que le bébé qui sert de petite sœur au groupe a grandi et jure à présent comme un charretier (conséquence naturelle à l'avoir laissée fréquenter Claude depuis ses 7 ans)
Skread, qui est plus habitué aux facétie de sa sœur, secoue simplement la tête.
- J'ai jamais compris pourquoi tu pouvais autant pas piffer Orel. C'était ton petit préféré quand t'étais petite, toujours à jouer avec toi aux Pokémon et aux Legos.
Gwen hausse les épaules.
- Faut croire que j'ai grandi. Et je supporte pas les connards infidèles.
Elle jette une œillade discrète à Ablaye pour voir comment il réagit. Gwen a très mal vécu la séparation entre Ablaye et Sarah, qu'elle avait toujours considéré comme une grande sœur. Gwen avait vu Ablaye au plus mal, et ne s'en était jamais vraiment remise. Étonnamment protectrice de l'ami de son frère devenu le sien. Les positions alors inversées entre qui était le plus vieux et mature des deux, la frangine montrant les crocs pour défendre les siens.
Gwen en gardait une détestation profonde pour l’infidélité et le mensonge, probablement plus que Ablaye, dont les années, les potes, et un nouveau goût pour le travail acharné avaient adouci la peine.
- C'est bon, Gwen. Ouais Orel est pas le type le plus fidèle de la création, mais je m'en fous. C'est mon pote, pas mon mec. J'vais pas me mettre à pleurer parce-qu’il est trop du-per dans sa vie pour avoir une moralité, la rassure Ablaye.
- Non, c'est pas ça ! Enfin, si un peu ! C'est comment vous pouvez le laisser faire ça à son mec ! Je croyais que c'était votre ami. Avec des potes comme vous, pas besoin d’ennemis !
Ablaye et Skread se regardent, perplexe.
- Gwen... Il est célib' Orel en ce moment... tente Skread doucement.
Gwen se rassied un peu plus droit et fait un petit geste de menton hautain qu'elle fait quand elle est contrariée.
- Bien sûr que non, s'entête-t-elle avec toute sa certitude adolescente.
- Chloé a rompu avec lui il y a des semaines. Et son mec ... Il a pas eu de mec depuis des mois Orel... essaie de la raisonner Ablaye.
- Et votre pote alors ? Le chat de salon ?
- Gringe ?! s'exclamèrent ensemble les deux producteurs.
- Ouais. Le félin, là...
- Déjà, commença Skread a voix basse, plus bas, s’il te plaît, Gringe est pas out.
Gwen roule des yeux et marmonne que c'est pas elle qui a dit de qui elle voulait parler précisément, et que si ils ont tous les deux compris c'est qu'ils étaient dans la confidence.
- Et Orel et Gringe sont pas ensembles. Ils sont potes. C'est tout, complète Ablaye.
Gwen les regarde tour à tour comme si ils lui faisaient une mauvaise blague. À sa décharge, ils ont souvent joué à la mener en bateau quand ils étaient plus jeunes.
- Et euh... Gringe est au courant ?
- C'est à dire ?
- Est ce que Gringe est au courant que Orel et lui ne sont pas en couple ?
- Je ... Quoi ? ... Gwen ! bafouille Ablaye.
Skread réfléchit à la question quelques instants car c'est vrai qu'Orel et Gringe ont immédiatement eu une relation particulière. Privilégiée. Une confiance innée l'un en l'autre. Une facilité avec laquelle ils échangent et partagent des idées. L'aisance naturelle avec laquelle ils gravitent l'un près de l'autre, jamais en contact, mais jamais hors de la sphère de l'autre non plus.
Dès les premiers jours, Orel leur a dit combien c’était merveilleux d'avoir un colocataire. Comment ils se comprennent comme personne. Comment habiter avec quelqu'un transforme une relation. Qu’évidemment dans ses circonstances c'était le coup de foudre amical, le speedrun pour devenir meilleur ami de toujours, qu'importe s'ils se connaissaient depuis 3 mois.
Ablaye et Skread ayant eux même été colocataires avaient été perplexes. Non, ce n'est pas ça qu'on ressentait pour son meilleur ami. Ni même son colocataire, mais ils avaient sagement fermé leurs grandes gueules.
Est ce qu'Orel et Gringe auraient pu être ensembles ? Là ? Maintenant ? Et ils ne s'en seraient pas rendu compte ? Skread s'interroge quelques secondes avant de repousser l'idée. Non, ces imbéciles n'ont pas la maturité émotionnelle pour mener à bien une telle imposture.
Ablaye qui a sans le savoir mené le même raisonnement que lui explique à Gwen.
- Gringe a une meuf en ce moment. Je crois. Il la trompe tout le temps alors je suis confus, mais je crois qu'ils sont re ensembles. Et puis Gringe est hétéro. Je sais qu'on peut confondre avec toute la tension homo-erotique qu'il dégage quand il est avec Orel, mais je lui ai déjà demandé, c'est mort. Ce type est tellement homophobe, je me demande comment il caresse sa propre queue.
- Et Orel est en couple tous les quatre matins. Ce cœur d’artichaut sait pas vivre seul. Il s'en cache pas d'ailleurs, continue Matthieu.
- Orel et Gringe partent même draguer ensemble parfois, renchérit Ablaye, prenant bien garde de ne pas ajouter au passage que cette méthode particulière avait plutôt tendance à baisser leurs chances de succès respectif.
- Qu'est ce qui se passe, Gwen ? Pourquoi tu nous regarde plus bizarrement que quand on t'a annoncé que le père Noël existait pas ? lui demande son grand frère.
Gwen secoue la tête et plisse le nez.
- Je n'arrive pas à réconcilier les deux infos dans ma tête.
- Quelles infos ? Le fait de voir ces deux idiots se faire les yeux doux et ne rien faire à propos de ça ? Toi et moi pareil, ma sœur. Mais tu verras, on finit par s'habituer à avoir l'impression de vivre dans une comédie romantique mal ficelée, rit Ablaye.
- Non, c'est juste... ses phéromones.
- Ça veut pt'et dire un truc chez les Canins, ma puce, mais il va falloir expliquer un poil plus que ça, parce-que ton frère et moi, on reste des stupides Grands Singes.
- Orel pue le chat, commence Gwen avec dédain.
- Ouais, je suppose, c'est son coloc. Avec le temps qu'ils passent ensemble, c'est inévitable, dit Ablaye qui comprend pas où est le problème.
- Mais non. Pas comme ça. Je te parle de phéromones. Je te parle de marquer quelqu'un, s’énerve Gwen.
Skread prend alors son relai pour expliquer plus en détail l'importance de l'odorat dans la communauté Demi.
- Tu sais comment les clebs communiquent par l'odorat ? Comment quand tu promènes ton iench quand il sent chaque poteau d'urine, en réalité il est en train de check son mur d'actualité Facebook. Pour la majorité des Demis Mammifères, comme les Canins, les Félins, ou les Ursidé par exemple, c’est pareil. L'odorat est très important. Les gens d'un même groupe se marquent entre eux pour se reconnaître les uns les autres. Déclarer leur statuts. Amis, en couple, c'est compliqué. Ce genre de truc.
- N'importe quel ami Demi à moi pourra reconnaître Matthieu comme mon frère même sans l'avoir jamais vu. Et un Demi qui ne me connaît pas saura que Skread a une petite sœur Canin dont il est proche, explique Gwen patiemment.
- Alors Orel sent comme... Comme quoi... Comme son mec ?
- C'est plus compliqué que ça. C'est une odeur assez unique qui exprime la nature de votre relation. Ce n'est ni anodin, ni accidentel, c'est un truc que tu fais intentionnellement, de façon répétée. C'est souvent une étape assez importante dans une relation d'accepter de marquer l'autre et d'être marqué en retour. Selon les espèces ça peut même être très ritualisé. C'est un peu hurler au monde ce que vous êtes l'un pour l'autre. Ce serait l’équivalent de ... je sais pas... Une bague de fiançailles olfactive ?
- Ah ben ça... J'aurais jamais cru que ce serait notre p'tit Orel qui se ferait passer la corde au cou le premier...
- C'est pas possible que je sois la première à vous expliquer ça. Ça va faire DES ANNÉES ! Vous traînez vraiment pas avec des Demis en fait, dit Gwen avec une pointe de reproche dans la voix.
- Ben euh...
Les garçons ont la décence de rougir. Non, c'est vrai que leur cercle proche est pas hyper inclusif...
- Pas vraiment, non. Et quand c'est le cas, je t'avoue on leur demande pas sur qui Gringe a pissé pour marquer son territoire, se justifie son frère.
- Et du coup, je sens comme quoi moi ? demande soudain Ablaye.
- Quoi ? s'exclame t il devant l'air scandalisé du frère et de la sœur.
- Ben je sais pas. Est ce que je sens comme ton grand frère aussi, Gwen ? Ou comme un de tes potes ?
Gwen est devenue complètement écarlate alors qu'il prononce ces mots, et il se dit qu'il y a sûrement une subtilité culturelle qu'il a du louper quand Skread se moque gentiment de sa sœur.
- Non ! Tu sens rien du tout. Enfin si, tu sens comme Gringe, parce-que ce Demi mal élevé s'en va marquer chaque personne qu'il croise. Mais Normalement, pour les gens civilisés, on réserve ce genre de pratique à la famille proche, aux relations amoureuses sérieuses et aux amis de longue date. Et APRÈS en avoir parlé à la personne.
- Ah. Bon d'accord. Pardon, je voulais pas te vexer. Enfin, tu pourrais s'tu veux. Ça me gênerait pas qu'tu proclames à qui peut le sentir que t'es la petite sœur que mes parents ont toujours refusé de me donner.
Ablaye a un air embarrassé absolument adorable quand il déclare ça dont Skread se régale. Gwen a pas l’air plus à l’aise par la situation et pour son grand frère, c’est comme Noël et son anniversaire en avance. Qu’est ce qu’ils peuvent être bêtes parfois, ces deux là aussi.
- Tu es sur, Ab ? Demande Gwen d’une voix plus douce que personne ne l’a jamais entendu.
Ablaye qui ne supporte pas que qui que ce soit donne un diminutif supplémentaire à son surnom, hoche la tête.
- Donne moi ta main.
Il tend sa main à travers la table et elle l'attrape au niveau du poignet en enroulant ses doigts autour. Son pouce arrive au niveau de la naissance de sa main, entre les deux veines qui montent le long de son bras. Son pouce fait un simple mouvement circulaire au niveau du poignet, avant qu'elle ne relâche sa main.
- C'est bon ! Déclare-t-elle.
- Quoi ? C'est tout ?!
- Ablaye, tu t'attendais à quoi, sérieusement ? rit Skread.
Leur ami reprend sa main et la regarde avec stupéfaction, comme s'il s'attendait à ce que sa peau soit devenue verte ou quelque chose. Il hésite quelques instant puis porte sa main au niveau de son nez et essaie de voir s'il perçoit la différence.
- Ça sert à rien, Ablaye. On peut pas sentir ce genre de chose. On est pas équipé pour, j'ai essayé, crois moi. Tu n'imagines pas l'enfer de grandir dans une famille où 50% des gens ont un sens en plus que toi et te racontent des ragots sur des sujets que tu ne perçois même pas. Insupportable.
- Ça va se dissiper avec le temps. Mais ça va pas partir en une douche non plus. En vrai, c’est quelque chose que tu appliques au fil du temps, comme une relation que tu développes. Tissant un parfum complexe et unique pour refléter ta relation avec la personne, explique encore Gwen pour son ami pour qui cet univers est complètement étranger.
- Et Orel ... Il sait ? demande soudain Ablaye.
- Quand même ! Ça va faire des années. Quelqu'un lui a dit. Sûrement, tente Gwen.
- Je sais pas… Imagine... Il sait pas. Tu comptes dire à Orel que apparemment Gringe il veut le retourner sur le canapé et lui faire une portée de chaton et qu'il porte en permanence l’équivalent d'un collier de fiançailles autour du cou avec le nom de son coloc écrit en lettres capitales dessus ? Parce-que tu peux être sûr que moi, je vais pas lui dire. Ah et puis, il y a aussi la partie où il est persuadé que son meilleur pote est Sino-Humain et que du coup Gringe lui ment activement depuis des années. Peut être, c'est ton délire le drama, mec, mais moi, je les laisse se débrouiller avec leur merde.
- Mais on ne peut PAS ne pas lui dire, si ? S’indigne Ablaye.
- Vu le temps qu'ils passent ensemble, à ce niveau là, si Orel est pas au courant, c'est qu'il le fait exprès, et rien pourra lui ouvrir les yeux tant qu'il l'aura pas décidé. Si Orel décide d'être en relation exclusive avec son déni plutôt qu'avec Gringe, c'est son problème. Et si en retour Gringe préfère s'attacher à ses anxiété qu'attacher son coloc au lit comme il rêve de le faire, c'est également son problème. Tant que ces deux couillons sortent leurs sons relativement dans les temps, et viennent boire des coups de temps en temps à l'Embuscade avec nous, c'est bon pour moi.
- Quand même, il pourrait PAS ne pas être au courant, si ? Vous avez vu comment il le bouffe des yeux ? Demande Gwen d’une petite voix.
Les deux compères producteurs haussent les épaules et disent en parfaite synchronie.
- Ben... C'est Orel quoi.
Notes:
Mon choix pour écrire une romance Orel Gringe, c'est d'ecrire un chapitre complètement dépourvu des deux persos concernés, et de raconter la bromance entre leurs potes. Et inventer des vies, des rêves et des familles, à ces persos dont on ne sait pratiquement rien.
J'espère que ça vous plait. Moi je m'amuse beaucoup à développer cet univers.
Also, j'adore la petite soeur de Skread, je veux l'adopter.
