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In the white light, we’re praying for the lost [FR]

Summary:

Atteint le sommet de la Tour, et tout t’appartiendra.
 
Ce que Bam désirait vraiment, la Tour le lui avait déjà donné.

Et elle le lui avait repris.

 

(Où Khun meurt - encore - et Bam devient un dieu pour le ramener à la vie. Mais peut-être aurait-il mieux valu n’avoir qu’un seul regret. Il ne lui reste plus que des remords.)

Notes:

(See the end of the work for notes.)

Chapter 1: Résurrection

Notes:

L'écriture de cette fiction a été rythmée par les OST de Made in Abyss, et en particulier du film Dawn to the Deep Soul. Le titre vient des paroles d'une des OST que j'ai écoutée en boucle lors de la rédaction des premières parties. Le compositeur est d'ailleurs Kevin Penkin, celui-là même qui a composé l'OST de Tower of God.

Cette fiction est un peu mon réconfort. Je travaille dessus lorsque j'ai besoin de souffler avec mon UA Harry Potter. Je ne sais pas vraiment pourquoi, puisqu'elle n'est pas très joyeuse, mais l'écrire me fait beaucoup de bien. J'ai une idée générale de ce que je veux faire mais globalement j'y vais au feeling et je suis vraiment mes envies. Par conséquent, les chapitres sont courts. Le but c'est vraiment de me faire plaisir en l'écrivant, et si ça peut plaire à quelques autres personnes alors tant mieux !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Atteint le sommet de la Tour, et tout t’appartiendra. 

 

Ce que Bam désirait vraiment, la Tour le lui avait déjà donné.

 

Et elle le lui avait repris. 



⸻✹⸻



L’ascension de la Tour se termina de la même façon qu’elle avait débutée. Lorsqu’il le vit, Headon ne réprima pas un sourire satisfait, dévoilant une rangée de dents pointues et aiguisées. Il était tel un vieillard retrouvant un ami après une longue attente dans l’au-delà. Il avait le sourire de celui qui savait, et qui attendait. Enfin , semblait-il lui dire.

 

Bam marqua un arrêt, un peu surpris. Et quelque part, il s’y attendait un peu aussi.

 

Headon était très différent des autres gardiens qu’il avait rencontrés. Bam pensa qu’il n’était pas seulement le gardien du premier étage. Headon était le gardien de la Tour. Celui qui accordait à ceux qui étaient choisis le privilège de monter dans la Tour. Celui qui testait ceux venus de l’extérieur. Celui qui testait ceux ayant le potentiel de devenir un dieu. 

 

« Félicitation, Jue Viole Grace. Vous avez atteint le sommet de la Tour, » le salua le gardien aux oreilles de lapin.

 

« Mon nom est le 25 ème Bam, Monsieur Headon,» lui répondit Bam, sans lui sourire en retour. Headon ne s’en offusqua pas. Il n’avait que faire de ses états d’âme. Son objectif était atteint.

 

« C’est vrai. Un dieu est libre de choisir son nom. »

 

-

 

Cet endroit était bien différent de la Tour. Il n’y avait pas de Shinsu. L’air qui emplissait désormais ses poumons  paraissait sec en comparaison. Il se sentait si léger, si libre de ses mouvements. Une brise d’air lui caressa la joue. C’était agréable. Il leva les yeux vers la voûte céleste. Au-dessus d’eux s’étendait un vaste ciel étoilé. Si vaste que l’horizon ne marquait pas sa limite. Il était aussi profond, constellé d’innombrables étoiles. Infini. Certaines étoiles brillaient plus que d’autres. Un astre attira son attention. Il renvoyait une douce lumière blanche. C’était joli.

 

C’était ce dont Rachel lui avait tant parlé, ce dont elle se languissait. Ce pour quoi tout avait commencé.

 

C’était joli, oui.

 

Tandis qu’il contemplait le ciel, le visage impassible, une question tournait en boucle dans son esprit. 

 

Tout ça pour ça ?

 

-

 

Headon posa un genou à terre, et inclina la tête devant son dieu.

 

Un jour, Khun lui avait dit ceci : « Tu es un humain, Bam. Donc, qu’est-ce qu’il y a de mal à sauver une personne que tu veux sauver ? Tu devrais traiter tout le monde de façon égale si tu étais vraiment un dieu. Mais tu es humain. »

 

 Ces mots avaient pendant longtemps trouvés écho en lui. Ils étaient la bouée de sauvetage à laquelle il s’agrippait pour chaque goutte de sang innocent versée. 

 

Bam se fichait d’atteindre le sommet. Il se fichait des étoiles, de la richesse, du pouvoir, de la gloire, du vaste monde extérieur. Il n’avait jamais accordé d’importance à cette Tour. Depuis le départ, son désir était resté le même. Il voulait juste rester aux côtés de la personne qui lui était la plus précieuse. 

 

Cette personne avait juste changé en cours de route. Et son désir s’en était trouvé renforcé. 

 

Je suis désolé, Khun. Parce que je suis humain, parce que je veux te sauver,  je vais devenir un dieu.



⸻❄⸻



Au moment où il ouvrit les yeux, un fort sentiment d’oppression lui tenailla la poitrine. L’air qui pénétrait ses poumons l’asséchait de l’intérieur, et il avait l’impression d’en manquer, de suffoquer. L’obscurité ne lui permettait pas de comprendre où il se trouvait. Ses mains tâtonnèrent nerveusement autour de lui. Il était enfermé dans un coffre de verre froid. A son grand soulagement, la plaque au-dessus de lui se souleva facilement lorsqu’il tendit les mains vers le haut. 

 

Il se redressa, et fronça les yeux. Lorsqu’il s’habitua  à l’obscurité, il discerna près de lui des corps inertes. 



Notes:

twitter : @/kaeru_turtle

Chapter 2: Bulles

Notes:

J'ai publié la première partie il y a deux jours, mais comme c'est mon anniversaire j'ai envie de marquer le coup en publiant quelque chose, alors voilà la seconde partie. Pour le moment il y en a 6 d'écrites, mais comme je travaille sur cette fiction vraiment au feeling il n'y aura pas de rythme de parution régulier ^^'

L'OST que j'ai le plus écouté pour écrire, et dont est tiré le titre est "Forever Lost" : https://www.youtube.com/watch?v=_vfr45SGyYE

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

⸻❄⸻

 

Il avait le sentiment de revenir au monde après être parti très loin. Il ignorait si c’était une bonne chose, parce que le monde autour de lui l’effrayait. Le manque de luminosité et les corps étendus au sol accentuaient son anxiété. 

 

Il posa une main sur sa poitrine. Son cœur tambourinait à l’intérieur. Il prit de longues inspirations pour tenter de se calmer, mais ça ne lui paraissait pas naturel. Respirer était désagréable. Ce n’était pas normal

 

Il resta assis quelques minutes, et d’une façon ou d’une autre, il parvint à garder les idées claires. Aussi claires qu’elles pouvaient l’être. Il se leva, et s’approcha du corps qui se trouvait le plus près. Il s’agissait d’un homme aux cheveux coupés courts. Il ne pouvait pas en distinguer beaucoup plus. Etonnamment, son corps était encore chaud, mais il était définitivement mort. Il ne respirait plus.

 

Il comprit alors d’où venait son sentiment d’oppression.

 

Le silence.

 

Un silence si lourd qu’il en était écrasant. 

 

Le monde était si silencieux qu’on aurait dit qu’il n’y subsistait plus une once de vie. 

 

Il chassa cette pensée dans un coin de sa tête. Dans ce genre de situation, il était indispensable de conserver toute sa capacité de raisonnement. Ne pas laisser un pressentiment obscurcir son jugement. Raisonner avec des éléments factuels seulement. 

 

Il examina les deux autres corps présents dans la pièce. L’un était un homme avec un sabre attaché à la ceinture, l’autre… une sorte d’animal ? La forme rectangulaire et allongée de sa mâchoire, ainsi que ses écailles lui firent penser à un crocodile humanoïde. 

 

A côté de chacun des corps se trouvait une sphère sombre, et un amoncellement de vêtements, de nourriture, d’objets divers.

 

Il prit dans sa main la sphère du croco et la soupesa. C’était lourd, et sombre. Impossible de savoir si quelque chose était écrit dessus. Sa fonction était inconnue. Il reposa la sphère là où il l’avait prise.

 

Vêtu seulement d’un short et d’un t-shirt, il entreprit de fouiller dans les affaires entassées auprès des défunts, et en extirpa quelques vêtements. Il n’était pas certain que la tenue serait harmonieuse, mais il songea que ce n’était vraiment pas le moment de s’en soucier. Au moins, cela devrait lui aller. Il n’en était pas complètement certain, puisqu’il ignorait quelle était son apparence, mais il devait avoir une corpulence similaire à celle des deux hommes. 

 

« Je vous les emprunte de façon permanente, les gars. Vous n’en n’aurez plus besoin, de toute manière, » marmonna-t-il à l’attention de ceux qui ne pouvaient plus l’entendre. 

 

Une fois changé et vêtu plus chaudement, il s’aperçut qu’il avait toujours aussi froid. 

 

Visiblement, il se trouvait dans un vaste appartement, partagé par une petite dizaine de personnes. L’endroit où il se trouvait à son réveil était une chambre. Dans le salon, il y avait trois corps. Une femme et une adolescente avec une queue de lézard étaient côte à côte. Elles devaient être installées sur l’un des canapés avant de s’effondrer. Un homme était étendu sur le second, enroulé dans une épaisse couverture. Son visage paraissait paisible. Mort pendant son sommeil. Il était enfin parvenu à trouver le repos éternel. 

 

Leurs corps étaient chauds également. 

 

Ces gens… c’était comme si la Mort était venue cueillir leur vie avant de lui rendre la sienne. 

 

Certains meubles étaient décalés par rapport au mur, d’autres étaient complètement renversés. Des décorations murales étaient au sol, brisées. Un tremblement de terre devait avoir eu lieu. Mais il était impensable que cela soit la raison de la mort récente de ces gens. Il n’y avait pas de débris, ils n’étaient pas ensevelis. Ce devait être autre chose, mais le manque de luminosité rendait impossible toute tentative d’autopsie. 

 

Dans la cuisine était étendue une femme aux longs cheveux noirs. Affalé sur la table, un jeune homme tenait encore son crayon en main. Il n’y voyait pas assez clair pour voir ce qu’il avait dessiné. 

 

En repassant devant la chambre qu’il avait quitté quelques minutes plus tôt, quelque chose attira son regard. De la lumière ?

 

Les corps étaient enveloppés d’une substance lumineuse de couleur cyan. C’était beau, et cela lui inspira aussi un pressentiment horrible. 

 

Sa main bougea sans qu’il ne la commande vers le croco. Plutôt que de sentir ses écailles sous ses doigts, il eut l’impression de plonger la main dans l’eau. Et les écailles devinrent des bulles épaisses et luminescentes, s’élevant en l’air avant d’éclater et de disparaître. 

 

Le reste du corps du croco commença à se dissoudre rapidement, se transformant en une multitude de bulles desquelles émanait une faible lumière cyan. Les deux hommes aussi. A la lueur des bulles, il aperçut leurs visages.

 

Son cœur se mit à battre à tout rompre, résonnant dans ses oreilles, et respirer devint difficile. 

 

Encore une fois, il chercha à agripper le corps du croco, et encore une fois, sa main ne l’atteignit pas. Il était juste devant lui, mais déjà hors de portée. A son contact, le corps du croco n’en disparu que plus vite. 

 

« Non ! » Sa voix étranglée résonna comme si elle ne lui appartenait pas, comme si elle s’exprimait d’elle-même.

 

Lorsque ses doigts se refermèrent, il ne restait du croco plus que des bulles éphémères. 

