Chapter 1: Noir
Chapter Text
Noir :
Arthur avait toujours eu peur du noir.
Les ténèbres l’effrayaient au plus haut point. Ne rien voir, cette sensation oppressante que quelqu’un vous observait, respirait dans votre cou sans que vous ne puissiez rien y faire. Le noir lui donnait des suées et des crises d’angoisse. La terreur qu’il ressentait quand la lumière s’éteignait était sans pareille. Il avait alors pris l’habitude depuis tout petit de laisser une petite source de lumière briller non loin de lui durant la nuit. Une bougie. Un feu dans l’âtre. À Kaamelott il avait caché cette information à tout le monde sauf à Guenièvre. Bien sûr il ne l’avait pas lâchée comme ça, l’info, il avait été un peu obligé d’avouer à sa femme qu’il ne fallait pas plonger la chambre dans le noir complet parce qu’il était terrorisé. Étonnamment, la princesse de Carmélide ne s’était pas moqué de lui et avait gardé le secret jusqu’à ce que Dame Séli ne découvre tout et par la même occasion, Léodagan.
Seulement, après son voyage avec Méléagan, Arthur n’avait plus eu peur du noir. Il vivait dans le noir. Il n’y avait plus de couleur autour de lui. La chaleur du feu ne le réchauffait plus, la lumière de la bougie n’éclairait plus son environnement. L’obscurité était devenue son quotidien. Même à son retour au château, il n’y avait plus rien qui réussissait à l’éclairer. Guenièvre avait essayé de prendre soin de lui et durant un bref instant elle était devenue un petit rayon de soleil mais sa lumière avait été engloutie par les ténèbres du fils Pendragon. Quand il s’était tranché les veines dans sa baignoire, il avait accueilli la nuit à bras ouverts, comme une vieille amie.
Mais voilà, aujourd’hui alors qu’il avait encore replanté l’épée après que les dieux s’en soient pris à ce qu’il avait de plus cher à son cœur, Arthur avait à nouveau peur du noir. Et de l’orage. Enfin ça, c’était tout récent. Lui qui s’était payé la tête de Guenièvre pour sa crainte des tempêtes, se retrouvait dans la même situation qu’elle. Depuis qu’il avait refusé de tuer Lancelot et d’accomplir le devoir que les divinités avaient imposé sur ses épaules, Arthur se prenait des orages sur la gueule tous les jours. Et ce n’était pas des petits. Le sol tremblait sous la force du tonnerre et les éclairs fendaient le ciel, illuminant les alentours de leur couleur bleue. Couleur qui rappelait la foudre noire crachée par Excalibur. Tandis qu’il marchait dans le forêt en direction de son point de rendez-vous avec les chasseurs primes, Arthur avait peur. Les dieux déchaînaient leur colère au-dessus de lui et le roi de Logres paniquait. Quelle idée il avait eu là de rencontrer trois pourritures en pleine nuit et dans les bois. Lui qui détestait le noir et qui était atteint de brontophobie. Sa pauvre torche n’éclairait presque rien et la terreur fit trébucher le souverain qui s’étala par terre, lâchant sa seule source de lumière. Il devait se reprendre. De quoi aurait-il l’air si il arrivait devant les trois débiles en tremblant des genoux ? Ah il était beau le roi à pétocher dans l’obscurité parce qu’il y avait du tonnerre.
Chapter 2: Plumes
Summary:
Arthur doit se bouger le cul.
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Plumes :
Arthur avait toujours très peu fait pour Guenièvre. En bien, en tout cas. En mal, il avait excellé.
Il l’avait critiquée, rabaissée, envoyée chier et il lui avait menti éhontément. Il l’avait fait se sentir plus bas que terre. Il l’avait traitée de gourde, de bonne à rien, de chieuse, d’empotée et il lui avait mis la faute de l’absence d’héritier sur le dos alors que c’était lui qui ne la touchait pas. En somme, il l’avait ridiculisée pendant plus de quinze ans de mariage sans aucun remord. Tout le royaume l’avait traitée de godiche à cause de lui.
