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Le Cormoran de Nacre

Summary:

Depuis quelques jours, une sensation de brûlure pulsait entre ses omoplates. Au départ, le dérangement n’était que très faible, la sensation à peine plus perturbante qu’une piqûre de moustique. Mais la situation avait petit à petit empiré, et désormais sa peau le démangeait terriblement. Edmond se serait bien gratté d'avantage, mais il en avait déjà irrité la zone douloureuse jusqu’au sang, et la moindre touche aggravait le sentiment de brûlure qui grouillait sous sa peau.

Notes:

Hello ~

Mon obsession autour de Monte-Cristo a refusé de me lacher, donc j’ai sauter de plein pieds dedans : D
Une de mes autres obsessions etant les wingfics, en voici une... La première d’une longue et passionante série, dans le cadre d’une collaboration toute fraiche!!

Ce chapitre ci est surtout du whump. Les amatteurs du genre apprécieront. :3

Il correspond au thème journalier 362 : Oppressant - Suffoquant - Désagréable du petit sancho de l’écriture.

Bonne lecture !

(See the end of the work for more notes.)

Chapter 1: La Naissance d’un Ange

Chapter Text

Edmond se tournait et se retournait sur la pauvre paille qui lui servait de lit depuis les longues années qu’il habitait le cachot. Il avait perdu le compte des jours quelques temps après sa captivité, mais cela devait faire plusieurs années, n’est-ce-pas ?

 

Une nouvelle crampe lui crispa le dos, et il changea encore de position dans le vain espoir de dénouer le nœud qui s’y était formé. La douleur ne partait pas, et le sommeil ne vint pas, alors, abandonnant l’idée de dormir, Edmond se leva et se mit à marcher en cercle.

 

Depuis quelques jours, une sensation de brûlure pulsait entre ses omoplates. Au départ, le dérangement n’était que très faible, la sensation à peine plus perturbante qu’une piqûre de moustique. Mais la situation avait petit à petit empiré, et désormais sa peau le démangeait terriblement. Edmond se serait bien gratté d'avantage, mais il en avait déjà irrité la zone douloureuse jusqu’au sang, et la moindre touche aggravait le sentiment de brûlure qui grouillait sous sa peau.

 

Il se résolut d’en parler au porte clé qui venait lui apporter sa soupe.

 

Ce dernier, mis au courant de l’étrange maladie qui frappait le prisonnier et soucieux de ne pas voir sa mort prélevée à sa paye, s'empressa de signaler à Edmond de se déshabiller.

 

“Je ne vois rien,” dit le geôlier une fois qu’Edmond eut enlevé sa chemise pour révéler son dos nu.

 

“Regardez encore !” demanda Edmond, désespéré de trouver la source du mal qui le tourmentait tant.

 

Le geôlier se pencha, lorgnant le dos du prisonnier. Les repas frugales de la prison d’If avaient rendu le prisonnier maigre, les os saillants, mais l’on pouvait encore apercevoir la silhouette des solides muscles qu’on les marins.

 

“Non, vraiment. Je ne vois rien.”

 

“Merci.” soupira le prisonnier en s’écartant tristement. 

 

Le geôlier n’avait aucune raison de se moquer de lui. Après tout, les portes-clés n’avaient que peu d’intérêt à le voir mort, emprisonné comme il était. C’était donc que l’homme disait la vérité, et que le mal qui déchirait le dos d’Edmond demeurait invisible.

 

Une fois son geôlier parti, promettant qu’il appellerait le docteur si les choses s’aggravaient, Edmond écarta sa soupe. Il n’avait pas faim. La douleur qui vrillait juste sous ses omoplates s'étendait maintenant sur toute la longueur de son torse, comme pour se moquer de sa faiblesse. Pis encore, une nausée montante rendait ses mains tremblantes et sa vue trouble. Même si son estomac avait été d’humeur, Edmond doutait qu’il eut pu porter la nourriture à sa bouche. 

