Chapter Text
"Mais c'est qui?" demanda Drago pour la troisième fois, et Lucius savait qu'il y en aurait une quatrième. Il ne dit rien ; son fils n'avait pas besoin de le savoir.
Ils traversèrent une cour pour atteindre une large porte en bois. De chaque côté se trouvaient des torches dont la lumière des flammes luisait sur les pavés froids et humides, et leurs pas résonnaient contre les hauts murs qui les encerclaient.
Lucius n'avait pas besoin d'alerter qui que ce soit de sa présence, la porte s'ouvrit aussitôt qu'ils l'approchèrent et les Malefoy entrèrent dans le château.
Drago essayait de marcher aussi vite que son père mais il avait parfois besoin de trotter pour le rattraper. Il ne regardait plus autour de lui, il ne posait plus aucune question, pas depuis qu'ils avaient pénétré dans l'habitation. Il gardait juste un œil sur la chevelure de son père, qui cascadait sur ses épaules et son dos et qui était quasiment la seule chose qu'il pouvait encore discerner dans la pénombre des corridors et escaliers.
Ils arrivèrent finalement à la dernière porte que Drago allait franchir ce soir-là. Elle s'ouvrit et il découvrait un large salon illuminé. Un feu brûlait dans la cheminée et le long fauteuil face aux flammes l'invitait à s'asseoir et grignoter, même si tout ce qui se trouvait sur la petite table était des fruits. Lucius fit un geste en direction du canapé, comme s'il avait lu les pensées de son fils.
"Tu vas attendre ici. Ne mange pas trop, tu sais que ta mère nous attend."
Le sourire de Drago parvint presque à adoucir les traits de Lucius, mais il était là pour travailler. Drago observa son père entrer dans la pièce pour se diriger vers une autre porte. Il était lui-même sur le point de franchir le seuil lorsqu'un gros son étouffé lui parvint de très loin dans l'habitation, comme si quelque chose de très lourd était tombé quelque part dans le château. Il regarda le couloir sombre derrière son épaule avec l'impression qu'il allait l'avaler tout entier. Il rentra rapidement et ferma la porte tout aussi vite. Son père avait déjà disparu dans le bureau connecté au salon et Drago couru vers le fauteuil.
Alors que l'enfant poussait un autre morceau d'orange dans sa bouche, il balançait ses jambes d'avant en arrière en observant les différents tableaux ornant les murs. Il s'interrogeait sur ce qu'il ferait une fois rentré à la maison. Sans même y penser, il appuyait ses doigts sur le canapé rembourré comme s'il appuyait sur les touches d'un piano. Il jouerait probablement un peu avec sa mère avant de souper, et ensuite il étudierait sans doute avec son père. Il avait plu toute la journée, de fait, Lucius avait refusé de voler avec son fils. Drago était en train de prier pour que le soleil brille le lendemain lorsqu'il entendit à nouveau du bruit. Il se tourna vers la porte et arrêta de respirer, comme si ça allait l'aider à entendre mieux, mais aucun autre son ne lui parvint.
Ses doigts toujours pressés sur son siège, le garçon ferma les yeux et respira lentement. C'était un château, le propriétaire ne vivait probablement pas seul. Ce n'était probablement rien, ce n'était probablement qu'un domestique. Probablement. Lucius n'aimait pas que Drago utilise ce mot trop souvent. Ça avait quelque chose à voir avec le fait d'être confiant au moment de s'exprimer, quelque chose à voir avec le fait d'avoir confiance en son identité et en chacun de ses propos.
Quand un grognement atteignit ses oreilles depuis l'autre côté de la porte, Drago laissa s'envoler la moindre once de confiance qu'il ait jamais pu avoir.
Il se recula sur le canapé lorsque quelque chose frappa la lourde porte si fort qu'elle aurait pu en tomber. Il regarda en direction du bureau derrière le fauteuil lorsque la porte fut frappée une seconde fois.