Ses bonnes actions envers la reine quant à elles se comptait sur ses dix doigts. Il lui avait trouvé de la pâte d’amande lorsqu’elle n’en avait plus après son retour de Rome, il l’avait prise dans ses bras lors des soirs d’orage, il était allé la chercher au camp de Lancelot, il l’avait défendu face à ses parents et certaines de ses maîtresses, il l’avait libérée de sa tour qu’il avait par la suite escaladée pour lui prouver son amour avant de l’embrasser. Ces dernières bonnes actions auraient pu réparer tous les tords qu’il avait commis envers son épouse et pourtant depuis la tour, il ne l’avait plus touchée. Si par le passé il avait mis ça sur le compte du dégoût que Guenièvre lui inspirait, aujourd’hui, c’était lui qui n’avait plus goût à rien. Si auparavant il n’avait cessé de clamer que sa femme le répugnait et lui donnait la gerbe, à présent, il s’efforçait de convaincre Guenièvre qu’elle était parfaitement stimulante mais que lui était… au trente-sixième dessous et que plus rien ne lui faisait envie, pas même les jumelles que sa reine avait retrouvées pour le motiver.
Depuis le foudroiement de la princesse de Carmélide, Arthur avait réussi à se bouger le cul pour faire quelque chose de ses journées. Au lieu de passer son temps dans sa chambre et n’en sortir que le soir venu comme un vampire, il se levait chaque matin, enfilait sa robe de chambre et suivait Guenièvre un peu partout. Ses beaux-parents auraient sûrement trouvé cela pathétique de le voir ainsi suivre sa femme comme un bon toutou si eux n’avaient pas collé le train de leur fille à son retour de la forteresse de Ban. Quand Guenièvre allait aux poules, Arthur l’accompagnait et l’aidait à nourrir les bestioles, à ramasser les œufs et à nettoyer le poulailler. Arthur, dans le déni le plus profond, se disait que c’était simplement pour veiller à la sécurité de la reine. Elle qui n’entendait plus rien était devenue vulnérable et Arthur cherchait simplement à la protéger. Cela n’avait absolument rien à voir avec le fait que son estomac se tordait à chaque fois qu’il la perdait de vue et de son besoin viscéral de la garder près de lui. Cela n’avait aussi absolument rien à voir avec cette petite boule de chaleur qui grandissait chaque jour dans son cœur à la vue de Guenièvre. D’ailleurs le souverain de Logres se surprenait à contempler son épouse. De temps à autres c’était lorsqu’un rayon de soleil venait doucement frapper le visage de la reine, éclairant son sourire et illuminant la pièce. Une fois en sortant du poulailler, Arthur avait machinalement retiré une plume des cheveux de Guenièvre. Cette dernière lui avait offert un sourire si radieux qu’il en avait été aveuglé.
Guenièvre avait été une épine dans le pied du roi depuis leurs épousailles. Il s’était persuadé qu’elle était gauche, vilaine, gourde et sans une once d’intelligence tout ça pour respecter une promesse à une femme qui l’avait abandonné et fait promettre de ne pas toucher à sa nouvelle femme. Mais aujourd’hui, alors qu’il revêtait son armure en cuir noire, elle était devenue sa raison de se battre et de se lever le matin. C’était grâce à elle ou à cause d’elle, qu’il reprenait son rôle de souverain. Les dieux s’en étaient pris à elle. Ils s’en étaient pris à ce qu’il avait de plus cher au monde. Alors pour Guenièvre il allait faire un effort.
Chapter 3: Chat
Summary:
"Arthur est mort, Guenièvre."
Chapter Text
Chat :
Par le passé Guenièvre avait eu peur de beaucoup de choses. De l’orage d’une part. Pour elle, la foudre était la colère divine et elle avait toujours eu la trouille d’avoir fait quelque chose pour la provoquer. Il y avait aussi les oiseaux qui la terrifiaient. Ces créatures n’avaient pas de bras et Guenièvre avait l’impression qu’ils allaient culbuter vers l’avant, c’était affreux. Elle n’aimait pas non plus les chats, les trouvant affreusement sales et elle avait cette crainte que l’animal allait se retourner contre elle à tout moment pour lui lacérer la main de ses griffes pointes et tranchantes.
Mais toutes ces peurs étaient… bien superflues à présent. Qu’était la peur d’un malheureux piaf par rapport à la claustrophobie ? Qu’était la peur du tonnerre face à l’angoisse qui naissait en elle lorsqu’on évoquait la mort du roi ? Qu’était la peur d’une griffure devant la morsure du dragon ?
