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Français
Stats:
Published:
2023-01-08
Updated:
2025-11-23
Words:
1,085,013
Chapters:
101/?
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316
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200
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13
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13,773

Mon ange gardien (fr)

Chapter 101: V. BUSES

Notes:

RE!!!!

ENFIN!!! Un nouveau chapitre!!! J'avais tellement hâte de reposter, ça fait si longtemps! Avec le travail qui a repris, les week-ends super chargés et les soirs où je m'écroule dans mon lit de fatigue, je n'avais pas une minute à moi pour écrire, et quand je me mettais enfin devant mon ordinateur, j'étais trop fatiguée pour écrire la moindre ligne. En plus de ça... vous me croiriez si je vous disais que ma vie sentimentale est plus chaotique qu'une Dramione en ce moment? Je vous jure que j'exagère à peine...

Enfin bref, je suis là! Avec 46 pages à déguster!

Je ne peux pas vous promettre de revenir à un rythme soutenu les prochaines semaines, je vais essayer de consacrer plus de temps libre à l'écriture pour avancer, mais je vous promets que je suis toujours plus motivée que jamais et que MAG reste constamment dans un coin de ma tête, j'ai toujours des idées pour l'histoire quand je prends ma douche le soir et je pense forcément à Hermione et Drago une fois par jour, au moins. Ma détermination n'a jamais changé, c'est simplement mon emploi du temps qui ne me permet pas d'écrire comme avant. MERCI à tous et toutes pour votre patience infaillible, les dizaines de commentaires que j'ai reçus pendant mon absence et qui m'ont fait chaud au coeur dans cette période de stress bien nulle. Je vous aime tous très fort et je suis trop contente de vous retrouver <3

Etant donné que j'ai mis énormément de temps à finir ce chapitre, j'ai l'impression qu'il est décousu, mais c'est peut-être le fait de l'avoir relu une vingtaine de fois qui me fait dire ça. En tout cas, j'espère sincèrement qu'il vous plaira <3

On se voit dans les commentaires!! <33 Et bonne semaine tout le monde, j'espère que tout va bien chez vous!!

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

101 : BUSES

 

Hermione









Hermione n’avait jamais été aussi stressée de toute sa vie. 

Elle ne ferma pas l’oeil de la nuit précédent les BUSES. Elle fut tentée à plusieurs reprises de prendre l’un des somnifères que ses parents lui avaient envoyé par hibou, mais elle se rappelait de son épisode de somnambulisme et se retenait à chaque fois. Elle passa la nuit à tourner et tourner dans son lit sans trouver le sommeil. Toutes les dix minutes, elle ouvrait brusquement le rideau autour de son lit pour prendre l’un de ses manuels et chercher une réponse qui lui avait échappé. 

Au petit-déjeuner, elle ne réussit pas à avaler la moindre chose dans son assiette. Rien que la vue du bacon d’Harry lui donnait la nausée. C’était une maigre consolation de voir qu’elle n’était pas la seule dans cet état : tous les visages des Gryffondors étaient creusés par l’appréhension et le manque de sommeil. 

Quand McGonagall se leva pour annoncer aux cinquièmes et septièmes années que les examens allaient commencer, Hermione faillit tomber à la renverse. Les élèves furent invités à attendre dans le Hall le temps que les Professeurs installent les tables individuelles dans la Grande Salle. Ron lui avait confisqué ses livres le matin-même, clamant qu’elle les connaissait déjà par coeur, alors elle fut contrainte d’attendre avec rien d’autre que l’angoisse pour lui tenir compagnie. 

Heureusement, elle ne resta pas seule bien longtemps. 

“Bon courage, Mione !” dit Ginny en lui attrapant la main pour la serrer contre la sienne. “Tu vas tout déchirer, comme d’habitude.” 

“Merci Gin’.” dit Hermione d’une voix qu’elle ne reconnaissait même pas elle-même. “Tu ne devrais pas être en cours ?” 

La rouquine haussa joyeusement les épaules : 

“Si, mais je me suis dit que te souhaiter bonne chance valait bien quelques minutes de retard.”

Ginny jeta un regard vers Harry et Ron qui attendaient en silence près des escaliers en se triturant les mains. 

“Wow, l’ambiance ici est atroce, il y a une de ces tensions dans l’air…” Elle regarda un point au-dessus de l’épaule d’Hermione et esquissa un petit sourire : “Enfin, pas pour tout le monde…”

Pile à cet instant, quelqu’un posa ses deux mains sur les épaules d’Hermione et elle sursauta tellement fort qu’elle faillit se cogner contre la mâchoire de George au-dessus d’elle. 

“Merlin, Mione, déstresse !” s’enquit Fred en la voyant si paniquée, comme s’il suffisait de dire ça pour que ça marche. 

“Je n’y arrive pas.” se lamenta-t-elle d’une petite voix couinante. 

Elle essuya ses paumes moites contre son pantalon et les jumeaux la regardèrent avec deux expressions de pitié identiques. Hermione était persuadée qu’ils allaient lui dire une bêtise pour détendre l’atmosphère, alors elle fut surprise quand George lui dit sagement : 

“Toutes les réponses sont déjà dans ta tête.”

“Si tu as un doute ou que tu ne sais plus, ferme les yeux, prends une grande inspiration, pense à autre chose, et la réponse te reviendra toute seule.” conseilla Fred. 

Hermione acquiesça. Ginny regardait ses frères avec surprise, n’étant vraisemblablement pas habituée à les entendre dire quelque chose d’aussi sérieux. 

“Tu n’as pas l’air d’avoir beaucoup dormi.” commenta Fred. 

“Pas une minute.” confirma Hermione. “Et vous ? Vous êtes stressés ?” 

Fred et George partagèrent le même rire narquois : 

“Nous, stressés ? Allons, Hermione, un peu de sérieux.” 

“Fred et George n’ont jamais stressé pour quoique ce soit, c’est bien connu.” ajouta Ginny avec un sourire. 

Hermione leva la tête vers les deux frères. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais l’idée que ces deux garçons si intelligents fassent exprès de rater un examen lui était insupportable. Elle savait qu’ils voulaient à tout prix être à contre-sens de leur famille pour se démarquer, c’était ce qu’ils avaient toujours fait, mais après tout ce qu’avait vécu Molly, Hermione se sentait obligée de leur demander : 

“S’il vous plaît, juste… ne gâchez pas tout. Juste celui-là. S’il vous plaît.” 

Contre toute attente, les deux sourires moqueurs de Fred et George fondirent de leurs visages instantanément et Fred hocha gravement la tête : 

“D’accord. Pour toi, Mione.” 

“On sera sérieux.” confirma George.

Les portes de la Grande Salle s’ouvrirent et tous les élèves réunis dans le Hall eurent un hoquet de stress collectif. Ginny embrassa la joue d’Hermione en lui souhaitant bonne chance, et la foule s’avança prudemment vers la porte d’entrée. 

La dernière fois qu’elle avait été aussi stressée d’entrer dans la Grande Salle, c’était le jour où elle avait dû ouvrir un Bal avec un Champion de Quidditch au bras. 

Les quatre tables des Maisons avaient été remplacés par des dizaines de petites tables individuelles. Les deux épreuves étaient séparées, alors Fred et George se dirigèrent vers celles des septièmes années tandis qu’Hermione cherchait son nom, les bras tremblants. Au moment où elle tourna dans l’allée des “G-K”, quelqu’un s’approcha d’elle. 

“N’oublie pas.” chuchota Drago à quelques centimètres d’elle. “Tu es brillante. Plus que n’importe qui ici.”

Avant qu’elle ne puisse répondre, il effleura sa main contre la sienne et s’éloigna pour trouver sa place dans l’allée des M. Hermione avait la main en feu à l’endroit où il l’avait touchée au beau milieu de cette salle remplie d’élèves. Mais, étrangement, son bras ne tremblait plus. 

“Trouvez rapidement votre place, l’examen va commencer !” avisa McGonagall. 

Hermione s’assit à sa table. Le sujet était posé dans un coin, face cachée. Elle chercha Harry et le trouva quatre tables derrière elle, le teint toût pâle. À côté de lui, Pansy Parkinson se limait les ongles avec sa baguette, l’air passablement ennuyée. Drago était tout à droite et discutait avec Théo deux tables plus loin. Ron était à la dernière rangée de la Salle, si loin qu’Hermione n’apercevait que ses cheveux flamboyants entre deux élèves. 

Quand tout le monde s’assit et que le silence revint, McGonagall, perchée sur le podium où était habituellement installée la table des Professeurs, contempla les élèves par-dessus ses petites lunettes. 

“Vous pouvez commencer.” annonça-t-elle. 

Un énorme sablier imposant pivota tout seul. Avant que le premier grain de sable gris ne tombe, Hermione avait déjà retourné le parchemin et lut la première question : “a) Donnez la formule et b) décrivez le mouvement de baguette magique permettant de faire voler un objet.”

Les mots chuchotés de Drago retentissant en elle à chaque inspiration, elle prit avidement sa plume et se mit à écrire. 



***

 

Drago










“Je ne sens plus mes doigts.” se plaignit Pansy dès qu’ils sortirent de la Grande Salle, où venait de se dérouler leur épreuve de Métamorphose.

Drago avait l’impression d’avoir plutôt réussi. Il avait oublié quelques formules et la quatrième exception à la loi de Gamp sur la Métamorphose élémentaire, mais dans l’ensemble, son devoir était loin d’être catastrophique. Il devait sûrement remercier Granger pour ça. 

“Moi non plus.” croissa Théo tandis que Blaise, dans l’un de ses réflexes de gentleman inné, prit la main de Pansy pour lui masser ses phalanges endolories par la plume qu’elle avait tenu trop longtemps. “J’ai l’impression que l’épreuve a duré à peine vingt minutes, pas vous ?” 

“Pas du tout.” grommela Drago. “J’ai senti chaque minute des quatre heures s’écouler péniblement de ce sablier.” 

Blaise grogna en guise d’approbation. Ils étaient tous les quatre épuisés. 

“Hé, Crabbe, Goyle !” lança Théo. “Racontez-moi comment ça s’est passé pour vous, ça va me rassurer.” 

Les pauvres Crabbe et Goyle ne comprirent pas le sarcasme de la requête de Théo et détaillèrent leurs réponses à l’examen. À la fin, les quatre Serpentards étaient de bien meilleure humeur : peu importe à quel point ils avaient raté, ça ne serait jamais pire que Crabbe et Goyle. 

“Demain, Botanique.” dit Blaise quand ils entrèrent dans la Salle Commune. “C’est plutôt tranquille, ça vous dirait de se détendre un peu ?” 

Il désigna la table remplie de bouteilles d’alcool dans un coin de la pièce. Théo laissa échapper un cri horrifié : 

“Pardon ? Boire la veille d’une BUSE ?” 

“Ma proposition ne s’appliquait pas à toi.” dit Blaise avec un petit sourire en coin. 

Théo fronça les sourcils et releva légèrement le menton, piqué dans son égo. 

“Tu te rappelles des examens de troisième année ?” demanda-t-il d’un ton désapprobateur. “Quand Drago et toi aviez bu comme pas possible la veille de l’examen et que vous aviez regretté le lendemain ?” 

“Aucun souvenir.” répliqua Blaise en prenant l’une des bouteilles d’hydromel sur la table. “Dray ?”

“Juste un petit peu.” répondit Drago, se souvenant, lui, que trop bien de ce fameux lendemain où sa tête avait été à deux doigts d’exploser. 

Théo les regarda se servir avec le même air sur les traits que quand McGonagall rendait un Troll à un élève. 

“Je suppose qu’aucun de vous ne voudrait me faire réciter mes leçons ?” demanda-t-il. 

“Oh, Théo, détends-toi un peu !” s’enquit Pansy en s’installant dans son canapé de prédilection, juste en face de la cheminée en granit. “Assieds-toi cinq minutes, tu l’as bien mérité.”

À la surprise de Drago, Théo céda, non sans lâcher un petit soupir exaspéré. Blaise lui servit un grand verre d’hydromel à la poire mais Théo ne le prit pas. Ils se lancèrent ensuite dans une discussion délibérément éloignée du sujet des BUSES, et Drago se perdit dans la contemplation du feu aux reflets verts qui trônait dans l’antre de la cheminée. 

Hermione l’avait prévenu qu’elle ne pourrait pas venir les soirs d’examens à la Bibliothèque ou sur le banc, préférant travailler dans sa tour. Drago comprenait, mais il devait admettre que l’idée de ne pas la voir pendant deux longues semaines était difficile à encaisser. En fait, plus ils se rapprochaient, plus son absence laissait une marque sur le tempérament de Drago. Il se demandait sans cesse ce qu’elle faisait, ce qu’elle pensait, avec qui elle était. Il espérait qu’elle ne soit pas trop stressée, et qu’elle ressentait la satisfaction d’avoir réussi son épreuve de Métamorphose. 

Drago rêvassa et son regard dévia de la cheminée vers les fauteuils le long du mur. En général, ils étaient toujours inoccupés pendant les soirées, parce qu’ils étaient trop éloignés de la piste de danse, mais ce soir-là, quelqu’un y était assis. C’était Montague, dont les flammes de la cheminée réchauffaient à peine les joues creusées et pâles comme la mort. Ses yeux sombres étaient fixés dans le vide, et ses bras étaient agités de spasmes nerveux. 

En voyant l’horreur sur le visage de Drago, Blaise se tourna vers Montague lui aussi et grimaça plus subtilement. 

“Il est vraiment dans un sale état.” chuchota-t-il en le montrant discrètement du doigt. 

Pansy et Théo se penchèrent pour l’observer à leur tour. Montague ne remarqua pas leurs regards, la tête toujours baissée vers le tapis. Il n’avait pas cligné des yeux une seule fois. 

“Zoey Cloven m’a dit qu’il avait dû arrêter ses ASPICS en plein milieu.” chuchota Pansy, un air de pitié sur ses traits. “Le pauvre n’arrivait plus à tenir sa plume entre ses doigts.” 

“Quelle horreur.” souffla Théo, mais Drago n’était pas sûr s’il s’indignait pour son état ou pour le fait qu’il avait été contraint de rater des examens. 

Pile à cet instant, Adrian Pucey s’approcha du fauteuil qu’occupait Montague et lui tapota timidement l’épaule. 

“Hey, Graham.” lança-t-il doucement. 

Montague mit du temps avant de le remarquer et sursauta légèrement à son contact. 

“Oh.” répondit-il d’une voix enrouée. “Hey.” 

“Ça n’a pas l’air d’aller, mon vieux.” dit Adrian avec précaution. “Tu veux… Je peux faire quelque chose ?”

Graham secoua la tête négativement. Drago se demanda s’il n’allait pas se mettre à fondre en larmes. 

“Pas même un petit verre ?” insista Adrian. “Je t’en ai préparé un… cognac, ton préféré. Bois une petite gorgée avec moi, fais-moi plaisir, d’accord ?” 

Montague ne répondit rien, mais il accepta le verre et Pucey approcha un fauteuil pour s’asseoir près de lui. Pendant plusieurs longues secondes, aucun des deux ne parla, les plongeant dans un silence inconfortable. Montague avait repris sa contemplation du tapis et Pucey cherchait vraisemblablement un sujet de conversation sans en trouver. 

Blaise, Pansy, Théo et Drago n’osèrent pas parler non plus. Ils étaient suffisamment près pour entendre la conversation, et aucun des quatre était enclin à louper la moindre information qui pourrait satisfaire leurs curiosités morbides. 