Voilà, comme je disais à Pige, mon cat-universe headcanon c'est qu'Orel et Gringe sont l'equivalent de mariés olfactivement parceque Gringe est d'un naturel jaloux et teritorial avec son "meilleur pote". Évidemment, Gringe qui a grandi sans aucune présence Demi dans sa vie n'a AUCUNE idée qu'il fait ça, et Orel ... est Orel :)
Viendez discuter de tout ça avec moi dans les commentaires
Chapter Text
Celui qui avait sacrément merdé :
Il n'y a rien que Serge aime plus au monde que célébrer son anniversaire. Il est au centre de la fête. Tous ses amis à ses côtés pour marquer le passage du temps et honorer quelle personne exceptionnelle il est. C'est la raison pour laquelle Serge fête son anniversaire le plus souvent possible. Personne ne sait exactement son age, ni même son mois de naissance.
Il en joue et organise sa fête d'anniversaire plus souvent que les saisons changent. Il faut dire qu'à Caen il y a surtout une saison : humide, seulement intercalée par quelques gracieuses journées ensoleillées avant de repartir dans un éternel automne.
Serge sait que ses amis ne sont pas dupes, mais il réussit toujours à manier leur culpabilité pour tous les faire venir lors des soirées décadentes qu'il organise chez lui. Pas que leurs potes aient besoin d'excuses véritables pour faire la fête mais quand un s’apprête à manquer à l'appel, Serge le rappelle à l'ordre avec un nouveau mensonge éhonté pour justifier de la date de sa conception.
Ce soir, il a prétexté son trentième anniversaire (la douzième fois qu'il le fête en 5 ans), pour attirer chez lui un Orel récalcitrant qui prétextait de la fièvre. Peut être n'exagérait il pas car voici qu'à même pas dix heures, cendrillon a disparu dans les étages pour se rouler en boule sur un lit sous une pile de manteau. Si Serge était capable de ressentir le moindre regret, il aurait de la compassion pour son ami fiévreux, mais en vérité, n'est il pas mieux ici, avec tous ses amis pour le surveiller ? Après tout, Gringe serait venu à son anniversaire, n'est ce pas ? Et Orel aurait été seul et abandonné sans personne pour l'amener aux urgences si sa fièvre prenait des dimensions effrayantes.
Non, tout est pour le mieux, se dit Serge.
En parfait hôte de maison il traverse les pièces et s'assure que tout le monde passe un excellent moment.
Il accompagne Skread qui part se chercher une bière dans le frigo quand soudain.
- Hey Skread, dans la véranda, ce serait pas ta frangine en train de ...
- Rouler le patin de sa vie à Ablaye ? Yup. Claude me doit vingt balles. T'as un décaps ?
Skread trifouille dans la cuisine sans s'inquiéter plus que ça du spectacle que sont en train de donner sa sœur et son meilleur pote. Pas que Serge se soit attendu à ce que Matthieu reste mater sa propre sœur mais ce comportement si calme et détaché le surprend de Skread habituellement très protecteur envers sa famille.
Il ne veut pas poser de problèmes dans son groupe d'amis, mais il ne veut pas non plus laisser le discret Matthieu s'isoler si jamais il spirale tout seul dans sa tête et vit mal la situation. Serge est pas vraiment le confident de la bande. Plutôt constipé émotionnellement, il y a une raison pour laquelle il est si proche de Gringe. Comme il est plus loyal qu'il ne déteste parler de sujets profonds, il s'y essaie malgré tout.
- Et euh ... Ça va, Skread ? Ça te pose pas de problèmes ? demande t il hésitant.
- Gwen et Ablaye ? Naaah. C'est une grande fille, ma sœur. Elle a 24 ans, elle vient de décrocher son diplôme d'infirmière et elle rentre finalement à Caen après des années à Paris, si elle a une raison de plus pour rester, moi ça me va.
Skread a l'air plutôt détaché. Son ami lui prend sa bière des mains et l'ouvre également avant de faire s'entrechoquer leur deux bouteilles entre elles pour trinquer.
- Chais pas. Ils ont une sacré différence d'âge quand même...
- Arf, je t'avoue que ça m'aurait fait bizarre si elle avait essayé la même à dix huit ans tous frais, à peine sortie de son adorable crush adolescent sur lui, mais là, ça va. C'est une adulte. Ablaye l'a jamais considéré autrement que comme une petite sœur avant qu'elle parte faire ses études sur Panam, ce nigaud complètement aveugle au regard des meufs sur lui et en particulier celui de ma sœur. En vrai, je suis contente pour elle, c'est un bon gars Ablaye. Au fond, c'est un peu le rêve de tout frangin de voir son meilleur pote et sa frangine ensemble. Ça ne rendra les réunions de familles que plus fun. Tu voudrais pas que Gringe devienne ton beauf si t'en avais la possibilité, toi ?
- Tu veux dire à part la partie où il est irrémédiablement amoureux d'Orel ?
- À part ça évidemment, rit Skread en secouant la tête avec agacement face à leurs deux idiots.
- Si je suppose que ce serait marrant. finit par concéder Serge en imaginant Guillaume essayer de flirter avec sa grand mère à Hanoukka, ou venir déguisé en Robin pour Pourim.
Il est tout de même impressionné par le calme de son ami. Qu'il l'ai vu venir depuis des années ou non, il ne sait pas s'il aurait aussi bien pris la chose si la situation avait été inversée. En plus Gringe, il a plutôt tendance à tromper ses copines et les ghoster pour un oui ou pour un non, mais bon, il suppose que la situation n'est pas vraiment comparable…
Ablaye a toujours été un gars sûr. Hilarant et bon délire avec ses potes, mais beaucoup trop sérieux dans ses amours. Quand il pense qu'il a failli se marier à 22 ans... Le con !
Est ce que si Orel était son p'tit frère et que Gringe se mettait soudain à lui faire la cour, il n'y verrait pas d'objection ?
Ouais, c'est vrai que vu comme ça, il comprend le point de vue de Skread. Lui aussi serait plutôt soulagé de voir cette interminable période de regards langoureux échangés comme autant de romans d'amours non rédigés entre eux sans qu'aucun des deux ne bougent.
La soirée continue, et tout le monde se cale sur la réaction de Skread, les échanges amoureux de Ablaye et Gwen, un non événement.
Tout juste Deuklo se plaint il qu'ils auraient pu attendre deux semaines de plus car il avait parié sur un passage à l'acte pour la soirée du nouvel an. La jeune Canin rit et sort de son jeans un billet tout déchiré à Claude. "Sans regret", dit elle, polissonne.
- Bon ben ça tombe bien que tu fasses officiellement partie de la famille, ma puce, parce-que j'ai un cadeau pour toi.
- C'est pas nous qui sommes supposés t'offrir des cadeaux pour ton anniv, mec ? rit Gwen,
- Attends de voir le cadeau avant d'être redevable, le prévient Gringe, plus qu'habitué à ses tour de passe passe et ses plans douteux.
- Quand ton frère m'a dit que tu venais, et que forcément, tu pouvais pas boire d'alcool, j'ai été voir un copain à moi pour te trouver un ptit truc pour que tu puisses passer une bonne soirée comme tout le monde.
Serge sort une petite boite en métal de l'intérieur de sa veste dont il expose fièrement le contenu herbacé.
- Serge, t'es sûr que... s'interpose Gringe qui a fini par se calquer sur l'attitude protectrice de ses amis envers la benjamine.
- T'inquiète, je me suis renseigné exprès auprès d'un Canin, j'ai lu toutes les petites lignes de la compo, pire que mon ex bodybuilder quand il faisait un régime. C'est 100% sans danger pour la petite. Pour une fois, Canin ou Singe, on devrait tous planer pareil. Alors, qu'est ce que t'en pense Gwen ?
Tous les regards sont concentrés sur elle. Fiers, protecteurs ou curieux. Elle se sent en parfaite sécurité avec cette bande de mecs qui est devenu sa famille. Enfin, sa famille ... et un peu plus pour certains.
- Je peux tirer une taffe dessus maintenant, on attend une bonne heure pour surveiller les effets secondaires, et si tout se passe bien. On tease tous ensemble dans une heure. Ça vous semble une compromis raisonnable ?
- Pfff, tellement sage, soupire Serge en ébouriffant les cheveux de la blonde, preuve qu'il ne lui en veut pas de sa méfiance. Il passe sa main sous ses oreilles canines pour les grattouiller en une marque d'affection fraternelle dont elle raffole.
La soirée continue. Claude lance un strip poker avec Seydou Ablaye et Gwen, car il veut se saisir l'opportunité de se moquer d'Ablaye quand il rougira à chaque fois que Gwen se dévêtira d'une seule boucle d'oreille. Son plan marche pour l'instant assez mal car elle les plume tous aux cartes. Elle a le jogging de Deuklo autour du cou comme une echarpe. Qui a dit qu'on ne pouvait pas être chanceux aux jeux ET en amour ?
Gringe est resté à part, car il goûte peu à ce genre de divertissements. Il préfère les jeux à boire ou parier de l'argent. Il est plutôt mal à l'aise avec la nudité. Surtout la sienne en vrai. Ce mec est tellement pudique, Serge est même pas sur de l'avoir vu un jour sans son bonnet.
Serge et Guillaume sont installés dans un coin de l'appartement, ils discutent de filles, plus par habitude que parce-qu'ils ont de nouvelles choses à raconter. Le moment est paisible. Exactement la soirée d'anniversaire dont Serge rêvait. Calme, les personnes qu’il aime le plus au monde autour de lui. Il espère cependant que le pet' qu'il a apporté va apporter un tournant plus excitant à la soirée. Serge se lasse vite de la tranquillité. Il ne sait pas encore combien il va être exhaussé.
Ils finissent par tous s'installer par terre, en cercle dans le salon, délaissant le canapé défoncé et les fauteuils pas plus frais. Ils font tourner plusieurs pétards entre eux, alors qu'ils continuent à s'enivrer joyeusement.
Serge se lève et part chercher un pack pour ramener au centre du cercle. Il se rend compte à cet instant qu'il titube, preuve que la drogue commence à faire son effet. Une vague d'euphorie l'emplit. Il est bien.
Soudain, il entend le bruit du verre qui se brise, ça ne l'inquiète d'abord pas plus que ça, ce sont des choses qui arrivent en soirée. Puis des éclats de voix s’enchaînent, et partent de plus en plus haut. Il se précipite dans le salon, oubliant la bière qu'il était venu chercher.
Il croit d'abord à un début de baston quand il voit Ablaye au sol avec une balafre sur la joue. Il cherche autour de lui qui a bien pu lui en mettre une. Le coupable est pas bien difficile à trouver car tout le monde s'est levé autour du producteur pour l'encercler et le protéger, alors qu'à l'autre bout de la pièce, debout contre la bibliothèque, plaqué au point de l'escalader, Gringe a le regard fou.
Les pupilles dilatées à l’extrême, le nez froncé, les oreilles rabaissées vers l'arrière, les lèvres retroussées il montrer ses dents étrangement affûtées.
Attendez, des oreilles ? C'est nouveau ça ! Le bonnet de Gringe gît au sol quelques mètres plus loin.
La réalité le fait dessaouler comme un seau d'eau froide sur la gueule.
Gringe est un homme-chat. Un demi.
Un demi sacrément en colère qui plus est. Ses oreilles félines sont tellement basses qu'elles disparaissent presque complètement parmi ses cheveux mi longs. Sa queue noire s'agite et se balance derrière lui de façon menaçantes.
Serge parcourt la scène et essaie de reconstituer ce qui s'est passé.
- Wow la la, du calme, qu'est ce qui se passe ici ? intervient Serge pour tenter de calmer le jeu en s’interposant entre Ablaye et Gringe prêt à bondir.
Gringe feule
- M'approchez pas ! gueule t il.
Il a peut être des dents complètement humaines, mais Serge a pas envie de se faire mordre pour autant. Il recule d'un pas, pour apaiser son ami furieux.
- Putain, Serge, t'avais pas dit que c'était safe pour les Demis ton truc ? l'engueule immédiatement Ablaye alors qu'il se relève en s'appuyant sur Skread.
Serge se retourne à moitié vers lui, sans quitter complètement du regard le Demi en furie qui menace ses invités. Il gueule à son tour en utilisant cette voix chuchotée si particulière pour ne pas rajouter de l'huile sur le feu au conflit déjà en cours.
- Quoi ? Mais non ! Safe pour les Canins j'ai dit ! se défend il. Ça existe pas une drogue safe pour toutes les espèces de Demis voyons !
- Oh bordel de merde, jure Gwen, qu'est ce qu'il y avait dans ton truc pour faire faire une crise de panique pareil à Gringe ?
Ses amis ont l'air plus effrayés pour Gringe que par lui. Ils n'ont pas l'air non plus surpris outre mesure par les oreilles que celui ci cachaient sous son bonnet, ou alors ils réagissent de façon étonnante sous pression.
Serge, obéit aux remontrances de la benjamine sans chercher à en savoir plus, essaie de réfléchir à ce que lui a dit son dealer Canin préféré. Le savant mélange qu'il a préparé en bon petit chimiste pour rendre sa drogue accessible aux Demis Canin. Qu'est ce qu'il a dit qu'il avait utilisé comme liant déjà ? Ah oui...
- Je suis pas un expert, mais si je devais parier, je dirais l'herbe à chat, dit Serge en réalisant l’énormité de ce qui est en train de se produire.
- De l'herbe à ?? Serge, putain ! ronchonne une voix derrière lui. Deuklo.
- Mais quoi ? Comment j'étais sensé savoir moi ?
Leur petit groupe s'engueule à voix basse, et Gringe est toujours en train d’osciller entre l'arrêt cardiaque et de la tentative d'homicide.
- Qu'est ce qu'on fait, on appelle les urgences ? demande Claude toujours pragmatique.
- Vous faites ça, je me barre pas la fenêtre et vous me revoyez plus jamais, promet Gringe à voix basse.
- OK, OK, pas les urgences. Quelqu'un a une autre solution ? capitule Claude en rangeant le téléphone qu'il avait déjà sorti.