Maintenant, Guenièvre était terrifiée à l’idée d’entrer dans de petites pièces sans fenêtre. Le nom de Lancelot du Lac lui déclenchait une terreur sourde au creux de l’estomac. La vue d’une baignoire lui rappelait la salle de bain de Kaamelott où elle avait découvert son mari les yeux vide, le teint livide et son sang rougissant le pavé.
Les peurs de Guenièvre n’étaient plus celles d’une enfant ou d’une jeune reine naïve. Elles étaient celles d’une femme qui avait vécu une vie remplie de malheurs. Auparavant elle s’était réveillée la nuit en sursaut après avoir rêvé d’oiseaux mais aujourd’hui, elle se réveillait en hurlant, tremblant de la tête aux pieds après avoir cauchemardé de cette baignoire ou de Lancelot. Après la première tentative de suicide d’Arthur elle avait dû dormir avec ses parents pendant plusieurs semaines. Tout ce qu’elle voyait lorsqu’elle fermait les yeux c’était le sang qu’il manquait à son mari et par les dieux, il lui en manquait tellement. Depuis la seconde tentative ratée de son époux, elle le voyait allongé sur une table au milieu d’une tour de Kaamelott. Elle voyait Lancelot s’approcher de lui, un sourire malfaisant étirant ses lèvres, du sang tachait son épée et il restait là, à observer Arthur s’étouffer tandis que les pierres dégringolaient autour d’eux.
Lancelot était toujours omniprésent dans ses songes et même dans son quotidien. Il la hantait. Sa voix qu’il voulait mielleuse résonnait dans ses oreilles et son regard la transperçait. Sa silhouette se dessinait dans les coins les plus sombres de son esprit. Son ancien amant n’avait levé la main sur elle que deux ou trois fois mais ces dix années d’enfermement à le voir approcher de la tour pour lui rendre visite chaque jour avait été un supplice bien pire que si il l’avait battue. Elle se souvenait de ses paroles blessantes, de ses mots qu’il avait prononcé avec cruauté quand elle le provoquait.
« Arthur est mort, Guenièvre. »
« Vous êtes à moi et personne ne vous trouvera ici. »
« C’est pour votre sécurité. Aucun homme ne pourra plus jamais poser les yeux sur vous. »
Lancelot était devenu fou et parfois, elle se demandait si elle aussi n’était pas devenue folle. Il y avait des jours où elle s’interrogeait. Était-elle vraiment sortie de cette maudite tour ? Ou était-ce un songe ? Était-elle toujours enfermée dans cette forteresse détruite ? Ou Arthur l’avait-il réellement délivrée ?
Après avoir passé plus de dix ans enfermée, à contempler le monde par une petite fenêtre et à craindre l’apparition gigantesque et orageuse du roi Ban, Guenièvre avait du mal à se faire à cette nouvelle réalité. Celle où Arthur la couvait des yeux. Celle où ses parents lui filaient le train de peur qu’elle disparaisse à nouveau dans la nuit. Celle où Nessa était elle-aussi libre.
Chapter 4: Chanter
Summary:
Arthur sort très rarement de sa piaule.
Notes:
C'était sensé être un petit texte... comme dirait l'autre : "J'ai glissé chef."
Chapter Text
Chanter :
Il y avait des jours où Arthur sortait de sa torpeur. C’était rare. Mais ça arrivait. Et quand ça arrivait ça faisait forcément jaser. De une parce que le roi sortait de sa chambre avant la tombée de la nuit et de deux parce qu’il se décidait enfin à mettre un froc.
La plupart du temps, le souverain du royaume de Logres sortait de sa piaule quand il y avait une fête au village. Et oui parce qu’en Carmélide il y avait des fêtes au village. Sans pendaison et tout le tintouin. C’était une vraie fête avec de l’alcool, de la musique, des rires, des danses et des chants. Et autant dire qu’en Carmélide, on savait s’amuser.
