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Vous n'avez pas le droit de me faire ça.
Ranpo, les poings serrés de rage et le souffle court, fulminait intérieurement.
Plus le temps passait, plus il détestait ces foutus Anges en décomposition.
Mushitaro avait définitivement eu raison.
Jamais ils n'auraient dû accepter cette affaire, et maintenant tout était en train de s'effondrer autour de lui, l'Agence, la réalité elle-même, tout ce à quoi il tenait et ce qu'il connaissait depuis toujours, et...
Et Poe avait été enlevé.
Il avait disparu, s'était volatilisé de la surface de la terre, et le reste des détectives de l'Agence étaient désormais considérés comme des criminels, et il aurait dû réfléchir à un plan pour les sortir de là, pour effacer ce qui ressemblait de plus en plus à un horrible cauchemar, mais il ne pouvait pas parce que...
Parce que Poe était en danger et qu'il ne pouvait pas faire autrement que tenter de tout faire pour essayer de le sauver.
Quoi qu'il en coûte.
Je refuse de croire que je ne le reverrai plus jamais.
Alors à la place, Ranpo courait.
Il courait parce qu'il n'avait pas d'autre choix, parce qu'il ignorait ce qui allait arriver à l'écrivain, mais il refusait d'échouer à le sauver, où qu'il soit.
Il savait évidemment où il était, il n'était pas le plus grand détective du monde pour rien.
Ce qu'il ne savait pas, en revanche, c'était s'il parviendrait à arriver à temps pour le sauver.
Si le monde n'avait pas totalement perdu la tête, il aurait eu droit à plus de temps, pour réfléchir, pour élaborer un plan.
Mais les Anges avaient frappé les premiers, et Ranpo, pour intelligent et brillant qu'il soit, n'avait pas su empêcher leur première attaque de les atteindre de plein fouet.
Il ne voulait pas que l'histoire se répète, il ne voulait pas échouer à nouveau.
S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît .
Je vous en supplie .
Il avait déjà perdu ses parents autrefois, Fukuzawa et l'Agence qu'ils avaient bâtie ensemble ainsi que leurs collèges étaient en danger.
Il ne pouvait pas le perdre lui aussi.
§§§§
Il y avait tellement de sang.
Ce n'était pas la première fois que le détective était confronté à une vision pareille, depuis qu'il travaillait à l'Agence, et à force, il en avait l'habitude.
Seulement, cette fois, l'horreur le submergea bien plus que d'ordinaire alors qu'il constatait qu'il ne s'était définitivement pas trompé.
C'était bien Poe qui était là, baignant dans son propre sang, à deux doigts de perdre conscience et de mourir, et même s'il savait que c'était en vain, Ranpo ne put s'empêcher de courir vers lui.
Il y avait bien trop de sang, il était déjà trop tard, et le détective le savait bien et il aurait préféré ne pas l'avoir compris à l'instant même où il l'avait vu.
Ça lui aurait permis de se bercer d'illusions, pendant au moins quelques secondes.
Yosano aurait pu arranger ça, lui sauver la vie, en seulement quelques instants, mais Yosano n'était pas là, elle était loin, trop loin, parce que les Anges en décomposition avaient réduit leur univers à néant et oh comme il les haïssait.
Il était trop tard et tout espoir était mort, vain et Ranpo ne prit pas garde au sang qui commençait à maculer ses vêtements alors qu'il s'accroupissait à côté de lui.
Plus rien n'avait d'importance de toute façon, alors qu'est-ce que ça aurait changé au juste ?
Poe essaya de lui sourire et ça ne fit que lui briser encore plus le cœur.
« On... on dirait que c'est la fin.
Ranpo aurait aimé pouvoir le contredire.
Mais ça aurait été un mensonge de prétendre qu'il ne s'agissait pas du dernier moment qu'ils partageaient ensemble.
- Je suis désolé, répondit-il, la rage au cœur alors qu'il pensait à tout ce qu'il aurait pu faire de mieux pour empêcher qu'ils n'en arrivent là.
Il le serra contre lui, le prit dans ses bras, espérant que ça compterait tout en sachant pertinemment que ça ne ferait aucune différence.
Poe allait mourir.
Et il n'y avait rien au monde qu'il puisse faire pour le sauver.
- S'il te plaît... fit alors l'auteur d'une voix sifflante. Occupe toi de Karl pour moi.
Ce fut en entendant cela que le détective éclata pour de bon en sanglots, comprenant que c'était fini, terminé.
Puis Poe cessa de respirer, son cœur s'arrêta de battre et Ranpo sut.
- Je suis désolé, répéta-t-il de nouveau, en boucle, même s'il savait bien qu'il ne pouvait plus l'entendre, je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé. »
Alors que la douleur le transperçait de part en part, il se mit à hurler de toutes ses forces.
Il ne savait pas comment ou quand.
Mais il trouverait un moyen d'anéantir ces maudits Anges en décomposition.
Il avait déjà trop perdu pour accepter qu'ils recommencent une fois de plus.
Il n'avait pas été capable de sauver Poe.
Il sauverait l'Agence.
Ou au moins il ferait tout pour les venger s'il échouait.