- Déjà, faut qu'on dégage de cette pièce. Il a besoin d'espace, ordonne Gwen qui se décide à prendre les choses en main. Matthieu, Ab' dehors, avec moi. Deuklo, tu t'occupes de le faire redescendre ?
La voix de Gwen est autoritaire, et il ne viendrait à personne l'idée de ne pas suivre à la lettre les instructions de celle qui fut longtemps le bébé du groupe. Ablaye, Skread et Gwen se reculent et aussitôt la pression descend d'un cran et Claude en profite pour s'approcher un peu plus de Gringe.
- Je m'en occupe, ma puce. T'inquiète, tu peux y aller, promet Claude d'une voix plus assurée qu'il ne l'est en réalité.
Gwen ne part pas avant de se tourner vers lui.
- Serges, tu te sens de l'aider ? Avec Gringe en vrille comme ça, faut pas laisser Claude seul pour gérer.
- Mais euh ... Tu peux pas rester, toi ?
- Serges, réfléchis deux minutes. Gringe c'est un Félin, avoir un Canin dans son espace vital c'est à peu près la dernière chose susceptible de le réconforter. Skread est mon frère donc il dégage aussi. Et n'importe quel autre soir que ce soir, Ablaye aurait put rester mais vu le début de soirée ... Voilà, pas une présence rassurante pour un chat non plus. Il ne reste que toi, Bouteille est rentré chez sa meuf. Est ce que ça va le faire pour toi ? Tu te sens de gérer ? Si tu dis non, Matthieu peut prendre ta place, s'il reste loin de Gringe mais prêt à intervenir, ça devrait suffire...
Serge est impressionné par le professionnalisme de Gwen, la façon dont elle gère la crise et leur petit groupe comme elle gérerait une équipe d'infirmière.
- Non, non, c'est bon, je peux le faire.
- OK, courage. Et surtout, restez calmes.
Serge respire un grand coup parce-que justement, le courage, c'est pas vraiment la chose qui le caractérise.
- Hey, doucement, Gringe ça va aller, t'inquiète pas, tente de l'apaiser Deuklo.
- J'vois pas en quoi, vous êtes tous au courant à présent ! C'est une catastrophe ! Vous allez me haïr.
- Hey, Gringo, calmos, on était tous déjà au courant.
Serge a envie de dire que Non, ils n'étaient pas tous au courant, mais il juge que ce n'est pas le moment approprié pour avoir une discussion à cœur ouvert sur le niveau de secret qui entoure leur groupe de pote.
- Je veux pas devoir partir. Je veux pas tout abandonner. J'étais bien ici. J'ai plus le courage. J'ai plus la force. J'en ai tellement marre. Vous étiez mes potes. J'avais des amis, ici. J'avais l'impression d'avoir trouvé ma place dans ce putain de monde de merde.
- Hey, Gringe, mais on est toujours tes amis. Tu nous vois partir en courant et nous cacher à cause d'une jolie paire d'oreille toutes mignonnes ?
- Vous mentez ! gueule Gringe qui alterne en permanence entre colère mal contenue et désespoir le plus cru, Vous allez me dénoncer !
- À qui ? Pourquoi ? Tu fais rien d'illégal, mec. Tous tes papiers sont en règle du côté du label, Skread et Ablaye s'en sont occupés, et t'es pas sur le bail avec Orel. Qu'est ce que tu veux qu'on dénonce ? Il y a rien à dénoncer.
Quand il entend le nom de leur ami, Serge a alors une idée de génie. S'il y en a bien un capable d'apaiser le cœur de Gringe, même au cœur de sa panique, c'est bien leur ami rappeur.
- Gringe, tu veux que j'aille réveiller Orel ?
Claude le regard avec un air aussi effaré que Gringe semble effrayé.
- Non ! Surtout pas. S'il vous plaît. Lui dites pas. Pas Orel. Pas Orel. Je ferais tout ce que vous voudrez. Je vous en supplie. Pas lui.
Gringe tombe à genoux devant eux et se met à pleurer.
- Ah donc... Il sait pas, conclut Serge un peu idiotement.
- Personne ne sait. Personne ne devait savoir. Personne n'aurait du. Il y avait que Deuklo dans la confidence au départ. Puis Gwen et Skread m'ont grillé. Je sais pas comment Ablaye l’a su. Et maintenant toi, Serges, putain, c'est pas possible. Ma vie est foutue.
Gringe tape du poing sur le sol et il fait trembler la bibliothèque. Serge regarde avec inquiétude les bibelots qui s'y trouvent dont la chute intempestive ne serait pas pour rassurer leur chaton en panique. À son tour, Serge s'avance, espérant se rapprocher suffisamment pour éloigner Gringe de tout meuble qu'il pourrait se faire tomber dessus.
- Hey, mec, du calme. Je sais que c'est dur d'être rationnel avec la drogue que t'as dans le sang, mais c'est vraiment pas la fin du monde. Regarde, peut être les autres savaient depuis des années, mais pas moi, j'en tombe de ma chaise que t'es un Demi, mec. Est ce que j'ai l'air de paniquer pour autant ? Non. Relax, Gringe. On s'en fout si t'es un Demi. Ça change rien pour nous.
- Orel va découvrir. Orel va me détester, dit Gringe en se recroquevillant sur lui même.
Claude et Serge réussissent à s'approcher de Gringe qui se laisse complètement faire à leur contact. Il tremble, il convulse sous les larmes et son énervement. Ses pupilles sont complètement rondes et bouffent toutes ses iris à présent. Serge tente en vain de prendre le pouls de son ami, bien qu'il ne sache pas quoi faire quand il remarque que son cœur bat à un rythme inhumainement élevé. Est ce son métabolisme d'homme chat ou la drogue qui coule dans ses veines ? Serge n'est pas plus avancé, mais les battements étatiques du cœur de Gringe lui filent le tournis.
- Dis pas de connerie, Gringe, il y a rien que tu puisses faire qui le ferait te détester. Tu pourrais tuer sa grand mère chérie sous ses yeux avec un couteau de cuisine qu'il te demanderai si tu as une explication pour ton acte.
- Oui, Orel exclurait jamais la possibilité que ses proches aient été remplacé par des clones si facilement, renchérit Serges pour détendre l'atmosphère.
Deuklo lui fait signe pour l'aider à porter Gringe dans le canapé pour ne pas le laissé vulnérable recroquevillé au sol. Gringe est plutôt lourd, mais il les laisse faire. Deuklo lui jette une couverture dont Gringe se recouvre comme pour se protéger. Il dissimule d'abord sa queue par réflexe, mais celle ci jaillit de nouveau des couvertures, fouettant l'air, battant son inquiétude. Gringe marmonne dans ses couverture comme une litanie de plainte.
- Il va me détester et il va s'en aller. Il va m'abandonner pour toujours.
Claude se recule pour laisser de nouveau de l'espace à Gringe. Il fait signe à Serge de faire la même. Même s'il essaie de le ménager, Deuklo ne peut pas s’empêcher de rabrouer Gringe à une telle connerie qui sort de sa bouche. Serge est pas sûr du ton employé, mais il se fie à Claude.
- Non mais tu t'entends ? Ce type est le pire pot de colle de l'histoire de l'humanité.
- Vous avez pas du passer plus de 48 heures séparés depuis que vous avez emménagé ensemble, renchérit Serge.
- C'est parce-que Orel aime pas être loin de sa maison essaie d'argumenter Gringe.
- Et sa maison, c'est toi, mec.
- Conneries s'exclame violemment Gringe. Il essaie de se mettre de bout, mais il s'arrête soudain.
Il porte sa main à son visage et il parait soudain à Serge très très pale. Peut être même un peu vert.
- Oh putain, je crois que je vais être malade.
Serge qui a anticipé la crise de son ami se précipite vers lui avec le seau à glaçon dans lequel il conservait les bouteilles au frais. Gringe s'accroche de ses deux mains au seau alors que sa tête disparaît complètement dedans. Serge passe une main hésitante dans son dos alors que Gringe est pris de spasmes. Serge grimace au bruit dégoûtant de son ami qui vomit ses tripes mais il préfère se couper la main plutôt que de laisser son ami seul dans cet instant de détresse.
Maintenant que Gringe n'est plus sur le point de leur sauter à la gorge, Serge fait signe à Claude d'aller lui chercher un verre d'eau et peut être quelque chose à bouffer pour ne pas laisser l'estomac torturé de Gringe vide après sa prise de drogue. Visiblement, leurs amis ont anticipé leur demande parce-que Claude revient presque immédiatement avec un verre d'eau et un sac de livraison de sushi à emporter. À voir le sac de bouffe, Serge se fait la réflexion qu'il n'est même pas si tard... Comment la soirée a t elle put partir en vrille à ce point là ?
Quand Claude s'approche d'eux, il penche la tête sur le côté. Gringe a arrêté de vomir. Serge à l’extrémité du canapé, ses jambes sous la tête de Gringe et il caresse son dos en un rythme rassurant. Il a essayé de passer sa main dans ses cheveux, mais Gringe s'est crispé à la seconde où il a approché sa main de ses oreilles félines. Serge n'a pas insisté.
- Est ce qu'il ronronne ?
- Ouais, je crois, ouais...
Gringe ne bouge pas sous leurs paroles. Il a plus l'air tellement connecté au monde. Serge continue ses caresses apaisantes.
- Il ronronne ? Il me flanque la frayeur de ma vie, et ce connard ronronne ?Ça ne fait aucun putain de sens, grogne Deuklo.
- Non... En fait si. Les chats ça ronronne pas que quand c'est content. C'est pour se rassurer eux même. Quand ils sont blessés ou ... tristes, je suppose. C'est un mécanisme de protection. Comme si tu pouvais toi même te guérir de tes crises d'angoisses.
- Ah. Cool. Comment tu sais tout ça sur les chats ?
- J'kiffe les chats. Quand j'étais petit, je voulais être dompteur de chat. La question c'est pourquoi, toi tu sais pas tout ça sur les chats puisque tu savais pour Gringe ?
- J'en ai jamais eu besoin. La plupart du temps, j'oublie que c'est un Demi, le Gringo. Et puis, toi t'es humain, je me suis pas dit que l'allais me lancer dans des cours de médecine avant d'être ton pote. Tu te démerdes. Gringe pareil.
Serge secoue la tête, mais il ne peut s’empêcher de juger ses potes. Quand même, ils déconnent un peu.
Celui qui n’avait jamais merdé :
Orel se réveille dans la chambre d'ami où il s'est endormi. Un mal de tête continue de lui vriller le crane, mais au moins, il n'a plus de fièvre. Le manteau de Gringe qu'il avait utilisé pour se recouvrir a été remplacé par un duvet bien moelleux. Sur la table basse à côté du lit, un grand verre d'eau et une boite d'aspirine. Orel songe à traquer Serge pour aller l'embrasser sur la bouche en signe de reconnaissance.
Orel se lève et explore la maison où il s'est endormi pour voir s'il peut trouver des gens éveillés. Le soleil se lève à peine, et plus il s'avance à travers les pièces, plus ses espoirs de trouver quelqu'un debout diminuent. Quel dommage, lui qui espérait pouvoir trouver Gringe pour le convaincre de rentrer ensemble à l'appartement.
Orel trouve ses amis entassés à des endroits plus ou moins incongrus de l'appartement. Parfois recouverts de manteaux, parfois de couvertures épaisses. Orel sourit un instant de voir Gwen complètement blottie dans les bras d'Ablaye alors qu'ils dorment tous les deux sur un des poufs de la salle jeu vidéo. Orel se demande la réaction de Skread quand il verra ça. Comme tout humain normalement constitué, il sera probablement attendri et heureux pour ces deux nigauds.
Orel trouve finalement Gringe assoupi dans le salon. Autour de lui, une bassine pleine de vomi qui lui fait comprendre qu'il a passé une soirée agitée. À côté différents emballages de bouffes japonaises éventrés. Les sushis n'ont été qu'à demi mangés, la partie en poisson crue dévorée, ne laissant que les petits tas de riz intacts. Gringe a vraiment une façon criminelle de manger ses sushis. Ça fait sourire Orel.
Gringe ronfle légèrement dans son sommeil.
Ouaip. Beaucoup trop tôt pour partir avec lui.
Le doliprane qu'Orel a pris a commencé à faire son effet alors qu'il parcourrait l'appartement. Orel se rend compte qu'il a lui aussi sommeil et absolument pas l’énergie de remonter jusqu'à la chambre d'ami à l'étage. Depuis tout à l'heure, il se déplace plus comme un somnambule que comme un humain en pleine possession de ses moyens. Peut être que sa température n'a pas tant chuté finalement ? Ou alors est ce le manque de sommeil de ces derniers jours ?
Toujours est il que ses paupières sont affreusement lourdes et que ce canapé sera bien assez grand pour deux, non ? C'est pas comme si Gringe et lui s'étaient pas déjà endormis ensemble comme des loques humaines sur leur canapé à l'appartement. Qu'importe si cette fois ils se sont endormis séparément pour mieux se retrouver au milieu de la "nuit".
Il essaie de s’installer sans pour autant réveiller son ami dans son sommeil.
Un echec.
- Putain Orel... Tu fais chier.
- Fais moi de la place et je bouge plus, mec.
Orel escalade le divan alors que Gringe ouvre les bras et l'attire contre lui. Il est sacrément étroit ce canapé finalement. Pas du tout comme le leur. Ils s'agitent mais trouvent finalement le moyen d'être allongé l'un l'autre sans qu'Orel ne manque de tomber. Ils sont installés en cuillères. Gringe bloqué contre le dossier, Orel face à l'extérieur. Gringe a placé un bras autour de sa taille pour sécuriser leur position et l’empêcher de tomber. Leurs jambes sont entremêlées.
Ils ne bougent plus.
Alors qu'il se demande si Gringe ne s'est pas rendormi aussi tôt, il l'entend murmurer contre son crâne.