Léodagan ,qui s’était toujours moqué du seigneur Bohort avec ses idées de troupe d’artistes danseurs, était un petit cachottier, car pour ces évènements, il réussissait toujours à dégoter les saltimbanques et les musiciens les plus réputés de l’île de Bretagne. Oh bien sûr, le Sanguinaire râlait, pestait et tapait du poing sur la table, clamant haut et fort qu’il avait autre chose à foutre que d’organiser un maudit banquet pour les pécores et que dès le lendemain il ferait cramer celui qui avait eu l’idée de cette ridicule soirée sur le thème de… il ne savait même plus de quel thème il s’agissait. Mais au final, personne n’était cramé et le roi de Carmélide se joignait à la fête avec son épouse au bras et même qu’ils ouvraient le bal.
Et puis il n’allait pas foutre à sa gamine au bûcher…
Guenièvre et ses idées à la con…
Le peuple avait besoin de festivités, avait-elle dit. Il avait besoin de joie après le règne tyrannique de Lancelot du Lac et des dix années de terreur.
Alors devant le regard empli d’espoir de sa fille, Léodagan avait cédé. Parce qu’il avait beau être le Sanguinaire, insulter tout le monde et cramer le premier glandu qui venait lui casser les noix, si il y avait bien une chose qui était importante à ses yeux c’était sa famille. Bien sûr il ne l’avouerait jamais parce qu’il avait sa petite fierté et une réputation à tenir mais Léodagan était très famille. Séli aussi d’ailleurs mais elle, elle s’en cachait moins. Quand Guenièvre leur avait été enlevé, quand il avait appris qu’elle était soi-disant morte, il avait cru devenir fou. Il avait essayé d’attaquer Lancelot, d’assiéger Kaamelott avec ses dernières armes de jet qu’il avait fait venir exprès de Thessalonique mais il avait échoué à renverser le pouvoir et il avait miraculeusement été épargné par le lézard moisi qui régnait au château. Ses armes lui avaient été confisquées et il était rentré la rage au ventre chez lui. Maintenant il comprenait pourquoi Lancelot l’avait laissé partir. Pour Guenièvre. Ce dégénéré n’avait pas voulu faire de peine à la femme qu’il aimait. Finalement le cornichon pesteux qui lui servait de gendre était revenu et il avait délivré Guenièvre de sa tour, il l’avait ramenée à la maison et Léodagan égorgerait quiconque dirait qu’il avait eu l’œil humide en voyant sa fille remonter le chemin menant à la forteresse de Carmélide.
C’est ainsi que Léodagan se retrouva à organiser un bal au village pour remonter le moral de tout le monde.
Quand Guenièvre avait annoncé à Arthur qu’elle se rendrait à la fête, ce dernier avait simplement haussé les épaules, peu intéressé par l’évènement. Il était de notoriété publique que le roi de Logres n’aimait pas beaucoup les banquets et ce genre de connerie. Guenièvre ne fut donc pas étonnée par son manque d’entrain. Alors pour le stimuler un peu, la reine prit soin de choisir une très belle toilette. Une robe pourpre qui laissait voir une épaule et un bout de clavicule. Une simple ceinture doré serait nouée autour de sa taille pour complimenter ses hanches. La princesse de Carmélide avait bien remarqué comment les yeux du roi s’attardait de plus en plus sur la peau qu’elle laissait apparaître de temps en temps, alors il fallait bien en profiter quand l’occasion se présentait de faire bouger Arthur.
- Il paraît qu’il faut avoir un cavalier pour aller au banquet. Dit innocemment Guenièvre la vieille du bal alors qu’elle se peignait les cheveux et qu’Arthur la regardait faire depuis son plumard.
- Un cavalier ?
- Bah oui, je ne vais tout de même pas me pointer toute seule.
Arthur s’était redressé dans le lit et Guenièvre sentait son regard peser sur sa nuque.
- Mais euh… Vous comptez inviter qui ?
- Je vous aurais bien invité mais je sais que vous ne voulez pas y aller. Peut-être… le jeune garde qui est si courtois avec moi. Ça lui ferait sûrement plaisir.
La reine savait qu’elle avait fait mouche en évoquant le garde qu’Arthur foudroyait du regard à chaque fois qu’il sortait de sa piaule. Le pauvre garçon s’était quelque peu amouraché de la princesse de Carmélide et le fils Pendragon le vivait plutôt mal.
- Quoi ?! Vous allez pas inviter ce pignouf quand même ?!
- Il est très gentil je vous signale.
- Mais là n’est pas la question ! Il est amoureux de vous !
- N’importe quoi.