Montague surprit alors tout le monde en ouvrant péniblement la bouche. Le son qui en sortit fut plus rocailleux que jamais, et Drago s’agrippa aux accoudoirs de son fauteuil :

“Parfois…” marmonna Graham. “Parfois, j’ai l’impression d’être toujours… là-dedans.” 

Adrian fronça ses sourcils blonds par-dessus le bord de son verre : 

“Où ça, mate ?” 

“Là, dans le… buffet.” 

Un éclair d’aversion passa sur son visage et il se recroquevilla contre son dossier. Ses yeux étaient voilés par les images qui peuplaient sa tête, si bien qu’il aurait très bien pu oublier qu’Adrian se trouvait toujours face à lui. 

“Pomfresh m’a dit que c’était une Armoire à Disparaître.” dit-il dans un filet de paroles dénuées d’émotion. “D’époque. Que tout le monde avait oublié, qu’ils ont posé là au premier étage parce qu’ils ne savaient pas où la mettre… Ils pensaient qu’elle ne marchait plus… Qu’elle était cassée…”

“C’est là que tu étais ?” demanda Pucey, abasourdi. 

Plusieurs élèves autour d’eux s’étaient interrompus pour écouter le récit de Montague, mais ce dernier ne l’avait pas remarqué.

“J’entendais… des bruits.” continua Montague, hanté par les souvenirs. “J’entendais les bouts de conversation des élèves de Poudlard, qui allaient en classe ou qui rentraient du dîner, et j’entendais… de l’autre côté, j’entendais une… cloche tinter de temps en temps, et des conversations chuchotées… j’ai mis du temps à comprendre. Que j’étais coincé entre deux endroits, comme si j’avais été désartibulé…”

Il frissonna et faillit renverser le contenu de son verre de cognac qu’il n’avait toujours pas bu. 

“C’était si horrible que ça ?” chuchota Adrian, à la fois terrifié et fasciné. 

Tous les Serpentards écoutaient Graham, désormais. Plus personne ne dansait. Même le gramophone géant semblait avoir baissé le volume de la musique. 

“C’était pire que tout.” souffla Montague. Les poils sur les bras de Drago se hérissèrent en entendant la détresse dans sa voix, même à distance. “Pire que tout ce qu’on pourrait imaginer. J’ai cru que j’allais mourir là. Condamné à rester coincé entre deux portes qui refusaient de s’ouvrir…”

Il produisit un son entre le soupir et le sanglot et avala une gorgée de cognac à sec sans ciller. 

“Comment tu as fait pour sortir ?” demanda Millicent Bulstrode à côté de la cheminée. 

“J’ai tout essayé.” murmura Montague d’une voix meurtrie, sans même lever la tête vers elle. “J’ai essayé tous les sorts que je connaissais, tous. J’ai essayé de transplaner, encore et encore, en pensant à Poudlard, à ici, mais je n’y arrivais pas… jusqu’au moment où j’ai réussi.” 

“Tu as transplané sans même avoir ton permis ?” demanda un Serpentard derrière Drago d’une voix méfiante.

“Il faut croire.” répondit Graham d’une voix éteinte. “En tout cas, c’est là que j’ai atterri dans…”

Il ne termina pas sa phrase, mais il n’eut pas besoin de le faire. Tout le monde savait où le pauvre Montague avait atterri : dans les canalisations des toilettes du quatrième étage. La situation aurait pu les faire rire, mais Montague avait l’air tellement terrifié que c’était difficile de ne pas ressentir la sensation atroce de claustrophobie leur serrer la gorge à leur tour. Drago desserra le noeud de sa cravate discrètement. Même Crabbe et Goyle, qui avaient pourtant le tact d’un éléphant, ne firent pas de commentaire. 

“Qui a bien pu faire ça, Graham ?” demanda Adrian d’un air peiné. 

En entendant la question, les doigts de Graham se renfermèrent contre le verre de cognac avec force. 

“Les jumeaux Weasley.” grinça-t-il entre ses dents serrées. 

Le sang de Drago se glaça. Blaise et Théo se raidirent contre leurs dossiers, et Pansy écarquilla grand les yeux. Tous les Serpentards aux alentours laissèrent échapper le même hoquet de choc. 

“Quoi ?! Fred et George Weasley t’ont enfermé dans cette armoire ?” s’exclama Pucey. 

Les sourcils épais de Montague se froncèrent, ne laissant entrevoir ses pupilles noires dilatées par la colère. Il acquiesça une fois. 

“C’était peu de temps après qu’Ombrage m’ait recruté dans sa brigade.” dit-il lentement, comme si chaque mot lui coûtait un effort surhumain. “Je les ai aperçus en train de comploter dans la cour, et j’ai voulu leur enlever des points, pour tester, vous voyez…” 

“Et ils t’ont enfermé là-dedans juste pour ça ?” demanda Blaise, révolté. 

Graham hocha la tête. Drago ne savait pas très bien ce qu’il allait casser en premier : son verre entre ses doigts comprimés, ou ses propres dents à force de contracter la mâchoire. 

L’onde de choc qu’apporta cette nouvelle était palpable dans la Salle Commune. Même pour les plus vicieux des Serpentards, ce geste était barbare. Drago n’aurait jamais pu imaginer que les jumeaux Weasley puissent être capable de commettre un tel acte sans la moindre culpabilité. 

“Ils devraient être punis !” s’indigna Bulstrode d’une voix perçante. “Si tu sais que c’est eux, pourquoi ne sont-ils pas renvoyés de Poudlard ?” 

“C’est bien connu, Dumbledore ne punit jamais les Gryffondors.” répondit un garçon d’un air sombre. 

“Dumbledore n’est plus là.” nota Pansy. 

“Ouais, et regarde avec qui on se retrouve à la place.” grommela Tracey Davis en se servant un verre à la table des alcools. “Ombrage n’en a rien à faire des élèves tant que ça ne concerne pas Potter ou son entourage. La pauvre Edgecombe n’a toujours pas été soignée de ses cicatrices aux joues, et on sait tous que c’est cette horrible Granger qui en est l’autrice.” 

Drago retint son souffle. Heureusement, personne ne rebondit et les élèves tombèrent dans un silence défaitiste. Eris jappa tristement dans les bras de Pansy. 

La vérité était toujours la même, même après cinq ans à Poudlard : ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. 






Le reste de la semaine d’examens se déroula sans accroc. Drago fut surpris par la facilité des BUSES, autant à l’écrit qu’en pratique. Il ne savait pas vraiment si c’était parce qu’il passait ses journées avec les deux personnes les plus studieuses du Château ou s’il était naturellement doué, en tout cas, il eut l’impression de briller pendant ses épreuves de Botanique et de Défense Contre les Forces du Mal. 

Heureusement, aucun des quatre Serpentards ne tombèrent sur le cas de l’Epouvantard pendant l’épreuve pratique du jeudi. En revanche, Blaise eut du mal à manipuler correctement son Bubobulb pendant l’examen de Botanique, et l’une des pustules explosa. Tout le pus jaunâtre s’était répandu sur sa robe et, en plus d’avoir perdu des points à en juger l’expression austère de son examinateur, il empesta toute la journée. 

Le vendredi soir, Drago profita de sa journée de libre pour faire un peu de Quidditch avec Blaise. Il pleuvait à torrents, et il eut tout le mal du monde à discerner le moindre reflet doré au milieu de la tempête. Bibine interrompit leur match improvisé en leur ordonnant de retourner au Château avant qu’ils n’attrapent froid, et ils furent contraints d’obéir. Ils se promirent de recommencer dès que les BUSES seraient terminées. 

Mais en retournant dans la Salle Commune, Drago se sentit soudain oppressé. Partout où il regardait, des élèves révisaient ou se questionnaient les uns les autres. La pièce lui semblait étrangement plus exigue qu’avant, comme si les murs se rapprochaient de plus en plus, comme si les profondeurs du Lac Noir menaçaient de faire exploser les fenêtres. Il étouffait. Il alla prendre une douche chaude dans l’espoir de calmer ses nerfs, sans grand succès. Il voulait sortir, mais il pleuvait toujours dehors.  

Alors, sans réfléchir, il prit ses affaires de Potions et se rendit à la Bibliothèque. 

Il savait qu’Hermione n’y serait pas, mais il espérait que l’atmosphère réussisse tout de même à le calmer. Il entra tête baissée, salua Madame Pince, reconnut la silhouette de Théo en train de travailler à l’une des tables solitaires, et s’engouffra entre les étagères. Quand il arriva devant la petite table ronde, il ne cacha pas son choc. 

“Tu es là.” souffla-t-il, pas une question mais presque, comme s’il doutait de ses propres yeux. 

Hermione était assise à sa place habituelle, ses livres déjà éparpillés sur la table. Elle avait vraisembablement délaissé ses cheveux au profit des révisions, ils encadraient son visage parfait d’un halo de boucles, difficilement retenus par une pince dorée qui se noyait dans sa tignasse. Elle fronçait les sourcils, formant un petit pli sur son front, mais quand elle releva la tête en entendant Drago, son visage s’adoucit et les commissures de ses lèvres se relevèrent tous seuls. 

“Je suis là.” confirma-t-elle. 

Drago aurait pu se jeter sur elle pour la prendre dans ses bras tant il était heureux de la voir, mais il se retint et s’installa en face d’elle. Tout son malaise des dernières minutes avait subitement disparu. 

“Qu’est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu ne pouvais pas venir les soirs d’examens.” dit Drago. 

Hermione dégagea une mèche de cheveux devant ses yeux en poussant un petit soupir agacé :  

“J’ai croisé Harry et Ron en sortant de mon épreuve de Runes Anciennes, et quand je leur ai dit que je m’étais trompée sur l’une des runes à traduire, Ron m’a dit que ce n’était pas grave, et ça m’a tellement énervée que j’ai décidé de venir ici plutôt que de réviser avec eux.” 

Drago ne dit rien, secrètement euphorique qu’elle passe du temps avec lui plutôt qu’avec ces deux abrutis. 

“Sur quelle rune t’es-tu trompée ?”

“Ehwaz, qui veut dire “association”, et non pas “défense”... J’ai confondu avec eihwaz.”

Elle paraissait furieuse contre elle-même pour cette erreur. Drago était incapable de dire la différence entre les deux mots qu’elle venait de dire, mais il hocha tout de même la tête d’un air compréhensif. 

“Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ?” demanda-t-elle en jetant un coup d’oeil à son sac. 

Il en sortit son manuel de Potions qu’il posa sur la table, bien qu’il n’avait plus aucune intention de l’ouvrir maintenant qu’il était avec elle.

“Tu n’as pas besoin de réviser ça, tu connais tout par coeur !” fit remarquer Hermione. 

“Je pourrais te dire ça pour toutes les matières, je te signale.” 

Elle leva les yeux au ciel, ce qui le fit sourire. Elle fit Apparaître sa tasse de thé avec sa baguette, d’un geste absent qui ne cessera jamais d’impressionner Drago, et très vite, la table embauma de cette odeur de cannelle qu’il aimait plus que tout. Elle prépara ensuite une seconde tasse, sans un mot, qu’elle fit glisser le long de la table. 

“Merci.” dit Drago en prenant la tasse. “Alors, raconte-moi tes épreuves.” 

Il sirota son thé brûlant, le goût de la cannelle sur le bout de la langue lui rappelant le goût des lèvres de la fille en face de lui. Hermione lui lança un drôle de regard : 

“Quoi ?” 

“Tes BUSES. Je veux savoir comment ça s’est passé. Oh, d’ailleurs, tu as répondu quoi à la quatrième question, en Sortilèges ? Théo m’a dit qu’il fallait donner la version latine du sort…”

“Tu sais, on est pas obligés de faire ça.” coupa Hermione en caressant absentément la plume de paon que Drago lui avait offert. 

Drago fronça les sourcils par-dessus sa tasse de thé. 

“Obligés de quoi ?”

“De passer en revue toutes les épreuves.” répondit-elle, un peu penaude. “C’est déjà assez pénible de les passer une première fois, je ne vais pas t’ennuyer à te raconter tout après et en remettre une couche…”

Drago était abasourdi. Qui avait bien pu lui mettre cette idée dans la tête ? Il était sûr que c’était Weasley, il avait le don pour dire tout ce qu’il ne fallait pas.

“Tu ne vas pas m’ennuyer, Hermione, je veux vraiment savoir.” affirma-t-il, décidé. “En fait, j’attends que ça depuis lundi.”

Elle leva vers lui ses yeux chocolat remplis d’espoir.

“C’est vrai ?” chuchota-t-elle, étonnée. 

C’était presque inquiétant, la manière dont elle ne se doutait pas du tout de l’étendue des sentiments qu’il avait à son égard. Il aurait pu l’écouter lui expliquer chaque réponse de chaque épreuve sans ressentir la moindre once d’ennui. 

“Bien sûr que oui.” asséna fermement Drago, espérant lui faire enlever cette idée de la tête qu’elle pouvait l’ennuyer. “Maintenant, raconte-moi, en commençant par les Sortilèges.” 

Un éclair de quelque chose passa sur le visage d’Hermione, un mélange de soulagement et de reconnaissance, le genre qui donnait envie à Drago de revoir encore et encore. Elle se pencha légèrement sur sa chaise pour poser ses coudes sur la table, et se lança alors dans le récit de ses BUSES, pour le plus grand plaisir de Drago, qui écouta attentivement, en prenant des petites gorgées de son thé préféré. 






En sortant de l’examen écrit de Potions, Drago était persuadé d’obtenir un Optimal. Il avait répondu à toutes les questions sans la moindre hésitation, et en voyant qu’il lui restait encore une heure et demi avant la fin de l’épreuve, il avait même ajouté des détails qui n’étaient pas demandés. Il était tellement fier de lui qu’il n’entendit même pas les ronchonnements de Théo, qui marchait à côté de lui. 

“C’est quoi déjà, l’antidote de la Goutte de trompette des anges ?” demanda Blaise. 

“De la poudre séchée d’Achillée sternutatoire.” répondit Drago. 

“Tu penses que c’est grave si je n’ai pas mis qu’elle devait être séchée ?” demanda Théo d’une voix couinante. 

“Elle est plus efficace quand elle est sèche que fraîche…” 

“Il n’y avait pas écrit ça dans la leçon !” se plaignit Théo en ouvrant frénétiquement son manuel pour confirmer ses dires. 

Ses cheveux étaient tellement longs qu’il devait les remettre en arrière systématiquement, comme un tic. Il chercha la bonne page en continuant de marcher, faisant tomber des feuilles volantes sans le réaliser. Blaise les ramassa patiemment derrière lui, tandis que Théo marmonnait des mots aléatoires dans sa barbe : 

“Achillée… Poudre… Antidote… Propriétés…”

“Si ça peut te rassurer, j’ai mis que l’antidote était du sang de licorne distillé.” dit Pansy en haussant nonchalamment les épaules. 

Elle n’avait pas l’air particulièrement inquiète de s’être trompée sur une question notée sur autant de points. Théo l’ignora comme si elle n’avait pas parlé, et Drago ne savait pas si c’était parce qu’il ne l’avait pas entendue ou s’il ne jugeait pas nécessaire de lui répondre, en tout cas, cette attitude l’irrita. 

“Tu as aimé la question douze, Théo ?” demanda-t-il, l’air de rien. 

Le concerné rougit et fit semblant de lire dans son manuel pour ne pas répondre. Pourtant, Drago savait très bien qu’il connaissait les effets du Polynectar par coeur, étant donné qu’il en avait pris pendant une bonne partie de l’année dans son dos. 

Ils déjeunèrent dans un silence tendu, puis se rendirent à l’épreuve pratique de Potions. L’examinateur, un grand homme au nez crochu, demanda à Drago de préparer une potion de Babillage, ce qu’il fit sans la moindre difficulté. 