- Ça va mieux ta fièvre ?
- C'est en train de passer, je crois. Serge m'a filé des trucs à calmer un cheval. Je crois je délire un peu. C'était cool la soirée ?
- Aucun souvenir. Je sais pas ce que j'ai pris, j'ai l'impression de m'être fait rouler dessus.
- Barf, ça finira bien par passer.
- Ouais, t'as raison, soupire Gringe avant de se mettre à bailler bruyamment.
- Bonne nuit, Gringe.
- Bonne nuit, Orel.
Notes:
Et voilà ! Le dernier chapitre qui clôt la série sur les potes.
Les suivants(oui, en fait il y aura surement DEUX chapitres finaux) ne seront qu'un tête à tête entre Orel et Gringe.Voilà, surprise, j'ai rajouté une petite romance secondaire entre Gwen et Ablaye, parceque cette meuf a l'air extra, que j'ai envie que ce soit ma pote et qu'elle mérite du love. J'ai un peu torturé Gringe ce chapitre alors j'ai clot par un petit calin pépouze avec son bro.
Vous avez aimé ? Vous avez des idées sur comment Orel va découvrir le secret de Gringe ? Ou est ce que vous pensez que Gringe va lui révéler ? Un de leur pote va craquer ? Ou Gwen peut être ? Quels sont vos paris ? (J'ai déjà prévu la suite, ça ne m'influencera pas, mais ça me fait rire d'avoir vos headcanons).Plein d'amour sur vous les petits loups. Venez me raconté ce que vous pensez de l'histoire dans les commentaires !
Chapter 5: Orel ou celui à qui personne ne l'avait dit
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
- Tu regardes les infos toi maintenant ?
- C'est un flash spécial à cause l'actualité. Il y a un documentaire animalier sur les éléphants juste après que je veux voir.
- Afrique ou Asie ? demande Gringe, même si au sourire d'enfant qui attend le père Noël d’Orel, il connaît déjà la réponse.
- Asie.
- Cool.
Guillaume sait pas depuis quand il connaît les éléphants préférés de quelqu'un. Il sait même pas depuis quand il a lui même une opinion personnelle sur les dits éléphants (Asie, évidemment), mais c'est le tournant que sa vie a décidé de prendre.
Gringe fait un détour par la cuisine et revient avec un paquet de chips entamé la veille et deux bières. Les bières sont tièdes car ils ont eu la flemme de les porter jusqu'au frigo après les courses. Gringe râle, mais ne met pas non plus le restant du pack au frais.
Il s'affale aux côtés d'Aurélien sur le canapé. Sans quitter des yeux l'écran, Orel détache sa boucle de ceinture qui lui sert de décapsuleur et ouvre les deux bières avant de se re-brailler à peu près. Gringe détourne le regard, gêné bien qu'il ne sache pas trop pourquoi. Il se focalise sur la télévision.
Orel a coupé le son, comme il le fait souvent en attendant l'arrivée de ses dessins animés préférés qu'il a peur de manquer. Les images à l'écran ne sont pas moins équivoques sans le commentaire audio. Des parades colorées de mille drapeaux, des couples qui s'embrassent, des effusions de joie, quelques larmes. Ça y est, la loi sur le mariage pour tous.t.es est passée.
Orel et Gringe fixent l'écran en silence.
Gringe sait qu'il est en train de vivre un moment historique, lui et tous ceux de son espèce, et il est là, comme un con, avec sa bouteille tiède et ses chips molles d'avoir trop traîné dehors, à se retourner l'estomac à se demander ce qu'Orel pense de tout ça. Ce qu'il va en dire. Comment il va réagir. S'il va seulement réagir d'ailleurs. Orel a toujours été si discret sur ses opinions sur les sujets anti-spécistes. Si seulement il savait que c'est l'avenir de son meilleur pote qui est chamboulé par ce petit bout de papier à peine signé. Si seulement Orel savait pour lui... Que dirait-il ?
- Hey Gringe ?
- Ouais ?
- Est ce que tu voudrais m'épouser ?
Gringe s'étouffe dans sa boisson. Il repeint le mur et l'écran télé avec la mousse de sa bière. Orel ne s’en offusque pas.
- Est ce que quoi ?
- Non mais à la cool. Entre potes. Ils en parlaient aux infos, l'autre jour. Ils disaient qu'avec c'te loi, ben ça allait pas mal faciliter la vie aux Demis mariés avec des Sino-humains. Les papiers, le taff, les banques, les assurances, tout ça... Du coup, je me disais, s'tu veux, on peut faire ça.
- Qu'est ce que tu racontes, Orel ?
Gringe se fige complètement. Incapable de comprendre comment la conversation a pu déconner autant. Il a l’impression de faire un mauvais trip. Par habitude plus que par véritable espoir que ça marche, il nie et prend l’air offensé qu’on puisse seulement imaginer une telle chose.
- Toi qu'est ce qu'il t'arrive, mec ? T'es pas content ? Je sais, c'est pas ouf comme solution, dis moi si tu trouves que c'est une idée de merde plutôt de me regarder comme si je t'avais dit que j'ai vendu nos places du Hellfest sur internet pour les échanger contre des places de tournée de Mylène Farmer. Si ça te plaît pas, tant pis, tu t'es toujours débrouillé sans, tu veux pas, j'ai déconné, on passe à autre chose. Tu veux pas, c'est ça ?
- Mais pourquoi on aurait besoin de se marier ?
Orel penche la tête légèrement sur le côté.
- Ben tu sais. Comme t'es un Demi... Avec mon nom tu pourrais, chais pas moi. Avoir enfin ton nom sur le bail. Enfin le mien puisque ce serait le tien, mais tu m'as compris. Ou alors... Tu pourrais même arrêter la coloc... Puisque tu pourrais louer un truc directement. Ce serait pas magique ou idéal, mais ce serait un début, tu crois pas ?
Les yeux de Gringe s’écarquillent alors que ses pupilles se rétrécissent. Il se recroqueville sur son bord du canapé. Les jambes repliées près de son corps en une position de défense instinctive pour cacher ses organes vitaux, prêt à bondir pour échapper à la situation périlleuse. Il se recule tellement que sans son équilibre félin sans pareil, il serait tombé de l'accoudoir où il s'accroche. Ses ongles courts s'enfoncent dans le cuir élimé du canapé.
- Qui t'a dit ? Qui m'a dénoncé ?
- Gringe, de quoi tu parles ? Tu me fais peur. T'as pris un truc ? Qu'est ce qu'il t'arrive ?
- C'est ce connard de Deuklo, c'est ça ? Pas moyen de garder sa gueule fermée, ce fil de singe.
- Quoi, Gringe ! Qu'est ce que Deuklo m'a dit que tu voulais pas que je sache ?
- Tu sais... pour moi... Que je suis pas humain. Pas complètement.
- Dis pas de conneries. Bien sûr que t'es humain, mec ! Comme je suis humain et singe. T'es juste humain et chat.
- Quoi ? Mais comment il sait ça Aussi ? J'ai toujours fait gaffe. Il avait des doutes... Mais aucune certitude... Comment est ce que dans la même journée ce type perce mon identité à jour et court dans tes jupes me dénoncer dans le même élan.
- Quoi ? Mais c'est pas Deuklo qui m'a dit pour toi !
- Qui alors ? Matthieu ?
- T'as perdu la tête, bien sûr que non. C'est quoi ce grand jeu paranoïaque que tu me sors ?
- Qui putain ! Arrêté de jouer aux jeux des devinettes, et donne moi le nom de ce traître.
- Il y a pas de traître. Guillaume ?
- Comment tu sais pour moi alors ? C'est ma réaction devant les infos, c'est ça ?
- Enfin Gringe, non ! Je l'ai pas appris aujourd'hui ! J'ai juste... toujours su.
- Comment ça toujours ?
- Ben ouais, toujours. Je suis désolé. Je pensais que tu savais. Que tu savais que je savais.
- Je comprends pas. Depuis quand ? Toujours toujours ?
- Non, pas toujours toujours. Je sais plus quand j'ai compris exactement. La première année où on était en coloc. C'est dur à dire. Ça va faire tellement longtemps...
- Comment t'as pu me griller ? Tu m'as vu sans, c'est ça ? Dit Gringe en pointant son bonnet.
- Gringe, tu dors avec ce truc. Je suis presque persuadé que tu te douches avec... Non, j'ai pas vu tes oreilles. Mais on est colocs. Et meilleurs potes depuis dix ans. Bien sûr que j'ai remarqué que tes instincts, c'étaient pas franchement ceux d'un singe.
- Je comprends pas...
- Gringe, l'appart est rempli de poils de chat alors qu'on a pas d'animaux ! C'est le printemps, mec. Tu es en train de perdre ton poil d'hiver.
Comme pour accompagner ses propos, Orel file un grand coup dans le canapé d'où un nuage de poil et de poussière s'échappe. Gringe a la décence de rougir.
- Tu dors quatorze heures par jour. Tu bouffes ta viande tellement bleue que Gargamel veut en faire de la soupe ! Tu coupes tes ongles si souvent que tu bouches l'évier régulièrement et parlons pas du siphon de la douche. Tu vois dans le noir. Tu vis quasiment exclusivement la nuit. Tes pupilles se rétractent quand t'as des émotions fortes. T'as des chaleurs !
- J'ai pas de ...
- Si, Gringe. Quand une fois par semestre tu ramènes une fille à la maison et tu la baises sans discontinuer pendant trois jours à faire gueuler tous les voisins de l'immeuble tellement elle crie fort. Si, je suis désolé, mec, t'appelles ça comme tu veux, un « pic de libido » ou la « saison des amours », mais. C'est. Des. Chaleurs.
Le silence s'étire entre eux après l'éclat de voix d'Aurélien. Seul son souffle court de son emportement emplit la pièce. Gringe a le regard fuyant alors que Orel essaie désespérément de rétablir le contact avec lui.
- Je suis désolé. Je pensais... Je pensais... Je sais pas. Que j'étais discret.
- Mais bien sûr que t'es discret. T'es le type le plus secret de toute la région. À côté de « brun ténébreux », ils vont mettre ta photo dans le petit Robert. Mais Gringe. On vit ensemble putain. Comment t'as pu croire que je m'en étais pas rendu compte ? Mec, tu sais tout de moi. Comment t'as cru que tu pouvais me cacher ça ?
- Je sais pas. Au début, quand je te connaissais pas, je guettais ta réaction, le moment où tu découvrirais le poteau rose et que tu me foutrais hors de chez toi. Mais t'as jamais réagi. Alors j'ai arrêté d'avoir peur. Je me suis dit que ... Tu voulais juste pas voir la vérité en face. Que tu faisais un déni. Un genre de dissonance cognitive ou quoi.
- Une quoi ?
- Ben que tu savais. Au fond de toi, tu savais. Mais que tu voulais pas le voir. L'admettre.
- Pourquoi je ferai ça, c'est super con comme truc.
Orel a l’air complètement perdu et Gringe est bien embêté de devoir mettre des mots sur l’évidence, sur ce qui lui fend le cœur depuis des années. Le seul défaut qu’il ait jamais trouvé à son amour de coloc.
- Ben parce-que... Tu sais... Parce que t'es spéciste.
- Je suis QUOI ?
- T'as une dent contre les Demis. Les non sino humains. Les gens comme moi quoi.
- Je... Je ... Quoi ?! Putain Gringe ,t'es mon meilleur pote ! Comment t'as pu croire une seule seconde que...
- De un, je savais pas que tu savais. Et ensuite, j'aurais pu être ton genre de meilleur ami noir. L'exception qui confirme la règle.
- Mais quoi ? Mais non ! Mais Gringe ! Putain. Bordel à queue. Gringe ! Je suis pas spéciste !
- T'en parles jamais. Des droits des non humains, tout ça
- Parce-que TOI tu en parles jamais. T'es mal à l'aise dès qu'on en parle devant toi. Même Gwen elle en parle pas devant toi. Je voulais pas t'imposer ça, moi. Tu te prends assez de violence dans la gueule au quotidien pour qu'en plus quand tu veux être au calme avec tes potes on en rajoute une couche...
- Tu vas jamais aux manifs. Les gars... Ouais. Mais toi jamais.
- Parce-que TU n'y vas pas. Et je te comprends. Avec les violences policières et tout là. Si je n'y vais pas c'est parce-que je préfère rester avec toi. Parce-que tu broies du noir, ces jours là. Et les gars sont nuls pour te remonter le moral...
- Les gars savent ? Pas que Skread et Deuklo ?
- Ben ouais. Ablaye, Bouteille, Serge. Les gars quoi. Tu nous prends vraiment tous pour des débiles en fait. Tu m'as fait peur, j'ai cru que j'avais le droit à un traitement de faveur, mais tu as juste un immense complexe de supériorité et tu penses que TOUS les singes sont des teubés. Cohérent avec ton instinct de chat, tu me diras... Et les autres aussi tu pensais que c'était des connards spécistes ou ça c'était juste moi ?
L'absence de réponse de Gringe est une réponse en soi.
- Juste moi, hein ? Gringe... Je te comprends pas. Pourquoi ?
- Parce-que t'es celui que j'avais le plus peur de perdre, je suppose. Celui dont la haine, la peur ou la pitié m'auraient détruit.
- Tu pourrais pas avoir des anxiétés d'un niveau raisonnable ? T'es obligé d'avoir des névroses de niveau olympique ? Tu pouvais pas craindre que je sais pas... Je kiffais bof les chats. Non, la totale directe. Carton plein. Spéciste. Bim. Rhabillé pour l’hiver normand.
- Ben je sais pas. T'en as pas trop des potes demis déjà
- À part, toi, tu veux dire ?
- Ouais, à part moi.
- Et Gwen ?
- C'est pas pareil, c'est la famille, ça.