 

Le reste de la journée s'échappa dans un flou nauséeux. Edmond était trop fatigué pour bouger, mais trop agité pour rester allongé. Il alternait donc entre les deux, plongé dans une vague brume cauchemardesque. Son cœur battait la chamade et son corps était secoué de frisson, sans que cela n’empêche la brûlure annexant son échine de le tourmenter. La fraîcheur de la nuit, loin de le soulager, empira encore son malheur.

 

Des vagues de crampes successives mettaient son dos à l'agonie, le laissant pantelant sur le sol froid et humide. Le moindre frottement était décuplé. Bientôt, Edmond ne supporta plus le tissu rêche de ses haillons, et avec un de ces regains d’énergies que la fièvre donne parfois, il s’empressa de les jeter au sol.

 

Edmond ne savais combien de temps il passa dans cet état intemporel que donne la maladie. Quelque chose de froid et gluant s’était mis à lui couler sur le dos, mais il n’avait plus la force de vérifier si ce n’était que de la sueur, ou bien du sang. Une sensation de douleur bien plus pénétrante que les autres le traversa, et Edmond ne put réprimer un hurlement.

 

Puis un second. 

 

Puis un troisième. 

 

C’était comme si une valve fermée s’était soudainement ouverte, libérant l'expression de toute la souffrance qui le secouait et lui coupait le souffle. Edmond se recroquevilla sur le sol, front a terre, tirant désespérément sur ses cheveux pour échapper à la torture qui le dechirait de l’intérieur. Des pas accoururent, mais perdu dans la fièvre et la douleur, Edmond ne les entendit pas.

 

“Mais bon sang, que se passe t-il ?!”

 

On le secoua, sans pouvoir provoquer plus que des gémissements. Puis, les doigts charnus qui l'avaient malmené le quittèrent. Il y eut une pause, puis d’autres cris; qui cette fois ne venaient pas de lui; puis une main contre son épaule alors qu’il tentait de se retourner pour frotter la zone brûlante au sol délicieusement froid.

 

“Ne bougez pas.” 

 

Edmond s’accorda très bien de cet ordre. Maintenant que la personne le disait, se retourner semblait en effet une bien mauvaise idée. Et puis, le sol était trop froid. Il préférait bien plus la main chaude qui était restée posée près de son cou. Une seconde vint se poser sur son front. Elle s’en éloigna presque aussitôt, et Edmond regretta la fraîcheur qui l’avait brièvement envahi à son contact.

 

“Mais c’est qu’il a de la fièvre, ce pauvre garçon.” Le geôlier leva la voix. “Appelez un médecin !”

 

Le cri, trop fort pour les sens surmené d’Edmond, lui fit l’impression d’un ballon qui éclatait dans son crâne. Ses gémissements reprirent de plus belle.

 

“Que se passe-t-il?” Une nouvelle voix lui transperça les tympans.

 

“Le prisonnier est souffrant.”

 

“Ça, je l’entend bien qu’il est souffrant. Cela fait une demi-heure qu’il nous casse les oreilles. Mais avez-vous une idée du mal?”

 

“Non. Ce matin, il parlait encore.”

 

Le flot de parole fut bientôt enseveli sous la vague de fièvre qui l'envahit comme un nouvel accès de crampe, tel une cruelle lance brûlante qui le perça de toute part. Sa gorge était rauque à force de crier, et le son ne sortait que par accoups étranglés. 

 

“Allons, allons.”

 

Les porte-clés, bien embêtés, tentèrent tant bien que mal d’aider lorsque ce dernier se releva sur ses coudes pour tousser. Ils ne réussissent qu'à le perturber davantage. 

 

Edmond voulait fuir toutes ces mains inconnues, bien trop moites, bien trop épaisses pour être celles qu’il cherchait. Il se languissait de la douceur du toucher de Mercedes contre sa peau. De lointains souvenirs remontaient le long de ses pensées confuses, prenant le pas sur les voix bien réelles qui l'entouraient.’