« Non ! » répéta-t-il, la voix brisée. 

 

L’épéiste et l’homme en jogging disparurent à leur tour. 

 

Sa vision se brouilla, et son corps entier se mit à trembler. Recroquevillé par terre, les larmes coulèrent sans qu’il ne parvienne à les arrêter, et son corps était secoué par des sanglots étouffés. C’était douloureux. Si douloureux. 

 

Et il ne savait pas pourquoi



⸻✹⸻

 

Lorsqu’il entra à nouveau dans la Tour, elle était plongée dans le silence et l’obscurité. Le Shinsu avait disparu, emportant avec lui la lumière. Alors, Bam effaça le plafond et fit apparaître le ciel. 

 

Lorsqu’il entra dans l’appartement où il avait laissé ses camarades, il n’y avait plus personne. Le Shinsu avait disparu, emportant avec lui toute vie qu’il avait vu naître. Alors, Bam ferma les yeux et chercha la présence de ses camarades, de leur corps, de leur âme. Il ne les trouva pas. Rien de ses camarades n’existait encore dans ce monde. Il n’y avait rien à ramener.

Notes:

twitter : @/kaeru_turtle

Chapter 3: Mensonge

Chapter Text

⸻✹⸻

 

Le coffre de verre était vide. Mais contrairement aux autres, lorsque Bam fermait les yeux et se concentrait, il sentait la présence de Khun. 

 

Il se laissa tomber par terre, le dos contre le lit. Sur le sol, devant lui, il y avait des Pockets et des amoncellements de vêtements, nourritures et bibelots. Il prit la Pocket la plus proche et la soupesa. Ce n’était plus qu’une lourde sphère métallique complètement inutile. A la limite, elle aurait pu servir de boule de pétanque. 

 

Parmi l’un des tas d’affaires, il y avait des bananes. Il ne parvenait pas à en détacher le regard, et sa gorge se serra. 

 

Il pensait assumer les conséquences de sa décision, quelles qu’elles soient. Il pensait qu’il était prêt à ramener Khun à la vie à tout prix, quel qu’il soit. 

 

Il avait eu tort. 

 

Les derniers mots d’Headon lui revinrent à l’esprit. Alors que son corps disparaissait progressivement, privé de Shinsu, il lui avait expliqué avec beaucoup de satisfaction que maintenant que cette Tour avait accompli son office, à savoir la création d’un nouveau dieu, elle n’avait plus de raison d’être. Elle n’avait plus de raison d’exister. Alors elle était vouée à disparaître. 

 

Avec ses pouvoirs nouvellement acquis, Bam avait empêché son effondrement. Mais il n’avait pu empêcher le Shinsu de pénétrer en masse dans son corps.

 

Atteint le sommet de la Tour, et tout t’appartiendra. 

 

C’était un mensonge. Il ne possédait plus rien. 

 

Un dieu devrait être tout puissant. Un dieu devrait faire des rêves des gens une réalité et les rendre heureux. Un dieu devrait être capable de contrôler le temps, la vie, et la mort. 

 

Il n’était pas un dieu. C’était aussi un mensonge.

 

« Tu es un monstre, né pour maudire cette Tour et tout dévorer » lui avait dit Rachel, faisant alors pour la première fois preuve à son égard de sincérité.

 

Il était un putain de monstre qui avait dévoré cette Tour dans son entièreté. 

 

…C’était la vérité. Il aurait souhaité que ce soit aussi un mensonge. 

 

Bam ramena ses genoux contre sa poitrine et enfouit son visage dans ses bras. La vue des bananes lui était désormais insupportable. Il ne supportait plus l’évidence de son incommensurable erreur. Il resta ainsi durant des heures. 

 

Alors que le Soleil descendait paresseusement à l’horizon, teintant progressivement le ciel de couleurs rougeoyantes, le silence fut rompu. Il y eut du bruit. Le cliquetis et le claquement d’une porte que l’on ouvre et que l’on referme.

 

Des bruits de pas se rapprochèrent. Une démarche qu’il reconnaissait. Il lui avait tellement manqué… Le cœur battant, il resta immobile, le regard rivé sur l’encadrement de la porte. Enfin, il apparut. Ses yeux étaient toujours aussi bleus.

 

Bam avait imaginé tant de fois leurs retrouvailles. Il avait imaginé le prendre dans ses bras et lui dire enfin ce qu’il avait toujours regretté de ne pas avoir su lui dire. 

 

Ça ne se passa pas comme il l’avait imaginé. Bam était cloué au sol, paralysé par une angoisse terrible. Il ignorait ce que Khun pourrait bien penser de lui. Il ignorait s’il le pardonnerait, et il ne pensait pas avoir lui-même envie d’être pardonné. Peut-être qu’il avait envie que Khun lui crie dessus et le frappe, comme il aurait dû le faire il y a bien longtemps. 

 

Khun s’était figé devant l’entrée de la chambre en l’apercevant. Son visage exprima la surprise, le soulagement, puis un étonnement poli. Il n’y avait aucun doute, c’était bien Khun. Mais Bam sentit que quelque chose clochait, sans pouvoir mettre le doigt dessus. 

 

« Toi, qui es-tu ? »



Chapter 4: Bananes

Notes:

Je ne peux pas en être sure, puisque je n'ai pas vraiment de retour, mais j'ai l'impression d'avoir plus de lecteurs anglophones que francophones, donc... je vais essayer de traduire cette fanfiction en anglais. Mot-clé : essayer.

Chapter Text

⸻❄⸻

 

Khun était parti explorer les environs, à la recherche de potentiels autres survivants. Il cria pour se faire entendre, mais seul le silence, écrasant, lui répondit. 

 

Peu après qu’il soit parti, un évènement étrange se produisit. 

 

Le plafond s’éclaira.

 

Un bleu profond, des nuages cotonneux, une boule de lumière lui réchauffant la peau, et une brise d’air lui caressant le visage. Il en eut le souffle coupé.

 

Cela lui paraissait familier, mais aussi inédit. Pendant de longues minutes, il contempla le ciel. C’était un spectacle simple, mais il avait la sensation de n’avoir jamais rien vu de si beau, de si précieux. Rien que pour ça, il décida qu’il valait finalement la peine d’être revenu à la vie. Juste un peu.

 

Cette clarté nouvelle rendit le paysage visible. Au loin, quelques gratte-ciels fendaient l'horizon. Leurs inclinaisons laissaient penser qu'ils pourraient s'effondrer à tout moment, et leurs ombres s'étiraient sur le reste de la ville, menaçantes. Les routes étaient parcourues de fissures, certaines étaient si larges qu'il fallait sauter pour atteindre l'autre côté. Les vitres des bâtiments étaient brisées, et les enseignes lumineuses privées d'énergie paraissaient bien ternes et sales.

 

Il visita plusieurs bâtiments, et fit partout le même constat. Les lieux étaient déserts, abandonnés subitement. Un peu partout, il y avait des sphères noires. Et des tas d’affaires diverses. Des personnes devaient se trouver là avant de mourir et de disparaître, en laissant derrière leurs effets personnels. S'il en doutait encore, le constat était à présent très clair. Ce monde avait connu une fin. L'apocalypse avait eu lieu.

 

Il n’y avait ni animaux, ni végétation. Pour l’heure, trouver de la nourriture en fouillant les habitations et les magasins serait facile. Mais sur le long terme, lorsque les denrées périssables seront impropres à la consommation, il ne resterait absolument rien à manger. 

 

C’était une simple observation. Ça ne l’inquiétait pas vraiment. A quoi bon survivre dans un monde où il ne restait personne ? Survivre seulement pour se réveiller le lendemain… il verrait bien combien de temps passerait avant qu’il ne s’en lasse. Au moins, le ciel était vaste et bleu.

 

Un salon de coiffure attira son attention. De nombreux miroirs reflétaient son apparence. La couleur de ses yeux était bleue. Un bleu profond, plus sombre et impénétrable que le ciel. Ses cheveux aussi étaient bleus. Un bleu froid, métallique. Les traits délicats de son visage étaient accentués par ses cils, nombreux et longs. Son corps était fin mais musclé, bien proportionné. Il était indéniablement beau garçon. Sa beauté possédait des caractéristiques féminines qui n’étaient probablement pas au goût de tous, mais il était indéniable qu’il restait agréable à regarder. 

 

Non pas que ça ait la moindre importance. Son apparence était inutile, puisqu’il n’y avait plus personne pour le voir. Pour autant… Il se saisit d’une brosse, d’un peigne et de quelques produits qu’il fourra dans un sac à dos récupéré dans un magasin vendant essentiellement des articles de sport.

 

Après quelques heures d’exploration dans les environs, il décida de retourner dans l’appartement où il s’était réveillé. Maintenant qu’il pouvait y voir plus clair, il pourrait peut-être y trouver des indices sur son identité. 

 

La boule de lumière avait entamé sa descente. Bientôt, il ferait nuit. Après être rentré, il posa son sac à dos sur le canapé du salon et se dirigea vers la chambre où il s’était éveillé. Il se figea avant d’entrer.

 

Dans la chambre, il y avait quelqu’un. Un homme, bel et bien vivant. 

 

Il n’était plus seul. 

 

Ils se dévisagèrent. L’homme ne dit rien, ne bougea pas. Mais ses grands yeux mordorés le fixaient comme s’il n’y avait rien d’autre au monde. Ce qui était peut-être vrai.  Il paraissait bouleversé. 

 

Et lui-même n’en menait pas large. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Encore cette sensation. Cette sensation terrible. Son corps reconnaissait cet homme, tout comme il avait reconnu les cadavres, et diverses émotions se bousculèrent en lui. Mais il n’avait aucun souvenir de lui. Il ignorait pourquoi il était si difficile de respirer, pourquoi il se sentait si soulagé, pourquoi il avait envie de pleurer, pourquoi il lui avait tant manqué.  Il ne savait pas. Ressentir sans rien savoir était effrayant. 

 

“Toi, qui es-tu ?”

 

Il n’aima pas l’expression de l’autre. Il pouvait presque l’entendre se briser. L’homme ne répondit pas, ni ne bougea. Il continuait de le regarder en ayant l’air anéanti. Il détestait ça. 

 

“Je suppose qu’il serait plus poli que je me présente d’abord, mais malheureusement j’ignore quel est mon nom. Appelle-moi juste comme tu veux, ça m’est égal.”

 

Toujours pas de réponse. Peut-être était-il muet ? 

 

Il attrapa la grappe de banane, abandonnée sur un large t-shirt rouge, et alla s’asseoir par terre à côté de l’autre homme, adossé contre le lit. Il posa la grappe entre eux. 

 

“Tu en veux ?” lui demanda-t-il en lui tendant une banane.

 

L’autre fit non de la tête. Au moins, il avait eu une réponse. Il haussa les épaules, éplucha le fruit pour lui-même, et commença à le manger en silence. L’autre homme ne le quittait pas du regard. Lorsqu’il eut terminé sa banane, il lui adressa enfin la parole. Ses premiers mots à son égard furent pour le moins surprenants.

 

“Tu aimes les bananes ?” lui demanda-t-il avec étonnement. C’était… intéressant. Sa voix était douce, elle allait bien avec son regard honnête. 

 

“Pas vraiment,” admit-il. “C’est juste que… J’ai le sentiment que le croco auquel elles appartenaient n’aurait pas été content qu’on les laisse se perdre.”

 

“Le… croco ?” Une lueur d’espoir brillait dans ses yeux. Il détesta devoir la souffler. 

 

“Il était étendu juste là. Mais tous les corps ont disparu.” 

 

“Je suis désolé.” 

 

“Ne le sois pas. Je n’ai aucun souvenir, alors ça ne me fait rien.” 