Drago fut surpris de réaliser que l’Occlumancie avait un effet considérable sur sa concentration : il vida son esprit pour ne plus entendre les bruits parasites autour de lui, notamment Crabbe à côté de lui qui fit tomber le couvercle de son chaudron une bonne dizaine de fois en tout. Il resta dans sa bulle pendant deux heures, et concocta méticuleusement la meilleure potion de Babillage qu’il eut fait de sa vie. Quand il donna l’échantillon à l’examinateur à la fin de l’épreuve, il le vit hausser les sourcils de stupéfaction en voyant la couleur parfaite de son breuvage. 

Le soir, il essaya de réviser l’Astronomie avec Théo à la Bibliothèque, mais comprit avec amertume qu’il n’était pas possible d’apprendre le contenu de cinq années de cours en l’espace d’une soirée. Drago était incapable de placer la moindre étoile sur la carte du ciel devant lui, même après avoir appris leurs positions pendant deux heures. C’était d’autant plus frustrant que Théo en face de lui y arrivait parfaitement. Il préféra partir de la Bibliothèque avant la fermeture en prétextant un mal de tête et retourna aux cachots sans attendre Théo. 

Le Château était désert. Drago entendait ses propres pas résonner dans les couloirs, la tête pleine de noms d’étoiles, la fatigue faisant trembler ses paupières. Quand il entendit des chuchotements, il crut d’abord que c’était les peintures autour de lui qui discutaient entre elles, ou sa propre imagination qui lui jouait des tours, jusqu’à ce qu’il tourne à l’angle d’un couloir. 

Les jumeaux Weasley étaient assis sur un banc, tous les deux tournés vers un garçon de Gryffondor qui était coincé entre les deux. Il était tellement petit que Drago faillit ne pas le voir au début.

Drago aurait pu passer son chemin. Il aurait pu tourner sans se faire voir, parce qu’aucun des trois ne l’avait remarqué dans la pénombre, et qu’il n’avait certainement pas envie de se faire voir en train de parler avec des Weasley. Il aurait pu continuer sa route. Il aurait pu ne prêter aucune attention à la scène devant lui et vaquer à ses propres occupations. 

Mais quand il entendit un sanglot déchirer l’air, Drago se figea par réflexe. 

Le petit garçon pleurait. 

Son dos était recroquevillé, et il se tenait le ventre, comme s’il avait mal. Les jumeaux Weasley essayaient de l’apaiser, dans des murmures synchronisée : 

“Ça va passer, on te le promet…”

“Regarde, les nôtres sont presque parties… Ça ne fait plus mal…”

Drago ne comprit cet échange étrange que lorsque le petit Gryffondor, qui ne devait être qu’en première année au vue de sa taille, déplaça son poignet. Juste au-dessus de la manche de son uniforme, Drago aperçut des entailles ensanglantées qui ressemblaient à des lettres. Il eut un haut-le-coeur et dut s’appuyer sur un pilier pour ne pas vaciller.

“Elle est… elle est horrible.” gémit le garçon en pleurant. 

“Oui, elle l’est.” approuva l’un des jumeaux d’un air compatissant. “Mais elle va le payer, tu peux nous faire confiance.”

Un frisson parcourut l’échine de Drago. Il haïssait Ombrage de tout son être depuis ce qu’elle avait fait à Hermione, mais savoir qu’elle était capable d’infliger ce genre de chose à un garçon aussi petit le révoltait tellement que même l’Occlumancie ne réussit pas à diminuer sa rage. 

Il plongea sa main dans la poche de son uniforme, et l’instant d’après, sans même réaliser qu’il avait avancé, Drago s’approcha du banc où étaient assis les trois Gryffondors. Quand ils entendirent ses pas, les jumeaux Weasley levèrent la tête d’un coup et arquèrent un sourcil chacun : 

“Malefoy ?” appela ce que Drago présumait être George. “Qu’est-ce que tu fous là ?” 

Il mit son bras devant le petit garçon, comme pour le protéger si Drago se mettait à l’attaquer. 

“Ronde de préfet.” répondit Drago instinctivement. 

Les jumeaux ne semblaient pas convaincus. 

“C’est pas encore le couvre-feu, tu peux partir.” dit George d’une voix menaçante, bien différente des murmures rassurants qu’il avait adressé au garçon quelques minutes plus tôt. 

Drago resta planté là, sans vraiment savoir quoi faire. Il sentait en lui une envie irrépressible d’aider ce garçon. Il ne l’avait jamais vu auparavant, il ne connaissait même pas son nom, et il appartenait à la Maison “ennemie”. Pourtant, Drago n’arrivait pas à bouger. C’était soudain devenu impensable pour lui de partir dans la direction opposée après avoir entendu ses pleurs. 

Il prit la première excuse qui lui passa par la tête pour justifier sa présence ici : 

“Pas pour lui.” Il désigna le garçon du menton. “Pour les premières années, le couvre-feu est à 20h.”

Le petit Gryffondor s’agrippa à son uniforme plus fort, et Drago discerna un bout de phrase taillé sur sa main : “Je ne dois pas intervenir en classe pour défendre mes camarades…” La suite était trop sanglante pour qu’il puisse lire, mais elle suffit à serrer douloureusement la gorge de Drago. 

À cet instant, le garçon leva la tête vers Drago et lui lança un regard implorant, apeuré. Ses yeux étaient brillants de larmes, et il secouait la tête de gauche à droite lentement, comme pour le supplier. Il avait peur. Peur que Drago le dénonce, qu’il soit obligé de retourner dans ce bureau infernal. Qu’il doive tailler sa main de nouveau, les entailles précédentes à peine guéries. 

Drago referma sa main sur la fiole dans sa poche et la sortit, ignorant le regard furieux que lui lançait George Weasley, et la tendit au petit garçon par réflexe, sans un mot. Le première année la scruta sans comprendre, et George l’oeillait de la même manière que si Drago était en train de lui proposer de boire un Philtre de Mort Vivante. 

“Qu’est-ce que c’est que ça ?” demanda-t-il d’un air méfiant, sans enlever son bras protecteur. 

“C’est de la solution filtrée de tentacules de Murlap !” intervint Fred en reconnaissant la potion. “Lee nous en avait donné pour soigner nos mains, tu te souviens ? Ça avait fait un bien fou ! Comment tu as réussi à prendre ça de la réserve de Rogue, Malefoy ?” demanda-t-il avec une pointe d’avidité dans sa question.

Drago ne lui répondit pas. Il ne se sentait pas d’expliquer qu’il n’avait, techniquement, pas pris ça de la réserve de Rogue, mais que c’était plutôt Rogue en personne qui lui avait donné un peu plus tôt pour la transmettre à Théo. Il en avait déjà plein, il n’en avait pas besoin d’autres. S’il venait à en manquer, Drago lui en ferait pendant l’été. 

Le regard terrifié du petit garçon se transforma en lueur curieuse. Sa main devait être terriblement lancinante, Drago pouvait le voir contracter le poing pour essayer de faire partir les vagues de douleur. 

“Plonge ta main dans un bol remplie de cette potion.” conseilla Drago, en ne s’adressant qu’à lui. “Tu verras, ça va te soulager, et tes cicatrices partiront encore plus vite.” 

Quand le garçon tendit la main pour prendre la potion, cependant, George l’arrêta avec son bras. 

“Et qu’est-ce qui nous fait dire que tu n’as pas mis du pus de Bubobulb à l’intérieur, Malefoy ?” lança George avec une grimace amère. “Après tout, ça serait bien ton genre.”

Drago tourna enfin la tête vers le jumeau et ils échangèrent un regard plein de rancoeur : 

“Je te ferais dire que je suis préfet, Weasley.” grogna-t-il. “Je suis censé aider les plus petits, tu te souviens ?” 

George éclata d’un rire sans joie : 

“Ah, et tu vas nous dire que tu prends à coeur tes engagements maintenant, c’est ça ? Alors même que tu as cet horrible badge sur ta poitrine ?”

Visiblement, il lui en voulait toujours de l’avoir banni à vie de Quidditch. Fred lui arracha alors la fiole de ses mains et la tendit au garçon à sa place : 

“Allons donc, petit frère, calme-toi.” dit Fred, d’un ton beaucoup plus calme que celui de son jumeau. “Peut-être que le jeune Malefoy a trouvé une bonne conscience ce soir, et on ne va pas s’en priver. Tiens, Nigel.” 

Le petit la prit entre ses mains sanglantes avec un petit sanglot : 

“Me-merci.” balbutia-t-il, sans vraiment s’adresser à quelqu’un en particulier. 

George haussa les sourcils de surprise et laissa retomber mollement son bras contre le banc en contemplant son frère avec stupéfaction. Fred, lui, affichait une toute autre expression : il ébaucha un grand sourire commercial, le genre qu’il réservait avant de vendre l’une de ses farces et attrapes : 

“Merci Malefoy. C’est bon à savoir que tu es dans les bons plans potions en tout cas, on le saura.” 

Drago leva les yeux au ciel en comprenant le double-sens de son insinuation. George n’avait pas l’air d’être au courant pour son rôle “d’espion”, parce qu’il regardait l’échange d’un air dubitatif. 

“Vous devriez en mettre aussi.” commenta Drago, juste avant de faire demi-tour. “Vous avez l’air d’en avoir bien besoin.” 

En effet, les bras fièrement exposés des deux Weasley étaient recouverts de phrases en tous genres, tellement nombreuses qu’elles s’entremêlaient entre elles et ne formaient plus qu’une suite de mots hargneux sans queue ni tête. Le sourire de Fred s’élargit davantage : 

“Oh que non. Je veux garder chaque mot qu’elle aura taillé dans ma peau quand je regarderai son visage se décomposer derrière sa grille de prison à Azkaban.” 

Drago émit un petit rire et tourna les talons, non sans marmonner un “bande de psychopathes” avant de partir. 

Il avait à peine parcouru quelques mètres dans le couloir qui menait aux escaliers des cachots quand il entendit des pas résonner dans son dos : 

“Malefoy ! Malefoy, attends !” 

Drago s’arrêta et se retourna lentement vers Fred qui le rejoignait, avec le pressentiment qu’il allait regretter de ne pas s’être échappé de cette conversation quand il avait encore le temps. 

“Quoi encore ?” grommela-t-il. 

Fred avait toujours un grand sourire. Il tenait quelque chose dans sa main qu’il lança à Drago en arrivant devant lui. Drago le rattrapa au vol et l’analysa sans comprendre : c’était un sachet en tulle transparent, attaché par un ruban bleu foncé. À l’intérieur, il y avait une poignée de poudre d’un noir profond, la même couleur que les yeux de Pansy. Il n’avait jamais vu cette poudre, et elle était bien trop foncée pour être de la Poudre de Cheminette. 

“Qu’est-ce que c’est ?” demanda-t-il. 

“Poudre d’Obscurité Instantannée du Pérou.” répondit fièrement le jumeau. 

Drago fronça le nez : 

“Je n’ai jamais entendu parler de ça.” 

“C’est normal, c’est nous qui l’avons importée.” dit-il, en s’appuyant nonchalamment contre le mur en pierre. 

En effet, Drago n’avait pas remarqué le logo tissé sur le sachet, deux grands W superposés. 

“Quoi, vous donnez des échantillons de vos trucs à tous les gens que vous croisez, maintenant ?” demanda-t-il cyniquement. 

Fred ne perdit pas son sourire. En fait, maintenant que Drago y pensait, c’était extrêmement rare de voir Fred Weasley sans sourire. 

“Non, c’est juste un cadeau pour te remercier pour tes nombreuses contributions. Prends-en soin, c’est une poudre extrêmement rare, et très utile. Lorsque tu la jettes au sol, elle se répand et plonge la pièce dans le noir total pendant une minute entière.” 

Drago haussa les épaules pour feindre un désintérêt, mais rangea discrètement la poudre dans sa cape, au cas où. 

“Sinon…” continua Fred. “Tu te souviens, de notre grand bouquet final contre cette harpie d’Ombrage ?” 

“Ne me dis pas que vous avez décidé de ne plus le faire ?” s’écria Drago, offusqué. 

“Au contraire, Malefoy, il est prévu pour cette semaine.” annonça Fred fièrement.  

Son regard brillant et calculateur était tranquillement posé sur Drago, insensible au fait qu’ils se trouvaient au beau milieu du Château de Poudlard en train de discuter d’un plan de vengeance à l’égard d’une professeure. Pas que Drago en avait quelque chose à faire, il ne voulait rien de plus que de faire souffrir Ombrage comme elle avait fait souffrir Hermione. 

“Tu refuses toujours de me dire ce que vous préparez ?” demanda-t-il, agacé. 

“Oui, mais tu peux nous aider.” murmura Weasley. 

“Ah, je vois.” dit Drago en roulant des yeux. “C’est donc pour ça que tu viens me parler, en fait ? La poudre, les remerciements, c’était juste pour me demander un service en retour ?” 

“Et moi qui doutais que les Serpentards étaient rusés.” commenta Fred. 

Il croisa ses chevilles dans la posture parfaite du flegme. 

“Qu’est-ce que tu veux ?” pressa Drago. 

“Pour pouvoir la piéger, nous avons besoin de savoir à quel endroit elle se trouve, et pouvoir la distraire assez longtemps pour mettre en place notre… bouquet final, sans qu’elle s’aperçoive de quelque chose. Tu penses que tu pourrais le faire, avec ta place dans son clan ?”

Drago eut l’impression que son badge de la maudite brigade pesait une tonne sur sa poitrine. Il se passa une main dans les cheveux, lui-même surpris de participer à ce plan qui avait l’air de plus en plus risqué. Il n’eut pas besoin de réfléchir longtemps : 

“Je ne sais pas ce qu’elle fait à chaque minute de sa journée, mais je sais qu’elle surveille notre épreuve d’Histoire de la Magie jeudi.”

En entendant ça, Fred se redressa brusquement du mur et regarda Drago comme s’il venait de lui annoncer qu’il lui offrait un Nimbus 2004 pour Noël. 

“Quoi ? Tu es sûr ?” 

“Oui, c’est mon ami Théo qui me l’a dit ce matin.” dit Drago. 

En réalité, Théo ne lui avait pas vraiment “dit”, mais plutôt tapé un scandale à la table des Serpentards au petit-déjeuner en apprenant la nouvelle, en déblatérant pendant une bonne vingtaine de minutes sur le fait que sa présence allait le déconcentrer et qu’il allait forcément avoir une moins bonne note. 

“Mais Malefoy, c’est parfait ! C’est brillant !” s’extasia Fred. “C’est jeudi après-midi, c’est ça ?”

Drago acquiesça, et aussitôt, le jumeau partit dans ses propres réflexions : 

“L’après-midi… ça nous laissera le temps de tout préparer à midi, pendant que tout le monde mange, et ensuite, on attaque…”

“Attaque ?” répéta Drago. “Weasley, je ne sais pas ce que tu prépares, mais si tu dois attaquer pendant l’épreuve d’Histoire de la Magie, je te conseille de le faire à la fin, au risque de te mettre quelqu’un sur le dos à vie.”

Drago repensa à tous les moments où Hermione avait révisé son Histoire de la Magie à la Bibliothèque et imagina son expression si l’épreuve était raccourcie. Il n’eut pas besoin de dire son prénom pour que Fred comprenne ce qu’il voulait dire, et il revêtit un air grave : 

“Bien sûr, suis-je bête. Nous attendrons la dernière minute. Mais pour être sûrs qu’Ombrage soit toujours bien dans la Salle, on aurait besoin d’un code. Peut-être qu’on pourrait utiliser les pièces d’Hermione…” Drago fronça les sourcils, mais Weasley était déjà en train de préparer son plan mental sans faire attention à lui. “Ou un message caché…”

“Je peux faire ça.” coupa Drago. “Je peux envoyer des messages cachés que seul le destinataire que je choisis peut lire. Comme ça, je pourrai t’envoyer un avion en papier quand Hermione a terminé son épreuve, et si la voie est libre, vous… attaquez.”

