Chapter 1: Lettres du printemps de l'an de grâce 1679
Notes:
"Elle se hâte trop, Burrhus de triompher.
J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer"Jean Racine - Britannicus
Chapter Text
Le duc d’Alameda à ses enfants l’Evêque de Bayeux, Florent d’Herblay, la Princesse Wielopolski
et la Comtesse de Chalais
Mes chers enfants,
Ce que je vous écris aujourd’hui doit, pour toujours, demeurer entre nous. Je vous prie, au nom de tout ce qui est sacré et de tout ce qui vous est cher, de ne jamais révéler le contenu de ces quatre lettres à votre mère. Si vous l’aimez et m’aimez la moitié de ce que je l’aime vous comprendrez, je l’espère, que je veuille la garder à l'abri de toutes les cabales et autres complots de cette vile cour qu’elle a toujours, dans son immense sagesse, fui comme la peste. Le procès de la Brinvilliers, de triste mémoire, a malheureusement de terribles répercussions pour notre famille. Diane, ma chère fille, votre chère sœur est accusée par Mademoiselle des Œillets, la vermine au service de la putain royale, d’avoir usé d’un breuvage, concocter à partir de l’urine de douze vierges pour s’assurer l’amour du roi. Vous savez, comme moi, la fausseté de ces accusations et la vilenie de ces gens qui prétendent connaître le cœur et les ambitions de votre sœur. Je sais bien, mes enfants, que vous vous tenez éloignés de la cour et de ses tourments mais vous ne pouvez pas aujourd’hui les ignorer. Il en va de l’honneur et de la survie de votre chère sœur.
Florent, vous êtes l’aîné de cette famille et si les années vous ont éloignées de moi je vous prie de croire que la tendre affection que je vous voue, mon fils, n’a point faibli. Je sais que vous ne vous rendez plus à la cour mais je vous prie d'user de tous les soutiens que vous et votre chère épouse pouvez y trouver afin de secourir cette sœur en qui vous avez toujours trouvé une compagne dans vos jeux et dans vos divagations littéraires. Je sais que c’est un bien terrible sacrifice que je vous demande mais je ne doute pas de votre réussite ni de votre acharnement à la tâche.
Mon fils, mon cher Philippe, vous qui avez pris les ordres et qui, par votre piété et votre dévotion, rachetez mes péchés depuis de longues années mieux que ne saurais le faire, je crois en la bonté de votre coeur et en la pureté de votre âme et je sais que vous userez de tous les pouvoirs en votre possession pour défendre l’honneur de votre soeur.
Diane, votre mère vous a donné le nom d’une déesse et je sais que vous êtes à son image ; inébranlable dans vos serments et fidèle à ceux qui vous sont chers. Je ne doute pas de votre innocence dans cette affaire mais tâchez de ne faire aucun mouvement et de ne prononcer aucune parole que les juges pourraient considérer comme suspects. Nous tenons à vous ma fille et feront tout ce qui est en notre pouvoir pour vous défendre.
Quant à vous ma chère Hélène, vous qui portez le nom d'une sœur si tendrement aimée par son frère, je vous prie de ne pas oublier que votre nom est celui de l’amour. L’amour d’un frère pour sa sœur. Je vous prie d’honorer ce nom que vous portez en montrant autant d’amour à votre sœur dans ce moment terrible que j’en ai montré à la mienne dans ses instants les plus sombres. Votre situation à la cour de Pologne vous assure à vous et à votre époux une hospitalité constante à la cour de France. Usez-en je vous en supplie, et défendez l’honneur de la famille.
Je vous embrasse mes chers enfants et souhaite à notre famille des jours meilleurs.