 

-”Je suis désolé,” répéta l’inconnu aux cheveux châtains, la voix brisée. Il posa sa tête sur ses genoux et l’entoura de ses bras.  

 

Il aurait aimé trouvé les mots pour le réconforter. Mais rien ne lui venait. Il n’y avait rien de positif à dire dans cette situation. Alors il préféra se taire plutôt que de lui offrir des mots rassurants creux. Il posa la peau de banane sur le côté et prit un autre fruit. 

 

Il ne détestait pas les bananes, il pouvait bien en manger un peu. Mais il n’en raffolait pas. Et arrivé à la moitié de la troisième, cela commença à l’écœurer. Il continua de manger. 

 

“Stupide croco…” marmonna-t-il. 

 

L’autre garçon redressa la tête en reniflant. Sans mot dire, il détacha une banane et l’éplucha. 

 

Ils mangèrent en silence, les yeux rivés sur le large t-shirt rouge. 

 

Chapter 5: Ton nom

Chapter Text

⸻✹⸻

 

Lorsqu’il ne resta des bananes plus qu’un tas d’épluchures entre eux, Bam avait la gorge toujours aussi serrée, et il se demanda comment il avait pu avaler tout ça. 

 

La dernière fois qu’il avait vu Rak, Shibisu, et tous les autres, il leur avait promis qu’à son retour, Khun serait réveillé. 

 

S’il avait su… 

 

S’il avait su.

 

“Tu ne m’as pas dit ton nom. Tu en as un, pas vrai ?” lui demanda Khun, une main posée sur son ventre, et le visage un peu crispé. Son corps devait subir le contrecoup de sa consommation excessive de bananes. Bam s’en doutait, car son propre corps n’en menait pas large non plus. 

 

“Je suis le 25ème Bam.” répondit Bam, le visage sans expression et le ton neutre. Vide.

 

“Le 25ème ? Quel nom étrange…”

 

“Appelle-moi juste Bam.”

 

“Ok, Bam. Et moi ? Comment vas-tu m’appeler ?”

 

Bam. Malgré sa perte de mémoire, il prononçait son nom exactement de la même façon qu’il l’avait toujours fait. Il fallut qu’il l’entende à nouveau pour s’apercevoir à quel point son nom dans sa bouche lui avait manqué. C’était familier et cela lui rappelait des souvenirs si lointains. C’était l’écho d’un passé désormais révolu. 

 

Quant à savoir comment il allait l’appeler, la réponse était évidente. Il répondit sans prendre de temps de réflexion. 

 

“Khun.”

 

Lui aussi, cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas prononcé, ce nom qui avait pourtant chaque jour hanté ses pensées. Il avait une saveur réconfortante, et il aurait aimé le prononcer pour le goûter encore. Mais il s’abstint. Cela paraitrait étrange, déplacé. 

 

“Khun ?” 

 

“Oui, ton nom est Khun.”

 

Khun le dévisagea avec une expression un peu curieuse. Bam ne soutint pas longtemps son regard. Il était facile de se noyer dans ses yeux bleus. Et il était encore plus facile de les fuir. 

 

"Ça me convient.”

 

Khun posait toujours un tas de questions, parce qu’il détestait ne pas savoir, ne pas comprendre, ne pas maîtriser. 

 

Ce Khun ne questionna rien. Il acceptait simplement le monde, sans crainte. C’était plus facile comme ça. Pas de question, pas d’explication. Mais c’était aussi fondamentalement déroutant. C’était Khun, mais pas tout à fait le sien .

 

Khun se redressa un peu, et se tourna vers lui. 

 

“Alors, Bam… voilà ce que je te propose. Devenons partenaires, et explorons le monde ensemble. Qu’en dis-tu ?”

 

Une main tendue, un sourire confiant, et un regard brillant de malice. Bam pouvait presque sentir l’odeur du sang, et voir les hautes herbes jaunes ainsi que le faux ciel bleu, souvenirs d’un nouveau départ. 

 

Il tendit sa main tremblante, et serra doucement celle de Khun. 

 

Elle était chaude, et sa poigne était franche. 

 

Chapter 6: Silence

Chapter Text

⸻✹⸻

 

L’astre lumineux était descendu et avait disparu derrière l’horizon après avoir embrasé le ciel. Un autre avait fait son apparition, un croissant renvoyant une lumière blanche et envoûtante. Et tout autour, s’étendant à l’infini, il y avait les étoiles. 

 

“Le ciel… a-t-il toujours été comme ça ?” demanda doucement Khun.

 

Bam n’était pas certain que la question lui soit adressée. C’était peut-être une question qu’il se posait à lui-même, à sa mémoire défaillante. Bam garda le silence. Il ne voulait pas répondre aux questions.

 

Khun était allongé sur l’un des lits, les bras en étoiles et les yeux posés sur l’astre nocturne qui brillait à travers la fenêtre. Cela faisait un moment qu’il était allongé comme ça, sans dormir, juste à contempler le ciel étoilé, perdu dans ses songes. 

 

Le ciel était beau. Mais il n’inspirait à Bam rien d’autre que de l’indifférence. Son regard était toujours tourné dans la même direction. 

 

Vers Khun.

 

Il retraçait avec ses yeux les contours de sa silhouette, bien qu’il les connaisse déjà par cœur. Il observait sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration, hypnotisé. C’était tout ce qui lui restait au monde. C’était… ce pour quoi il avait mené ce monde à sa perte.

 

Des remords et des regrets, Bam en avait eu plein. Des erreurs, il en avait tant fait aussi. Mais il avait toujours fini par aller de l’avant, par essayer de se connaître, de se comprendre, et d’agir de façon à ne plus avoir ni regret, ni remords. 

 

Mais il avait eu tout faux. 

 

Il les avait tous abandonnés en croyant que ça les protégerait, restant sourd à leurs appels.

 

Bam l’avait abandonné, et pourtant Khun était mort pour le sauver. 

 

C’était inacceptable. Insupportable. Alors Bam s’était juré de le ramener, quoi qu’il en coûte. 

 

Quoiqu’il en coûte…

 

… Cette poitrine qui se soulevait doucement au rythme de sa respiration était peut-être bien sa plus grande erreur, et son plus terrible remord. 

 

Bam se haïssait pour ça. 



⸻❄⸻

 

Les couleurs de l’aube étaient d’une douceur et d’une beauté à couper le souffle. La boule de lumière était rouge, rouge, rouge, perçant à travers un voile léger de nuage. Mais contrairement à la veille, elle ne l’éblouissait pas. Il pouvait la contempler s’élever doucement  à travers les nuages pastels  de tout son soûl. Le ciel était une toile sur laquelle se peignait constamment une nouvelle peinture. 

 

Il tendit le bras et écarta les doigts. Puis il ferma lentement le poing. Il tenait la lumière dans sa main. La lumière semblait à sa portée, mais elle était en réalité inatteignable. Peut-être que sa mémoire perdue se trouvait dans la lumière. 

 

“Bam” murmura-t-il. Ce nom, sa bouche le prononçait avant qu’il n’y pense. Sa langue et ses lèvres se mouvaient librement, comme dotées d’une volonté propre, comme si elles avaient articulé ce nom si souvent que c’en était devenu un automatisme. 

 

Khun ne s’était pas réveillé ici par hasard. Sa main s’était tendue vers le croco. Ses larmes avaient coulé inlassablement sur ses joues, et les sanglots l’avaient empêché de respirer après avoir vu les visages des défunts. S’il avait oublié, son corps, lui, se souvenait.

 

Et Bam . Bam, ce nom plus que familier. Bam, avec qui il se sentait à l’aise et en sécurité. 

 

“Khun !” s’écria Bam depuis le salon. Lorsqu’il le rejoignit sur le balcon, sa gestuelle exprimait son soulagement, mais la terreur vive qui l’habitait un instant avant était encore visible. 

 

Bam, qui lui avait donné un nom sans l’ombre d’une hésitation. Khun . Un nom, une intonation qui lui paraissait là encore bien trop familière. 

 

“Tu es là…” souffla Bam, la main posée sur sa poitrine comme si son cœur avait menacé d’exploser.

 

Khun se détourna du ciel pour faire face à Bam, intrigué par son attitude. “Il y a un problème ?” 

 

“Non… Mais s’il te plait, ne disparaît plus comme ça.” 

 

“Tu dormais. Et il est encore tôt. Probablement. Je n’avais aucune raison de te réveiller.”

 

Bam prit appui sur la rambarde du balcon, et tourna les yeux vers la lumière. Il soupira longuement, et son corps se détendit. “Juste… préviens-moi si tu vas quelque part, d’accord ? Et si je dors, réveille-moi.”

 

Un sourire taquin prit possession des lèvres de Khun. “Je dois te réveiller même pour te prévenir lorsque je vais au petit coin ?”

 

Loin de réchauffer l’ambiance, Bam lui lança un regard blasé, et un peu blessé, avec toujours de l’inquiétude. Khun en perdit bien vite son sourire. Il soupira à son tour. 

 

“J’ai compris. Je suis désolé,”  s’excusa-t-il doucement, en regardant la lumière pour se détourner de Bam, un peu gêné. C’était stupide de sa part. Il savait pertinemment la raison pour laquelle Bam avait été effrayé. Il était très bien placé pour le savoir. La vision des écailles du croco se transformant en bulles luminescentes était toujours intacte dans son esprit. “Moi aussi, j’aurai eu peur,” ajouta-t-il, à voix si basse que le vent léger suffit à l’emporter. 

 

Ils restèrent ainsi face à la boule de lumière, chacun plongé dans ses pensées. 

 

Khun n’avait aucun souvenir, mais il avait confiance en ses sensations. C’était après tout, la seule chose à laquelle il pouvait se fier pour évoluer dans cet univers inconnu. Il les avait retournées dans tous les sens, analysées sous toutes les coutures, et il en était arrivé à une conclusion.

 

Bam ne lui disait pas la vérité. 

 

Khun n’avait pas de preuve tangible, mais il avait la certitude que Bam savait

 

Bam savait, mais ne lui disait rien, et pour une raison qui lui échappait encore, Khun n’avait pas posé de question non plus. 

 

Lorsqu’il analysait les choses d’un point de vue objectif, sa raison lui interdisait de faire confiance à Bam. Il ne savait rien de lui, c’était un parfait inconnu qui lui cachait des informations importantes. Mais encore une fois, son corps savait des choses qu’il ignorait. 

 

Il s’en était aperçu rapidement, non sans un certain étonnement. Il se sentait bien avec Bam. Il avait le sentiment que jamais l’autre garçon ne lui ferait du mal. Et l’inquiétude qu’il venait d’exprimer simplement parce que Khun ne se trouvait pas dans son champ de vision à son réveil le confortait dans cette idée. 

 

Bam le connaissait. C’est pourquoi il l’avait nommé avec tant de facilité. Khun était-il important pour lui ?

 

Et Bam, était-il important pour Khun ?

 

Peut-être…

 

C’était illogique, et complètement irrationnel. Il n’avait aucune idée de qui était l’homme qui se tenait à ses côtés. Mais il était tout ce qu’il avait.

 

Qui était Bam ? Qui était Khun ? Qui étaient les inconnus sans vie transformés en écume ? Qu’était-il arrivé à ce monde et à la vie ? 

 

Ces mystères l’avaient tenu éveillé toute la nuit, et Bam était la clé gardant tous ces secrets. Bam était celui qui pourrait donner un sens à son existence. Khun avait besoin de savoir, afin de comprendre pourquoi il était en vie, afin de trouver un sens à l’absurde.  

 

En s’élevant, la lumière caressait leur peau de ses rayons, et la chaleur se répandait agréablement dans leur corps. Les prunelles de Bam face à la lumière étaient devenues dorées. Il avait tant de questions, mais face à ces prunelles, il ne pouvait se résoudre à les poser, de crainte de ternir leur éclat. 