Il se garda bien de lui dire que les dits messages étaient utilisés pour parler en cachette à Hermione en classe. Fred afficha une mine à la fois surprise et radieuse : 

“Malefoy, tu es définitivement un être plein de ressources.” décréta-t-il, sans cacher son enthousiasme. “J’attendrai donc ton avion en papier avec impatience jeudi après-midi.” 

Il lui fit un clin d’oeil et repartit en sens inverse d’un pas guilleret, sûrement pour rejoindre son frère sur le banc. 

“Hé, Weasley !” lança Drago en se souvenant subitement d’une question qu’il voulait lui poser. 

Fred fit un demi cercle sur ses pieds : 

“Ouais ?” 

“C’est vraiment vous qui avez balancé Montague dans cette armoire ?” 

Weasley répondit avec une impassibilité qui lui fit froid dans le dos : 

“Ouais.”

Drago ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux : 

“Quoi ? C’est… Vraiment ? Mais pourquoi ?”

Il haussa vaguement les épaules, comme si cette conversation l’ennuyait. 

“Il avait essayé de nous enlever des points. Et en plus, je trouvais qu’il reluquait un peu trop ma soeur sur son balai de Quidditch à mon goût.”

“Mais, mais…” bredouilla Drago, pris de court, les bras ballants. “Tu… Il s’est retrouvé bloqué là-dedans, puis dans les canalisations des toilettes…”

“Ouais, j’ai entendu ça.” répondit Fred du même ton placide, presque indifférent. “Ça avait l’air douloureux. Je peux partir ?” 

En voyant la stupeur sur le visage de Drago, Fred éclata de rire : 

“Pressé pour ce bouquet final maintenant, Malefoy, hein ?” 

Drago avait pensé jusque là qu’Hermione était la seule Gryffondor à être aussi impitoyable. 

Il réalisait maintenant qu’il s’était lourdement trompé. 

Fred fit quelques pas en arrière, puis sembla se souvenir de quelque chose et revint à son niveau en quelques enjambées : 

“Au fait… Ce bouquet final sera notre dernier coup à Poudlard. L’année prochaine, on ne sera plus là.” Fred chuchota très vite, pour la première fois vigilant à ce que personne ne puisse entendre leur conversation, bien qu’ils étaient seuls à l’étage : “Je sais que tu n’as pas besoin de me promettre quoique ce soit pour le faire, mais pour une raison qui me dépasse complètement, elle te fait confiance, et elle t’aime, alors ne gâche pas tout, s’il te plaît. Ne la laisse pas tomber, et fais attention à elle, d’accord ? Elle peut parfois s’aventurer dans des trucs qui la dépasse pour les autres sans qu’elle fasse attention à elle.”

Drago hocha la tête sans répondre. Comme s’il ne le croyait pas, Fred tendit la main vers lui. Drago prit du temps avant de la saisir, la voix de son père résonnant contre ses tympans malgré les années à essayer de la faire taire. Il vérifia qu’aucun tableau ne pouvait les voir, qu’aucun fantôme ne passait par là et le voyait en train de conclure un marché avec un Weasley, puis il lui serra prestement la main et la relâcha en quelques secondes. 

“Veille sur ma soeur pour moi, Malefoy.” souffla Fred. 

Il fit demi-tour une dernière fois, et Drago le regarda partir en ressassant sa demande dans sa tête, en sachant très bien que la soeur dont il venait de faire allusion n’était pas Weaslette. 

 

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“Je pense que j’ai plutôt réussi.” annonça Pansy en arrivant à la table des Serpentards, pendant le dîner du mercredi. 

Théo releva la tête de son manuel d’Astronomie, dont l’épreuve pratique était prévue pour le soir-même, et arqua un sourcil : 

“Evidemment que tu as réussi, c’était la Divination.” souligna-t-il, comme une évidence. “Si tu n’avais pas réussi, qui aurais-pu ?” 

Pansy eut un petit sourire et se servit à manger. 

“Qu’est-ce que vous deviez faire ?” demanda Théo à Pansy et Blaise, qui venait de s’asseoir à côté de lui.

“Elle nous a demandé plusieurs méthodes du programme. Moi, j’ai eu les feuilles de thé, l’interprétation des rêves et les lignes de vie.” énonça Pansy avec tout le sérieux du monde. “Mais j’ai ajouté quelques éléments qui n’étaient pas demandés et je crois que l’examinatrice était contente.” 

“Très bien. Et toi, Blaise ?” demanda Théo. 

“On m’a demandé de dire ce que je voyais dans la boule de cristal devant moi.” expliqua-t-il avec son sourire en coin. “J’ai dit que je ne voyais rien, et l’examinatrice a écrit quelque chose qui ressemblait à une insulte dans son calepin.” 

Théo et Drago éclatèrent de rire, mais Pansy resta de marbre. 

“Tu imagines la note que tu pourrais avoir si tu lui avais expliqué que ton Troisième Oeil était ouvert ?” grinça-t-elle, vraisemblablement exaspérée par son attitude. “Ou que ta mère fait partie des Sept ?”

“Je n’avais pas très envie d’expliquer à cette dame que je n’avais jamais vu de ma vie que je me réveille tous les samedis en sueur après avoir rêvé que je me fais brûler vivant.” dit Blaise d’une voix bien trop tranquille pour ce qu’il était en train d’expliquer. “Et puis, j’attends avec impatience la tête de ma mère quand elle verra que j’ai reçu un Troll en Divination.” 

Théo ricana dans son manuel sous le regard noir de Pansy. 

L’épreuve pratique d’Astronomie se déroula à 23h, sous un ciel dégagé et parfait pour l’observation. Pansy était dans un état de concentration rare, Drago pouvait l’entendre murmurer des noms de planètes et de constellations quand ils montèrent le long escalier en colimaçon. Ils étaient partis en avance, mais quand ils arrivèrent sur la grande plateforme ronde qui surplombait Poudlard du haut de la Tour d’Astronomie, Hermione était déjà là. Elle avait déjà sorti son téléscope de son étui et procédait aux réglages avant l’examen. 

Drago et Pansy firent de même, sans parler. Ils furent très vite rejoints par Théo et Blaise qui s’installèrent à côté d’eux, non sans que Théo se plaigne “du vent glacial”, c’est-à-dire la légère brise printanière très agréable. 

Quand tous les élèves eurent terminé de régler leurs appareils, l’examinateur leur donnèrent chacun une carte du ciel vierge à compléter, et lança l’épreuve. Pansy se mit aussitôt à griffonner dessus. Théo resta de longues secondes penché sur la lunette de son téléscope. Drago, lui, regarda Hermione. 

Le vent s’engouffrait dans ses cheveux lâchés, mais elle n’y faisait pas attention. Elle était, tout comme Théo, penchée sur la lunette de son téléscope et observait le ciel. De temps en temps, elle reculait et utilisait son pouce pour calculer les distances entre les planètes, comme elle lui avait appris à le faire à la Bibliothèque. 

L’examinateur passa derrière Drago qui rêvassait en la regardant et toussota, le ramenant brutalement sur Terre. Il retourna à la contemplation du ciel, mais ne vit que des centaines de points dorés sans pouvoir les distinguer réellement. Ça n’aidait pas qu’il soit à côté de Pansy, qui écrivait à toute vitesse et lui donnait l’impression d’être particulièrement nul. 

Alors que Drago était en train de déterminer si la planète en face de lui était Mars ou Jupiter, la porte du Hall de Poudlard s’ouvrit, déversant un rectangle de lumière sur l’herbe. Il était positionné sur la plateforme de telle sorte à avoir une vue directe de la scène, et son attention fut donc très vite accaparée par les cinq silhouettes qui marchèrent le long du chemin du parc de Poudlard. Il reconnut aisément Ombrage, à sa démarche gauche sur des talons qu’elle s’obstinait à mettre. Les cinq personnes passèrent devant le banc, et Drago décala légèrement la tête sur la gauche vers Hermione, mais elle était trop concentrée sur le ciel et n’avait pas remarqué ce qu’il se passait en bas. 

Quelques minutes plus tard, des coups portés à une porte retentirent dans le silence du parc et Drago regarda tout de suite à la lisière de la Forêt Interdite, où les contours de la cabane d’Hagrid se détachaient à peine dans la pénombre. La porte s’ouvrit, et la figure imposante du demi-géant fut illuminée un instant par la lueur de bougie à l’intérieur, avant que les cinq personnes n’entrent et que tout soit plongé dans le noir de nouveau. 

Drago avait un drôle de pressentiment. Il n’arrêtait pas de jeter des coups d’oeil à sa gauche dans la direction d’Hermione. Il avait l’horrible impression qu’ils allaient assister au renvoi imminent d’Hagrid et se demanda si cette vipère d’Ombrage n’avait pas fait exprès de le faire pendant leur épreuve pour que Potter et sa bande puisse y être témoins sans pouvoir rien faire. 

Soudain, un rugissement se fit entendre, si fort qu’ils entendirent jusqu’à la plateforme d’Astronomie. Théo sursauta et se cogna violemment le crâne contre son téléscope. Le hurlement alerta Hermione qui tourna aussitôt la tête vers le fond du parc. Elle se figea en apercevant les silhouettes à travers les fenêtres d’Hagrid. 

“Mesdemoiselles et messieurs, essayez de vous concentrer, s’il vous plaît.” demanda l’examinateur à mi-voix. 

Drago n’avait pas regardé sa carte du ciel depuis dix minutes. Toute son attention était focalisée sur Hermione, qui regardait la cabane avec un air de désespoir de plus en plus ancré sur ses traits. 

“Plus que vingt minutes.” annonça Tofty. 

Elle sursauta comme s’il l’avait rappelée personnellement à l’ordre et baissa la tête sur son parchemin, mais Drago pouvait voir que son regard revenait sans cesse vers l’horizon. Il pouvait presque entendre les centaines de questions qui passaient dans sa tête à cet instant. 

Une détonation retentit et la porte de la cabane s’ouvrit à la volée. Hermione se rapprocha de la rambarde et s’accrocha au rebord, les yeux rivés sur la scène que tout le monde observait maintenant. Hagrid sortit sur la pelouse, assailli par une dizaine de sortilèges rouges que les cinq sorciers lui lançaient simultanément. 

Pour la première fois depuis le début de l’épreuve, Pansy arrêta de regarder les étoiles et aperçut Hagrid se débattre avec stupéfaction. Théo, qui avait une grosse bosse qui se formait déjà à l’endroit où il s’était pris le manche du téléscope, poussa un cri indigné. 

“Il n’est même pas armé !” chuchota-t-il. 

Il était vrai qu’Hagrid n’avait pas de baguette pour se défendre, mais ce n’était pas pour autant qu’il se laissa faire. Les sortilèges ne parvinrent pas à l’assommer, et quand un petit sorcier essaya de l’approcher, il le repoussa en vociférant, les poings brandis. 

“NON !” s’écria Hermione, scandalisée. 

“Mademoiselle, voyons, ceci est un examen !” couina Tofty. 

Mais Hermione n’en avait plus rien à faire de sa carte du ciel. Elle était maintenant complètement avachie sur la rambarde de la plateforme, comme si elle s’apprétait à sauter d’un instant à l’autre pour aller venir en aide à Hagrid. Il n’y avait pas grand chose qui aurait pu la distraire d’une épreuve de BUSE, mais Hagrid en danger en faisait définitivement parti. Les mains de Drago étaient moites quand il les passa sur son front.

“Soyez raisonnable, Hagrid !” cria l’un des hommes. 

Ce dernier poussa un nouveau rugissement effrayant : 

“Raisonnable ? Va donc au diable ! Tu ne m’auras pas comme ça, Dawlish !”

Le chien d’Hagrid sauta sur l’un des assaillants et se fit Stupéfixé brutalement dans un éclair rouge aveuglant, et il s’effondra par terre. Hagrid hurla de fureur en même temps que les Gryffondors et, sous leurs yeux ébahis, saisit le coupable et le projeta dans les airs de toutes ses forces. L’homme fit un vol plané et s’étala sur l’herbe. 

Hermione plaqua ses deux mains sur sa bouche, l’air complètement affolée. Drago devait se retenir à son téléscope pour ne pas traverser la plateforme et la rejoindre. Il avait presque oublié que tous les élèves étaient là, il ne voyait plus qu’elle. 

La porte du Hall s’ouvrit de nouveau et une seule ombre ondula sur l’herbe. La sorcière s’approcha à toute vitesse de la scène de combat en criant : 

“Comment osez-vous ? Comment osez-vous ?!” 

Elle se rapprochait de plus en plus, sa longue cape virevoltant dans la nuit et son chapeau de travers sur sa tête, un chapeau reconnaissable entre mille, c’était… 

“C’est McGonagall !” dit Hermione avec horreur. 

“Laissez-le !” hurlait McGonagall en courant vers Hagrid, qui était toujours assailli sous les sortilèges. “Je vous dis de le laisser ! Il n’a rien fait qui puisse justifier…”

Quatre des sorciers qui attaquaient Hagrid se retournèrent en entendant sa voix derrière eux. D’un même mouvement, ils levèrent leurs baguettes et lancèrent simultanément le même sort rouge vif qu’ils utilisaient pour Hagrid et contre son chien : des éclairs de Stupéfixion. La pauvre McGonagall reçut les quatre sortilèges de plein fouet. La magie combinée l’illumina d’un étrange halo rouge, puis, elle fut projetée en arrière et retomba sur le dos. 

Pendant l’horrible seconde qui suivit, le corps de McGonagall fut brièvement éclairé par un faible rayon de lune. Elle ne bougeait plus. 

Plusieurs hurlements de protestation déchirèrent l’air autour de la plateforme, mais Drago ne reconnut que celui d’Hermione. Quand il tourna la tête vers elle, Drago vit son visage de profil déformé par la stupeur. Sa main était plaquée devant sa bouche, et ses yeux étincelaient de larmes. 

Drago comprenait son aberration. Il n’avait jamais porté McGonagall dans son coeur, mais s’attaquer à quatre contre une femme âgée, pas armée et sans même la prévenir, représentait le pire blasphème qu’un sorcier puisse commettre. Drago fut saisi d’un sentiment d’injustice qui l’étrangla et il Occluda pour le faire partir. Théo n’avait pas cette chance : 

“Quelle honte !” s’écriait-il avec horreur. “Ils devraient tous être envoyés à Azkaban !” 

Tous les élèves de la plateforme réagissaient avec la même intensité que lui, même les Serpentards, tous offusqués par l’attaque gratuite de McGonagall. Même Blaise, qui l’avait pourtant traitée de vieille chouette pas plus tard que la semaine précédente lorsqu’elle lui avait demandé de faire prendre un bain à ses souris d’exercices pour sa retenue, déversait un flot d’insultes à l’égard des quatre sorciers. Heureusement, Tofty n’en saisit pas un mot, bien trop scandalisé par ce qu’il venait de voir pour prêter attention aux élèves autour de lui. 

“LÂCHES !” scanda Hagrid, dont la voix résonnait entre les arbres. “IGNOBLES LÂCHES ! PRENEZ ÇA ! ET ÇA !”

Il flanqua deux coups de poing à ses deux agresseurs les plus proches qui s’effondrèrent brusquement. 