- Écoute. J'connais Ablaye, Skread et Deuklo depuis la primaire. C'est vrai qu'on se mélange pas tant que ça d'où je viens. Et que moi, je fais pas beaucoup d'effort pour rencontrer des nouvelles personnes. Mais c'est pas spécifique à leur patrimoine génétique. J'aime juste pas trop les gens...
- À part les bonnes meufs.
- Évidemment.
- Orel. Ça va faire dix ans que je te connais, t'as jamais approché une seule Demie à part la sœur de Skread. Et encore, elle a pas l'air de pouvoir t'encadrer alors même à elle tu lui parles pas des masses... Et tu sais comment on les appelle les mecs qui refusent de s'approcher de meufs sexy en diable juste parce qu'elles ont un ADN différents ? ... Des spécistes.
- Quoi ? Mais t'y es pas du tout. Mel était Demie déjà.
- Mel ? Attend ! Mel, l'amour de ta vie ? Mel ton ex ? Cette Mel là ?
- Ouais, tu savais pas ? Moitié souris. C'est pour ça que Deuklo avait essayé de me refiler un chat quand elle m'a quitté. Quel sens de l'humour de merde... Et quand il a vu que j’étais trop au fond du trou pour m'en occuper, il a essayé de me refiler des colocs dans les pattes pour me surveiller... Bref. Tu connais. Sérieux. Tu savais pas pour Mel ?
- T'as brûlé toutes tes photos de vous deux, foutant le feu à ton pieu par la même occasion. Deux fois. Quand je t'ai connu c'est limite si tu t'effondrais pas en pleurs si on disait un mot qui commence par M qui soit pas Macdonald. Même McDo, on disait Domac pour pas te trigger parfois !
- Hum... Ouais. Ben voilà. C'était une Demie. J'ai rien contre sortir avec des Demis. Pas contre du tout…
Gringe réfléchit à ce qu’il sait de la relation d’Orel avec cette fille. Il essaie de reconstituer les choses qu’il a imaginé sur eux avec ces nouvelles informations.
Une souris, vraiment ? Gringe en tombe du canapé. Non seulement il n’aurait jamais imaginé Orel avec une Demie, mais en plus une Souris ! La proie par excellence. Social, peureux, soumis. C’est vraiment pas ce qu’il aurait imaginé d’un partenaire pour Orel. Trop différents. Orel aurait plus besoin de quelqu’un qui lui ressemble, quelqu’un qui le challenge. Au moins un prédateur, ça c’est sûr. Pas étonnant que leur relation n’ait pas marché.
Si la relation d’Aurélien et Mel (quoi d’ailleurs Mélanie ? Melissa?) éclaire d’un jour nouveau le passé amoureux de son colocataire, il n’explique en rien le comportement d’Orel ces dernières années et ses habitudes amoureuses controversées.
- Si tu dis que t’as rien contre, ben pourquoi tu en as pas approché un seul en dix ans ? Un genre de fidélité à ton premier amour ? J'pensais que tu l'avais oubliée...
- Et c'est le cas ! C'était qu'un amour de jeunesse. Je pensais être amoureux. Mais je l'étais pas. Ou alors de l'idée même d'être amoureux. Pas comme j'ai pu tomber amoureux de... Depuis.
- Alors pourquoi ?
- Hum... C'est assez embarrassant à vrai dire…
- Quoi ? T’as peur que je me foute de ta gueule ? C’est pas mon genre, dit Gringe comme le menteur éhonté qu’il est.
- Pas vraiment. Plus que tu flippes ou que tu te mettes en colère. Je me disais bien que t’étais pas au courant, mais c’est quand même pas la même chose de te le dire en face …
- Qu’est ce que tu jacasses, Orel ? Je bite rien.
- C'est à cause de toi...
- QUOI ? Comment ça à cause de moi ? Orel je t’ai jamais empêché de mettre qui que ce soit dans ton pieu, je t’ai même encouragé dans tous tes déboires !
Orel prend une attention toute particulière à ne pas le regarder alors qu’ils sont assis à un mètre l’un de l’autre sur le canapé. Orel fait tourner son fond de bière dans sa bouteille comme si ça pouvait lui donner du courage. Il se racle la gorge plusieurs fois avant d’entamer.
- Je... Alors. Je vais sûrement mal expliquer parce-que je crois que moi même j'ai pas tout compris. Et comme je suis Sino ben je voulais pas vraiment paraître rude en posant des questions déplacées et ...
- Orel, abrège.
- Je sens comme toi...
- Tu... Sens comme moi ?
- C'est un truc de Demis. Des phéromones ou un truc du genre. Moi je sens rien, mais c'est une Demie que je draguais qui me l'a expliqué. C'est une façon de marquer son territoire ou quelque chose. Et euh. C'est arrivé un peu après la première année où t'es arrivé sur Caen. Ben avec le temps, j'ai commencé à sentir... comme toi. Tu m’as marqué, moi. Que je t'appartenais. T’appartiens. Il y a pas un seul Demi qui accepterait de croire que on est pas ensemble. Apparemment je schlingue à mort. J'ai essayé avec quelques uns au début, mais je me faisait recaler direct.
- J'ai fait ça ?
- Ouaip. C'est un truc que font les ptits inconsciemment avec leurs familles. Et puis petit à petit, ils apprennent à se contrôler mieux. Mais visiblement, t'as jamais eu d'étiquette de vie en communauté Demi comme t'as jamais traîné avec eux. Ça saoule pas mal Gwen à chaque fois qu'elle voit son frère ou son mec, elle se plaint qu'ils sentent comme toi. Tu marques tous les gens que t'aimes. Qu'ils sont à toi. T'es plutôt territorial comme mec. Skread. Ablaye. Claude. Serge. Les gars quoi
- Mais ça a aucun sens. Il a eu des meufs Demies Serge, elles ont pas cru qu'on couchait ensemble. Puis pareil pour Claude ou Matthieu...
- Ouais, mais moi c'est pas pareil je crois. Et c'est logique. On a pas la même relation toi et moi que t'as avec Matthieu par exemple. On vit ensemble déjà. C'est normal qu'à force je sente comme ton foyer. Toi aussi, t'es mon foyer, mec. Et tant pis si les gens ils confondent et ils pensent que ça veut dire que je suis ton mec. Je m'en fous. Si elles peuvent pas comprendre l'importance que t'as dans la vie, ben je préfère encore sortir que avec des Sino humaines pour le restant de mes jours.
- Putain, Orel. Je suis désolé. Je savais pas. Je te jure.
- Hey, c'est pas grave je t'ai dis. Je me doutais que tu faisais pas exprès. T'es si peu démonstratif. J'avais deviné que tu te baladais pas volontairement à déposer des déclaration d'amour pour tes potes en quatre par trois à tous ceux qui auraient les yeux pour les voir. Le nez pour le sentir.
- Pourquoi tu m'en a pas parlé ?
- Je voulais pas t’embêter. Je savais que ça te gênerait... Puis quelque part, je trouvais ça mignon. Comme tes poils qui restent accrochés à toutes mes fringues blanches. J'ai appris à faire avec. Ça fait partie de ton charme.
- Putain, Orel. Putain. Putain. Putain.
Gringe se replie sur lui même sur le canapé et attrape son visage dans ses mains en une posture dramatique. Orel ne dit rien, le laisse digérer. Il fait couler les mains le long de son crâne pour attraper l’arrière de sa tête sans déplacer son bonnet d’un seul centimètre grâce à la force de l’habitude. De ses doigts il masse l’arrière de sa nuque en un geste apaisant pour venir contrebalancer cette nouvelle fracassante.
Orel qui a remarqué son geste, commente.
- Du coup, c'est parce-que t'avais peur que je découvre la vérité que tu gardes ton bonnet en permanence ?
- Pourquoi d'autre ? C'est pas comme si c'était agréable...
- Ah, j'en sais rien. Je me demandais...
- C'est... Vraiment sensibles... Les oreilles chez les chats.
- Vu que je suis au courant... Est ce que tu voudrais... Tu sais... L'enlever ?
Le temps s'étire entre eux. S'écoulant si doucement que Orel craint qu'il ai commencé à reculer.
Gringe porte sa main à sa tête avec précaution. Ses doigts attrapent le rebord du bonnet et agrippent à la couture. Il laisse ensuite tomber sa main en avant. Sans accélérer son mouvement. Simplement sous l'action de son propre poids. Le bonnet glisse, et tombe au pied du canapé, sur ses genoux, sa main ouverte.
Gringe se redresse et se tient plus droit, pas vraiment confiant, mais ressentant la nécessité d’être plus alerte ainsi exposé.
Gringe se sent nu sans son bonnet. Des années qu'il est vissé à son crâne. Même au taff où il est pourtant obligé de déclarer son statut à son boss, il préfère le garder pour éviter les œillades méprisantes de ses collègues. Si on le déteste, il préfère que ce soit en le regardant dans les yeux.
Gringe sait qu'Orel ne le détestera pas. Enfin, il l'apprend à peine, mais il lui fait confiance. Il n'a pas l'habitude non plus de faire confiance même s'il a incroyablement progressé là dessus ces dernières années.
Gringe lutte contre l'envie de remettre immédiatement son couvre chef pour échapper au regard scrutateur de son ami, mais il se retient. Il détourne le regard et rougit. Il préférerait encore être surpris à poil par Orel au sortir de la douche, tiens. Il attend patiemment le jugement de son ami qui tarde à venir, alors qu'il se tord les doigts nerveusement. Peut être que Orel n'est OK qu'en théorie avec son statut, peut être que le voir pour de vrai changera les choses, les rendant plus concrètes, moins supportables.
Pendant qu'il panique intérieurement, Orel observe son ami.
Au milieu de sa chevelure un peu échevelée par l'électricité statique, se dressent deux oreilles noires. Elles sont petites. Un peu plus petites que ce que Orel a pu s'imaginer - Oui, il a souvent imaginé qu'un jour Gringe lui ferait suffisamment confiance pour lui partager ça. Ce qu'Orel n'aurait jamais pu imaginer cependant, ce sont les cicatrices qui les recouvrent. Stupéfait, Orel porte les mains devant sa bouche pour retenir son cri d'horreur.
- Ça te fait mal ? Demande Orel d'une voix minuscule.
- Quoi ? Ah, ça ! Non. C'est vieux t'inquiète. Ça a cicatrisé depuis le temps. J'étais qu'un môme. On cicatrise vite à cet âge. Je me ferais prendre l'oreille dans une bagarre aujourd'hui, j'en aurais pour des mois à essayer de me lécher mes plaies sans pouvoir y arriver.
- Gosse ? Mais Gringe, qui t'a fait ça ?
- Moi bien sur. J'assumais pas vraiment ma ... Différence. Je les détestais. Je voulais qu'elles partent. Il y en a quelques unes, c'est des souvenirs de baston, c’est sûr, mais les plus profondes, ouais, c'est moi qui les ai faites.
- Oh Gringe. Je suis tellement tellement désolé, chuchote Orel entre ses doigts.
- Et pourquoi s'teu plaît, Orel ? C'est pas comme si t'aurais pu y faire quelque chose. T'avais pas dix ans à l'époque. Et t'étais à des centaines de kilomètres.
- N'empêche. J'aurai voulu être là pour toi. Ton ami, déjà.
Gringe hausse les épaules. Le vœux est pieu. Mais on ne peut pas défaire le passé. Gringe a beau ne pas être en paix avec celui ci, il ne regrette pas l'homme qu'il est devenu, la vie qu'il a aujourd'hui. Il est peut être pas complètement heureux, c'est sûr, mais au moins est il content, et ça c'est plus que ce qu'il avait toujours espéré.
- Est ce que je peux... les toucher ? demande Orel d'une voix tellement basse que sans ses sens félins aux aguets, Gringe ne l'aurait sûrement pas entendu.
- Euuuh... Ouais. S'tu veux. Vas-y.
Orel approche sa main de son crâne. Il y va à deux à l'heure, pour ne pas le brusquer, pourtant Gringe se recule quand même au dernier moment. Foutus réflexes. Le regard d'Orel est triste alors qu'il replie sa main.
- Non. Attends. Désolé. J'ai pas l'habitude. Personne n’a jamais... Pas comme ça... Seulement pour me blesser. Jamais comme ça. Juste ma mère autrefois. Il y a si longtemps. Et même elle. Elle aimait pas trop. Mais tu peux... Je te fais confiance.
Orel hoche la tête. Il se bouffe les lèvres comme lorsqu'il réfléchit très fort à un truc. Il tend de nouveau la main vers lui.
Gringe se concentre tellement fort pour ne pas bouger qu'il en tremble. Il ne l'a pas fait exprès mais ses oreilles de chat se sont repliées sous sa crainte panique de se prendre une mandale. Effrayé, Gringe ferme les yeux de toutes ses forces en se disant que ça va passer.
La caresse d'Orel n'arrive jamais sur sa tête, alors Gringe ouvre un œil curieux. La main d'Orel est toujours tendue, à quelques centimètres au dessus de lui mais il ne fait pas le moindre geste pour le toucher.
Gringe prend une grande inspiration.
Il se grandit, et pousse son crâne dans la main tendue de son ami. Il frémit au premier contact bien sûr, puis il se détend. Les doigts d'Orel restent d’abord immobiles, le temps qu'il s'habitue, puis se replient pour venir grattouiller son crane à la naissance de son oreille.
Gringe respire fort. Il n'entend que sa propre respiration qui lui semble emplir la pièce aussi sûrement qu'un groupe de Mariachi dans le salon. Orel ne semble pas le remarquer, tout concentré qu'il est sur sa tache. C'est amusant, Orel ne le regarde pas, ou alors, il regarde le sommet de son crâne. Il est à la fois complètement focalisé par lui et à la fois distrait. Orel s'est rapproché de lui pour le caresser. Il est même vraiment près. Comme Orel est absorbé par ses oreilles, Gringe s'autorise à observer le visage de son ami comme il ne s'est jamais autorisé à le faire jusqu'alors.