 

Alors, Khun acceptait le silence de Bam.

Chapter 7: Croquis

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Curieusement, il y avait dans l’appartement non seulement de l’eau courante, mais aussi de l’électricité. Tout était parfaitement fonctionnel. Suite au tremblement de terre qu’il semblait y avoir eu et la disparition de tout être vivant, Khun s’était attendu au contraire. Il trouva cela suspect, mais loin de lui l’idée de cracher sur l’opportunité de pouvoir continuer à prendre des douches bien chaudes malgré l’apparente fin du monde.

Enfin, peut-être que la situation n’était pas aussi catastrophique qu’elle en avait l’air. Peut-être existait-il des êtres humains bien vivants qui se levaient chaque matin à des lieux d’ici pour faire fonctionner usines et stations d’épuration.

Khun avait alors suggéré de rester dans l’appartement, le temps d’explorer la ville à la recherche de potentiels survivants et indices sur l’origine du drame qui avait eu lieu. Bam avait accepté. « Comme tu veux, » lui avait-il dit, dénué du moindre signe de motivation.

Peut-être que rester dans l’appartement où étaient morts des gens qu’il connaissait probablement ne devait pas le réjouir. Khun comprenait ça très bien. Lui-même avait un pincement au cœur à chaque fois qu’il voyait les tas d’affaires et les sphères noires dans la chambre. Mais c’était aussi précisément pour cette raison qu’il n’avait pas proposé de chercher un autre logement.

Khun voulait en savoir plus sur ceux qui étaient à ses côtés au moment de leur mort.

Néanmoins, avant d’attaquer la chambre, il lui parut plus pertinent de s’occuper de la cuisine en premier, puisqu’ils auraient besoin qu’elle soit fonctionnelle au plus vite.

Les affaires ayant appartenues à la femme aux longs cheveux sombres étendue dans la cuisine étaient, en dehors des vêtements, essentiellement des armes. Elles avaient un design étrange, et Khun se demanda comment il était possible d’utiliser des armes pareilles, notamment celles qui ressemblaient à un crochet. Il y avait aussi des bobines de fils de fer fins et étonnement résistants. Peut-être aimait-elle aller pêcher d’énormes monstres marins ?

Il était curieux de constater que malgré le nombre de personnes que pouvait accueillir l’appartement, il n’y avait finalement que peu de rangement. Ces boules noires étranges qui se trouvaient à coté de chaque tas, là où se trouvaient avant des personnes, devaient contenir un mécanisme capable de tout stocker. Et le mécanisme s’était désactivé après l’apocalypse, recrachant toutes les possessions des défunts. Seules preuves de leur existence passée en ce monde.

Khun soupesa la sphère noire, l’observant pensivement. C’était la seule hypothèse à laquelle il pouvait penser à partir de ce qu’il avait vu, mais c’était tellement invraisemblable… Comment une si petite chose pouvait en contenir autant d’autres ?

Bam emmena les armes et boucliers encombrants dans une chambre dans laquelle ils avaient décidé de tout stocker. Khun plia soigneusement les vêtements de la femme aux cheveux sombres qu’il posa sur un coin du lit. Khun avait beaucoup à penser, et Bam n’ouvrait pas la bouche en dehors des questions pratiques, alors tout se déroula dans le silence.

Lorsqu’ils s’attaquèrent aux affaires du dessinateur, mort le crayon en main, les nombreux carnets de croquis attirèrent tout de suite l’attention de Khun. Ils pourraient bien être une mine d’or d’informations. Il se saisit du premier qui lui passa sous la main, et souleva avidement la couverture.

Sur la première page étaient croquées trois personnes différentes, en train de manger. Ces croquis devaient avoir été réalisés au cours d’un repas. Khun reconnu l’un d’eux. Le seul visage qu’il connaisse, autre que le sien. Il s’agissait de Bam. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Ses cheveux étaient plus courts, relevés en une petite queue de cheval. Les mèches du bas, plus courtes, tombaient alors négligemment sur sa nuque. Il arborait un léger sourire de façade. Khun savait que ce n’était pas un véritable sourire, car ses yeux exprimaient bien d’autres émotions. De la détermination, mêlée à de la mélancolie. Bam mangeait avec ces personnes ce jour-là, mais l’on pouvait facilement deviner que son esprit était bien ailleurs. L’artiste était véritablement doué pour retranscrire les expressions. Mais la signature griffonnée en bas ne lui permit pas d’en connaitre le nom. Khun ne pouvait pas non plus mettre de visage sur l’artiste, ce qu’il regrettait. A côté de la signature, il y avait une date.

Le carnet lui fut retiré des mains avant qu’il ne puisse en voir davantage.

« Si nous commençons à regarder ça, nous ne finirons jamais. » Bam lui offrit un sourire d’excuse. Là encore, Khun ne distinguait aucune joie ni amusement dans ses prunelles. « Gardons-les pour plus tard. »

Bam empila tous les carnets de croquis dans ses bras. Il y en avait tant que la pile était instable et que Bam ne pouvait plus voir où il mettait les pieds, ce qui n’arrangeait rien. Il sortit de la cuisine en titubant légèrement, emmenant les carnets loin du regard curieux de Khun.

Khun de protesta pas. Il l’observa simplement faire en silence. Au bruit de ses pas, il les emmenait dans une autre chambre. Son regard se posa sur le carnet restant sur la table, seul rescapé de la rafle de Bam. Parfois, plus une chose était visible, plus on était susceptible de passer à côté.

L’artiste devait être en train de dessiner la femme aux cheveux sombres qui se tenait avec lui dans la cuisine avant sa mort. Elle buvait distraitement une canette de soda à la paille. A en croire les traits du dessin, elle était d’une grande beauté. Khun se saisit du carnet ainsi que de plusieurs t-shirt dans lesquels il le dissimula. Dans le couloir, il croisa Bam. Bam détourna les yeux, comme s’il n’osait pas le regarder. Comme s’il était embarrassé. Et cela conforta Khun dans l’impression qu’il avait eue.

Bam ne voulait pas qu’il voit ces croquis.

Khun lui demanderait à les voir plus tard. Il aurait alors confirmation, ou non.

Dans la chambre de stockage, il glissa le carnet sous le matelas, puis commença à plier les t-shirt, l’air de rien. Il les rangea soigneusement juste à côté des affaires de la jolie brune. Bam le rejoignit avec le reste des vêtements, et ils poursuivirent leur tri en silence.

Chapter 8: Rouge et bleu

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Ils étaient efficaces, et avançaient rapidement. Bam faisait de son mieux pour ne pas laisser son regard s’attarder sur les objets et vêtements qu’il reconnaissait. Il aurait aimé les emmener tous avec lui. Mais sans Pocket ni phare, c’était impossible.

Ne pas penser, ne pas ressentir, était aussi impossible. Alors Bam serrait les dents et les lèvres, et dissimulait son visage derrière sa frange afin que Khun ne remarque pas son trouble. Les carnets de Hockney pesaient incroyablement lourds dans ses mains. A son grand soulagement, Khun ne le suivit pas. Il en rangea une partie en haut de la penderie, qu’il dissimula sous une couette épaisse. Il cacha le reste sous le matelas de l’un des lits.

Dans le couloir, il croisa Khun. Il détourna le regard. Il avait honte. Il se haïssait pour ce qu’il faisait. Il n’avait pas la force de soutenir son regard. Il n’avait pas la force de dire à Khun « Regarde, tous ces gens étaient nos amis, et je les ai tous tués, ainsi que tous les autres gens de la Tour pour te ressusciter. Alors, comment tu te sens ? Mal ? Moi-aussi. Si ce n’était pas pour toi, je voudrais mourir aussi. » Il avait peur. Bien plus peur que lorsqu’il avait affronté Jahad pour la première fois. Bien plus peur que toutes les fois où il avait risqué sa vie en se mesurant à plus fort que lui. Bam avait si peur, et si mal, et si honte, et il se détestait tellement qu’il avait envie de se faire du mal.

Et en face de lui, Khun se tenait là, si pur et inconscient de tout. Sa perte de mémoire était à la fois une malédiction et une bénédiction. Elle le forçait à porter seul le deuil de ses amis, en silence, mais lui permettait aussi de se complaire dans sa lâcheté, de fuir pour ne pas blesser Khun et ne pas l’achever lui.

Trier et ranger les affaires de Laure et d’Anaak était rapide. Les deux n’étaient pas matérialistes pour un sou. En revanche, trier et ranger les affaires d’Endorsi était un enfer interminable. Il y avait tellement de vêtements et de produits de beauté en tout genre dont il ne soupçonnait même pas l’existence qu’il ne savait pas quoi en faire. Khun dénicha un sac cabas dans lequel ils rangèrent en vrac les innombrables fards à paupières, fonds de teints, mascara, vernis à ongles et autres produits innommables.

Le soleil avait atteint son zénith lorsqu’ils entrèrent dans la chambre dans laquelle il avait retrouvé Khun. Son regard se posa sur le large t-shirt rouge. Et alors, après tout ça, il fut incapable de bouger, de respirer.

Il n’avait même pas pu leur dire au revoir.

Il ne leur avait jamais dit combien ils comptaient pour lui. Il n’avait jamais remercié Rak d’être toujours resté à ses côtés, de toujours l’avoir soutenu. Il l’imaginait se tenir là à veiller sur le corps sans vie de Khun, attendant son retour. Et c’en était trop.

« Bam ? »

L’air qui entrait dans ses poumons ne lui suffisait plus. Il haletait et sa vision se déforma autour de la forme rouge au sol.

Il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus le supporter. S’il voyait ce t-shirt rouge une seconde de plus, il allait s’effondrer.

En réponse à sa prière silencieuse, le rouge disparut, et tout devint bleu, bleu, bleu. Et il eut envie de s’y noyer, de s’y abandonner.

Quelque chose de chaud entourait son visage, c’était agréable, réconfortant. Et ce bleu, si familier et adoré lui fit tout oublier. Il pouvait à nouveau respirer.

Ou pas.

Khun.

Khun était si proche de lui qu’il percevait toutes les nuances de bleus dans ses yeux, la courbe de ses cils, les pores de sa peau, son souffle sur ses lèvres. Et son cœur palpitant un instant avant sembla se figer à mi-battement. Khun tenait son visage entre ses mains.

« Khun ? »

Alors, Khun recula un peu, et Bam sentit ses mains glisser le long de sa mâchoire avant de le lâcher complètement.

« Tu vas bien, Bam ? »

Combien de fois avait-il entendu cette phrase ? Et à quand remontait la dernière fois ? Combien de fois avait-il prétendu aller bien pour ne pas l’inquiéter ?

« Oui, merci. J’ai juste eu une absence. »

« Ca fait plusieurs heures qu’on travaille comme ça sans avoir pris de pause. D’ailleurs, je commence à avoir faim, mais je ne suis pas sûr de vraiment savoir cuisiner… Tu veux bien t’en charger ? Regarde ce qu’il y a en réserve dans la cuisine, et vois ce que tu peux faire. Je continue à ranger ici en attendant. » Tout en parlant, Khun le poussa gentiment en dehors de la chambre.

Bam acquiesça, et se dirigea vers la cuisine comme un automate. Lorsqu’il reprit ses esprits, il était assis sur l’une des chaises de la cuisine, la tête entre les mains.

Il ne pouvait pas continuer ainsi. Il devait absolument mettre ses idées au clair. Il devait le faire, pour Khun. Bam était celui qui était à l’origine de cette situation. Il n’avait aucun droit de s’effondrer à chaque réminiscence du passé. Il n’avait aucun droit de se morfondre alors que tout était de sa faute.