 

“C’est le milieu de la nuit. Ne peut-il pas tenir jusqu’au matin ?” l’une d’entre elle grommela. “C’est la prison, ici, pas l’hôpital.”

 

Une douleur, au moins dix fois plus terrible que toutes les autres, foudroya Edmond. Un cri final s’échappa de sa gorge desséchée. Il lui sembla, l’espace d’un instant, que sa peau se déchirait, mettant à nu la structure osseuse de ses omoplates et de sa colonne vertébrale. Que tout le sang de son corps se déversait le long de cette plaie sanglante, le laissant vide, sans vie.

 

Aussi vite qu’elle était apparue, la tortueuse agonie s’en alla, ne laissant derrière elle que les traces lancinantes d’un écho. Edmond était trop faible pour remarquer le silence qui pesa soudain entre les deux geôliers.

 

Le premier se tourna vers le second.

 

“Dites au médecin que c’est pour un ange. Il viendra.”

 

Le monde semblait bien lourd à présent, sans l’aiguille de la misère pour le garder éveillé. Les paupières d'Edmond se fermèrent au rythme des pas qui s’éloignent. Exténué, à bout de souffle, il ne réfléchit pas deux fois au répit qui s’offrait à lui et se laissa tomber dans le clément oubli de l’inconscience.



Chapter 2: Le Frémissement d’un Espoir

Summary:

Edmond se réveille. Le plus gros de la douleur est partie, mais pas sans laisser quelque chose derrière elle.

Notes:

Heyo ! Voici le second chapitre : D

Il rentre dans le cadre du thème 336 : Contact - Chaleur - Toucher du challenge journallier du petit Sancho de l’écriture.
(Regardez donc comment je transforme ce thème ’fluffy’ en quelque chose de beaucoup plus sombre.)
ricane

Ce chapitre est légèrement moins graphique que le précédent, mais tout aussi passionnant — en tout cas, je l’espère :3

Bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Edmond se réveilla sous l’action de mains qui le touchait, le manipulait, le tournait dans tous les sens. Sous le voile de froid humide qui couvrait toujours l’air du cachot, elles lui semblaient brûlantes. Un gémissement lui échappa la gorge. Son corps était rempli de courbatures, et il n'appréciait guère d’être tiré de la sorte hors du doux linceul du sommeil.

 

Des voix bourdonnaient désagréablement au-dessus de sa tête. 

 

“Mais enfin, vous ne pouvez pas—”

 

“Regardez—”

 

“J’ai entendu dire—”

 

“Blanche comme la neige—”

 

Edmond se recroquevilla loin des intonations sonores qui semblaient lui transpercer le crâne. Cela n’eut que pour effet d’attiser encore plus le flux agaçant des voix tout autour de lui, et bientôt des doigts se posèrent sur sa peau dans ce qui se voulait être un réconfort, mais ne réussi qu’à être un calvaire supplémentaire. Et toujours, toujours ce toucher brûlant, qui laissait comme une traînée électrique sur son passage. 

 

Edmond dut faire un mouvement, ou peut-être qu’il croissa un cri, parce que bientôt mains et voix disparurent. Maintenant qu’on lui laissait de l’espace, son cœur agité ne tarda pas à se calmer. Il accueillit le silence comme on accueille un doux rêve et, sans s’attarder sur les questions dont seuls les vivants se soucient, il se laissa bercer. Dans cet état second, sombrer semblait si tentant, si facile—

 

Aussi vite qu’il avait été tiré du sommeil, Edmond se rendormit.

 


 

Un des rares rayons de soleil réussissant à traverser la meurtrière qui servait de lucarne au cachot d’Edmond vint taquiner ses paupières. Il les battit lourdement, l’esprit encore plongé dans cette brume qu'amène le sommeil, malgré tous les efforts de la lumière du jour pour la briser. L’appel de l’éveil gagna et, grâce à la faible clarté diurne qui illuminait son cachot, Edmond prit connaissance de ses environs.