“Vous croyez qu’elle est…?” demanda Pansy dans un souffle. 

Drago reporta son attention sur McGonagall, qui était toujours allongée sans bouger. L’Occlumancie ne filtra pas totalement la panique qui fit battre le coeur de Drago beaucoup trop vite. Venaient-ils d’assister à la mort de leur professeure de Métamorphose ? 

Hermione haletait contre sa main. Elle paraissait terrifiée pour Hagrid, elle grimaçait dès qu’un sort le touchait comme si elle pouvait ressentir les effets sur elle. Mais le garde-chasse semblait y être imperméable. Il se courba en deux pour ramasser le corps inanimé de son chien qu’il coucha en travers de ses épaules, et après un regard désolé vers McGonagall et un dernier mugissement de rage, il s’enfuit vers la lisière de la Forêt à toutes jambes. 

“Attrapez-le ! Attrapez-le !” cria Ombrage, dont la voix stridente écorcha les tympans de Drago de la même manière que si elle se tenait à un mètre de lui. 

Mais personne n’écouta son ordre. Elle essaya de l’arrêter dans sa course, mais rata son coup, et la silhouette d’Hagrid disparut à l’orée des bois. Il y eut un long silence fébrile où tout le monde observa le parc, mais les secondes s’écoulèrent sans bruit particulier. La lune fut dissimulée par un nuage et les alentours de la cabane d’Hagrid furent plongés dans l’obscurité. Ils ne virent plus rien. 

“Plus que cinq minutes…” annonça faiblement l’examinateur. 

Mais aucun des élèves ne reprit sa carte du ciel. Théo était livide, fixant l’endroit où Drago savait que McGonagall était allongée sur l’herbe, inerte. Blaise tenait une Pansy tremblante contre son bras pour la soutenir, et une boule d’appréhension désagréable s’était logée dans l’estomac de Drago quand il repensait à la chute impressionnante de McGonagall. 

Hermione reprit lentement sa place derrière son téléscope. Elle se retenait vraisemblablement de pleurer. Ses épaules étaient secouées par des larmes qui n’arrivaient pas à sortir, comme si le choc l’empêchait de relâcher ce qu’elle avait sur le coeur. Les deux adultes en qui elle faisait le plus confiance à Poudlard venaient de disparaître sous ses yeux. Il ne fallait pas être un génie pour savoir qu’Hermione était attachée à McGonagall, mais seul Drago savait à quel point elle était importante pour elle. C’était elle qui lui avait appris qu’elle était une sorcière, c’était elle envers qui elle plaçait une importance capitale, la personne qu’elle voulait le moins décevoir dans ce monde dont elle ne connaissait encore rien il y a cinq ans de cela. 

Quand Tofty annonça la fin de l’épreuve, ils rangèrent leurs téléscopes dans leurs étuis, puis descendirent les escaliers en colimaçon dans un silence pesant. Les Gryffondors étaient déjà en bas des marches, en train de parler de ce qu’il s’était passé dans des murmures plus ou moins discrets. Londubat était blanc comme un linge. 

Juste avant que les Serpentards ne regagnent les escaliers qui menaient aux cachots, Drago aperçut Hermione. Elle était flanquée par Potter et Weasley, et discutait avec Ernie MacMillan. Elle faisait de grands gestes avec ses mains et on pouvait entendre les sanglots dans sa voix tremblante. De là, n’importe qui aurait pu penser qu’elle était brisée. Anéantie. 

Personne ne remarqua que, derrière ses yeux brillants par les larmes qui menaçaient de couler se cachait une flamme de vengeance brûlante. Personne n’entendit la détermination s’immiscer dans ses mots teintés de colère à l’égard d’Ombrage. Personne ne vit qu’elle serrait ses poings sous sa cape d’uniforme, laissant sûrement des marques en demi-lunes là où elle pressait sa peau. 

Personne, sauf Drago. 

Et son désir de revanche était sans doute plus effrayant que n’importe quel rugissement qu’avait poussé Hagrid ce soir. 

 

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Drago était assis à la seizième rangée, vers le milieu de la Grande Salle. Sur sa petite table d’examen était posé le questionnaire d’Histoire de la Magie, sa magnifique plume de paon et un encrier à moitié plein. Deux tables à sa droite, Théo écrivait à toute allure, si vite que sa plume était à deux doigts de se fendre sous ses doigts. Derrière lui, trois rangs plus loin, Pansy avait posé son menton contre la paume de sa main et fixait le grand sablier où s’écoulait les dernières minutes de l’examen d’une lenteur atroce. Potter était à la table à côté d’elle, et il semblait aussi motivé qu’elle. Il avait posé son visage entre ses mains et Drago ne savait pas s’il réfléchissait à une question, ou s’il s’était endormi. 

Blaise était au dernier rang, tout à droite. Drago devait tourner complètement le cou pour l’apercevoir. Il attendait patiemment, sa plume sagement posée sur sa table, parfaitement immobile, à l’instar des statues de pierre qui protégeaient la grande porte. À côté de lui, Weasley était son opposé : il gesticulait sans arrêt sur sa chaise et desserrait de plus en plus sa cravate à mesure que l’épreuve avançait, fixant sa copie avec intensité comme si elle allait se remplir toute seule par magie. 

Mais Drago ne regarda pas longtemps Weasley, ni même ses amis. Son attention revenait toujours aux rangs en face de lui où, s’il penchait suffisamment la tête à droite, il pouvait entrevoir la chevelure d’Hermione qui recouvrait le dos de sa chaise et se balançait quand elle écrivait. De temps en temps, elle s’arrêtait et relisait sa réponse à la question en mâchouillant inconsciemment le bout de sa plume, ce qui le faisait sourire. Elle était de dos, mais Drago pouvait imaginer son expression faciale à la perfection, l’ayant observée un nombre incalculable de fois à la Bibliothèque. Quand elle était concentrée, ses deux sourcils étaient froncés et formaient un petit pli sur son front, elle plissait légèrement le nez, et ses lèvres bougeaient sans bruit quand elle lisait. 

Drago lança un énième regard vers l’immense sablier. Il restait une vingtaine de minutes, mais il avait terminé de répondre à tout ce qu’il savait sur ce fichu questionnaire. Il avait été étonné du nombre de questions dont il savait la réponse : le nombre de fois où Hermione lui avait récité les dates des guerres des Géants avait été suffisant pour qu’elles soient marquées au fer blanc dans son esprit. Il en avait sauté quelques-unes, notamment sur les noms des gobelins qu’il était incapable d’épeler convenablement. De toute manière, il n’avait pas besoin de BUSES en Histoire de la Magie pour devenir Alchimiste. 

Ombrage, chaussée de ses petits talons roses ridicules et d’un gilet en peluche rose trop serré, faisait les cent pas sur l’estrade de la Grande Salle. Ses yeux perfides balayaient les rangs des élèves, et particulièrement les Gryffondors, probablement pour vérifier qu’aucun d’entre eux ne trichait. Drago savait qu’Hermione prenait beaucoup sur elle pour ne pas la Stupéfixier comme elle l’avait fait à McGonagall quelques jours plus tôt.

Quand il ne resta qu’un fond de grains dorés dans la partie supérieure du sablier, Drago prit le parchemin qu’il avait ensorcelé avec la formule de Théo et le plia soigneusement en avion en papier. Ombrage était tellement occupée à surveiller Potter qu’elle ne remarqua pas quand il se pencha sur sa chaise et envoya l’avion derrière lui. Il s’envola sans un bruit, sous les pieds des élèves à moitié assoupis, et passa par les portes entrouvertes de la Grande Salle. 

Drago espérait que le signal arriverait à Fred Weasley sans embûche. Le seul problème avec ce moyen de communication, c’était qu’il n’avait pas de moyen de savoir s’il était bien arrivé à son destinataire. Drago compta les minutes qui s’écoulaient, sa nervosité montant d’un cran à chaque fois qu’Ombrage consultait l’heure. Si le plan que les jumeaux avaient conçu pendant des semaines échouait par sa faute, ils allaient le tuer. Ils n’auraient pas d’opportunité aussi parfaite que celle-ci, avec Ombrage enfermée dans une pièce aussi longtemps, sans défense… 

Quand Drago commençait à sérieusement angoisser, un bruit étrange se fit entendre dans le couloir. C’était comme si quelqu’un frappait les murs à répétition. Au début, le vacarme fut assez lointain pour que personne n’y fasse attention, mais très vite, il descendit des étages au-dessus et des éclats de voix et des bruits de portes qui claquent réveillèrent les élèves, qui levèrent la tête et regardèrent curieusement en direction de la porte de la Grande Salle. 

Quand il ne fut plus possible d’ignorer le bruit, Ombrage plissa sévèrement les lèvres et descendit précipitamment les petites marches de l’estrade. Elle traversa l’allée centrale des tables d’examen, ignorant les regards des élèves qui la suivaient, le bruit de ses talons minuscules résonnant péniblement contre le sol en pierre à chacun de ses pas pressés. 

Ombrage passa devant Hermione qui la suivit des yeux. Quand elle se retourna, elle échangea un regard furtif avec Drago et plissa les paupières suspicieusement, comme si elle avait deviné qu’il était coupable de cette interruption. Drago avait le coeur qui palpitait d’excitation à l’idée d’avoir sa vengeance sur Ombrage après ces longs mois d’attente à se retenir de lui lancer un sort dans le dos. Il pouvait à peine contenir son sourire. 

Ombrage ouvrit les portes de la Grande Salle et resta devant, jetant des regards frénétiques tout autour d’elle pour trouver la source du bruit bizarre. Tous les cinquièmes années étaient maintenant complètement retournés sur leurs pupitres.

Soudain, un sortilège surgit de la gauche d’Ombrage qui sursauta. L’étincelle dorée resta sous le nez de la professeure quelques secondes, comme pour la narguer, puis elle contourna son énorme tête et s’envola sous le plafond de la Grande Salle. Elle explosa dans un tourbillon de feux bleus qui suscita quelques cris de surprise. 

Puis, plus rien. 

Un silence s’installa. On aurait dit que l’écoulement du sablier s’était momentanément arrêté. Tout le monde attendait, sans vraiment savoir de quoi il s’agissait. Ombrage resta plantée dans l’encadrement de la porte, la tête penchée sur le côté, son horrible coiffure vacillant sur la droite. Un long moment d’attente, d’appréhension et d’excitation s’étira… 

Tout à coup, deux balais surgirent au-dessus de la tête d’Ombrage qui hurla de terreur. Les jumeaux Weasley traversèrent la Grande Salle à toute vitesse, et l’élan de leurs balais envoya une bourrasque de vent qui balaya toutes les copies des tables. En les voyant, les élèves explosèrent de joie et applaudirent de toutes leurs forces. 

“OUAIIIIIS !!!” s’écrièrent les frères Weasley en dansant sur leurs manches à balai. 

“NOUS VOILÀ, PRÊTS À VOUS DÉLIVRER DE CETTE VIPÈRE !” annonça l’un des deux jumeaux.

Ils déversèrent alors des poignées de quelque chose que Drago ne réussit pas à identifier tout de suite. Il pensa naïvement que c’était des farces et attrapes, des sortes d’échantillons gratuits avant de passer à l’action. 

Il avait tort. 

Il réalisa qu’il s’agissait de feux d’artifice avant tout le monde, mais pas assez vite tout de même. Quand il comprit que les pétards qu’ils lançaient étaient sur le point d’exploser, Drago bondit de sa chaise et se précipita sur Hermione pour la pousser hors des projectiles. Mais c’était trop tard. Une onde de chaleur se répandit au-dessus de sa tête dans un bruit assourdissant, et il eut à peine le temps de se jeter sous un bureau pour ne pas avoir le haut de ses cheveux brûlés. Le spectacle qu’il vit alors d’en bas fut à la fois splendide et terrifiant : des centaines de boules de feu de toutes les couleurs pétillaient sous le ciel bleu de la Grande Salle. Les flammes des chandelles s’éteignèrent d’une traite. 

“VOUS ÊTES PRÊTS ?!” hurlèrent les jumeaux en lançant d’autres cartouches, alors même que les précédentes n’avaient pas terminé de s’allumer. 

Celles-ci furent plus spectaculaires encore : au lieu d’éclater simplement, elles formèrent des dessins en tous genres, allant d’un lion sur deux pattes à des lutins d’Irlande qui dansaient en se tenant la main. Les feux se multipliaient sans arrêt, explosant de plus en plus fort jusqu’à ce que le bruit des pétards fut tellement fracassant qu’ils n’entendirent plus les cris de joie des jumeaux au-dessus. 

Etonnament à ce que Drago avait pensé, aucun des élèves de la Salle ne fut touché. Hermione était debout à côté de son pupitre, oscillant visiblement entre l’irritation et l’admiration. Les autres dansaient sous les éclats de couleurs en hurlant de joie. Drago comprit que les jumeaux avaient ensorcelé leurs feux pour qu’ils ne puissent pas blesser, ce qui était très ingénieux et démontrait d’un niveau de magie avancé impressionnant.

Crabbe et Goyle se firent poursuivre par un feu en forme de serpent et se protégèrent le postérieur en glapissant de terreur. Drago éclata de rire, le son étranger à ses propres oreilles. Il ne se souvenait même plus depuis combien de temps il n’avait pas ri à gorge déployée de la sorte. 

Le tintamarre dans la Grande Salle ne diminua pas. Les jumeaux passèrent et repassèrent avec leurs balais, déversant des cartouches supplémentaires à chaque passage. Très vite, la fumée emplit la Salle, cachant la vue du plafond, mais son effet n’avait rien à voir avec celle de l’explosion du mur d’Ombrage lors de la découverte de l’A.D : celle-ci avait un goût de bonbon. 

Hermione n’était plus à côté de son pupitre. Drago se releva en cherchant où elle était partie et la trouva au milieu des Gryffondors, un grand sourire au visage. Elle regardait en l’air et Drago pouvait voir les couleurs des feux se refléter dans ses prunelles. Londubat et Weasley sautaient à côté d’elle pour espérer attraper les confiseries que Fred et George lançaient maintenant par-dessus leurs épaules. Partout où il regardait, Drago ne voyait que des grands sourires. Même Théo, qui détestait pourtant les bruits trop forts, était mort de rire à côté de Blaise. 

L’un des deux jumeaux fit un virage serré sur son balai et passa juste à côté de Drago, assez pour qu’il l’entende siffler à côté de son oreille : 

“Regarde ça, Malefoy !” 

Drago suivit du regard ce qu’il déduisit être Fred. À travers la fumée épaisse, il le vit retourner près de son frère et sortir une cartouche de sa poche. Drago avait lancé énormément de feux d’artifice dans son enfance avec Blaise, mais il n’avait jamais vu un pétard aussi gros de toute sa vie. Ils l’attrapèrent à deux mains, hochèrent la tête, et le cassèrent en deux à la manière d’un cracker de Noël. Aussitôt, une détonation fit trembler les murs de la Grande Salle et ils lâchèrent les deux morceaux en même temps. Ils restèrent en l’air, tremblant furieusement et laissant échapper des étincelles dorées. 

“Celle-là elle est pour toi, Dolorès !” chantonna George Weasley avec un grand sourire. 

Ombrage était au milieu de l’allée de Drago. Son visage avait perdu toutes ses couleurs et ses joues flasques semblaient s’affaisser de plus en plus, l’étirant dans une grimace grotesque. Elle contemplait la cartouche et déglutit, avant de prendre la fuite vers les portes de la Grande Salle. Mais ses talons ridicules l’empêchèrent d’avancer à pleine lancée, et avant qu’elle ne puisse atteindre le milieu du rang, la cartouche de Fred et George explosa enfin et en sortit alors une immense figure : un dragon, d’au moins quatre mètres de haut, dont les gros yeux jaunes se fixèrent sur la silhouette d’Ombrage qui tentait vainement de fuir sa sentence. 