C’était de sa faute si Khun était mort en premier lieu. Et c’était de sa faute si Rak, Shibisu, Hatz, Endorsi, Anaak, Laure, Hockney, Elaine et le reste du monde étaient morts à leur tour. Parce qu’il n’était qu’un putain de monstre incapable de se contrôler lui-même, semant la mort et la destruction dans son sillage pour chaque personne qu’il voulait sauver.

Devenir un dieu… quelle arrogance ! Il était déjà l’être le plus puissant de la Tour avant ça, et pourtant incapable de protéger la personne qui lui était la plus précieuse. Où avait-il trouvé le culot de penser que les choses seraient différentes en devenant un dieu ? Dieu ou humain n’avait aucune importance. Depuis le début, il n’était qu’un monstre.

Un monstre destiné à dévorer la Tour entière.

Ce jour fatidique où Rachel l’avait poussé, il aurait mieux valu qu’il meure.

… Que faire à présent ?

Il était un monstre. Tôt ou tard, Khun pourrait à nouveau disparaître par sa faute. Mais il ne pouvait pas non plus le laisser seul, amnésique dans un monde où rien ne subsiste, alors qu’il était celui qu’il l’avait ramené égoïstement.

Égoïste… Oui, il l’était. Au fond, Khun pourrait très bien se débrouiller. Celui qui était terrorisé et avait besoin d’aide, c’était Bam. Effrayé par la solitude. Horrifié par son pouvoir. Épouvanté par le monstre.

Il devait décider aujourd’hui. Son choix ne devait pas être la conséquence de sa lâcheté ou de son égoïsme. Rester ou non.

Chapter 9: Peurs

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Il était intéressant de constater à quel point on pouvait apprendre à connaître une personne simplement en examinant ses affaires.

Jogging. Machines étranges. Jogging. Échiquier. Jogging. Autres jeux de société. Jogging. Trousse de premiers secours, bien garnie. Jogging. Une chemise, probablement pour les grandes occasions. Et encore jogging.
Un maniaque du jogging fan de la couleur violet qui n’a aucun remord à commettre des attentats à l’élégance et au bon goût. Le confort et la liberté de mouvement avant tout. Sociable, se soucie des autres. Sait utiliser sa tête, éventuellement.

Épée. Kit d’entretien des épées. Épée. T-shirts et sweats noirs. Épée. Harnais et ceintures. Une machine non identifée aussi. Épée. Kimonos sombres.
La garde-robe était à peine plus diversifiée que celle du maniaque du jogging, mais niveau goût, le noir était bien plus acceptable que le violet à outrance. Khun imagina avec un certain amusement un samurai entièrement dévoué à son art et se tenant à des principes strictes. Il aurait probablement préféré mourir l’épée en main, lors d’un duel contre un adversaire redoutable au cours duquel il aurait été amené à dépasser ses limites. Pas de cette façon. Pas juste comme ça…

…Ça commençait à devenir difficile.

Ce devait être pire encore pour Bam, mais ce n’était pas facile pour lui non plus. Khun avait un poids dans la poitrine. A mesure que les objets des défunts passaient entre ses mains, ce poids devenait de plus en plus lourd, à tel point qu’il avait la sensation d’être désormais pris dans un étau.

Il se laissa glisser contre le mur, contrôlant sa respiration. Il resta adossé contre le mur de longues minutes, sans rien faire. Juste respirer et regarder le ciel bleu par la fenêtre.

Le ciel était infini. Sa propre existence paraissait bien insignifiante en comparaison. Le regarder, c’était s’oublier. Il n’était qu’un grain de sable dans ce monde en miettes.

Une fois plus calme, il s’attela à nouveau à sa tâche. Il était bien moins rapide, mais au moins, il avançait. Il plia chaque vêtement avec beaucoup de soin, veillant à ne laisser aucun pli. Il déplaça le tout avec toujours beaucoup de précautions, comme s’il s’agissait d’objets et de vêtements en cristal, faisant plus d’allers et retours que nécessaire.

Lorsqu’il eut terminé, il rejoignit Bam dans la cuisine, où l’attendait un véritable festin.

Un petit bol de soupe fumante, des ravioles, un bol de riz, un poisson dont se dégageait un fumet délicat, une salade de choux, des brochettes de viande rouge caramélisée, et une portion de légumes vinaigrés. Le tout sentait délicieusement bon, et Khun resta planté là la bouche ouverte comme un benêt.

Bam avait revêtit un tablier pour l’occasion, et il avait bien fait. Il était taché à plusieurs endroits. Des mèches de cheveux s’étaient glissées en dehors de sa queue de cheval, et il paraissait exténué, mais il accueillit Khun avec le sourire. Toutefois, face à son manque de réaction, un petit pli se forma entre ses sourcils.

« Tu n’as pas faim ? »

« Si, bien sûr que si ! Je suis affamé ! C’est juste que… Tu t’es surpassé Bam, je ne m’attendais pas à tout ça, » fit Khun en désignant la table recouverte de mets d’un mouvement du bras.

« C’est ton premier véritable repas depuis ton réveil, pas vrai ? Je voulais marquer le coup. »

En bon gentleman, Bam tira une chaise, l’invitant à s’asseoir. Khun s’installa. De près, les plats étaient encore plus appétissants. Tout avait l’air délicieux.

« Merci, Bam. J’apprécie l’attention, vraiment. Mais est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu en garder pour plus tard ? »

Bam défit son tablier et le passa par-dessus sa tête. Il le posa négligemment contre le dossier d’une chaise et s’installa en face de Khun, un brin nerveux.

« C’est ce que je me suis dit aussi au début mais, il s’agit de produits frais, on n’aurait pas pu les conserver bien longtemps. Alors j’ai pensé que c’était mieux de profiter d’un bon repas pendant qu’on en a l’occasion. »

Khun acquiesça. Son argument était valable. Dans un avenir pas si éloigné, ils ne pourraient probablement plus mettre la main sur des produits frais, à moins d’aller chasser des animaux à première vue inexistants et de cultiver leur propres légumes sur des terres possiblement devenues infertiles. Autant se faire plaisir maintenant, ils ne le pourraient plus après.

Ils échangèrent les politesses d’usage, et entamèrent leur repas. Celui-ci tint toutes ses promesses. Après les bananes de la veille et les efforts fournis pour débarrasser l’appartement, c’était absolument divin. Ils ne parlèrent que peu le temps du repas, Khun se contentant de féliciter Bam à chaque plat qu’il goûtait, ce à quoi Bam répondait par une anecdote de la préparation. Ça lui convenait très bien, et lui laissa tout le loisir de savourer la moindre bouchée.

Lorsque Khun eut terminé son repas, il ne restait plus rien dans les assiettes et bols devant lui. Il se pencha en arrière, prenant complètement appui sur le dossier de sa chaise, et posa une main sur son ventre. Il avait la peau du ventre bien tendue, et s’il avait été seul, il aurait certainement défait la boucle de sa ceinture. Mais bon, ce n’était pas parce que la fin du monde avait eu lieu et qu’il était complètement amnésique qu’il en oubliait les bonnes manières.

Il ferma quelques instants les paupières. Le trop plein de nourriture le rendait un peu somnolent. Il sentait le regard de Bam sur lui, et Khun se demanda ce à quoi il pouvait bien penser. L’autre garçon était un véritable mystère.

Lorsque Khun entendit le raclement des pieds d’une chaise contre le sol, et les crissements de la vaisselle qu’on empile, il rouvrit les yeux et aida Bam à débarrasser.

Quelques minutes plus tard, alors que Bam faisait la vaisselle et que Khun l’essuyait à côté de lui, Bam lui posa une question étonnante.

« Khun, est-ce que tu as peur ? »

Khun voulut répondre « peur de quoi » mais quelque chose dans l’expression de Bam l’en dissuada. Il eut la sensation que s’il répondait ça, Bam éluderait et abandonnerait le sujet.

Bam ne le regardait pas. Il restait concentré sur la vaisselle. Du moins, en apparence. Malgré les mèches de cheveux lui barrant le visage, Khun pouvait voir ses yeux. Il avait un regard similaire à celui qu’il avait vu sur le croquis. Bam était là, à ses côtés, mais son esprit était ailleurs, préoccupé par quelque chose de bien plus important et grave que la vaisselle. Préoccupé par ses propres peurs. Et la réponse de Khun pourrait bien influencer fortement la façon dont il allait y faire face.

« … Oui, » admit finalement Khun, à mi-voix.

Bam releva la tête vers lui, la mine surprise. Ce n’était pas la réponse à laquelle il s’attendait. L’eau coulait désormais sur l’assiette qu’il tenait, immobile.

« Vraiment ? » souffla-t-il.

Khun termina d’essuyer l’assiette qu’il avait entre les mains et la posa délicatement sur l’étendoir. Puis il lui expliqua, avec un petit sourire qui se voulait rassurant :

« C’est naturel d’avoir des peurs. C’est la peur qui nous permet d’identifier les dangers. Elle est essentielle à la survie. »

Bam baissa à nouveau la tête, dissimulant son visage derrière ses cheveux. Une bulle de savon s’y était accrochée. Mais l’eau continua de couler inutilement. Ses épaules étaient affaissées et les commissures de ses lèvres s’étiraient lentement vers le bas. On aurait dit qu’il portait toute la misère du monde sur ses épaules, et que son esprit était tourmenté par des fantômes invisibles pour Khun.

« J’ai peur de tellement de choses que j’en ai le souffle coupé et que ça me paralyse. Je préfèrerais ne pas avoir de peur du tout, » dit-il à voix si basse que Khun se rapprocha de lui pour l’entendre sans même s’en rendre compte.

« Bam. »

Khun aperçut à travers les mèches sombres son regard mordoré se tourner vers lui. Khun ancra son propre regard dans le sien.

« Le jour où tu n’auras plus aucune peur, cela signifiera que tu n’auras plus rien à perdre. Une personne qui n’a aucune peur est bien plus à plaindre qu’une personne qui en a. »

Seul l’écoulement de l’eau dans l’évier rompait le silence qui régna ensuite. Le miel doré et le bleu d’eaux profondes plongèrent l’un dans l’autre, en quête de réponses à des questions non posées.

Bam détourna les yeux le premier. Il sourit. Un sourire qu’il voulait peut-être rassuré, mais qui était juste irrémédiablement triste.

« Tu as raison. Bien sûr que tu as raison, mais… je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je suis supposé faire. »

Khun se pencha légèrement en avant et tendit le bras vers le lavabo pour fermer le robinet. Il prit ensuite l’assiette et l’éponge des mains de Bam et les reposa au fond de l’évier. Bam tressaillit à son contact, mais ne bougea pas.

« Moi non plus, » poursuivit-il, toujours à mi-voix.

Il s’écarta un peu, et appuya le bas de son dos contre le plan de travail de la cuisine avec nonchalance.

« Je me suis réveillé dans un monde où plus rien ne vit, privé de mémoire et d’identité. Je n’ai aucune idée de qui je suis et je ne sais rien de ce monde. Quel sens puis-je donner à ma vie dans ces conditions ? Quand j’y pense, j’en ai des vertiges. J’ai cru que j’étais seul au monde. »

Khun s’interrompit, mal à l’aise à l’idée de livrer ainsi ses pensées, ses sentiments, ses faiblesses. Mais il remarqua la façon dont le visage de Bam avait blêmit, et décida qu’il ne pouvait tout simplement pas s’arrêter là. Ce n’était pas juste de la compassion ou de l’empathie. Il ignorait encore pourquoi, mais ses états d’âme avaient un impact réel sur l’autre homme.