"Père!" s'écria-t-il, incapable de quitter son siège. Il ne sentait plus ses jambes et ses doigts étaient si enfoncés dans le canapé qu'il aurait pu en arracher le tissu. "Père!" appela-t-il encore dans un sanglot étranglé.
Quand la porte fut éjectée de ses gonds, cassée en deux, son corps entier tremblait de manière incontrôlable. Ses larmes roulaient sur ses joues et il observa l'énorme loup-garou qui entrait dans la pièce en reniflant l'air.
Dans l'autre pièce, Karl Xeep, le propriétaire des lieux, était assis derrière son bureau, ses yeux voyageant entre l'horloge et Lucius. C'était un homme maigre et débraillé, désaccordé de son lieu de vie et de sa famille. Il avait perdu ses couleurs et sa santé après être devenu un Mangemort. Il n'était plus qu'une coquille vide, rien à voir avec l'homme qu'il fut autrefois.
Ce soir-là, Xeep avait donné à ses domestiques l'heure exacte à laquelle ils devaient libérer son jeune frère de sa cage. Il leur avait promis la sécurité, mais que valait un mensonge de plus auprès de ces Cracmols? Il se fichait bien du fait que son frère les dévore, tant qu'il suivait le reste du plan. Ils se devaient d'être précis ; dix secondes trop tard et le garçon en mourrait, il ne pourrait pas arrêter son frère si celui-ci perdait la tête. Il lui fallait relâcher le Sourdinam maintenu dans l'autre pièce au bon moment. Tout devait fonctionner comme lors de leur nombreux entraînements.
Quand il relâcha le sortilège, un cri atteignit les deux hommes. Le père fut debout en un instant, et à la porte tout aussi rapidement. Quand ils entrèrent dans le salon, Lucius, paralysé sur le moment, regardait son fils qui pendait dans la gueule de l'animal. Le loup-garou secoua la tête et lâcha Drago, qui fut alors projeté contre un mur. Non content de sa première attaque, la bête s'avançait à nouveau vers sa victime.
Cette fois-ci, Lucius réagit.
"NON !" cria-t-il en courant vers son fils. Il fendit l'air de sa baguette en se plaçant devant le garçon, une barrière transparente se formant autour de l'enfant. Lucius ne savait pas si le loup-garou pouvait franchir son Repello Inimicum mais il se devait d'essayer. Si l'animal comptait attaquer Drago de nouveau, il devrait le tuer en premier.
À la surprise de Lucius, la bête s'arrêta pour l'observer se tenir devant Drago. Le père avait ses bras ouverts comme pour servir de bouclier avec son corps.
"Bombarda Maxima !"
Karl avait jeté le sort mais les yeux de Lucius ne quittèrent pas la bête lorsqu'elle subit l'impact. Elle tituba mais restait sinon indifférente à l'assaut, alors que le mur derrière elle explosait, envoyant des débris voler de toute part, certains d'entre eux rebondissant contre la barrière qui entourait Drago.
Au lieu de reprendre son attaque, le monstre décida alors de se retirer. Elle sauta au travers du large trou que Xeep avait créé dans le mur. Ils entendirent un jappement lorsque le loup atterrit dans le jardin et Karl s'empressa d'approcher le trou. Lucius, même si maintenant bien au fait de la raison de cette attaque, ne s'intéressa même pas à son hôte. À la place, il se tourna vers son fils et leva la protection pour pouvoir s'agenouiller à ses côtés.
Le garçon était allongé, ses vêtements déchirés et le visage transpirant. Son sang, qui jonchait déjà la carpette et le sol, continuait de se déverser de sa blessure. Lucius ne savait pas par où commencer pour aider Drago, il n'osait même pas le toucher. La grimace sur le visage du petit garçon traduisait à peine la douleur qui le malmenait en cet instant. D'un seul geste rapide, Lucius avait détaché sa cape et l'avait retirée de ses épaules pour l'appuyer contre la blessure. Les dents serrées, ses mains tremblantes et sa sueur roulant sur son visage, il regarda alors Karl, qui se tenait toujours près du trou.