“Pas si vite !” cria Fred, au bord de l’extase. 

Le corps du dragon termina de se constituer et il ouvrit sa gueule pour dévoiler une rangée de dents acérées. Il lâcha une trainée de flammes qui chauffa les joues de Drago, et s’élança à la poursuite d’Ombrage. Il était tellement grand qu’il faisait pratiquement la taille de la Salle. Son corps ondula sous les chandelles, s’étirant de plus en plus. Il lécha ses dents pointues et laissa échapper des petits jets de feu qui brûlèrent l’arrière de la robe horrible d’Ombrage. Il avait l’air de se languir de la terreur de sa victime. 

“Au secours !” glapit-elle dans un halètement essoufflé. 

Personne n’avait l’air enclin à l’aider. Les membres de la Brigade Inquisitoriale s’étaient cachés sous les tables, et même Rusard, son seul supporter, n’avait pas osé s’approcher de la Salle en voyant le chaos qu’avait causé Fred et George. Ombrage se retourna et, en voyant le dragon à ses trousses, cria de sa voix fluette, mais elle eut beau accélérer, le sort des jumeaux finit par la rattraper juste au moment où elle passa les portes de la Grande Salle. Il s’arrêta au-dessus de sa tête et plongea, la mâchoire grande ouverte, et la referma violemment sur Ombrage qui tremblait comme une feuille. Les feux explosèrent et Drago fut projeté en arrière par l’impact. Ombrage disparut dans un écran de fumée. 

Drago ne savait pas ce qui était le plus bruyant : les explosions des pétards, ou les cris des élèves qui célébraient le piège d’Ombrage. 

“Merci ! Merci !” s’écriaient-ils en choeur à l’adresse des jumeaux. “Merci !” 

Lorsque la fumée se dissipa et qu’Ombrage réapparut, on aurait dit qu’elle avait été embrassée par un Détraqueur. Elle tremblait tellement qu’elle mit une bonne minute à se retourner, et quand elle le fit enfin, Drago se fit la réflexion qu’il aurait donné beaucoup d’argent de son coffre à Gringotts pour avoir la caméra d’Hermione entre ses mains à cet instant, parce qu’il aurait aimé pouvoir consulter le visage d’Ombrage autant qu’il le voulait. Elle était pâle comme la mort, les yeux éteints, la bouche entrouverte, les bras balants. Tout son visage était couvert de suie, de son front jusqu’à son menton. Sa robe était brûlée un peu partout, et ses cheveux laissaient échapper un filet de fumée noire. 

Avec un timing parfait, les cadres de ses centaines de décrets accrochés avec soin tout autour de la porte de la Grande Salle se décrochèrent et s’effondrèrent à ses pieds dans une explosion de verre. Ombrage les regarda tomber sans rien faire, trop sonnée pour réaliser ce qu’il se passait. 

“Ça, c’est pour nous avoir fait la misère toute l’année !” lança joyeusement George en passant juste au-dessus d’elle à balai. 

“Pour toutes les fois où vous avez martyrisé les élèves de Poudlard, et pour que vous vous souveniez de nous pour le restant de vos jours !” continua Fred en suivant la même trajectoire que son frère. 

“Adieu, Ombrage !” s’écrièrent-ils en même temps. 

La concernée les regarda partir d’un air hébété, puis les élèves sortirent en trombe de la Grande Salle pour les suivre. Drago suivit le mouvement et se retrouva englouti par la foule, qui le mena dans la petite cour rectangulaire de Métamorphose, là où Trelawney s’était fait virée quelques mois plus tôt. Un flot impressionnant de personnes de tout âges se déversa, se pressant les uns contre les autres dans l’espace limité, les yeux rivés sur les jumeaux Weasley qui faisaient maintenant des figures acrobatiques sur leurs balais. 

“Si l’un d’entre vous veut profiter de nos feux d’artifice…” annonça Fred d’une voix forte pour que tout le monde puisse l’entendre. 

“... ou de n’importe laquelle de nos inventions, d’ailleurs…” continua George en faisant un looping sur son balai. 

“... Rendez-vous au 93, Chemin de Traverse, chez Weasley, Farces pour sorciers facétieux !” dit Fred avec un grand sourire. “Notre boutique de farces et attrapes !” 

“Réduction spéciale pour les élèves de Poudlard qui jurent d’utiliser nos produits pour se débarrasser de cette vieille harpie !” 

Les élèves approuvèrent en criant, et Drago vit même quelques professeurs sourire dans la foule. Les jumeaux tournèrent la tête vers l’une des arches de la cour, où Peeves était perché : 

“Rends-lui la vie infernale à cette vieille folle, Peeves.” lança Fred à l’esprit frappeur. 

Et Peeves, qui n’avait pourtant jamais obéi à un élève, ôta son chapeau et fit un garde-à-vous à l’adresse des jumeaux qui, sous les applaudissements, s’envolèrent à l’horizon sans se retourner. 

Les clameurs ne s’arrêtèrent pas pour autant. Même Drago se surprit à applaudir leur départ. Pour la première fois depuis des mois, son coeur était léger. Le désir de se venger d’Ombrage après ce qu’elle avait fait à Hermione ne s’était pas totalement estompé, mais il était beaucoup moins pesant qu’avant. 

À un moment pendant le remue-ménage que Fred et George avaient fait, il avait arrêté d’Occluder et il accueillit le soulagement avec plaisir. Drago inspira à plein poumons l’air qui n’était plus saturé de fumée et chercha autour de lui pour trouver Hermione. Il vit Weasley et sa soeur, mais elle n’était pas à côté d’eux, ni près de Londubat qui applaudissait avec ferveur. Il mit du temps à la repérer, et quand il le fit enfin, il comprit pourquoi il n’arrivait pas à la voir dans la cohue : elle s’était agenouillée. 

Potter s’était effondré par terre, une main sur le coeur et l’autre accrochée à la manche d’uniforme d’Hermione. Ses yeux étaient brouillés derrière ses lunettes rondes, et bien qu’il regardait en face de lui, il n’avait pas l’air de voir Hermione. Sa peau était luisante de sueur et les veines de son cou ressortaient de manière inquiétante. Drago comprit tout de suite qu’il se passait quelque chose de grave. Toute la joie qu’il avait ressenti en voyant la prestation des jumeaux Weasley s’estompa brutalement. 

Quand il sortit de sa transe, ses yeux verts se focalisèrent sur Hermione en face de lui et ils échangèrent un long regard. Ils ne parlaient pas, pourtant, on aurait dit qu’ils élaboraient un plan. Une conversation mentale que personne d’autre qu’eux ne pouvaient comprendre, pas même Drago. Le visage d’Hermione avait revêti une expression des plus sérieuses, une sorte de façade d’assurance et de calme. Elle attendait calmement les instructions de Potter, en se tenant à lui avec autant de force qu’il ne s’accrochait à elle. 

Puis, Potter prononça quelque chose. Un seul mot, qu’il souffla si bas que Drago ne put même pas lire sur ses lèvres pour essayer de comprendre. Qu’importe ce mot, il eut un effet considérable sur Hermione : ses sourcils se froncèrent, marquant ses traits d’une concentration extrême, insensible à l’agitation tout autour d’eux. Ils n’étaient plus que deux dans cette cour. Elle s’agrippa à Potter et ils parlèrent à toute vitesse, dans un flot de paroles incompréhensibles et noyées par le bruit ambiant. 

Quelqu’un bouscula Drago et le profil d’Hermione, toujours agenouillée devant Potter par terre, disparut de son champ de vision. Il repoussa brutalement les élèves attroupés autour de lui pour la revoir, pour ne pas perdre une miette de cet échange dont il n’entendait rien. Quand il l’aperçut de nouveau, quelques secondes seulement s’étaient écoulées, mais Drago la vit distinctement. Cette flamme, cette étincelle de Gryffondor qui animait ses prunelles quand elle parlait. Cette détermination à faire le bien, à se mettre en action, à se battre pour ce qui est injuste. Celle qu’il haïssait autant qu’il adorait. 

Cette flamme n’avait jamais autant brillé dans ses yeux qu’à cet instant, elle incendia Drago alors même qu’elle ne le regardait pas. 

Et alors, il sut.

Sans pouvoir expliquer comment ni pourquoi, à ce moment précis, Drago sut. Il sut que, peu importe ce qu’il dirait, il était sur le point de perdre Hermione. 

 

***

 

Hermione








“Sirius.” 

Le coeur d’Hermione dégringola. Harry ne donna pas plus d’explications, mais elle n’en eut pas besoin pour comprendre la gravité de la situation. Elle ne l’avait probablement jamais vu aussi paniqué de sa vie. Elle pouvait sentir les battements de son coeur faire vibrer sa baguette contre son flanc. 

“On doit y aller.” déclara Harry. 

“Mais où ?” demanda-t-elle, sa voix pleine de tremblements incontrôlables. 

“Au Ministère.” dit-il, et Hermione écarquilla grand les yeux. “Depuis des mois, je rêve de cette porte noire qui me hante, et je viens enfin de me souvenir où je l’ai vue ! C’est la porte du Département des Mystères, au Ministère, je l’ai aperçue lorsque j’y suis allé pour mon procès cet été !” 

“Et tu viens de la revoir ?” demanda Hermione sans comprendre. 

“J’ai eu… une vision, une image, peu importe.” Avant qu’elle ne puisse lui rappeler l’importance de fermer son esprit, Harry continua dans un murmure saccadé : “Je suis entré dans la tête de Voldemort, et je l’ai vu… torturer Sirius pour avoir des informations. Il était dans cette salle, Hermione, j’en suis sûr, et nous devons aller le sauver !” 

“Le sauver ?” s’étrangla-t-elle. 

“Oui !” répondit Harry, et il lui parut tellement adulte tout à coup que ça lui coupa le souffle. 

“Mais, Harry… Le Ministère, je… comment on…”

“Hermione.” coupa-t-il. “Il est la seule famille qu’il me reste.” 

Cette phrase l’arrêta net. Il était décidé. Harry ne savait pas comment aller au Ministère depuis Poudlard, il ne savait même pas si ce qu’il avait vu était réel, mais il savait qu’il allait s’y rendre tout de même. Parce qu’il n’avait pas le choix. Si Sirius était vraiment en train de se faire torturer par Voldemort, il devait aller le sauver, c’était vital. 

Hermione savait que peu importe ce qu’elle dirait, Harry irait au Ministère. Elle pouvait le voir dans ses yeux. Alors, elle se força à ravaler toute sa raison qui lui criait de contester et hocha gravement la tête. 

Ron se fraya un chemin vers eux en bousculant les élèves sur son passage. Hermione avait oublié que, seulement quelques secondes plus tôt, elle était en train d’applaudir le départ des jumeaux. Tout était allé si vite, elle avait du mal à comprendre comment tout le monde pouvait continuer à sourire autour d’elle.

“Que s’est-il passé ?” demanda Ron en aidant Harry à se relever. 

“Viens.” répondit Harry, et il décampa vers le Château sans les attendre. 

Ron et Hermione le suivirent à toutes jambes et grimpèrent les escaliers deux par deux derrière Harry. Dans un souffle, Hermione raconta à Ron ce qu’Harry venait de lui dire et elle vit son visage pâlir à vue d’oeil. Mais Ron ne demanda pas si Harry était sûr. Il ne lui reprocha pas de pouvoir entrer dans la tête de Voldemort. La première question qu’il posa, ce fut : 

“Comment on va faire ?” 

“Nous devons aller à Londres.” répondit Harry devant eux sans s’arrêter de courir. “On est seuls, il n’y a plus de membre de l’Ordre, avec le départ de Dumbledore, d’Hagrid et de McGonagall…”

Ron et Hermione échangèrent un regard plein de panique. 

“Harry…” commença Hermione avec hésitation.

“Quoi ?” 

“Et si Voldemort… s’il essayait de te faire croire…?”

Harry s’arrêta au milieu des marches et fit volte-face, la colère déformant grossièrement ses traits : 

“Hermione, Sirius est en train de se faire torturer EN CE MOMENT MÊME…”

“Hey.” 

Le trio se retourna d’un même mouvement. Ginny et Luna étaient derrière eux, la première le front plissé par l’inquiétude et la seconde avec le même air absent qu’elle arborait quotidiennement. 

“Tout va bien ?” demanda Ginny. “Pourquoi tu cries comme ça, Harry ?”

“Ça ne te regarde pas !” répondit le concerné brutalement. 

Ginny haussa les sourcils. 

“Pas la peine de me parler sur ce ton.” dit-elle avec froideur. “Je me demandais simplement si je pouvais me rendre utile.”

Elle croisa les bras sur sa poitrine et dévisagea Harry d’une manière dont elle n’aurait jamais pu quelques années auparavant. 

“Eh bien non, tu ne peux pas.” trancha Harry, cassant. 

“Tu n’es pas très poli, tu sais.” fit remarquer Luna. 

Harry poussa un juron et s’appuya contre la rambarde de l’escalier. 

“Attends…” dit soudain Hermione. “Attends… Harry, je crois au contraire qu’elles peuvent nous être utiles.” Harry et Ron se tournèrent vers elle. “Écoute…” poursuivit-elle. “Nous devons savoir si Sirius a véritablement quitté le quartier général…”

“Je t’ai déjà dit que j’ai vu…” 

“Harry, je t’en supplie, s’il te plaît !” l’interrompit Hermione d’un ton désespéré. “Laisse-nous simplement vérifier que Sirius n’est plus chez lui avant de foncer à Londres. Si nous nous apercevons qu’il n’est plus là, alors, je te jure que je n’essaierai pas de te retenir. Je viendrai avec toi, je ferai… tout ce qui est possible pour essayer de le sauver.” 

“Sirius est torturé EN CE MOMENT MÊME !” s’écria Harry. “Nous n’avons pas de temps à perdre !” 

“Mais si c’est une ruse de Voldemort, Harry, nous devons vérifier, il le faut !” insista Hermione. 

“Comment ?” interrogea-t-il. “Comment on va s’y prendre pour vérifier ?” 

“On se servira de la cheminée d’Ombrage pour voir si on peut le contacter.” répondit Hermione du tac au tac, bien qu’elle était terrifiée par ce plan improvisé. “On va de nouveau attirer Ombrage ailleurs, mais nous aurons besoin de quelqu’un pour faire le guet et c’est là que Ginny et Luna peuvent nous être utiles.”

Bien qu’elle n’eût visiblement rien compris à ce qui se passait, Ginny répondit aussitôt : 

“D’accord, vous pouvez compter sur nous.” 

“Quand vous dites Sirius, vous voulez parler de Stubby Boardman ?” demanda tranquillement Luna. 

Personne ne lui répondit. 

“D’accord.” dit Harry à Hermione d’une voix agressive. “Si tu trouves le moyen de le faire vite, je marche avec toi, sinon, je vais tout de suite au Département des Mystères.”

“Département des Mystères ?” dit Luna, légèrement surprise. “Et comment tu vas aller là-bas ?” 

Cette fois encore, personne ne lui prêta aucune attention.

“Bien.” reprit Hermione. “Bon alors, il faut que l’un de nous aille trouver Ombrage pour… pour l’envoyer dans la mauvaise direction et la garder le plus longtemps possible éloignée de son bureau. On pourrait lui dire… je ne sais pas… que Peeves est en train de tout ravager quelque part, comme d’habitude…”

“Je m’en occupe !” proposa aussitôt Ron. “Je lui dirai qu’il casse tout dans le département de Métamorphose ou quelque chose comme ça, c’est à des kilomètres de son bureau. D’ailleurs, quand j’y pense, je pourrais aussi bien essayer de convaincre Peeves de le faire vraiment si je le rencontre sur mon chemin.”