« Et puis, je t’ai trouvé. Je ne sais rien de toi, ni du poids que tu portes. Je ne suis pas sûr non plus de ce que tu représentes pour moi. Mais je suis sûr d’au moins une chose. Je te suis reconnaissant d’être venu, d’être là. C’est étrange, mais j’ai le sentiment que tant que tu seras avec moi, je pourrais continuer à aller de l’avant. Quand je suis avec toi, je peux ignorer mes peurs. »

A la fin, les mots de Khun n’étaient plus que des murmures, mais il était certain que Bam n’en avait pas manqué un seul.

« Je suis désolé, » fit-il avec une voix étranglée.

« Bam… »

« Je suis désolé, » répéta-t-il, cette fois les paupières closes, comme si regarder Khun lui demandait à présent un effort insurmontable.

« De quoi es-tu désolé ? »

Bam secoua la tête négativement, incapable de prononcer autre chose que « je suis désolé. »

Pour Khun, c’était les larmes se formant au coin de ses yeux qui lui étaient insupportables. Il voulait à tout prix les empêcher de couler, et passa ses bras autour des épaules de Bam sans réfléchir. Lorsqu’il s’en rendit compte, il se figea un instant, mais contrairement à ce qu’il pensait, ses gestes ne lui paraissaient pas gauches ni maladroits. Bien au contraire, sa main droite se glissa naturellement sur les cheveux de Bam, tandis que la gauche maintenait son corps contre le sien, lui caressant doucement le dos du bout des doigts.

La réaction de Bam le surprit tout autant. Loin de se figer ou de se montrer mal à l’aise, le brun plongea la tête dans son cou et enserra fermement sa taille en une étreinte désespérée, comme s’il s’était languit de ce contact tout ce temps.

«Tu m’as déjà dit ça hier… » lui murmura Khun en tentant d’ignorer les battements de son cœur tambourinant dans sa poitrine comme si une fanfare était en train d’y parader. « J’ignore ce qui te pèse à ce point, alors c’est difficile pour moi de trouver les mots. Mais en te voyant aujourd’hui, je sais que tu n’avais pas de mauvaise intention. Tu as fait de ton mieux. Et si malgré tout ce n’était pas le résultat que tu espérais, alors ça signifie que ça devait arriver. Peu importe notre volonté, parfois certaines choses restent hors de notre portée. Lorsque ça arrive, on n’a pas d’autres choix que d’aller de l’avant.

- Je ne suis pas sûr d’en avoir le droit…

- Personne ne te l’interdit, Bam. Tu es le seul à ne pas te l’autoriser. Mais tu as aussi le droit de t’effondrer. Quoiqu’il en soit, tu n’es pas seul. Ce n’est que moi, mais je suis là. Je resterais à tes côtés lorsque tu seras à terre, je te tendrais la main lorsque tu voudras te relever, et je marcherais avec toi lorsque tu décideras à avancer. »

Bam acquiesça silencieusement, le visage toujours fourré contre son cou.

Notes:

Désolée pour le manque d'update sur cette fiction, entre mon UA Harry Potter, la traduction de all the blue, une autre fiction sur laquelle je travaille, Genshin Impact, et d'autres trucs à gérer au quotidien, je ne sais plus vraiment où donner de la tête haha. Je suis aussi navrée pour les anglophones, je n'ai pas du tout avancé sur la traduction de cette fiction depuis le dernier chapitre posté. J'essayerais de m'y remettre lorsque j'aurai terminé ma prochaine fiction, qui ne devrait pas être très - trop - longue. (Enfin, puisque nous sommes à nouveau confinés, je vais peut-être avoir plus de temps pour écrire haha)

Merci de m'avoir lue !

Chapter 10: Ange

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Alors qu’un croissant de lune brillait dans le ciel, à travers la fenêtre, Bam se demanda si cela faisait aussi partie du destin. Si Khun était destiné à n’exister que pour lui.

Rachel l’avait poussé, Bam avait disparu et Jue Viole Grace était né. Un dieu pathétique qui tuait en dissimulant comme il le pouvait ses états d’âme, tout ça pour protéger une poignée de personnes qu’il n’avait connu qu’un mois.

Un mois. Et pourtant, six ans après, Khun s’était figé en l’entendant crier son nom, et la main d’Arlène l’avait enseveli.

Khun était revenu d’entre les morts pour le tirer des griffes de FUG, lui rendre son nom et sa liberté.

Khun s’était soucié de lui plus que quiconque. Khun était la lumière qui lui montrait la voie. Khun lui avait dit qu’il avait le droit d’être humain.

Bam voulait rester avec Rachel sur un pied d’égalité. Il lui avait tendu la main. Elle l’avait saisie, et avec sa main libre, elle avait tué Khun.

Khun était à nouveau revenu d’entre les morts, et était retourné auprès de lui sans détour.

Khun avait suivi chacun de ses pas, tandis que Bam le menait sans cesse dans ce qui semblait être une danse mortelle. Khun avait joué pour lui bien des parties d’échecs funestes, toujours avec des pions bien plus grands que lui. Khun avait traversé le champ de bataille, et l’avait pris entre ses bras. Khun lui avait appris que son cœur était bon.

Khun l’avait protégé, lui et son humanité, en mettant sa vie en jeu. Il avait gagné la partie, mais perdu sa mise. Il était mort.

Il était mort pour de bon. Pas de cœur glacé qui puisse être réchauffé.

Et pourtant…

Encore une fois, Khun était revenu d’entre les morts. Khun n’avait plus ni passé, ni identité, et pourtant, il était toujours son Khun. Le même Khun qui avait traversé le champ de bataille, ignorant débris flottants et Hauts Rankers.

Khun avait tout oublié, et pourtant il était là, à ses côtés. Il le prenait dans ses bras lorsque son âme pleurait. Il lui avait dit qu’il n’avait pas tout perdu, qu’il avait fait de son mieux, qu’il avait le droit d’aller de l’avant, qu’il n’était pas seul. Khun avait tout oublié, et pourtant il lui avait dit avoir besoin de lui, et lui avait promis de toujours rester à ses côtés.

Sous le rayonnement blanc de la lune, et avec ses cheveux formant un halo autour de sa tête dans son sommeil, Khun ressemblait aux anges que lui décrivait Rachel, dans ce qui semblait être une autre vie, dans la caverne. Sa beauté était à couper le souffle. Il paraissait presque irréel.

Aux yeux de Bam, son existence en elle-même tenait du miracle. Et ce miracle semblait ne vivre que pour lui, pour être à ses côtés. La mort elle-même échouait à les séparer. Bam se demandait si un jour, un autre dieu dans l’attente de son apparition avait créé Khun, l’avait écrit de toute pièce de sorte qu’il lui soit prédestiné. Plus il y songeait, plus cette hypothèse lui paraissait tangible. Parce qu’il était impensable que Bam mérite Khun.

Plus tôt, dans la cuisine, Bam avait pris sa décision.

Bam ne méritait pas Khun. Mais Khun méritait le monde.

Alors si Khun avait besoin de lui, Bam resterait.

Chapter 11: Portraits

Chapter Text

Lorsque Khun ouvrit les yeux, il faisait encore nuit. Dans l’autre lit, Bam dormait à poings fermés. Ses cils caressaient ses joues, et sa bouche entrouverte laissait échapper un mince filet de bave sur son oreiller. Honnêtement, il était assez mignon. Il enfonça un peu plus son visage contre son pauvre oreiller humide lorsque Khun le borda. Puis il ne broncha plus.

Parfait.

Khun sortit de la chambre sur la pointe des pieds, et referma silencieusement la porte derrière lui. Il constata avec beaucoup de satisfaction qu’il savait comment se déplacer sans émettre aucun bruit.

Il se dirigea vers la seule chambre laissée vide, dans laquelle ils n’avaient rien entreposé. Il ouvrit la penderie, et souleva la couette épaisse qui y était rangée.

Tout comme il le soupçonnait, Bam était quelqu’un de plutôt simpliste. Il avait dû se dire qu’en les rangeant loin de son regard, là où il y aurait peu de chance qu’il tombe dessus, ils n’en parleraient plus.

Mais visiblement, Khun était plutôt du genre sournois. Dommage pour Bam.

Khun acceptait ses silences et ne posait pas de question. Mais cela ne signifiait pas qu’il s’en contenterait et ne chercherait pas les réponses de son côté.

Khun attrapa le premier carnet de croquis qui lui passa sous la main, et s’installa à même le sol devant la table de chevet, dont il alluma la petite lampe. Il ouvrit le carnet comme s’il s’était s’agit d’un livre sacré. Ses doigts parcouraient délicatement les pages, tandis que ses yeux les dévoraient goulument.

Les mêmes visages revenaient régulièrement, et Khun reconnaissait la plupart d’entre eux.

Y compris le sien.

Sur un dessin, il est concentré devant un cube flottant ( ?). Sur un autre, il fait une clé de cou au gator, qui fulmine. Il boit un café à côté de Bam, l’expression apaisée, respirant le bien-être. Il se dispute avec l’épéiste. Puis le maniaque du jogging passe des bras autours de leurs cous en tentative de réconciliation, ce qui ne semble pas leur plaire. Bam est endormi sur son épaule, et le gator sur l’autre. Ça n’a pas l’air de le déranger.

Khun referma le carnet, et le rangea exactement comme il l’avait trouvé. Lorsqu’il sortit de la chambre, on aurait dit qu’il n’y avait jamais mis les pieds.

.
.
.

L’eau chaude coulait le long de ses cheveux, dégoulinait sur son visage, et roulait en suivant la courbe de son corps tendu et immobile. L’humidité et la chaleur lui donnaient des vertiges, mais les croquis restaient solidement ancrés dans son esprit.

Tous ses soupçons étaient désormais confirmés. Il connaissait ces gens, disparus dans une myriade de bulles évanescentes. Il avait un passé et ils en faisaient partie. Bam en faisait partie.

Bam le connaissait, et pourtant il ne lui avait rien dit.

Pourquoi, Bam ? Qu’est-ce qui t’effraie tant au point de te clouer au silence ?

Chapter 12: Pancakes

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Le soleil n’était pas encore apparu à l’horizon lorsque Bam se réveilla. Ce n’était pas la luminosité grandissante teintant les nuages d’un rouge chaleureux qui le tira du sommeil. Non, si Bam se redressa d’un bond dans son lit, l’esprit tout juste éveillé mais déjà alerte, c’était à cause d’une odeur fort désagréable. Une odeur de brûlé. 

Un seul coup d’œil lui suffit pour constater que le lit à côté du sien était vide. 

« Khun ! » marmonna-t-il en rabattant vivement la couette de l’autre côté du matelas. Il bondit hors du lit et se précipita pieds nus dans le couloir, où une épaisse fumée recouvrait le plafond. La fumée ne laissait place à aucun mystère quant à son origine. Elle émanait de la cuisine. 

L’intérieur de la cuisine était empli d’un brouillard opaque et odorant. La seule chose visible dans la brouillasse était la lueur orangée d’une flammèche dansant là où devait se situer la plaque de cuisson. Juste à côté, il devina plus qu’il ne la vit la silhouette de Khun. Avec la hotte qui inspirait à fond, l’autre homme ne l’avait probablement pas entendu arriver. 

Bam vit Khun déplacer la flammèche, puis il entendit l’eau couler. Les flammèches disparurent rapidement, en revanche la fumée s’épaissit. Bam se précipita vers la fenêtre, pour constater qu’elle était déjà grande ouverte. Khun était peut-être une catastrophe ambulante en cuisine, mais au moins il connaissait les bons réflexes à adopter en cas d’incident. 

Il entendit Khun pester, et devina au son et aux mouvements de la fumée qu’il tentait de l’évacuer en secouant un torchon. 

« Khun, il faut sortir de la pièce maintenant ! 