 

Sa cellule était égale à elle-même. Le sol était sale et rugueux, parsemé de quelques brins de paille qui s’étaient échappés du tas qui formait son lit. Si Edmond le fixait pendant suffisamment longtemps, il aurait peut être la chance d’y apercevoir un insecte ; une distraction prisée dans le lieu monotone que formait les chambres du château d’If. Le mur n’avait pas changé non plus : il était toujours couvert de ces lourdes pierres grises qui aspirent jusqu'à votre âme, et ne cèdent pas d’un millimètre quelque soit la force avec laquelle vous vous jetez dessus. Le plafond, sobre et couvert d’un mélange de petites stalactites et de toiles d’araignées, était tout aussi stoïque.

 

Pourtant, quelque chose perturbait Edmond. Une différence qui l’avait pressé de sortir du sommeil, et lui aiguillait désormais l’esprit. Son raisonnement encore un peu perturbé par la trace du sommeil, il lui fallut un temps remarquablement long pour trouver quoi .

 

Des bandages lui couvraient le torse, et des draps propres recouvraient son lit de paille. C’était plus qu’il n’avait jamais eu depuis qu’on l’avait descendu au cachot. Edmond tenta de se lever pour observer quels autres changements avaient été fait à sa cellule, mais la brûlure cinglante qu'ont ces blessures encore à moitié ouverte le piquant le long de son échine l’en dissuada.

 

Les souvenirs des derniers jours, du mal qui avait lentement enfoncé ses racines dans son dos, lui revinrent à l’esprit. Le médecin lui avait-il ouvert les épaules au scalpel pour le lui retirer ? Du sang tachait les draps sur lequel il était allongé, agréant cette théorie, mais Edmond s'étonna que l’on se donne tant de peine pour un simple prisonnier tel que lui. 

 

Edmond se doutait que la source de son mal n’était pas une quelconque maladie à retirer du corps. Malgré tout, il n’osait pas considérer l'idée qui lui taquinait l’esprit. Edmond était un fils d’humble naissance. Il n’avait rien à son nom, si ce n’est l’amour qu’il portait à son père et à Mercedes. Or, les anges ; tel qu’on appelait les personnes qui du jour au lendemain, se retrouvaient ailés ; descendaient presque toujours de noble lineages.

 

Une pointe d’anxiété fit battre son cœur à l’idée de rejoindre les rangs prisés et admirés que formaient les anges. Sûrement, il n’y avait pas plus belle occasion de prouver son innocence. Il ferma les yeux et inspira profondément. Il n’avait à la vérité qu’un seul moyen de le savoir. 

 

A force de contorsion, Edmond parvint, quoique douloureusement, à obtenir un aperçu de derrière son épaule. Là, dépassant innocemment des bandages, se tenaient deux protubérances blanches. Un frisson lui parcouru l'échine, et les membres s'agitèrent doucement en réponse.

 

Les excroissances, d’un demi-mètre de longueur et d’une dizaine de centimètre de largeur, ressemblaient très peu aux ailes resplendissantes qu’il avait vues lors des grandes parades de Marseille. En guise de plumes, de petits poils blanchâtres recouvraient leurs surfaces, si fin qu’ils ne cachaient en rien la fragile peau rose qu’ils surmontaient. Pourtant, des ailes, cela devait en être. 

 

Curieux, il tendit une main vers le doux duvet. Le membre, au lieu de se rapprocher de son cou comme il lui avait pourtant ordonné, s’en éloigna. Edmond se tordit un peu plus, ignorant la brûlure cinglante qui commençait alors à pulser sous ses omoplates. Une voix l’arrêta :

 

“Je ne vous le conseille pas. La peau est encore fragile, à ce stade.”