Quand il estime qu'il a terminé d’expérimenter avec sa main dans ses cheveux, Orel retire légèrement sa main pour s'approcher à nouveau de ses oreilles.
- Attention, c'est sensible, ne peut s’empêcher de chuchoter Gringe.
Il n'a jamais vu qu'Orel passer une main affectueuse dans les oreilles de labrador de Gwen, à la fois complètement jaloux de cette marque d'affection simple qu'elle peut se permettre de réclamer à tous, à la fois complètement horrifié par le traitement brusque de ses oreilles. Les oreilles Canines et Félines complètement différentes dans leurs structures, une agression pareille l'enverrait sauter au plafond, alors que Gwen en redemande.
Pourtant, Orel est doux. Il passe lentement son index le long de ses oreilles pour en tracer le contour. Gringe frissonne. Ses attributs félins n'ont jamais été traités avec tant de délicatesse, comme quelque chose de précieux, de fragile.
Orel appuie doucement sur son oreille et la replie d'un doigt, cherchant le moindre signe d'inconfort sur son visage à cette torsion, quand il est satisfait de sa non réaction Orel continue son exploration. Il entoure la totalité de son oreille dans sa main et la frictionne doucement en la plaquant contre son crane. Gringe ferme les yeux pour mieux apprécier la sensation nouvelle. Inconsciemment, Gringe pousse dans la main d'Orel pour l'encourager à aller juste un peu plus à gauche, juste un peu plus loin.
Orel s'est relevé sur ses genoux pour pouvoir le surplomber et avoir un meilleur accès à ses oreilles sans pour autant le menacer ou bloquer une tentative de retraite de sa part. Quand il a vu Gringe succomber sous ses doigts, il a levé une seconde main pour couvrir son autre oreille des même attentions.
Avec prudence, Orel glisse son pouce à l’intérieur de l'oreille de son ami et utilise cet appui pour grattouiller toute l'oreille contre ses phalanges.
Comme après chaque nouveau mouvement qu'il tente, Orel surveille attentivement les réactions de son ami. Gringe n'a pas rouvert les yeux et semble entièrement pris à apprécier ses caresses dont il a été privé toute sa vie. Quand Orel se détend à son tour, soulagé de ne pas avoir brusqué son ami, un nouvel élément vient les surprendre tous les deux.
Ils ne s'en rendent pas compte immédiatement, tant le bruit sourd monte lentement, mais il est bientôt impossible à ignorer. Entre eux, ce vrombissement caractéristique.
Orel et Gringe s'immobilisent complètement. Gringe a rouvert les yeux et le regarde d'un air halluciné comme si c'était lui qui était responsable de ce bruit nouveau.
Orel sourit à pleine dents.
- Awww, Gringe. Est ce que t'es en train de ronronner ?
- Quoi ? Non. Pas du tout.
- Griiinge, se moque Orel.
Orel reprend sa grattouille que la surprise avait interrompu et le vrombissement qui s'échappe de la gorge de son ami redouble comme pour démentir ses propos.
- Ça peut pas être moi, dit Gringe qui n'en démord pas, je sais pas ronronner.
Orel continue son geste par réflexe et aussi de peur de faire taire ce bruit si apaisant. Plus les secondes s'égrainent, plus les propos de Gringe semblent hilarants.
- Gringe, tu ronronnes là, essaie de lui dire gentiment son coloc.
Gringe porte une main à son cou pour sentir de lui même la vibration qu'il produit, pourtant il continue de démentir, incapable d'accepter ce qui est en train de se passer.
- Je sais pas faire. C'est impossible. J'ai essayé pourtant. Souvent. C'est un truc qui calme les angoisses il parait. Mais j'ai jamais réussi. T'apprends ça avec tes parents quand t'es chaton. Mais moi, comme j'ai pas croisé le moindre Demi-Chat avant ma vingtaine, j'ai jamais appris. Ça m'intéressait pas quand j'étais gosse, mais quand plus tard j'ai voulu ... expérimenter... C'était déjà bien trop tard. Je sais pas ronronner, Orel.
- Peut être que tu savais pas, mais là, c'est définitivement toi qu'est en train de ronronner, mec. J'ai pas les cordes vocales pour, moi.
Orel retire alors ses deux mains du crane de Gringe, et le ronronnement s'arrête progressivement jusqu'à mourir.
- Recommence, ordonne Gringe, curieux de savoir si le miracle va se produire à nouveau.
Orel avance sa main sans aucune peur cette fois et vient caresser franchement l'oreille de son ami. Le ronronnement redémarre aussi tôt.
- Tu sais, je t'ai déjà entendu ronronner, dit Orel sur le ton de la conversation.
- Quoi ?
- Quand tu dors bourré sur le canap, ou quelques fois quand tu es malade et que tu as de la fièvre. Tu sais peut être pas ronronner consciemment, mais je pense que ton corps a toujours su ce dont tu avais besoin. C'est un mécanisme de défense aussi après tout. Maintenant, tu sais juste ronronner quand t'es content aussi.
- Je ... ronronne. déclare Gringe complètement éberlué.
- Bien joué, mon pote., le félicite Orel pour une fois sans la moindre ironie dans sa voix.
Sans contre-indication de Gringe, Orel continue ses caresses alors que son ami Demi semble remettre en perspective toute son existence. Orel s'en fout un peu, il profite de ces deux adorables appendices qu'il a toujours rêvé de voir et de papouiller.
Il est tout à sa joie enfantine d'être enfin autorisé à caresser l'animal mignon qu'il a croisé en ballade, qu'il met un peu de temps à remarquer autre chose. Toujours surplombant son ami, il a une vue plongeante sur ... une autre réaction de Gringe à ses caresses. Comme Orel est un abruti qui n'a jamais retenu une pensée qui traversait son esprit de s'échapper par ses lèvres immédiatement après.
- Euuh Gringe ? Est-ce que tu es en train de bander ?
Notes:
Alors ??? Qui avait deviné pour Orel ? A la fois beaucoup plus intelligent et perceptif que ce qu'on lui accorde, à la fois exactement aussi con que ça parce qu'il n'en a JAMAIS parlé à son bro en pensant qu'il le savait déjà. Exquis. 100% Orel.
J'ai passé un temps fou à décrire le gratouillage d'oreilles, car je voulais que ce soit tendre, et hésitant. Et emouvant. Et précis sur ce qui se passe. Et honnêtement, quand j'étais en train de l’écrire, j'avais l'impression d'écrire du porno. Parce que bon, des doigts qui caresses, des phalanges qui pénètrent et effleurent... Moi j'étais plus rouge que quand j’écris du smut pur et dur. Halala. J'espère que ça reste mignon pour un lecteur extérieur cela dit.
Est ce que vous m'en voulez pour ce cliffhanger hilarant ? J'ai hésité, mais c'est là où la coupure de chapitre était le plus efficace parce que après la conversation dérive sur complètement autre chose. Et puis je trouvais ça très CF comme humour. J'ai demandé son avis à ma bien aimée Pige, elle a dit que j'avais le droit.
Bref, j'espère que ça vous a plu, venez me dire dans les commentaires ce qui vous a surpris ou ému (ou tout autre emotion de votre choix). Au chapitre suivant, Gringe répond à la demande en mariage d'Orel (spoiler, il dit non) et je mets un point final à cette crackfic que j'aurai tant aimé écrire.
Pige, qui est un amour de dessinatrice avec une obsession pour les casseurs qui n'a d'egale que son affection pour les catboys a dessiné un Fanart catboy!Gringe, MERCI@pige (pseudo ao3) ou Pigeonneaux (pseudo tumbr pigeonneaux)
Chapter 6: Gringe, celui qui n'avait plus rien à cacher
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Gringe, celui qui n'avait finalement plus rien à cacher :
- Euuh Gringe ? Est-ce que tu es en train de bander ?
À sa question sans tact, Orel a peur que Gringe ne panique ou ne s’échappe. Un geste brusque en arrière, un cri de dénégation, une réaction quoi. Peut être même allant jusqu'à tomber du canapé sous la confusion, mais à la place, il ne fait rien de tout ça...
Orel s'est peut être fait des films dans sa tête parce-que c'est vrai qu'il n'a jamais vu Gringe manquer d'adresse ou d'élégance. Aller jusqu'à se casser la gueule dans la panique, c'est plutôt sa spécialité à lui ça... Qu'est ce qu'il donnerait pas pour avoir la grâce féline de son ami.
À la place, Gringe se recule légèrement pour pouvoir lui parler et le regarder dans les yeux sans loucher. Il fronce les sourcils, hébété. Il se rassied sur le canapé pour se donner contenance, ne faisant aucun geste pour cacher l’érection qui déforme son jeans, tout juste replace-t-il son sexe d'un geste distrait de la main, plus pragmatique qu'érotique.
Gringe regarde Orel. Gringe regarde Orel regarder la bosse qui tend l'avant de son pantalon. Orel voudrait dire qu'il réussit à en détacher les yeux mais il est tellement stupéfait qu'il n'y arrive pas. C'est surtout la réaction de Gringe qui le tabasse. Orel pensait qu'il allait nier, mais à la place, il rougit adorablement.
Gringe se racle le fond de la gorge. Il hausse les épaules pour prendre l'air détaché.
- Euh Ouais. Hum. Déso, s'excuse-t-il.
Gringe est plutôt calme, comme si cette réaction était attendue, alors qu'Orel vrille.
- Quoi ? Mais Gringe ? Qu'est ce que ... Mec, what the fuck ?
- Non, mais c'est normal ça. Panique pas. C'est juste une réaction biologique. C'est sensible comme zone, je t'avais prévenu.
Gringe penche la tête sur le côté, laissant entendre que c'est Orel qui réagit de façon bizarre.
Gringe ne comprend pas. Quoi, c'est lui qui lui a demandé la permission après tout, non ? Il devait bien savoir l'incongruité de sa demande...
- Sensible érogène tu veux dire ?
- Ben ouais, sensible-érogène ! Attends ... Tu savais pas ?
- Quoi ? Non ! Gwen adore que ses potes lui caressent les oreilles. Et Mel était exactement pareil. C'est pas érogène du tout. C'est social ! Familial ! Affectueux !
- Qu'un Félin ait un comportement différent qu'un iench ou qu'une p’tite souris, quelle surprise, vraiment, répond Gringe dont le sarcasme rend les mots mordants.
Il comprend petit à petit qu'il a complètement mal interprété la demande d'Orel. Merde. Il prend une posture défensive alors qu'Orel semble mortifié et penaud.
- Merde, je suis désolé. Je savais pas. Je t'aurai jamais demandé si j'avais su. Putain.
- T'as jamais regardé le moindre porno avec un Félin dedans ? C'est plutôt populaire comme tag sur youporn. Spéciste ou pas, je te pensais pas si coincé, demande Gringe, surpris par l'innocence de son coloc.
Le visage d'Orel prend une teinte cramoisie qui est en soit tout ce que Gringe a besoin de savoir sur les habitudes de visionnage de porno de son colocataire et ami.
- Non, mais si. Euh... Par curiosité... Une ou deux fois. Comme tout le monde. Enfin, c'est pas ça. Ben ... Euh... Enfin, je croyais que c'était juste dans le porno quoi. Pas dans la vraie vie. Comme les meufs qui hurlent de désir quand tu effleures le clitoris et leurs chattes se transforment en pistolet à eau instantanément. De la comédie quoi. Truqué. Peut être avec une part de vraie au départ mais pas comme ça. Pas à ce point... Je suis tellement désolé, Gringe. Mec, pourquoi tu m'as laissé faire si c'était un geste si intime pour toi ?
- Chais pas. J'ai pas réfléchi. Tu m'as demandé, j'te faisais confiance. Puis personne a jamais... Enfin, j'ai jamais laissé personne non plus ... J'étais curieux un peu. Parait que c'est dingue comme sensation. Les autres Félins ils disaient mieux que le sexe. Intense. Intime. J'ai essayé pourtant mais c'est vraiment pas pareil quand tu l'fais toi même. C'est comme se chatouiller soi même s'tu veux. Et puis t'avais l'air curieux aussi. T'avais l'air de t'y connaître un peu en Demis finalement... Je me disais. Si tu savais ce que tu faisais... Que t'étais partant... Y avait rien de mal à ... explorer un peu tu vois ?
- Du coup, tu t'es dis que je m'étais levé ce matin avec l'idée de ... Quoi ? L'équivalent Félin de te caresser la teub ? Et que je faisais ça pour le fun ? La découverte ?
Orel semble complètement halluciné qu'il ait pu penser une telle chose, mais Gringe s'en défend. Sur le coup, il n'y a pas réfléchi plus que ça. Il était plutôt désarçonné faut dire.
- À ma décharge, tu t'es levé ce matin et tu t'es dis que t'allais me demander en mariage. Alors excuse moi d'avoir un peu de mal à ajuster correctement mes attentes vis à vis de toi.
- Pour te protéger ! Je t'ai demandé de m'épouser pour te protéger de notre administration de merde. D'utiliser le système spéciste à ton avantage. De m'utiliser moi. Ça te sert à quoi que je t'agresse sexuellement sur le canapé du salon parce-que je trouve que tes oreilles elles ont quand même l'air vachement douces ?
- Hey, du calme Orel. Arrête de monter dans les tours comme ça, Sauron. Tu m'as pas Agressé. Tu m'as demandé la permission. Et j'ai dis oui. Bon j'avais pas vraiment bien compris ce que tu demandais, mais j'ai dis oui quand même. Si l'un de nous deux doit avoir agressé l'autre du coup... Ce serait plutôt moi, puisque t'avais pas la moindre idée de la portée de ce que tu demandais.
Face à son petit sermon, Orel reprend quelques des couleurs. Il reste pensif un moment, semblant rejouer la scène dans son esprit pour juger par lui même si son comportement a été déplacé. Il réfléchit, cherchant des choses qu'il aurait mal faites et qu'il voit à présent sous un jour nouveau. Gringe qui connaît son fonctionnement, le laisse faire.