- Bam ? »

Bam tâtonna dans le vide à plusieurs reprises avant de réussir à l’attraper par l’avant-bras et à le tirer jusqu’au salon. 

Le salon aussi commençait à être enfumé et ils entreprirent d’aérer toutes les pièces de l’appartement. 

« Je suis bon pour reprendre une douche » soupira Khun après avoir reniflé une mèche de ses cheveux. Toutefois, plutôt que de se diriger vers la salle de bain, il se laissa lourdement tomber sur l’un des canapés. 

Bam s’installa à côté de lui. « Tu vas bien, Khun ? Combien de temps es-tu resté comme ça dans la fumée ?

- Je ne sais pas trop, je ne m’en suis pas aperçu tout de suite. Mais ça va, j’ai juste la tête qui tourne un peu.

- Alors repose-toi. Je vais aller nettoyer tout ça et préparer le petit déjeuner. 

- Quoi ? Non, je vais le f- »

Bam ne lui laissa pas le loisir de protester plus. Khun avait essayé de se relever, mais Bam l’avait plaqué sans merci contre le dossier du canapé.

« Je préférerais vraiment que tu te reposes, Khun. » Ses paroles et sa voix douce n’imposaient rien et n’ordonnaient rien, mais son langage corporel disait tout autre chose. La façon dont il le maintenait fermement sur le canapé  indiquait clairement qu’il ne céderait à aucun compromis.  « Au mieux, tu pourrais incendier l’appartement que nous avons passé la journée d’hier à nettoyer. Au pire, tu pourrais faire un malaise. »

Khun ouvrit la bouche, et il en sortit une exclamation indignée. « Je ne suis peut-être pas très doué en cuisine, mais-

- Pas très doué ? » l’interrompit Bam, tandis qu’un petit sourire taquin commençait à se former sur ses lèvres. « Au fait, qu’essayais-tu de préparer ? »

Khun détourna les yeux, et ses pommettes prirent une teinte rosée. En remarquant ces détails, Bam réalisa qu’ils étaient proches. Trop proches. L’air de rien, il abaissa son centre de gravité et recula un peu.

« Des pancakes. 

-  Des pancakes ?

- Des pancakes un peu flambés ? »

Alors, Bam se mit à rire. 

C’était la première fois qu’il riait depuis la mort de Khun, et c’était grâce à lui. Son air penaud et ses vaines tentatives pour conserver un semblant de fierté le rendaient adorable, et pendant un instant, le poids sur le cœur de Bam s’allégea. 

Khun lui donna un petit coup de poing dans l’estomac. Pas assez fort pour faire mal, mais suffisamment pour lui couper le souffle. Bam ne se départit toutefois pas de son sourire amusé, et continua d’admirer l’embarras sur le visage de Khun. 

« Hé, qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? Arrête de te foutre de moi ! »

Les sourcils froncés et une moue boudeuse, Khun lui pinça les joues et tira dessus pour déformer son sourire. Bam savait que Khun pouvait avoir des réactions puériles, en particulier avec Rak ou Hatz, mais cela ne s’était jamais produit envers lui. 

« ‘e me ‘fous pas ‘e ‘toi ! » tenta Bam, qui ne pouvait pas articuler clairement alors que Khun continuait de lui tirer les joues.  « ‘est ‘uste ‘ue tu es ‘ignon. »

Khun était si outré qu’il lui lâcha les joues. « Je ne suis pas mignon ! Beau, séduisant, magnifique, ok. Mais pas mignon  ! »

Bam s’esclaffa de plus belle. Il se leva finalement, et libéra Khun de sa prise. « Ok, Monsieur le séduisant. Maintenant, interdiction de quitter ce canapé tant que le petit-déjeuner ne sera pas près. »

Tandis qu’il se rendait dans la cuisine, Bam entendit Khun souffler de mécontentement, mais il ne bougea pas. 

Il y avait toujours de la fumée dans la cuisine, mais au moins, il arrivait à voir l’autre bout de la pièce. Il se saisit de la poêle abandonnée dans l’évier et observa la mixture noire collée dessus. Des pancakes hein ? 

S’il existait encore un doute en Bam sur le fait de rester ou non parce qu’il ne méritait pas de vivre avec Khun après ce qu’il avait fait, la question ne se posait à présent plus du tout. Il ne doutait pas de la capacité de Khun à survivre, il trouverait bien de quoi se nourrir, mais en revanche, il doutait sérieusement de l’aptitude de Khun à préparer des repas sains. Et il était hors de question de le condamner à une existence sans repas dignes de ce nom.

Notes:

... Est-ce qu'il y a encore quelqu'un ?

Comme annoncé un peu plus tôt, je priorise toujours l'écriture de mes autres fictions, la publication de in the white light en pâtit donc. Je suis désolée, pour le moment je ne peux pas vous promettre de la reprendre activement. L'objectif étant que je suive vraiment mes envies avec celle-ci, je ne souhaite pas me forcer et continuerai à l'écrire sans m'imposer de rythme. J'ai bien conscience que ça ne doit pas être très agréable le lecteur >.<
J'espère que vous aurez toutefois apprécié ce chapitre qui est, pour changer, du fluff !

A la prochaine !

PS : Oh, et j'ai failli oublier ! Puisque la journée n'est pas terminée, disons que cette publication sauvage marque le coup pour l'anniversaire de SIU :) Joyeux anniversaire à l'auteur de l'œuvre merveilleuse qu'est Tower of God <3

Chapter 13: Ampoules

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

A nouveau, lorsqu’ils s’éloignèrent de l’appartement et arpentèrent les rues, le silence les frappa. Il n’y avait aucun son, et le bruit de leurs pas et de leurs respirations lui paraissaient déplacés, inconfortables, comme s’ils n’auraient pas dû être ici. Comme s’ils n’y avaient pas leur place. 

 

Les routes et bâtiments étaient craquelés à divers endroits, comme s’ils portaient la cicatrice du drame incompréhensible qui s’était produit. Bam enjamba une crevasse formée sous le bitume, et lui tendit la main. Khun n’en avait pas besoin pour passer au-dessus, mais il s’en saisit quand même. Bam garda ensuite sa main dans la sienne plus longtemps que nécessaire, et Khun se demanda ce que ce geste signifiait, tandis que son cœur s’affolait. 

 

Où qu’ils aillent il n’y avait pas un seul signe de vie. Pas l’ombre d’un chat, ni le moindre bruissement de feuilles d’arbre secouées par la brise. Mais toujours ces tas d’objets, et à côté une sphère qui pesaient comme une enclume dans son estomac. 

 

Ils trouvèrent facilement un supermarché. Il y avait une tonne de nourriture, mais il n’y avait pas d’électricité ni d’autre source d’énergie ici, et la majorité des produits frais étaient déjà perdus. 

 

“On risque de vite manquer de protéines” soupira Bam en vérifiant les produits qu’ils avaient choisis d’emporter. 

 

“Si nous pouvions chasser et cultiver, ça règlerait le problème. Mais je suppose que nous devrons bientôt nous contenter de conserves” grimaça Khun. 

 

“On ne peut pas ?” Bam fronça les sourcils, et regarda quelque part dans le lointain. “C’est vrai, je n’y avait pas prêté attention jusque-là, mais on dirait qu’il n’y a aucun animal.”

 

“Et aucune végétation,” rajouta Khun. 

 

"Peut-être qu’en nous éloignant de la ville…”

 

"Peut-être."

 

Ils retournèrent à l’appartement pour ranger leurs provisions et déjeuner. Le repas fut frugal. Ils décidèrent de partir explorer plus en profondeur la ville durant l’après-midi.

 

Ils marchèrent pendant environ deux heures sans que Khun n’ait la moindre idée d’où ils se dirigeaient, accompagnés par les mouvements des nuages dans le ciel, portés par le vent. La ville paraissait sans fin. Et le paysage était partout le même. Celui d’une civilisation qui venait de connaître brutalement sa fin. Bam disait ne pas savoir se repérer non plus. Pourtant, Khun surprit plusieurs fois son regard s’attarder sur les panneaux directionnels, comme s’il les lisait. Khun, lui, en était incapable. Il ne connaissait pas cette langue. Mais Bam n’en parla pas, et le laissa ouvrir le chemin. 

 

Parfois, Bam s'arrêtait devant une maison écroulée, devant des restaurants vides avec sur les tables des assiettes encore à moitié pleines, ou simplement devant des sphères noires. Il fermait les yeux, et restait immobile et silencieux quelques secondes. Puis il prenait une inspiration, et reprenait son chemin. Ca aussi, Khun se demandait ce que cela signifiait. 

 

“Je suis désolé.” C’est ce que Bam avait dit, répété, encore et encore. Sans jamais lui en expliquer la raison. 

 

Khun ne faisait pas de commentaire, ne s’attardait pas devant les sphères noires. Il l’attendait un peu plus loin, et lorsque Bam le rejoignait avec un sourire d’excuse un peu gêné, Khun lui rendait un sourire compréhensif. Mais lorsque Bam garda les yeux baissés au sol et n’eut plus la force de sourire, alors Khun glissa sa main dans la sienne. Les yeux de Bam restèrent rivés au sol, mais sa main pressa un peu la sienne. 

 

Khun ne savait pas ce que ce geste signifiait pour Bam. Et il se demanda ce que cela signifiait aussi pour lui lorsqu’il sentit à nouveau son rythme cardiaque s’accélérer. 

 

La ville devait être prospère. Les bâtiments étaient beaux et propres, les rues et espaces publics semblaient être bien entretenus. Ou qu’ils aillent, il n’y avait aucune dégradation, et la qualité de vie ne semblait pas réellement décliner. Khun se permit de visiter quelques habitations pour en savoir plus sur le mode de vie des gens qui vivaient dans cette cité. Ici, personne ne manquait de rien, et cela lui sembla curieux. Il était pourtant persuadé que les plus grandes richesses cohabitaient la misère la plus désespérée. Il se demanda d’où lui venait cette certitude.

 

“Faisons une pause, et puis faisons demi-tour. La ville a l’air de s’étendre encore dans cette direction.”

 

Khun s’installa sur un banc en acquiesçant, silencieusement reconnaissant. Il ferma les yeux et pencha sa tête en arrière, appréciant la caresse des rayons de la boule de lumière sur sa peau. Cet instant de détente ne dura pas plus d’un battement de cils, car il rouvrit les yeux lorsqu’il sentit qu’on lui attrapait le pied. 

 

Bam était agenouillé devant lui, et s’attelait à lui enlever sa chaussure. 

 

“Bam ?” s’exclama Khun en sursautant.

 

Une fois la chaussure retirée, ce fut au tour de la chaussette. Bam observa son talon, l’air interdit, puis releva la tête vers lui.

 

“Khun…” Il n’avait pas besoin d’en dire plus, Khun comprit le reproche derrière son nom. 

 

Son talon était couvert de sang. Une grosse ampoule s’était formée et avait éclaté. Voilà ce qui lui en coûtait de marcher aussi longtemps avec des chaussures qui n’étaient pas les siennes, pas adaptées à la forme de ses pieds. Et à en juger par la douleur, son autre pied était dans le même état. 

 

“C’est rien, je soignerais ça en rentrant,” fit Khun en détournant les yeux. Il savait d’avance que sa réponse ne convaincrait pas son partenaire.

 

“Je vais te porter sur le chemin du retour,” décréta Bam en replaçant sa chaussette. “Je suppose que ton pied gauche est dans le même état.”

 

“Quoi ? Non !” se rebiffa Khun en retirant son pied des mains de Bam. “Je ne suis pas un enfant. Je peux bien marcher tout seul.”

 

“Je sais que tu n’es pas un enfant,” fit Bam en clignant des yeux d’incompréhension, comme s’il ne voyait pas le rapport. 