“D’accord.” dit Hermione en hochant rapidement la tête. “Maintenant, il faut qu’on empêche les autres de s’approcher du bureau d’Ombrage pendant qu’on force la porte sinon, on risque d’être repérés par un Serpentard qui ira la prévenir.”

 “Luna et moi, on n’a qu’à se mettre à chaque bout du couloir.” dit Ginny. “Pour prévenir les gens que quelqu’un a répandu du Gaz Étrangleur.” Hermione fut surprise de la rapidité avec laquelle Ginny avait trouvé ce mensonge. Cette dernière haussa les épaules et expliqua : “Fred et George avaient l’intention de le faire pour de bon avant de partir.”

“D’accord… Harry, toi et moi, on se mettra sous la cape d’Invisibilité et on s’introduira dans le bureau pour que tu puisses parler à Sirius…” 

“Il n’est pas là, Hermione !” 

“Tu peux… Tu peux au moins vérifier s’il est chez lui ou pas pendant que je surveille le bureau.” proposa Hermione. “Mais il ne faut pas que tu y restes tout seul. Lee a déjà montré que la fenêtre était un point faible en y faisant passer les Niffleurs.”

“Je… D’accord, merci.” marmonna Harry. 

“Mais même si on fait tout ça, je ne pense pas qu’on puisse disposer de plus de cinq minutes.” reprit Hermione, soulagée que Harry ait accepté son plan. “Avec Rusard et l’horrible Brigade Inquisitoriale qui se promènent un peu partout…” 

Ginny regarda dans sa direction et Hermione savait qu’elle pensait à la même chose qu’elle. Si Drago venait à croiser Harry dans un moment aussi critique, ils pouvaient dire adieu à leur plan.

“Cinq minutes suffiront.” assura Harry. “Viens, allons-y.” 

“Va chercher la cape d’Invisibilité et on se retrouve au bout du couloir d’Ombrage.” ordonna Hermione. 

Harry ne prit pas la peine de répondre, il repartit à toute allure pour aller chercher la cape. 

“Je vais chercher Peeves pour aller distraire Ombrage.” décida Ron en descendant les escaliers qu’ils venaient de monter. “On se retrouve devant son bureau dans dix minutes maximum.” 

Il ne resta plus que Ginny, Luna et Hermione. Cette dernière ne savait plus vraiment si les battements frénétiques du coeur qu’elle sentait contre sa peau était ceux d’Harry ou les siens. 

“On va chercher Neville.” annonça Ginny en attrapant la main de Luna. “Il détesterait être exclu de l’action.” 

“D’accord, je vais vérifier que le bureau d’Ombrage n’est pas soumis à des sortilèges de protection.” dit Hermione.

Ginny hocha la tête et le groupe se sépara, Hermione remonta les marches vers le bureau d’Ombrage en faisant la liste mentale de tout ce qui pouvait mal se passer. Comment allaient-ils se rendre à Londres ? En utilisant la cheminée d’Ombrage ? Peut-être qu’ils pouvaient se rendre à Pré-Au-Lard et contacter Arthur Weasley ou Tonks de là-bas ?

Hermione arriva devant le bureau à bout de souffle. Elle attendit que les élèves qui marchaient dans le couloir soient trop absorbés par leurs conversations pour vérifier ce qu’elle faisait et leva sa baguette vers la porte, juste pour vérifier qu’aucun sortilège ne puisse les empêcher d’entrer, ou déclencher une alarme… 

Soudain, quelqu’un lui attrapa le bras et elle hoqueta de surprise, manquant presque de faire tomber sa baguette. C’était Drago. C’était la première fois qu’il la touchait devant autant de témoins. Sa mâchoire était contractée, mais il n’Occludait pas. Il la tira par la manche de sa cape et l’emmena dans un recoin isolé, au bout du couloir. Hermione pouvait voir ses iris bleus foncés, couleur de l’océan, regarder fixement en face de lui, et il n’affichait aucune expression autre qu’une passable irritation. La lumière se réfleta dans son badge de la Brigade Inquisitoriale accroché à sa poitrine et Hermione comprit qu’il faisait semblant d’être dans son rôle. Il était tellement convaincant qu’Hermione s’apprêtait presque à l’entendre lui retirer des points. 

Il ouvrit les doubles portes qui menaient vers une sorte de balcon en pierre. D’habitude, il était flanqué de deux gargouilles qui passaient leur temps à commérer, mais ce soir-là, elles étaient absentes. Peut-être avaient-elles voulu assister au départ des jumeaux. Dans le ciel, Hermione pouvait apercevoir les traces de fumées pas encore totalement dissipées par leurs feux d’artifice. 

Elle se tourna vers Drago. Son visage avait complètement changé. En l’espace d’une seconde, il était passé d’un vague agacement à une profonde inquiétude. Son regard était suppliant, sa main toujours sur la poignée des doubles portes qu’il serrait si fort que ses phalanges étaient devenues blanches. 

“Tu pars.” déclara-t-il. Ce n’était pas une question, plutôt une accusation. 

Hermione se raidit. 

“Oui.” répondit-elle honnêtement.

À quoi bon lui mentir ? Il voyait clair dans son jeu depuis la première fois qu’il avait posé les yeux sur elle. 

“Et tu ne peux pas me dire où, c’est ça ?” siffla Drago entre ses dents. Il oscillait entre la peur et la colère et le changement d’émotions assombrissait alternativement ses yeux. Ça aurait été un spectacle fascinant si Hermione n’était pas si troublée. “Tu le suis aveuglément, et tu ne peux même pas me dire où ? Pourquoi ? Pour qui ?” 

“Non, je ne peux pas.” dit Hermione d’une toute petite voix. 

Drago se passa une main sur le visage et soupira. Elle pouvait voir qu’il essayait de se contenir, qu’il avait envie d’hurler mais qu’il se retenait pour ne pas lui faire peur. Ses doigts tremblaient quand il se frotta les paupières. 

“Hermione…” dit Drago tout doucement. “Hermione, s’il te plaît. Réfléchis. Tu sais que ça va mal finir. S’il te plaît, ne prends pas de décisions spontanées.”

“Harry a besoin de moi.”

“La dernière fois que tu m’as dit ça, tu as failli te faire exploser par Ombrage sous mes yeux.” gronda-t-il. “Je ne sais pas ce que Potter manigance, mais s’il te plaît, Hermione, ne le suis pas. Il s’attaque à quelque chose qui est trop grand pour nous. C’est un autre monde, et il est trop dangereux pour que tu t’aventures dedans sans conséquence. S’il te plaît…”

“Je ne peux pas le laisser y aller tout seul !” 

“Si, tu peux !” asséna Drago en lâchant la poignée pour se rapprocher d’elle. “Il est assez grand pour assumer les conséquences de ses actes, mais tu n’as pas besoin d’être un dommage collatéral. Ça dépasse les séances de défense à Poudlard, Hermione. Vous n’avez aucune idée de ce qu’il se passe là-bas, tu pourrais te faire tuer !” 

“Je n’ai pas le choix, Drago !” dit Hermione, qui voyait les secondes défiler avec un sentiment de panique grandissant. Elle estimait que cinq minutes étaient passées depuis qu’elle avait quitté Harry, Ron, Ginny et Luna. “Je ne peux pas rester ici, si Harry a besoin de moi, je dois y aller, tu le sais. Si c’était Pansy, ou Théo…”

“Si c’était Pansy ou Théo, je les aurai raisonnés.” coupa Drago sèchement. “Je les aurai fait changer d’avis. Je ne les aurai certainement pas laissé foncer tête baissée Merlin-sait-où. Et puis, de toute manière, ils ne se seraient jamais fait avoir, leurs parents sont des Mangemorts, ils savent que trop bien les horreurs qu’ils font subir tous les jours à des gens comme toi.” 

Hermione frissonna et le regard de Drago s’adoucit considérablement. Il tendit la main vers elle et s’approcha de quelques pas, précautionneusement, comme si elle était un animal sauvage qu’il devait capturer avant qu’elle ne s’échappe de sa cage. 

“Je ne dis pas ça pour être méchant, Hermione.” dit-il doucement. “C’est un fait. Si tu croises quelqu’un comme le père de Théo, il n’hésitera pas. Et ce genre de personne peut te faire subir des choses atroces, Hermione. Il est hors de question que je les laisse faire. S’il te plaît, reste avec moi.” 

“Je ne peux pas les laisser partir sans moi.” chuchota Hermione. Ils pouvaient entendre les clameurs des élèves en dessous qui discutaient joyeusement de la prestation des jumeaux Weasley, ignorant que, quelques étages plus haut, Hermione était en train de briser le coeur de celui qu’elle aimait. “Je suis désolée, Drago, il le faut. Je mourrais de culpabilité et d’angoisse si je restais ici pendant qu’ils seront en train de se battre pour leurs vies. Je dois me battre avec eux. Quelqu’un… quelqu’un que j’aime est en danger.”

L’expression de Drago s’endurcit, ses yeux plus glacés que jamais. Il pointa son torse avec son index : 

“Moi, je t’aime.” siffla-t-il entre ses dents. “Ça ne te suffit pas pour rester ? Hermione, si tu pars et que tu ne reviens pas, je…”

Sa voix se brisa à la fin de sa phrase et il baissa la tête comme s’il avait soudain du mal à respirer. Chaque cellule du corps d’Hermione la poussait à se jeter sur lui pour le toucher, le rassurer, mais elle resta fixement debout devant lui sans rien faire. 

“Je t’aime aussi.” souffla-t-elle, et elle espérait que ses mots portaient la sincérité de ses sentiments à son égard. Elle l’aimait tellement qu’il pouvait presque la convaincre de rester. Presque. “Mais ça serait réfuter ma nature que d’abandonner Harry et les autres, et tu le sais. Je dois y aller.” 

Elle esquissa un mouvement pour retourner près des portes et Drago laissa échapper un gémissement plaintif entre ses lèvres en la voyant partir. Il fit alors quelque chose qu’Hermione n’avait vu qu’une seule fois dans sa vie, et qui fit tomber brutalement son estomac. Drago s’effondra par terre à genoux face à elle, joignit ses deux mains ensemble, et quand il leva la tête vers elle, Hermione fut instananément happée par ses yeux du bleu le plus profond de la palette des couleurs du ciel. 

“Hermione, je t’en supplie.” implora-t-il d’une voix grave, qui résonna en elle comme un écho. “Ne pars pas, s’il te plaît. Pour moi. Je t’en conjure.”

C’était trop dur de le regarder. Elle ferma les yeux et inspira, sa respiration hachée par des larmes qu’elle n’avait pas senti venir. Elle serra sa baguette entre ses doigts et sentit les battements de coeur irréguliers d’Harry, et essaya vainement de se conforter dans l’idée qu’elle prenait la bonne décision. Mais faire du mal à Drago était la chose la plus difficile qu’elle puisse faire, et rien n’atténua sa douleur de prononcer ces mots : 

“Je suis désolée, Drago, mais je ne peux pas.” 

Elle rouvrit les yeux et contourna sa figure agenouillée au sol pour rentrer dans le Château. Par pur égoïsme, elle ne le regarda pas une dernière fois. Elle ne voulait pas que sa peine soit la dernière image qu’elle ait de lui. Il ne dit rien quand elle ouvrit la porte, mais elle entendit quelque chose qui ressemblaient à des pleurs dans son dos. Elle ne se retourna pas pour vérifier. 

Quand elle arriva au lieu de rendez-vous, Ron, Ginny et Luna l’attendaient déjà. 

“Neville ?” demanda Hermione d’une voix blanche et étrangère à ses propres oreilles. 

Ginny lui lança un regard interloqué, mais Ron ne remarqua pas à quel point elle était bouleversée. Il devait penser qu’elle était inquiète pour ce qui allait se passer. 

“Il arrive.” dit Ginny.

“Ombrage ?” demanda Hermione en se tournant vers Ron. 

“Je lui ai dit que Peeves était en train de tout détruire, elle ne devrait pas être dans les parages pendant que vous êtes dans le bureau.” 

“Nous devons établir un signal si elle arrive.” décréta Hermione. 

“On a qu’à chanter quelque chose si elle rapplique.” dit Ginny d’un air déterminé. “Les paroles de Weasley est notre roi ?”

Les oreilles de Ron prirent la teinte rouge habituellle de honte mais avant qu’il ne puisse trouver un autre signal, Harry réapparut.

“Ça y est, j’ai tout ce qu’il faut.” dit-il, haletant. “Vous êtes prêts ?”

Tout le monde acquiesça et Harry recouvrit Hermione et lui-même de la cape d’Invisibilité d’un mouvement expert. L’ascenseur émotionnel que vivait Hermione était difficile à supporter. Elle avait l’étrange impression d’être toujours sur ce balcon avec Drago, tant et si bien qu’elle avait du mal à se mettre dans le moment présent. Elle essaya de se focaliser sur la mission à venir et à l’urgence de la situation : Sirius était peut-être en train de se faire torturer par Voldemort en ce moment-même.

“Viens par là.” murmura-t-elle en conduisant Harry dans un recoin du couloir pour éviter de se faire bousculer par des élèves qui passaient. “Tu… Tu es sûr que ça va, Harry ? Tu es toujours très pâle…”

“Je vais très bien.” répliqua-t-il. 

Avec les faibles faisceaux qui parvenaient à traverser la fine épaisseur de la cape autour d’eux, Hermione eut l’impression que la cicatrice d’Harry était plus rouge et turgide que d’habitude. 

“On ne peut pas passer par là !” criait Ginny à la foule des élèves. “Désolée, il faut passer par l’escalier tournant, quelqu’un a répandu du Gaz Étrangleur dans le couloir…”

Ils entendirent des protestations. 

“Je ne vois pas de gaz, ici.” dit une voix grincheuse. 

“C’est parce qu’il est incolore.” répondit Ginny d’un ton exaspéré qui semblait tout à fait convaincant. “Mais si tu veux passer quand même, vas-y, on montrera ton corps au prochain imbécile qui refusera de nous croire.”

Peu à peu, il y eut de moins en moins de monde. La nouvelle de la présence du Gaz Étrangleur s’était largement diffusée et plus personne n’empruntait le couloir. Lorsque les alentours furent complètement dégagés, Hermione chuchota à l’oreille de Harry :

“Je crois qu’on ne peut pas espérer mieux. Viens, on y va.”

Ils avancèrent aussi vite que la cape leur permettait et passèrent devant Ginny qui faisait des grands mouvements de bras pour indiquer aux autres que le passage était bloqué. 

“Bravo… N’oublie pas le signal.” souffla Hermione. 

“C’est quoi, le signal ?” marmonna Harry alors qu’ils approchaient de la porte d’Ombrage. 

“Si l’une d’elles voit Ombrage revenir, elle devra chanter très fort Weasley est notre roi.”

En arrivant devant la porte du bureau, Hermione réalisa avec horreur qu’elle n’avait pas eu le temps de vérifier qu’un sortilège était installé pour les repousser. Elle avait été tellement accaparée par les suppliques de Drago qu’elle avait complètement oublié qu’elle était censée le faire. Harry glissa la lame du couteau de Sirius dans l’interstice entre la porte et le mur et Hermione retint son souffle. 