- Moi je vous dis que si. Il vous regarde là avec ses yeux de merlan frit. C’est insupportable.
Se tournant enfin vers son mari, Guenièvre reposa la brosse qu’elle tenait dans la main et leva sournoisement les yeux vers Arthur.
- Vous ne seriez pas jaloux par hasard ? Lâcha-t-elle.
Les joues d’Arthur virèrent au rouge et il se mit à bafouiller.
- Qu’est-ce que… Quoi ? Moi ? Jaloux ? Alors là… C’est mal me connaître ma cousine.
La reine haussa simplement un sourcil et attendit que son interlocuteur veuille bien à nouveau croiser son regard qu’il avait détourné quelques secondes plus tôt.
- Oui bon d’accord ! J’l’aime pas beaucoup ce type parce qu’il vous tourne autour. Voilà vous êtes contente ?
- Alors accompagnez-moi au bal.
Le roi de Logres pointa un doigt accusateur sur sa femme.
- C’est pas bien ce que vous faîtes. Grinça-t-il.
- Et qu’est-ce que je fais ?
- Vous me faîtes du chantage. C’est fourbe et pas gentil.
- Et votre réponse alors ?
Arthur croisa les bras sur sa poitrine d’un air bougon et déclara :
- Très bien.
- Très bien quoi ? Je peux y aller avec le garde ?
- Quoi ?! Non ! Très bien je viens au bal !
C’est ainsi que le lendemain soir, la reine et le roi de Logres s’avancèrent au milieu de la foule. Le souverain avait revêtu son armure en cuir noir, ses cheveux longs étaient remontés en un chignon un peu lâche et à côté de lui, son épouse rayonnait dans sa robe pourpre. Une petite couronne en or venait encercler le front la princesse et sa main était délicatement posée sur celle de son mari. Les villageois se courbèrent sur leur passage, saluant le retour des dirigeants du royaume.
Chapter 5: Cercle
Summary:
Arthur est amoureux.
Chapter Text
Cercle :
Les dieux s’en étaient pris à Guenièvre.
Jamais il n’aurait cru qu’ils puissent s’en prendre à son épouse. À lui oui, mais à la reine du royaume de Logres… Jamais. La princesse de Carmélide n’avait pas mérité de se prendre la foudre sur la gueule. Elle avait déjà assez pris dans la tronche pendant leurs quinze années de mariage et pendant ces dix années d’enfermement dans la tour de la forteresse en ruine du roi Ban sans qu’en plus les dieux viennent s’en prendre à elle.
Hélas, si Guenièvre était innocente, lui, il méritait de se prendre la colère des divinités dans la courge. Il n’avait pas tué Lancelot. Il avait accepté de reprendre le royaume avant de tout laisser tomber parce qu’il en avait plein le cul. Il passait maintenant le plus clair de son temps dans sa piaule, en pyjama. Il avait foutu Excalibur au placard sous un tas de draps et d’oreillers. Alors oui il méritait de manger la foudre mais son épouse, elle, elle n’avait rien fait pour mériter ça.
Seulement voilà. Depuis son retour du sud, Arthur voyait sa reine autrement. Bon ça datait peut-être pas d’hier cette histoire. Mais il était pas encore bien chaud pour se l’avouer. Guenièvre était devenue importante à ses yeux, très importante même. Elle avait une place capitale dans sa vie. Et ça Arthur s’en était rendu compte quand l’autre abruti avait tenté d’escalader la façade de la tour comme un preux chevalier. L’agacement qu’il avait ressenti à cet instant, il l’avait mis sur le compte de la débilité de Kolaig. Mais plus tard, alors que le pignouf s’écrasait par terre il avait senti une pointe de satisfaction à contempler la forme inerte du trou du cul. L’échec de Kolaig lui avait apporté un immense soulagement car si il jouait les indifférents face à Guenièvre, il n’aurait pas pu supporter qu’un clampin lui fasse la cour. Alors quand elle lui avait dit qu’elle retournait à la tour pour chercher la couronne de fleurs qu’elle avait oublié – la couronne de fleurs qu’il portait sur la tête leur jour de leur mariage, soit dit en passant – Arthur prit son courage à deux mains et décida d’offrir à son épouse quelque chose qu’une princesse méritait. Il escalada la tour, il se piqua les doigts avec les ronces, il s’abîma un peu plus son épaule déjà blessée mais il n’abandonna pas comme ce crétin de Kolaig. Il arriva en haut, essoufflé, épuisé et totalement débraillé. Ce n’était vraiment plus de son âge, il était trop vieux pour ça mais ça ne l’avait pas empêché de le faire. Le regard que Guenièvre lui avait lancé avait fait chavirer son cœur et Arthur avait su à ce moment précis qu’il était foutu. Après quinze ans de mariage et dix d’absence, il était tombé amoureux de sa femme.