 

Khun remit hâtivement sa chaussure, et reparti par là d’où ils venaient en essayant de ne pas boiter. Bam le suivit de près, et Khun pouvait sentir son regard sur sa nuque. 

 

Le trajet du retour lui parut alors bien plus long et pénible qu’à l’aller. La boule de lumière avait déjà bien entamé sa descente dans le ciel lorsque la douleur devint impossible à ignorer. Malgré lui, sa démarche devint claudiquante, et il devait en appeler à tout son self control pour ne pas lâcher un juron lorsqu’il reposait un pied par terre. 

 

“Khun…”

 

“Non.”

 

“C’est ridicule.”

 

“Pardon ?”

 

“Pourquoi ne veux-tu pas que je te porte ?”

 

“Je n’ai pas besoin que tu me portes, Bam. Je peux me débrouiller.”

 

“Mais tu aurais moins mal si je te portais.”

 

“Je te l’ai dit, je ne suis pas un enfant. Je peux gérer la douleur.”

 

“Mais pourquoi te l’imposer ? Tu es pourtant la personne la plus intelligente que je connaisse, Khun. Alors pourquoi faire quelque chose d’aussi stupide ?”

 

“... Je rêve, ou non seulement, tu as dit que j’étais ridicule, mais maintenant tu me traites de stupide ?”

 

“Tu peux aussi rajouter "tête de mule” à la liste.”

 

Khun ouvrit la bouche et la referma, trop outré pour trouver instantanément quelque chose à répliquer. Il décida de se détourner et de s’éloigner de Bam pour mettre fin à la conversation. 

 

“Qu’est-ce que ça peut bien faire, de toute façon ? C’est pas ton problème.” 

 

“Ca l’est.” Bam l’attrapa par le poignet, ce qui le stoppa net. “Sois raisonnable. Il n’y a plus que nous deux… Tu n’as aucune raison d'être gêné.”

 

Le regard de Bam était franc et déterminé, et sa prise sur son poignet était ferme. Khun soupira.

 

“Tu sais que tu es une plus grosse tête de mule que moi ?”

 

“Je sais,” répondit Bam en souriant. Il se retourna et arqua le dos.

 

Khun capitula. Bam n’avait pas tort. Sa fierté mal placée ne le mènerait nulle part, et s’il insistait, en plus d'être un fardeau pour Bam, il risquait de lui causer du souci, et c’était bien la dernière chose que voulait Khun. 

 

Le trajet à dos de Bam lui parut bien plus rapide et confortable qu’à l’aller. Bam le portait sans peine et sur de longues distances, sans que cela ne semble affecter son endurance. Khun finit par poser sa tête sur l’une des épaules de l’autre garçon, et se laissa bercer en admirant distraitement le ciel au-delà des immeubles. La boule de lumière peignait sur les nuages des couleurs flamboyantes, et le ciel se déclinait en nuances de rose, de violet et de bleu. 

 

“C’est beau…”

 

“C’est vrai,” répondit Bam au bout d’un moment. “C’est peut-être pas si mal,” ajouta-t-il en marmonnant, mais Khun ne l’entendait déjà plus.

 

Notes:

Hey ! Ca fait un bon moment que je n'ai pas update cette fic, j'en suis désolée pour ceux qui attendaient la suite u.u
Mes autres fictions sont prioritaires pour moi, et je ne pense pas travailler à nouveau dessus régulièrement comme je pouvais le faire au début. Néanmoins elle n'est pas en hiatus, j'y reviendrais de temps en temps je pense.

Merci d'avoir lu !

Chapter 14: Bain de pieds

Notes:

Voulez-vous prendre un peu de fluff ?

Ce chapitre est la suite directe du précédent.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Khun cligna des yeux lorsque Bam le déposa sur le canapé, et observa la pièce d’un regard ensommeillé, émergeant doucement. Il avait beau ne pas être d’accord, selon Bam, Khun était mignon. En plus du reste. 

 

“Je ne me suis pas aperçu que je m’endormais…” grommela-t-il. “Désolé, Bam.”

 

“Tu n’as pas à t’excuser. Je ne t’en veux même pas d’avoir bavé sur ma veste” fit Bam d’un ton amusé, en tirant sur le tissu sur son épaule pour montrer la tâche laissée par l’endormi.

 

Khun piqua un fard, bredouilla quelques mots d’excuse, et cacha finalement son visage derrière ses mains. C’était la première fois que Bam le voyait aussi embarrassé, et cela renforça son impression. Il était tout simplement adorable. 

 

Sans qu’il ne s’en rende compte, un sourire attendri naquit sur ses lèvres. 

 

“Ne bouge pas d’ici, je vais chercher de quoi soigner tes pieds.” 

 

Bam se dirigea vers la salle de bain en ignorant les protestations de son protégé. Il prit une bassine servant normalement à transporter du linge et la mit dans la baignoire pour la remplir d’eau chaude. Il trouva assez rapidement dans un placard de quoi désinfecter les plaies et de quoi les panser. 

 

Il fit deux voyages pour ramener tout ce dont il avait besoin. Pendant ce temps, Khun était resté sagement assis sur le canapé en faisant la moue. Bam posa la bassine à côté de lui, et commença à défaire les lacets des baskets de Khun. 

 

“Je suppose que quoi que je dise, tu n’écouteras rien et que tu préféreras t’en occuper plutôt que de me laisser faire ?” soupira Khun.

 

Bam ôta délicatement la première chaussure, mais la douleur arracha une grimace à Khun malgré ses précautions. La chaussette était légèrement tâchée de sang. Il l’enleva aussi. La plaie ne s’était pas aggravée, mais elle était toujours à vif. 

 

“Après avoir vu ce que tu es capable de faire à de pauvres pancakes, je me méfie.”

 

Khun lui envoya un coussin en pleine tronche. "Ça n'a rien à voir !”

 

Bon, ce coup-là, Bam devait bien admettre ne pas l’avoir vu venir. Il se l’était pris de plein fouet. 

 

“Si je te laissais faire, tu te contenterais du strict minimum. Un peu de désinfectant, et un pansement.”

 

“Ce serait largement suffisant.”

 

“Tu dois prendre soin de toi, Khun. Enfin, peu importe. Je m’assurerais de bien veiller sur toi.”

 

“Que-” 

 

À nouveau, la peau pâle de Khun se vêtit de rouge, et Bam ne put réprimer un petit sourire de satisfaction. Voir Khun rougir était une nouveauté à laquelle il n’allait avoir aucune difficulté à s’habituer. 

 

Assis en tailleur par terre, Bam nettoya les plaies avec un gant mouillé. Il sentait Khun tressaillir sous son toucher, et le vit se mordre la lèvre inférieure parfois. Mais il ne dit rien et semblait ne plus savoir où se mettre. Il gardait les yeux baissés sur le côté, et ses joues conservaient cette rougeur qui lui allait si bien.

 

Bam souriait légèrement. Il pensait deviner la raison pour laquelle Khun se sentait si embarrassé. 

 

Il n’avait jamais fait ça avant. S’occuper ainsi d’une autre personne, de la dorloter. Il avait bien sûr souvent eu de petites attentions à l’égard de Khun ou de ses autres amis, mais rien d’aussi direct ni intime. Mais pour être honnête, c’était plus souvent Khun qui prenait soin de lui que l’inverse. Bam avait toujours tant à se soucier, à penser. 

 

Il regrettait à présent de ne pas lui avoir consacré plus de temps par le passé, lorsqu’il en avait encore l’occasion. 

 

Khun avait toujours été celui qui prenait soin des autres. Il n’avait pas l’habitude qu’on se soucie de lui, et lorsque cela arrivait, il trouvait toujours le moyen de s’y soustraire. Il donnait, donnait donnait, mais n’avait jamais appris à recevoir.

 

Il était peut-être temps que ça change. 

 

"Voilà, c’est nettoyé ! Je t’ai amené la bassine pour que tu puisses prendre un bain de pieds, ça devrait te faire du bien après avoir autant marché.”

 

“Tu m’as porté sur la moitié du chemin,” grommela Khun, toujours sans le regarder. “Tu en as sans doute plus besoin que moi.”

 

“Je vais parfaitement bien,” répondit Bam en souriant. Il ne mentait pas. Après tout, s’il le désirait, il pourrait tout à fait ne plus jamais avoir à ressentir la fatigue. “Je vais préparer quelque chose à manger. Tu dois être affamé.”

 

“Bam, cette bassine est assez grande pour nous deux. Prends juste un paquet de biscuits et viens en profiter avec moi.”

 

Bam lui sourit. “Ok.”

 

Il obtempéra, et se rendit à la cuisine. Il mit la bouilloire en route, et disposa sur une assiette un assortiment des différents biscuits qu’ils avaient dénichés dans la matinée. Pendant que le thé infusait, Bam se rendit rapidement à la salle de bain pour se déchausser et se nettoyer les pieds. Lorsque tout fut près, il alla déposer le plateau sur la table basse du salon. Il s’assit sur le canapé à côté de Khun, retroussa le bas de son pantalon, et plongea ses pieds dans la bassine. 

 

Bam ne ressentait ni douleur, ni fatigue, mais la chaleur de l’eau était indéniablement agréable. Il attrapa le plaid plié sur le bord du canapé et les recouvrit tous les deux. 

 

Khun se pencha en avant pour attraper les deux tasses fumantes, et lui en tendit une. Il porta la sienne à ses lèvres, et en bu une gorgée. Il huma le parfum fruité qui se dégageait, puis ferma les yeux, un petit sourire apaisé aux lèvres.

 

“Merci.”

 

Jamais Bam ne lui avait connu une telle expression lors de leur ascension dans la Tour. Et il se surprit alors à penser que, peut-être, la destruction de la Tour avait du positif. 

 

Si seulement la Tour avait su donner sans reprendre, alors peut-être qu’il n’aurait jamais eu besoin d’en arriver là pour offrir à Khun ces instants paisibles sans crainte du lendemain. 

Notes:

Il y a quelques années, j'ai travaillé dans un restaurant pendant mes études. Au début, je n'étais pas habituée à rester des heures et des heures debout. Quand je rentrais chez moi, vers 1h ou 2h du matin, j'étais épuisée et j'avais très mal au pied. Je prenais alors le temps de me faire un bain de bien pour me détendre et me soulager un peu. C'était alors probablement le meilleur moment de la journée. Je crois que je me suis inspirée un peu de ces moments pour écrire ce chapitre 😅

Au risque de me répéter, n'attendez pas de publication régulière pour cette fiction. C'est de la pure vibe, et elle passe derrière mes autres fictions en terme de priorité (et j'ai beaucoup trop de wip en cours...) J'espère que vous apprécierez malgré tous les quelques miettes dispersées de temps à autres haha

Notes:

Paroles de l'OST "Forever Lost" qui a inspiré cette fanfiction :

 

Each time that I lose something precious
I know that there may never be an end to
The price that we pay for our dreams...
It can never be repaid

 

To carry on is to carry a burden
Even if it's too much to bear, I won't turn back

 

In the white light, we're praying for the lost
For our grief, for our pain
To the white light, we're praying for the lost
So we try to find solace, empty hands together

 

In the white light, we're going down this road
For our hope, for our fate
To the white light, we're going down this road
My journey has to go on... with you

 

In the white light, we're praying for the lost
To the white light, we're praying for the lost

 

I'll take all of your wishes and your dreams
In your place, In memory
Give me all of your wishes and your dreams
I'll take all that you left and realize it for you

 

In the white light, we're going down this road
For our hope, for our fate
To the white light, we're going down this road
My journey has to go on... with you
We will remember the days...

 

Our past will live on forever, as we strive towards our future
The sadness never disappears, it just becomes a part of us, deep inside

 

twitter : @/kaeru_turtle