Finalement, Orel semble satisfait. Il n'a pas merdé. Il souffle tout l’air resté bloqué dans ses poumons. En conclusion de ses réflexions, il déclara à voix basse.
- Tu étais consentant...
- Ben oui. Plutôt, l'encourage Gringe.
- Et ça t'a plu ? demande Orel qui reprend un peu de vigueur à présent qu'il ne craint plus d'avoir agressé son pote.
Comme souvent, Orel rajoute une pointe de défi pour masquer ses insécurités, pour faire oublier que pendant un instant il a eu peur.
- La partie où j'avais jamais ronronné avant, ça te dit quelque chose ou t'as déjà fait un tour de ton bocal, Doris ?
- Mieux que le sexe du coup ?
- Orel ! s'exclame Gringe outré par la demande effrontée de son ami.
Orel le regarde avec un petit sourire taquin, ravi de l'avoir poussé dans ses retranchements. C'est plutôt Aurélien qui joue les prudes et Guillaume qui s'amuse à le choquer et le faire rougir d'habitude. Orel semble comblé par ce soudain retournement de situation.
- Chais pas, je demande ! Si t'acceptes un mariage blanc, et que je peux pas te retenir auprès de moi par la queue, je me dis j'ai peut être une chance avec les oreilles. Mamie elle dit que il y a que deux façons de garder son homme.
- C'est peut-être la pire blague que j'ai jamais entendu sur mes attributs félins, mec. Et j'ai été au collège en étant out !
Orel hausse les épaules.
- C'est pour ma culture générale alors...
Soudain on dirait que le sourire d'Orel est plus figé, ses yeux dans le lointain. Son ami a l'air triste, même si Gringe a pas trop suivi ce qui se passait dans sa tête. Personne ne peut vraiment prétendre suivre les méandres du cerveau d'Orel, heureusement pour lui, et pour la cohabitation d'Orel avec le monde extérieur, son visage est très expressif. Comme il a sa gueule de chaton tombé dans un lac gelé, Gringe sent l'irrépressible besoin de le rassurer. Il cherche dans leurs dernières paroles une prise, quelque chose qui aurait pu déclencher la mélancolie d'Orel.
Depuis tout à l'heure, Orel lui parle de son départ volontaire de leur coloc, comme si il avait envie de fuir. Si Gringe a craint un instant que ce soit une technique d'Orel pour se débarrasser de lui maintenant qu'il connaît son embarrassant secret, Gringe se surprend à penser que c'est peut être l'inverse. Il est probablement pas le seul avec des anxiétés et une peur de l'abandon grandes à pouvoir se cacher derrière. Gringe essaie d'innover. Il s'ose à la vulnérabilité.
- Tu sais, t'as pas besoin de me promettre quoi que ce soit pour me retenir. Je vais pas partir. C'est ici chez moi.
- T'avais dit que tu resterais pas longtemps ...
- Quand ça ? demande Gringe, qui ne se souvient clairement pas avoir fait un jour une telle mise en garde sur la fin de leur aventure en duo.
- Quand t'es arrivé.
- Il y a dix ans, Orel ! Dix ans.
- T'as dit que t'aimais pas vivre en coloc et que tu te trouverais un appartement dès que t'en aurais les moyens. Mais est ce que t'en as seulement eu les moyens depuis ?
- Si j'avais voulu partir, je l'aurai fait depuis longtemps. Je reste pas ici par dépit. C'est exactement l'endroit où je veux être. Tu peux pas obliger un chat à faire ce qu'il veut pas faire. Et même pour un Félin on m'a fait comprendre que j'avais un caractère de merde. Quand tu m'as vu débarquer je jouais les durs parce-que je venais de me faire foutre hors de chez moi. Encore. Je m'imaginais chat de gouttière parce-que j'avais jamais connu que ça. Je sais pas si tu as remarqué mais je crois que j'ai jamais été autre chose qu'un chat de salon depuis le début. Maintenant, ton salon, c'est Mon salon.
- Alors tu vas m'épouser ? demande Orel avec tant d'espoir dans la voix que ça brise un peu le cœur de Gringe en mille morceaux.
Il peut pas accepter une proposition pareille. Il peut vraiment pas.
- Orel, non... soupire t il, vaincu, comme si c'était sa demande en mariage à lui qu'il se voyait refuser.
- Mais pourquoi ? Je te jure que je fais pas ça pour avoir du pouvoir sur toi. J't'obligerais à rien. C'était des conneries ce que je disais sur comment retenir son homme. Je veux juste que tu sois libre de faire ce que tu veux. Aussi libre... Que moi. Que le Sino que t'aurais voulu être.
- C'est pas à propos de ça, mec. Je te fais confiance pour pas m'enfermer. Depuis le temps...
- C'est à propos de quoi alors ? demande Orel qui espère encore que tout peut s'arranger.
- C'est compliqué...
- Explique moi. Je suis sur que si tu parles lentement et que tu répètes assez je finirai par comprendre.
Gringe se retourne pour ne plus croiser son regard. Il s'enfonce plus profondément dans l'assise défoncée du canapé en soupirant, puis se redresse. Inconfortable dans sa tête comme dans son corps, il prend sa tête entre ses mains et se replie en avant. Il grommelle.
- Putain. Pas moyen de te dire ça sans passer pour un fragile.
- On fait pouce, si tu veux. Chat perché et le canapé c'est le camps. La fragilité peut pas nous toucher, s'exclame Orel en repliant immédiatement ses pieds sous ses fesses pour ne plus toucher le sol de l'appart.
- Comment t'as pu tenir dix ans sans faire une seule blague sur mon statut de Demi, je comprendrais jamais.
- Je croyais t'aimais pas ça. Que ça te mettait mal à l'aise. Mais en fait, c'est juste que tu me prenais pour un con. Tu as dix ans de blagues à rattraper. J'ai fait une liste.
- Oh bordel.
- Gringe, pourquoi tu veux pas m'épouser ?
Orel sonne comme un enfant à qui on a dit que le père noël ne passerait pas cette année parce-que toute la fabrique de jouet a été ensevelie sous les eaux à cause du réchauffement climatique.
- C'est important pour moi, finit par avouer Gringe.
- Quoi ?
- Le mariage. Tu vas croire que je me fous de ta gueule parce-que je fais le mec détaché et cynique mais c'est le cas. C'est débile tu me diras parce que c'est certainement pas un bout de papier qui a retenu mon paternel auprès de ma mère quand mes oreilles ont pointé le bout de leur nez à la maternité, mais c'est comme ça. J'ai pas d'explication rationnelle à fournir... J'veux pas me marier par contrainte, que ce soit pour des papiers ou pour le fun. Même avec toi... Je suis désolé. Je veux faire ça par amour. Comme une vengeance pour ma lignée. Faire les choses bien.
- Ah d'accord. Je comprends.
- Je suis désolé, Orel. C'était ... vraiment gentil de ta part de me proposer ça.
- C'est rien, t'inquiètes pas.
Orel lui adresse un joli sourire, mais les entrailles de Gringe se tordent. Il aurait tellement, tellement aimé lui dire oui.
Orel se retourne vers la télé qui a continué de tourner. Il rallume le son sur le reportage qui commence. Comme la télé est dégueulasse de la bière qui lui a été projetée dessus, Orel se lève pour la nettoyer. Quand il est debout à côté de l'écran il se rend compte qu'il a mal anticipé son coup car il n'a rien avec lui pour nettoyer. Ça fait rire Gringe qui peut presque voir les rouages tourner dans l'esprit d'Orel.
Orel regarde son T-shirt pour juger s'il est sacrifiable sur l'autel d'un reportage sur les éléphants sans tache de bière dégoulinante sur l'écran. C'est un des t-shirt préférés d'Orel. Il y a fait floquer lui même les initiales CF dessus, en hommage à leur futur groupe de rap dont ils ne cessent de repousser le premier album. En plus de l'album Orel a proposé de monter une ligne de fringue. Voir Orel partir dans tous les sens comme ça épuise autant que ça amuse Gringe. Il se demande ce qu'Orel va choisir entre la télé et son prototype de fringue.
- Gringe, file moi ton t-shirt, ordonne Orel démontrant encore une fois des capacités de résolution de problèmes tellement innovantes qu'elles désarçonnent Gringe un instant.
- C'est mort, répond il platement une fois qu'il a repris contenance.
- C'est toi qui a craché sur la télé, essaie d'argumenter Orel.
- C'est toi qui m'a déconcentré pendant que je buvais, répond Gringe du tac au tac.
- C'est un t-shirt à moi.
- Les miens sont sales.
- Je te dis pas d'arrêter de me piquer mes fringues, je te dis de me donner ton t-shirt maintenant pour que je puisse nettoyer la télé. Allez, à poil le chaton, et plus vite que ça.
- Si tu m'appelles encore une seule fois un chaton, je te mords.
- Wow, sexy !
Gringe secoue la tête aux pitreries d'Orel mais obéit néanmoins. Il n'a râlé que pour la forme. Il est pas très pudique de toutes façons. Il préfère être sans son haut que sans son bonnet. Et comme il a déjà accepté de retirer son bonnet pour Orel... C'est pas comme s'ils n'avaient pas l'habitude de traîner à l'appart l'un devant l'autre complètement débraillés. Pour Gringe, tant que ses attributs félins sont dissimulés, il se considère comme décent.
Orel roule en boule son T-shirt et nettoie sommairement la télé. Une éponge ? Un produit ménager ? Ils n'en ont probablement pas. Orel balance le t-shirt humide de bière dans un coin du salon, le condamnant à rester moisir là pendant de nombreuses semaines dans l’indifférence générale.
Orel revient s’asseoir dans le canapé. En passant, il adresse une œillade à son torse qu'il pense discrète mais qui fait sourire Gringe quand il le grille. Ouaip, toujours bisexuel, le coloc. Vivre avec quelqu'un qui comme Orel a une appréciation aussi évidente du corps masculin est une source de flatterie sans cesse renouvelée pour l'ego de Gringe.
Orel et lui regardent le documentaire en silence. Si Gringe avait craint un instant que le refus de sa demande n’embarrasse Orel ou ne crée une situation étrange entre eux, il n'en est rien. Juste, normal.
Alors que le récit des majestueux pachydermes se déroule à l'écran, le corps d'Orel se laisse aller au fond du canapé. Au bout d'un moment, la tête d'Orel vient prendre appui contre le haut de son épaule. Son coloc lui adresse un petit regard suppliant pour lui demander la permission d’y rester blotti, et Gringe brise le contact visuel pour se reconcentrer sur les éléphants. Si ça amuse Orel de se casser le dos à être ainsi avachi sur lui.
Le documentaire passe et se finit. Un autre commence qu'ils regardent aussi. Quand Orel coupe soudain la télé, Gringe est incapable de dire sur quoi portait celui ci. Il se tourne vers Orel interrogateur.
- Hey Gringe ?
- Quoi encore ?
- Est ce que tu voudrais m'épouser ?
Gringe écarquille les yeux. C'est quoi cette mauvaise blague encore ? Il sent la colère monter en lui.
- Orel, t'es chiant, je t'ai déjà dit que ...
- Non, mais pour de vrai cette fois. Est ce que tu veux m'épouser pour de vrai ?
- Je... Quoi ? Qu'est ce que ? Orel !
Le sourire d'Orel est complice, comme quand il lui suggère de faire une connerie quand ils ont un peu trop forcé sur la bouteille et qu'ils se retrouvent au poste de police de Caen à 4h du matin pour avoir essayé de faire de la plongée sous marine dans la fontaine du centre ville en plein hiver, grelottant comme des cons avec leurs fringues trempés, leur masques encore sur la tête, leurs palmes et leurs tubas.
Orel lui confie d'un air canaille.
- Je crois que je te kiffe.
Gringe ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Il la referme pour ne pas ressembler à un poisson hors de l'eau.
- Qu’est ce que je dis, je sais que je te kiffe, tout comme je sais que tu me kiffes aussi. Alors si tu veux te marier que pour de vrai, on peut faire ça aussi.
L’énormité de ce qu'il est en train de vivre lui explose brutalement à la figure. Comme quand Coyote se rappelle l'existence de la gravité dans les cartoons préférés d'Orel et qu'il finit par se manger le sol alors qu'il marchait dans l'air depuis pourtant plusieurs secondes.
Gringe explose de rire.
C'est comme l'euphorie de l'ivresse sans l'étreinte oppressante de l'alcool autour de lui. C'est une tornade d'une joie tellement enfantine et émerveillée qu'Orel, loin d'être vexé ne fait que lui sourire avec patience alors qu'il hurle sa surprise. Il rit tellement que des larmes coulent au coin de ses yeux. Il en a mal au ventre. Il ne sait plus où est le haut et ou est le bas. Il est probablement tombé à la renverse sur le canapé. Il se tient les cotes pour les protéger en vain des spasmes violent qui le secouent.
Orel. bordel. Orel, Bordel !
Gringe respire bruyamment pour chasser les restes du fou rire destructeur qui l'a traversé. Il passe une main complètement effaré sur le visage pour mettre de l'ordre dans ses émotions.
- Putain, Orel, tu feras jamais rien comme les autres. Tu pouvais pas, je sais pas, au moins tenter de m'embrasser pour la première fois avant de demander ma main ?
Orel sourit car il a déjà repéré qu’il lui répond par une boutade, pas un non. Évidemment que ce n'est pas un non.
- J'ai pas besoin de t'embrasser pour savoir que tu es déjà exactement tout ce dont je peux rêver. Mais si TOI ça permet d'écarter tes doutes, je veux bien... Est ce que je peux ?
- Quoi ?
- T'embrasser.
- Ouais, s'tu veux vas y, dit Gringe comme si c'était lui qui faisait une fleur à son ami en cédant à ses demandes excentriques.