Il était appuyé contre le mur et observait visiblement la bête couchée dans le jardin. Il attendait de percevoir le moindre mouvement de sa part. Il entendit Lucius l'appeler mais il continua d'attendre jusqu'à ce qu'enfin, son frère ne bouge. L'animal se redressa, s'ébroua, et il s'enfuit finalement dans les ténèbres de la forêt derrière le château. C'est seulement à ce moment-là que Xeep quitta son mirador. Il approcha les Malefoy au pas de course et voulu son ton rassurant.
"Elle est partie ! La bête est partie !"
Il commença à s'agenouiller près de Drago mais Lucius l'agrippa par le col. Il fut violemment plaqué contre le mur et sentit des doigts se serrer autour de sa gorge ainsi qu'une baguette s'enfoncer sous son menton.
"Pourquoi ?" demanda Lucius entre ses dents serrées.
Xeep, qui jusqu'ici avait l'air choqué et effrayé, se décida finalement à laisser tomber la mascarade. Il agrippa et serra tout aussi fort l'avant-bras de Lucius, ses ongles s'enfonçant dans ses vêtements pour se planter dans son ancienne marque. Ses lèvres fines se tordaient dans un sourire fait de dents sales et Lucius relâcha quelque peu sa poigne pour l'autoriser à parler.
"C'était toi," cracha Xeep, "c'est toi qui l'a transformé."
L'incompréhension passa sur le visage de Lucius pendant un court instant jusqu'à ce qu'il ne fronce les sourcils, la réalisation le frappant alors.
"Sa stupidité est la seule responsable, pas moi," dit Lucius froidement.
"C'était toi," répéta Xeep, "tu l'as dénoncé."
"Je n'avais rien à dénoncer!" s'énerva Lucius. Il ferma les yeux et étira son cou dans un effort pour contenir sa colère. Il ne pouvait pas perdre plus de temps à se disputer. "J'ai fait ce que j'avais à faire et j'ai fait mon rapport, mais je n'ai pas envoyé Greyback à ses trousses. On a failli mourir par sa faute. Il a été puni pour ses erreurs."
"Et comment vais-je être puni pour ça?" demanda Xeep. Il souriait toujours alors qu'il indiquait l'enfant de sa main. Lucius tourna lentement la tête pour poser les yeux sur son fils et Xeep sentit les doigts se resserrer trop fermement sur son cou.
"Pour ce que tu as fait, je devrais te tuer," Lucius articula dans un murmure. Xeep commença alors à rire, d'un esclaffement maniaque, bien que le bruit fut étranglé, difficile à faire sortir.
Lucius l'envoya valser au sol. L'homme tomba à quatre pattes et Lucius observa l'épave qu'il était tousser entre ses rires, de la salive au menton et ses cheveux gras tombant devant ses yeux.
"Sauve le," ordonna Lucius, "sauve le et je t’épargnerai."
Xeep s'esclaffa à nouveau et traîna son faible corps vers le garçon, ses mains tremblant d'excitation.
"Ne t'en fais pas," dit-il joyeusement, "tuer ton garçon n'a jamais été mon intention, Malefoy."
Il retira la cape imbibée du corps blessé du garçon avant de glisser une main dans sa veste pour en retirer le petit flacon contenant la mixture préparée au préalable. Elle était composée de poudre d'argent et de dictame, elle permettrait de fermer la plaie et d'empêcher Drago de mourir d'une hémorragie.
"Sinon, comment pourrais-tu goûter à ma souffrance?" continua Xeep alors qu'il commençait à enduire les plaies du mélange.
Drago gémit alors de douleur, très faiblement, et Lucius se dépêcha de revenir à ses côtés. Il plaça une main sur le visage brûlant de son fils et il détailla sa peau luisante, son pouce caressant doucement sa joue pâle.