La serrure s’ouvrit avec un déclic, et ils pénétrèrent dans le bureau. Elle poussa un soupir de soulagement : 

“J’avais peur qu’elle ait installé de nouveaux systèmes de sécurité après le deuxième Niffleur…”

Ils ôtèrent la cape et Hermione se précipita à la fenêtre pour surveiller le parc, baguette à la main. Harry, lui, se rua sur la Poudre de Cheminette qui était posée sur le rebord de la cheminée et en jeta hâtivement dans l’âtre : 

“12, square Grimmaurd !” indiqua-t-il. 

Il s’agenouilla devant le feu vert émeraude et plongea sa tête à l’intérieur. Elle pouvait l’entendre appeler Sirius, mais sa voix était étouffée, comme s’il était très loin. Elle jetait frénétiquement des regards vers lui en tentant d’analyser si les muscles contractés de son dos et de sa nuque étaient une indication de la présence de Sirius au Square Grimmaurd.

Soudain, la porte du bureau d’Ombrage s’ouvrit à la volée, sortant pratiquement de ses gonds, et Hermione sursauta. À sa grande horreur, Ombrage se tenait dans l’embrasure, sa baguette ridiculeusement courte pointée devant elle. Son regard étincela de joie en voyant Harry agenouillé devant la cheminée. Hermione leva sa baguette pour lui lancer un sortilège de Désarmement, mais sa main tremblait tellement qu’elle ne savait pas si elle allait pouvoir viser correctement. 

“Attrapez-la.” ordonna Ombrage à quelqu’un à côté d’elle. 

Millicent Bulstrode entra dans la pièce, dépassant Hermione d’au moins quinze centimètres. Sans hésiter, elle se jeta sur Hermione qui n’eut même pas le temps de penser à une incantation avant que Bulstrode lui torde le poignet pour faire dévier sa trajectoire. Elle l’immobilisa et la plaqua férocement contre le mur, manquant de lui cogner la tête contre le rebord de la fenêtre au passage. 

Ombrage se précipita sur Harry et l’attrapa par les cheveux pour le faire sortir de la cheminée. Harry s’étouffa, la bouche remplie de cendres. 

“Lâchez-le !” glapit Hermione.

Ombrage l’ignora et lui tordit le cou en arrière : 

“Vous pensez sans doute qu’après deux Niffleurs, j’allais à nouveau laisser une ignoble petite créature fouiner dans mon bureau quand j’ai le dos tourné ? Depuis la dernière fois, j’ai jeté des sortilèges Anticatimini tout autour de ma porte, espèce d’idiot. Prenez sa baguette.”

Hermione était piégée. Le corps de Millicent Bulstrode était suffisamment imposant pour qu’elle ne puisse plus faire le moindre mouvement, et elle la serrait tellement fort qu’elle eut très vite des étoiles qui dansaient devant ses yeux. Elle se sentait terriblement mal de ne pas avoir vérifié les potentiels sortilèges sur la porte, elle aurait eu largement le temps de l’annuler et permettre à Harry de gagner quelques précieuses minutes. 

Et quand Hermione pensa que la situation ne pouvait pas être pire, Drago entra dans la pièce. 

C’était la troisième fois que son visage changeait radicalement ce soir. Hermione l’avait vu inquiet, suppliant, et maintenant, il semblait furieux. Ses yeux se posèrent sur elle à l’instant où il entra et elle vit ses pupilles se rétrecir, même d’aussi loin. Ses poings se serrèrent et il fit un pas vers elle, mais il se ravisa et se dirigea plutôt vers Harry et Ombrage. Il fouilla la poche de son gilet et attrapa sa baguette, puis alla s’asseoir sur le rebord de la fenêtre, près d’Hermione. 

“La sienne aussi.” ajouta Ombrage.

Millicent lui arracha sa baguette des mains et pressa Hermione plus fort contre le mur en pierre. Elle laissa échapper un râle de douleur contre son gré.

“Pas si fort, Millicent.” ordonna Drago dans un chuchotement, assez bas pour qu’Ombrage n’entende pas. “Tu vas l’étouffer.”

“Et alors ?” railla la ravisseuse d’Hermione. 

Elle relâcha tout de même sa prise, suffisamment pour qu’Hermione puisse avaler une goulée d’air saturé de rose séchée. Drago était assis dans une posture de désinvolture pure, pourtant, Hermione était la seule personne de la pièce à voir la veine de son cou pulser, ses doigts contractés contre sa baguette, et ses yeux fuyant le bureau au fond de la pièce où elle s’était faite torturée des heures durant. 

“Je veux connaître les raisons de votre présence ici.” dit Ombrage. 

Elle secoua la touffe de cheveux qu’elle serrait dans son poing en faisant vaciller Harry sur ses jambes. 

“J’essayais… de récupérer mon Éclair de feu !” répondit-il d’une voix rauque. 

“Menteur !” hurla-t-elle en lui secouant à nouveau la tête. “Votre Éclair de feu est sous bonne garde dans les cachots, vous le savez très bien, Potter. Vous aviez la tête dans ma cheminée. Avec qui étiez-vous en train de communiquer ?” 

“Personne.” mentit Harry en essayant de se dégager. 

“Menteur !” cria de nouveau Ombrage.

Elle le projeta contre le bureau qu’il se prit de plein fouet. Quelques élèves de la Brigade Inquisitoriale entrèrent dans la pièce, tenant fermement Ron, Ginny, Luna et Neville, qui se débattaient tous en vain, bâillonnés. Parkinson n’était pas parmi eux. 

Un élève de Serpentard dont Hermione ne connaissait pas le nom poussa brutalement Ron pour qu’il se mette à côté d’elle : 

“Nous les avons tous. Celui-là…” il pointa un index épais en direction de Neville “... a essayé de m’empêcher d’emmener celle-ci…” il désigna Ginny qui essayait de donner des coups de pied dans les tibias de la fille de Serpentard qui la maintenait. “... alors, j’ai décidé de l’ajouter aux autres.”

“Très bien, très bien.” se réjouit Ombrage en regardant Ginny se débattre. “Il semble que Poudlard sera bientôt un espace libéré des Weasley.”

Drago ricana, mais le rire sonnait faux, tellement faux qu’Hermione se demanda comment personne ne pouvait le remarquer. 

“Alors, Potter…” dit Ombrage avec un sourire satisfait. “Vous avez installé des guetteurs, ou plutôt des guetteuses, autour de mon bureau et vous avez envoyé ce bouffon…” elle désigna Ron d’un signe de tête. “... me raconter que l’esprit frappeur détruisait tout au département de Métamorphose alors que je savais pertinemment qu’il était occupé à badigeonner d’encre les lentilles des télescopes. Mr Rusard venait de m’en informer. De toute évidence, il était très important pour vous de parler à quelqu’un. Était-ce Albus Dumbledore ? Ou l’hybride Hagrid ? Je ne pense pas qu’il puisse s’agir de Minerva McGonagall, j’ai entendu dire qu’elle n’était plus en état de parler à quiconque.”

Cette dernière remarque déclencha une réaction virulente chez Hermione qui se mit à gesticuler dans tous les sens pour essayer de se défaire de l’emprise de Millicent, mais elle ne réussit qu’à se faire restreindre encore plus. Drago éclata de nouveau de son rire faux et moqueur. 

“Vous n’avez pas à savoir à qui je parlais, ça ne vous regarde pas.” gronda Harry avec hargne.

“Très bien.” répliqua-t-elle de sa voix la plus menaçante et la plus doucereuse, très bien, Mr Potter… Je vous ai donné une chance de me répondre librement. Vous avez refusé. Je n’ai maintenant plus d’autre choix que de vous forcer à parler. Drago, allez chercher le professeur Rogue.”

Drago n’avait pas l’air de vouloir suivre cet ordre du tout. Il jeta un coup d’oeil aux élèves de Serpentards, et particulièrement Millicent, en vérifiant qu’elle ne serrait pas Hermione trop fort. Il esquissa un sourire crispé à l’adresse d’Ombrage et sortit rapidement du bureau.

Ombrage jeta Harry dans un fauteuil et se positionna face à lui, son visage boursouflé à quelques centimètres du sien. Hermione ne savait pas comment se sortir de cette situation. Ils étaient piégés, et au vu de la panique d’Harry, Sirius n’était pas au Square Grimmaurd. Sa vision avait été réelle. 

Hermione tourna la tête vers Ron. Un filet de sang coulait de sa lèvre et gouttait sur le tapis du bureau. Il la regarda et ils eurent la même révélation au même moment : Rogue faisait partie de l’Ordre, peut-être pourrait-il les aider ? 

Drago revint quelques minutes plus tard, suivi de près par Rogue, habillé de noir de la tête au pied. Rien, sur son expression façiale, ne laissa transparaître la moindre surprise de voir Harry piégé dans le fauteuil et les cinq Gryffondors emprisonnés derrière lui par des élèves de sa Maison. 

“Vous vouliez me voir, Madame la Directrice ?” demanda-t-il d’une voix veloutée. 

“Ah, Professeur Rogue.” dit Ombrage en lui lançant un sourire qu’elle devait espérer être éclatant. “Oui, je souhaiterais un autre flacon de Véritaserum, s’il vous plaît.”

Hermione vit le corps de Drago se raidir en entendant cette requête. 

“Vous avez pris mon dernier flacon pour interroger Potter.” répondit Rogue en l’observant d’un regard froid à travers le rideau de cheveux noirs et graisseux qui lui tombaient autour de la figure. “Vous ne l’avez sûrement pas utilisé entièrement ? Je vous avais dit que trois gouttes seraient suffisantes.”

Ombrage rougit sans perdre son sourire. 

“À moins que vous souhaitiez empoisonner Potter, et croyez-moi, vous auriez ma plus grande sympathie si vous le faisiez, je ne peux pas vous aider.”

Rogue se retourna pour partir, faisant voler sa grande cape noire derrière lui en se tournant, mais avant qu’il ne franchise le seuil de la porte, Harry s’écria : 

“Il a Patmol ! Il a Patmol, à l’endroit où la chose est cachée !”

Hermione écarquilla grand les yeux en scrutant Rogue. Mais encore une fois, il ne laissa rien voir, pas même une trace qu’il avait compris son avertissement codé. 

“Patmol ?” questionna Ombrage. “Qu’est-ce qu’un Patmol ? Rogue, de quoi parle-t-il ?”

Rogue fit valser son regard sombre d’Harry à Ombrage et arqua un sourcil : 

“Je n’en ai pas la moindre idée.” déclara-t-il simplement. 

Et il quitta la pièce sans un mot de plus. 

Hermione essaya de capter le regard de Drago, mais il l’ignorait à présent, comme s’il ne supportait plus de la regarder. 

Ombrage dodelina légèrement de la tête et posa son index contre sa lèvre inférieure, en grande réfléxion : 

“Très bien…” dit-elle à voix haute sans le réaliser. “Très bien, Potter, puisque je n’ai pas d’autre choix… et étant donné que c’est un problème qui relève de la sécurité du Ministère… Je me vois obligée de le faire… Le sortilège Doloris devrait vous délier la langue…”

Tous les Gryffondors bâillonnés gémissèrent d’horreur. 

“C’est illégal !” protesta Hermione, et Millicent appuya son corps contre son dos avec plus de force pour la faire taire. 

“Ce que Cornélius ignore ne peut pas lui porter tort.” déclara Ombrage en posant le cadre où une photo du Ministre reposait face contre le bureau. “Il n’a jamais su que j’avais donné l’ordre à des Détraqueurs d’aller s’occuper de Potter l’été dernier, mais il a quand même été ravi d’avoir une occasion de le renvoyer…”

“C’était vous ?!” s’exclama Harry, le souffle coupé. “Vous m’avez envoyé les Détraqueurs ?”

“Il fallait bien que quelqu’un agisse.” dit Ombrage dans un murmure, sa baguette magique pointée à présent sur le front de Harry. “Ils étaient tous là à gémir qu’on devait absolument vous faire taire, vous discréditer, mais j’ai été la seule à agir en ce sens… L’ennui, c’est que vous avez réussi à vous en sortir, n’est-ce pas, Potter ? Aujourd’hui, en revanche, vous ne vous en sortirez pas, plus maintenant…”

Hermione n’arrivait plus à respirer. Drago avait la tête fermement tournée loin d’elle, la mâchoire plus contractée que jamais. Il devait les aider, il le fallait… 

Ombrage prit alors une profonde inspiration et s’écria : 

“Endol…”

“NON !” hurla Hermione. Elle ne pourrait pas supporter de voir Harry subir un tel sort devant elle sans pouvoir l’aider. “Non… Harry… Il faut le lui dire !”

“Me dire quoi ?” demanda Ombrage en détournant les yeux d’Harry pour la regarder elle. 

Harry lui lança un regard plein de panique. 

“Si tu ne lui dis pas où elle est…” improvisa Hermione. “Je vais le faire.” 

“Où quoi est ?” s’impatienta Ombrage. 

“L’arme secrète de Dumbledore.” inventa-t-elle. 

Elle sentit le regard interloqué de Ron sur elle mais heureusement, Ombrage était trop concentrée sur elle pour le remarquer. Drago, lui, fixait toujours la porte du bureau sans lui prêter aucune attention. 

“L’arme ?” répéta la professeure sans cacher son excitation. “De Dumbledore ? Où est-elle ?” 

“Elle n’est pas loin…” gémit Hermione, qui n’avait pas besoin de faire semblant d’être terrifiée pour paraître convaincante. 

“Montrez-la moi.” ordonna Ombrage. “Potter aussi. Les autres, vous restez ici.” 

Millicent se décala brusquement d’Hermione qui vacilla sur ses jambes. Sa poitrine était compressée par l’angoisse et le peu d’air qu’elle avait pu respirer ces dernières minutes. En comprenant qu’Ombrage l’emmenait, Drago se redressa soudain du rebord de la fenêtre : 

“Professeure Ombrage…” dit-il précipitamment. “Je pense que des membres de la Brigade devraient venir avec vous pour veiller à…”

“Je suis une représentante officielle et parfaitement qualifiée du ministère de la Magie, Malefoy, vous pensez vraiment que je ne peux pas me débrouiller toute seule face à deux adolescents désarmés ?” demanda-t-elle d’un ton sec. “En tout cas, il semble préférable que les élèves de l’école ne voient pas cette arme. Vous resterez donc ici jusqu’à mon retour en vous assurant que ces jeunes gens ne puissent pas s’échapper.” 

Les épaules de Drago tombèrent de déception. 

“Très bien.” répondit-il. 

“Vous deux, vous allez passer devant moi pour me montrer le chemin.” annonça Ombrage en pointant sa baguette magique sur Harry et Hermione. “On y va.”

Millicent lâcha enfin les bras d’Hermione et elle suivit Ombrage sur ses jambes tremblantes. Quand elle passa à côté de Drago, le bout de sa baguette magique frôla sa hanche et Hermione entendit nettement le grondement sourd de Ron derrière son bandeau. Quelle ironie, pensa-t-elle. Il avait peur du garçon qui lui ferait le moins de mal dans cette pièce, y compris Harry. 

Sa main effleura la sienne dans un pli de sa cape et Drago lui saisit le poignet, pas assez fort pour la retenir, mais assez pour qu’elle se fasse électriser par son contact. Il pressa son pouce contre sa peau, une fois, et Hermione ressentit toutes ses suppliques intérieures à travers ce geste. Il ne la regardait pas, mais c’était comme s’il lui hurlait de rester. 

Hermione fit alors la chose la plus dure qu’elle eut à faire de toute sa vie : elle dégagea son poignet, et alla rejoindre Harry et Ombrage à l’entrée du bureau. 

Elle était certaine d'entendre le cœur de Drago se briser derrière elle. 

Notes:

Aïe aïe aïe... prochain chapitre, la bataille du Ministère...