Comme s'il n'avait pas été un participant enthousiaste à toutes les suggestions de son ami, son pire supporter, son meilleur complice depuis dix ans. Comme si il ne rêvait pas des lèvres sur les siennes depuis des mois. Pff quel idiot pathétique il fait, des années pour ça aussi, peut être même depuis le début, sans vraiment s'en rendre compte.
Orel s'approche de lui avec prudence mais détermination. Son regard est tendre. Toute son expression parfaitement détendue.
Il ferme les yeux avant même d'avoir atteint sa bouche et fait confiance à son ami pour arriver à bon port. Gringe ne s'est jamais vu confié mission plus importante.
Les lèvres d'Orel sont chaudes sur les siennes. Fines et un peu gercées. Franches, mais pas oppressantes. Il ne cherche pas à aller plus loin, mais il ne s'excuse pas non plus de son désir de l'embrasser. Il bouge ses lèvres tellement doucement contre les siennes que Gringe les croit un instant immobiles mais Orel est simplement paresseux dans ses baisers comme il l'est dans la vie ou alors il aime faire durer les choses. Dans les deux cas, ça plaît beaucoup à Gringe.
La main d'Orel qu'il avait posé sur sa joue glisse plus loin sur son crane jusqu'à s'enfiler dans ses cheveux et que la pointe des ses doigts vienne caresser la naissance de ses oreilles sans pour autant franchir de nouveau l'interdit félin.
Immédiatement, Gringe sent quelque chose s'ouvrir dans sa poitrine et sa gorge se mettre à vibrer. Il ronronne. Encore. Trente ans à essayer en vain, et il suffise que ce type pose les mains sur lui pour qu'il frémisse comme une théière oubliée sur le feu.
Il oublie sa rancœur aussi vite qu'elle est apparue quand il sent Orel sourire contre ses lèvres à son ronronnement quasi automatique.
Orel n'approfondit pas le baiser, et Gringe n'en ressent pas la nécessité non plus. Ils ont le temps. Ils découvrent la sensation des lèvres de l'autre contre les leurs, la juste pression avec laquelle l'autre aime être embrassé.
Quand Orel rompt le baiser, il ne s'est toujours pas séparé de son sourire. Sa main est restée à l'arrière de son crane, jouant avec les cheveux sur le bas de sa nuque.
- Alors c'est oui ? demande Orel avec un espoir absolument inimitable dans la voix.
- T'y vas. Comme ça ? Tu m'épouserais demain ?
- Ben oui, dit il comme si c'était l'évidence même.
- Tu veux pas... Je sais pas... Au moins baiser, pour voir dans quoi tu t'engages ?
- Pour qui tu me prends, mec ? Je ne suis pas ce genre de personne. Pas avant le mariage, voyons ! Et puis, j'ai aucun doute sur mon désir pour toi. Tu pourrais kiffer faire l'étoile de mer, j'ai accumulé tellement de tension sexuelle envers toi ces dernières années, ma queue elle est prête pour remporter les JO du cul en relai toute seule. Et vu comment j'entends tes ex gueuler au pieu depuis dix ans, j'ai comme dans l'idée que l'étoile de mer c'est de toute façon pas trop ton délire, et que tu préfères des trucs plus exotiques.
À l'entente de ces mots sur sa sexualité "exotique", Gringe se renferme. Il y a tant de clichés sur son espèce. Tant de fétichismes. Il ne veut pas qu'Orel se fasse des idées. Il aurait peut être pu donner le change, coller aux fantasmes d'Orel s'il avait du, si ça avait été un coup d'un soir. Un "dérapage" entre deux amis, mais si la situation avait du continuer, il aurait fini par être malheureux et lui en vouloir, peut être même vouloir lui faire payer même inconsciemment ses frustrations et l'injustice de sa situation. Ce n'est pas ce qu'il veut pour eux. Et Orel non plus à priori. Orel dit qu'il veut d'une relation. Il lui parle de mariage avant même de premier baiser. C'est qu'il veut un partenaire, un égal, non ?
Gringe tente de corriger la vérité, avec un peu plus de force qu'il ne l'avait souhaité au départ il rectifie les choses car s’il veut effrayer Orel, il ne veut pas non plus l'effrayer-effrayer.
- C'est des conneries c'que t'as vu dans tes pornos. Un tas de merde. Oublie. C'est pas forcément soumis aux lits les Demis. En particulier les Félins, on est en général plus vindicatif qu'autre chose. Je suis même plutôt du genre à aimer être dans le contrôle, moi.
- Cool. Pas hyper surprenant quand on te connaît, mais cool. Si tu veux m'attacher au lit et me foutre un collier et une laisse, je suis chaud.
Gringe ne prend pas le temps d'analyser les mots d'Orel. Surtout pas les imaginer. Ne pas l'imaginer. Qu'Orel le taquine ou qu'il soit sincère de sa façon bien à lui, complètement désarmante, il n'est pas prêt à l'entendre tout de suite. Ce qu'il veut faire, c'est décourager Orel de faire ce qui serait une connerie qu'il viendrait à regretter plus tard, tant qu'il en a encore la force. Tant qu'il ne se laisse pas aller à espérer.
- Peu importe combien je les coupe souvent, me ongles sont acérés. Je vais te griffer pendant le sexe. Fort. Couper ta peau. J'ai du désinfectant en permanence sur ma table de chevet.
- Yes. Top. Un amant responsable, dis donc !
- Je réussis plus ou moins à contrôler mes instincts mais avec toi je promets de rien, je vais peut être même te mordre. Le sexe Félin est bien plus sauvage que la version édulcorée et pastel des pornos.
- C'est vraiment pas les arguments de dissuasions que tu penses que c'est, tu sais, Gringe ?
- Je suis jaloux, beaucoup. Si je suis ton mec, je serai relou, le prévient Gringe.
- T'es déjà jaloux en meilleur ami, t'inquiète je sais gérer.
- Je suis territorial, essaie encore Gringe toujours désespéré de décourager Orel de ses ambitions matrimoniales précoces.
- T'as pissé sur le paillasson de la voisine parce-que t'es en guerre de dominance avec son chat. Je suis au courant.
- J'étais bourré.
- QUATRE FOIS.
Gringe soupire, désemparé et Orel rit. Il se relève légèrement et vient déposer un chaste baiser sur ses lèvres, comme pour se faire pardonner du sentiments d'exaspération qu'il s'amuse à faire grandir chez lui.
- Hey, mec, du calme. On se connaît depuis dix ans. En tant que mon mec ou en tant que mon meilleur ami, on s'en fout. T'es la personne avec qui j'aime passer le plus de temps au monde. T'as pas de terrible secret caché qui me ferait subitement changer d'avis ou quoi.
- Tu vas regretter...
- Et toi, ça ne te viens même pas à l'idée que ce soit soit qui puisse regretter de m'épouser ? Que j'ai un terrible défaut ?
L'idée même que Orel puisse lui cacher quoi que ce soit est risible. Ce type est le plus sincère qu'il connaisse. Il sait même pas si Orel est capable de mentir, sauf si c'est pour faire une blague. Orel c'est le gamin de quatre an qui se cache dans les manteaux du porte manteaux et dont les jambes dépassent et qui pense être très bien caché. Il le dit à Orel.
- T'es incapable de cacher quoi que ce soit, Orel, on te prévient qu'à la seconde de toutes les soirées surprises car tu vends toujours la mèche. Tes défauts tu les craches à la face du monde avant même d'avoir eu le temps qu'on te demande ton prénom. Je l'sais que t'es un branleur. Flegmatique. Infidèle. Dépressif. Alcoolique. Inconstant. Bordélique. Insomniaque. Incapable d'attendre moins de trois mois avant de changer ne serait ce qu'une ampoule. Qu'il y a une moisissure dans notre frigo depuis tellement longtemps qu'elle a un prénom et que j'ai peur qu'une de ces jours elle y réponde. Que t'oublies de rincer le gant de toilette quand tu te branles dedans. Que tu es incapable de te la fermer devant un film ou de pas spoiler même quand tu essaies de te retenir. Que tu as les pieds froids et que t'adores les coller sur mes cuisses au lieu de porter des chaussettes en hiver. Que tu dis A-Ou, pour août. Que ça va faire 10 ans que t'es pas foutu de te souvenir laquelle de nos deux brosses à dents est la tienne.
Plus il débite ses défauts à Orel, plus ce couillon sourit. Comme s'il faisait la liste de tout ce qu'il aime chez lui plutôt que ses traits de personnalité les plus irritants.
- Et alors ? Qu’est ce que t'en déduis ? Tu penses pas que je ne connais pas tes défauts tout pareil ? Est ce que ça ne te répugne pas ? Est ce que tu penses que mes défauts vont soudain te sauter à la gorge si t'as le droit de fourrer ta langue dans ma bouche n'importe quand à partir de maintenant ? Qu'est ce que tu en dis, mon bon Gringe ?
Et puis soudain, la lumière se fait dans le cerveau de Gringe. Il comprend ce qu'Orel essaie de lui dire avec ses moyens détournés d'extra terrestre.
- Alors je pense que ouais... J'ai envie de t'épouser, je crois bien, finit par dire Gringe.
- Cool. Mercredi ? Comme ça on peut prendre la fin de semaine avec le taff en prétextant une lune de miel.
Le côté soudain plus pragmatique que romantique de son coloc fait rire Gringe. Ouais, c'est sur, ils vont former un couple atypique, il sait pas si le monde est vraiment prêt pour leur vision chaotique et explosive de la romance... Tant pis pour le reste du monde alors.
Ce qui surprend Gringe c'est cette histoire de lune de miel, il s'était pas attendu à ce qu'il rêve de ce genre de choses. Ils ont toujours été tous deux plutôt casaniers. Il le fait remarquer à Orel.
- Nah je dis lune de miel, mais c'est un prétexte. La flemme de bouger, en vrai. On parle à personne du mariage. On reste à la maison tranquille pour pas être dérangés. On peut se refaire l'intégrale de Game Of Throne en attendant la nouvelle saison et baptiser toutes les surfaces de la maison avec nos culs nus. Sauf le canapé évidemment, question de principe. On voit comment l'annoncer aux gars et à nos familles, mais on a le temps de trouver un truc marrant à faire. Bref. Mercredi. Ça te dit ?
- Ça dépend si t'étais sérieux à propos de pas de sexe avant le mariage... C'est loin mercredi...
- Tu penses pas pouvoir tenir jusque là, bébé ? demande Orel, joueur.
Il hausse les sourcils de façon qu'il pense séductrice mais qui est plus amusante qu'autre chose. Le regard brûlant qu'il lui lance cependant c'est autre chose...
- Je pense que toi, tu peux pas tenir jusque là, mec, le contredit Gringe, toujours dans la surenchère.
Gringe se rend compte que ce n'est qu'un nouveau jeu qui commence entre eux mais la continuité logique des mille et uns jeux auxquels ils ont déjà joué ensemble. Les enjeux à peine différents que les précédents, leur complicité déjà solidement en place. Non, ce mariage sur un coup de tête n'est vraiment pas un risque finalement.
Gringe réplique rapidement aux propositions d'Orel, les codes de leur duo établis il y a bien longtemps. La saveur piquante du sexe et du désir venant ajouter un twist nouveau à la partition déjà connue de leurs habitudes. Ils ne viennent qu'ajouter un couplet à la chanson dont ils avaient le refrain depuis toujours.
- Tu veux parier ? lance Orel.
- Qu'est ce qu'on parie ?
- Qui baise qui ? Celui qui perd baise l'autre ?
- C'est pas un peu con ? Ça devrait pas être l'inverse ? s'interroge Gringe plus pour lui même que comme une critique à la proposition de son ami.
- On EST cons. Et je fais le pari que t'as plus envie de gagner que de me baiser parce que me baiser ça signifie entendre parler de ta défaite pour la totalité de notre future vie conjugale.
- Et si on tient tous les deux jusqu'à mercredi ?
- T'y crois vraiment ? demande Orel incrédule.
- T'as raison... C'est moi qui suis con là.
- Hey, Gringe ? demande encore Orel alors qu'il a déjà toutes son attention focalisée sur lui.
Gringe répond quand même, étrangement charmé par ces rituels qui n'appartiennent qu'à eux.
- Quoi encore ?
- J'te kiffe.
- Moi aussi, Orel, moi aussi.
- Je sais. Qu’est ce que tu crois ? T’as vu ce corps d’Apollon ? Je suis irrésistible.
Gringe sourit. Il est d’accord.
Notes:
C'est la fin. Je suis émue. Un peu triste et à la fois heureuse de laisser mes CF amoureux et comblés. J'ai finie ma première fic CF ! J'ai pas fini de fic complète depuis si longtemps ! C'est gratifiant de poser un point final à une histoire.
Ce weekend d'élection me rend malheureuse, alors je m'echappe avec un peu de tendresse. J'espère que ça vous apportera aussi un peu de réconfort.
Dites moi ce que vous pensez de cette fin :) De la double demande en mariage, de Gringe complètement duper, d'Orel étonnamment cohérent. d'Orel et Gringe qui ont toujours été amoureux l'un de l'autre mais à présent le secret de Gringe éventré, qui n'ont plus d'obstacle pour vivre l'un avec l'autre.

pige on Chapter 1 Sun 13 Mar 2022 08:12PM UTC
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pige on Chapter 1 Mon 14 Mar 2022 08:38PM UTC
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BreizhBaguette on Chapter 1 Mon 14 Mar 2022 09:00PM UTC
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BreizhBaguette on Chapter 2 Fri 25 Mar 2022 08:06PM UTC
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Sun_Brush on Chapter 2 Sat 26 Mar 2022 12:28PM UTC
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Julie2307 on Chapter 5 Tue 19 Apr 2022 12:04PM UTC
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Sun_Brush on Chapter 6 Mon 25 Apr 2022 03:02AM UTC
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coffeeshuttle on Chapter 6 Tue 27 Dec 2022 11:24AM UTC
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