 

Edmond se remit droit aussi vite qu’une vipère, se sentant tout comme un gamin qu’on avait surpris en train de faire un acte honteux. Il se détendit et afficha l’air le plus nonchalant possible. Après tout, il n’avait rien fait de mal. Il était dur de ne pas être curieux quand deux nouveaux membres vous poussaient sans prévenir au milieu de la nuit.

 

L’homme s’approcha. De par ses habits, Edmond en déduit que ce devait être le médecin, dépêché par les portes clés après qu’il eut perdu connaissance. 

 

Le docteur enfila des gants et, avec un hochement de permission de la part d’Edmond, retira les bandages. Edmond se tordit le cou pour tenter d’observer le travail de l’homme qui venait le soigner, mais se prit une calotte pour la peine. Le médecin claqua sa langue d’un ton réprobateur.

 

“Ne bougez pas. Vous risquez de rouvrir la blessure.”

 

Edmond s’installa donc aussi confortablement qu’il le pouvait avec un inconnu dans son angle mort. Il résista à l’envie de remuer sur place tant l’impatience le gagnait. Maintenant que le gros de la douleur était passé, Edmond ne rêvait plus que d’une chose : investiguer la paire d'excroissance qui s’était nichée dans son dos. Déjà, mille pensées tournaient dans sa tête quant à la symbolique autour de la naissance d’un ange.

 

De toute sa vie de jeune adulte, Edmond n’en avait jamais connu d’ange. Tout au plus, il en avait vu quelques-uns, de loin, près des nobles et des piédestaux. Il avait entendu parler de courtisanes aux ailes sombres, de héros de guerre aux plumes de nacre. Il était dit que le chevalier Bayard lui-même était devenu un ange, et qu’une de ses plumes, évoquant les fleurs d’un arbousier, était conservée à Versaille.

 

Une forte odeur d’herbe lui secoua les narines. Le médecin avait ouvert une petite boîte de crème et, maintenant que les bandages étaient retirés, il appliquait son contenu sur le dos nu d’Edmond. La pommade calma légèrement la sensation de brûlure qu’il avait réveillé de part ses contorsions incessantes. Une fois l’application finie, Edmond s’attendit à ce que l’homme s’écarte, mais il n’en fit point. Au contraire, il ouvrit une seconde boîte, tout aussi odorante que la première, puis claqua la langue lorsqu’il remarqua qu’Edmond s’était de nouveau retourné pour l’observer.

 

“Ne bougez pas, je vous dis.”

 

Edmond se remit à fixer sagement le mur du cachot. Il en connaissait déjà par cœur chaque pierre, mais les compta une nouvelle fois, faute de mieux à faire. Comme le médecin le lui avait informé, la peau sous le duvet était sensible, et il ne put empêcher un tressaillement de le secouer quand une main vint se glisser autour de la minuscule aile.

 

Un fol espoir lui souleva l’esprit. Ses ailes. 

 

Le duvet qu’il avait apperçu était vide de tache, d’un blanc si pur qu’on l’aurait dit nacré. Il était dit que les ailes d’un anges était un don donné par la providence suite à un affreux tort que la destiné avait commis, et que leur couleur indiquait la véritable nature de leur âme. Or, son duvet, plus blanc que la neige qui recouvrait parfois la ville au cœur de l’hivers, ne pouvait être que la marque de sa bontée. Qui oserait douter de son innocence désormais?

 

“Monsieur,” Edmond appela.

 

Comme le médecin ne répondit pas, occupé comme il était à recouvrir les plumes, une par une, de son onguent nauséabond, Edmond répéta, plus fort.

 

“Monsieur !”

 

La main s’arrêta. 

 

“Qui a-t-il, mon garçon ?” 

 

“Est-il vrai qu’un nouvel ange sous le joug d’une punition de la loi, de part la nature de sa transformation, est en droit de demander un nouveau procès ?”