"Tout va bien, Drago," chuchota-t-il, "ça va aller..."
"Crois moi, rien ne va plus aller," Karl ne pût s'empêcher de lâcher. Le regard de Lucius suffit à montrer l'étendue de sa fureur, mais elle n'eut pour effet que d'exciter Xeep un peu plus. "Cette nuit va être un enfer," dit-il avant de recommencer à rire.
Lucius baissa les yeux sur les mains sales de l'homme et il agrippa son bras pour le pousser loin de son fils.
Sur le sol, Karl continuait à rire tandis que Lucius emballait son fils dans sa grande cape, le plus méticuleusement possible pour ne pas brusquer son fils. Il le souleva ensuite du sol pour enfin quitter cet endroit de malheur.
"Cette vie va être un enfer!" Xeep cria alors que Lucius s'éloignait.
Dobby ouvrit les portes du manoir aussitôt qu'il sentit la présence de ses maîtres. Il resta derrière l'une d'elle pour les saluer, effrayé d'être poussé hors du chemin par le garçon ou par la cane de Lucius Malefoy. Mais au lieu de voir Lucius rentrer avec son garçon sur les talons, il ne put qu'observer le père de famille franchir les portes, son fils caché dans ses bras. Les grands yeux verts de l'elfe se posèrent sur la main pendillant hors de la cape et il partit en courant. Il disparut complètement après quelques pas pour réapparaître auprès de Narcissa au plus vite.
Lucius monta directement les marches du large escalier qui faisait face à l'entrée, ses yeux sur le visage de Drago. Il s'engouffra dans le couloir qui menait à la chambre de son fils, incapable d'entendre les pas rapides de sa femme qui résonnaient dans la maison. Dobby était déjà de retour, lui, et il ouvrait la porte de Drago pour laisser Lucius entrer dans la chambre. Il n'eut qu'une petite possibilité d'apercevoir le visage livide et dénué d'expression de son maître avant qu'il ne se cache à nouveau derrière la porte, Lucius se dirigeant vers le lit de l'enfant.
"Lucius!" s'écria Narcissa, la respiration manquante, alors qu'elle arrivait enfin dans la pièce. Son mari ne répondit pas.
Il plaça délicatement son fils sur le lit, une main sous sa tête, avant qu'il ne retire la cape de son corps pour la laisser tomber au sol. Narcissa approcha, effrayée de ce qu'elle s'apprêtait à découvrir.
Sur le moment, même avec tout ce sang, ses vêtements déchirés et son torse se soulevant profondément, Drago semblait en paix, si petit sur ce grand lit. Il n'y avait plus de grimace sur son visage, la fièvre le maintenait trop désorienté et assommé pour qu'il ne sente vraiment quoique ce soit. Lucius passa ses doigts dans les cheveux de Drago, encore, encore, et encore, lentement, doucement, et il écouta la surprise étouffée de Narcissa, il la sentit tomber à genoux à côté du lit. Il vit sa main s'approcher de celle de leur enfant pour la prendre entre ses doigts afin de la serrer fermement, et il lui jeta enfin un œil. Elle avait la bouche couverte par sa main, chaque larme s'écrasant lourdement contre ses doigts, et elle ne put réellement couvrir un seul de ses sanglots.
Il fallut une bonne minute pour que Lucius puisse finalement poser une main sur son dos, et pour qu'elle puisse le regarder. Lucius avait à nouveau le regard posé sur son fils. Bien que ses yeux soient remplis de larmes, il n'allait pas les laisser couler. Sa mâchoire était serrée, sa gorge sur le point d'exploser à cause des pleurs qu'il y gardait enfoncés, mais il ne craquerait pas. Il tenait la main de son fils, et celle de sa femme, et Narcissa trouva finalement la force de bouger. Elle se rapprocha de son mari, juste pour retrouver sa carrure protectrice, juste pour s'assurer que tout irait bien. Elle laissa sa tête reposer sur son épaule, son fils flou derrière ses larmes.