Voilà pourquoi aujourd’hui il s’était habillé et coiffé. Les dieux s’en étaient pris à Guenièvre parce qu’ils avaient compris que s’en prendre à ce qu’il avait de plus cher le ferait bouger.
Descendant les marches jusqu’à la cuisine, Arthur découvrit Guenièvre illuminée d’un rayon de soleil. Il resta un instant à la contempler. Elle ne l’avait pas entendu, il n’avait fait que très peu de bruits en se préparant et son épouse avait toujours les oreilles en rideau. Qu’elle était belle dans ce faisceau de lumière… Décidant de se manifester, Arthur sauta les dernières marches et alla se poster à la fenêtre en face de sa femme. Il savait très bien que la luminosité l’empêcherait de lire sur ses lèvres car oui Arthur était encore un peu lâche face à ses sentiments.
- Je n’aurais jamais pensé que les dieux s’en prendraient à vous… Dit-il. Qu’ils s’en prendraient à ce que j’ai de plus cher…
Guenièvre le dévisagea quelques secondes et pendant un court laps de temps, le roi de Logres crut qu’elle avait compris ce qu’il avait dit.
- C’est à moi que vous parlez ? Non parce qu’entre la mâchonnade et les oreilles en rideau…
Soupirant de soulagement plus que d’agacement, Arthur alla s’asseoir en face d’elle. La reine fixait ses lèvres, attendant qu’il se décide enfin à parler.
- Je… Je vais faire un effort. Articula-t-il.
Guenièvre réfléchit, détournant le regard pour mettre des mots sur ce qu’elle avait cru comprendre.
- Vous allez appeler des renforts ? Cria-t-elle.
Le fils Pendragon grimaça. Sa femme avait toujours du mal à doser le volume.
- Non. Je. Vais. Faire. Un. Effort.
- Ah vous allez faire un effort !
- Voilà.
- Vous allez tuer Lancelot donc. Conclut-elle.
Oh mais ils l’emmerdaient tous avec Lancelot ! Quittant rageusement la pièce, Arthur saisit sa cape avant de sortir de la forteresse. Il allait reprendre les choses en main. Durant cinq mois il n’en avait pas branlé une. Il s’était isolé dans sa chambre, il avait fait la sourde oreille à tous les problèmes du peuple mais aujourd’hui, cela devait cesser. Le message des dieux était clair. La prochaine fois ils ne rateraient pas leur cible.
Le soleil se couchait lorsqu’il arriva dans le Champ du Cruel face à l’édifice où la Table Ronde avait été installée. Une boule d’angoisse lui tordait les entrailles mais Arthur devait agir. Alors il se redressa, carra les épaules et quand les trompettes sonnèrent son arrivée, le roi de Logres était prêt à présider la réunion. Passant les lourdes portes, le silence se fait dans le cercle de la table et Arthur regretta un peu son choix. Il ne serait plus peinard maintenant qu’il avait refoutu les pieds ici. On allait de nouveau l’emmerder avec les affaires d’état, avec les taxes, avec la reconstruction de Kaamelott, avec les doléances… Il était… redevenu roi. Pas simplement par le titre mais par les actions et les paroles.
« Pourquoi est-ce qu’on partirait à l’aventure ? Eh bien parce qu’on… Qu’on essaierait de prouver que la vie, la vraie vie commence là où nous cessons de la connaître. »

DouDoune94 on Chapter 2 Wed 05 Nov 2025 07:22PM UTC
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MissAmande on Chapter 2 Wed 05 Nov 2025 08:07PM UTC
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Leora43 on Chapter 4 Fri 07 Nov 2025 10:34AM UTC
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MissAmande on Chapter 4 Sun 09 Nov 2025 09:37AM UTC
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