 

C’était une vieille loi dont Edmond n’avait entendue parler qu’autour d’une des nombreuses beuveries qu'organisait son équipage, sous le couvert d’histoires paillardes et de légendes, mais il se devait de tenter.

 

“Ma fois, il me semble,” le médecin acquiesça.

 

“Je voudrais un procès.”

 

Edmond annonça sa demande d’un ton déterminé qui n’autorisait aucun refus. Sa voix, posée, était bien loin de la tempête qui agitait en réalité son cœur. Des procès, on le lui en avait maintes fois promis, mais jamais n’en avait-il vu le bout de leur nez.

 

“Mais c'est que je suis médecin mon garçon, pas procureur. Il faudra pour cela vous adresser à vos geôliers.”

 

Ses geôliers n'avaient guère répondu à ses demandes jusque là. Au moins le médecin sortirait du château d’If, et aurait quelques accès vers le monde extérieur.

 

“Ne pouvez-vous pas au moins passer un message ? Un mot ?”

 

Le médecin sembla réfléchir un instant.

 

“Je peux tenter d’en toucher un mot au gouverneur en remontant. Il descendra ensuite vous voir, et vous serez fixé.”

 

Edmond n’avait jamais rencontré le gouverneur de l'île. Il avait simplement croisé un inspecteur, qui avait écouté poliment ses réclamations, mais n’y avait finalement jamais donné suite. Peut-être cette rencontre apprendrait-il au moins à Edmond pourquoi on l’avait enfermé.

 

“Je ne demande que cela,” dit-il.

 

Le médecin finit de lui appliquer l’onguent sur les ailes, lui conseilla de ne pas se tordre le temps que la peau déchirée cicatrise et de dormir sur le ventre, puis lui ordonna le repos. L’ironie tira un sourire sur les lèvres d’Edmond. Du repos. Qu’avait il d’autre à faire, entre les murs étroits de sa cellule ?

 

Il s'étendit sur les draps tachés de son lit, le cœur enivré d'un espoir qu’il n’avait plus revu depuis ses premiers jours au cachot, depuis la promesse du procureur Villefort qu’il serait bientôt libéré. En entendant qu’un ange de nacre était né, le gouverneur n’aurait pas d’autre choix que de lui accorder sa requête, et de lui donner son procès. Le malentendu allait enfin pouvoir être levé.

 

Edmond s’autorisa à laisser ses pensées dériver vers Mercedes. Il s’imagina, avec elle, se promenant le long des rues de Marseille, tous deux la bague au doigt ; comme si leur noces n’avait jamais été interrompue et qu’Edmond était encore un future capitaine à l’avenir radieux et à la femme des plus charmantes, et non un prisonnier desespéré séparé par des kilomètres d’eaux froides et salées de tout ce qu’il aimait. 

 

C’était une rêverie qu’il ne s’accordait que rarement, car les souvenirs de sa vie passée tendaient à raviver la douleur du présent. Mais aujourd’hui, Edmond ne vit aucun mal à se laisser bercer par le souvenir de doux cheveux bruns. Après tout, bientôt, il serait acquitté des crimes qu’il n’avait jamais commis.

 

Bientôt, il pourrait rentrer à la maison.

 

Notes:

J’ai été simpa, j’ai laissé la fin sur une bonne note !
Profitez-en, c’est rare.

(La vérité, c’est que la vie d’Edmond est une delicieuse tragédie, et au plus haut je monte ses attentes, plus lourde sera sa chute 😈. Pour ma défense, Dumas l’a fait le premier.)

 

J’ai aussi fait un fanart sur tumblr!! Pour l’instant, les ailes d’Edmond sont blanches, mais voici un petit apperçu du futur :
Edmond Dantès with deep blue wings and golden spots

Notes:

Un grand merci à Ash__00 pour son incroyable travail de bêta’ et grâce à qui la qualité de cette œuvre se retrouve clairement rehaussée. 🎶

N’hésitez pas a laisser un commentaire si vous avez aimé ! C’est super motivant !

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