Du château de Bourron
Le vingt-neuvième du mois de mars 1679
La Comtesse de Chalais au Duc d’Alameda
Je prends par cette lettre le risque de répondre à un père tendrement aimé que je ne pourrais jamais assez remercier pour sa prévenance et pour son affection. Monsieur, vous savez à quel point je vous aime, vous et ma chère mère que j’embrasse par-delà votre interdiction de la mettre au courant de la terrible situation dans laquelle je me trouve, et je vous jure sur l’amour qui unit notre famille que je saurai me montrer digne de votre affection et de votre tendresse. Vous savez mon innocence dans cette affaire et je sais que vous soutiendrez jusque dans la mort et que n’ai-je la verve de Racine pour vous montrer ma gratitude avec suffisamment de grandeur. Cependant, je dois vous prier mon cher papa de ne pas oublier que je ne suis pas sans tâches, et que, si les accusations de la vermine sont bien fausses on peut cependant nourrir sur mon compte quelques soupçons qui ne sont pas sans fondements.
Vous avez connaissance de la liaison que j’ai entretenue avec le comte de Toulouse avant mon mariage, le commerce intime que j’ai eu avec cet homme, lui-même accablé par des accusations de sorcellerie ne peut pas être ignorée. Vous savez comme moi que ces accusations étaient simplement la conséquence des affabulations d’un roy jaloux et malheureux et qu’elles n’ont plus aucun crédit à la cour aujourd’hui. Pourtant elles pourraient ressortir si le roy décidait de m’accuser à mon tour. La brève liaison que j’ai eue avec ce même roy avant que celui-ci ne décide de faire subir à notre cher Raoul les pires sévices pour un jeune homme amoureux ne sera pas non plus oubliée par mes tourmenteurs. Oh mon cher père, je sais que cette nuit que j’ai passée dans les bras du roy vous a causé bien des peines et voilà maintenant qu’elle m’accable, que je regrette cette nuit inconsidérée dans le lit du roy de France car elle était le fait d’une adolescente blessée dans son orgueil dont je paye maintenant les conséquences. Enfin, ma naissance de ma petite Anne, déjà si belle, est bien malheureuse car je fréquentais encore la cour à l’époque de sa conception et elle est encore trop jeune pour que la ressemblance, déjà flagrante selon l’avis de notre cher Florent, avec son père soit bien visible. Je prie le ciel pour que Mademoiselle des Œillets n’ait point vent de sa naissance car elle pourrait bien dire qu’elle est du roy et non de mon cher mari.
Mon père, mon cher papa, je vous embrasse, je vous aime et je vous prie de vous battre pour prouver mon innocence car j’aurai grand besoin de votre secours, de votre crédit auprès d’une partie de la cour. Je confie cette lettre à un homme en qui j’ai la plus pleine et entière confiance qui saura franchir les portes de la capitale sans attirer l’attention des gardes du roy qui guettent mes moindres gestes. Il vous trouvera rapidement, je l'espère. Je vous prie de ne pas m’écrire trop souvent car je sens que l’on m’observe et je ne veux pas que vous vous trouviez, vous et ma mère, dans une position aussi délicate que la mienne.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le quatrième du mois d’avril 1679
La Comtesse de Chalais à la Princesse Wielopolski
Ma chère Hélène,
Je ne sais quand cette lettre vous atteindra, j’espère simplement qu’elle vous trouvera après que vous ayez reçu celle de notre cher père car sans elle vous serez certainement prise de terreur en lisant les mots qui suivront. Je me trouve dans un grand péril Hélène, je suis accablée de toute part et je crains pour ma vie. Je ne sais si je pourrais vous revoir un jour, je sens la menace de la hache au-dessus de ma nuque et un simple accès de colère du roy la fera tomber et avec elle ma tête.
Hélène, j’ai peur, je tremble, je n’ose plus sortir de chez moi car je crains pour ma vie. Oh, ce n’est pas du roy que j’ai peur, il ne jouit pas d’une grande popularité dans la capitale et n’osera pas me faire assassiner dans un coin de rue. C’est la Montespan que je crains. Elle et ses mots plus acérés que des poignards. Ma chère sœur j’ai si peur. Jamais je ne l’avouerai, ni à mon père, ni à mes frères, ni même à mon tendre François mais seulement à vous qui me connaissez mieux que quiconque. J’aimerais tant vous avoir à mes côtés, sentir vos bras autour de moi comme quand nous étions enfants et que vous me rassuriez la nuit alors que notre père était ailleurs et que notre mère pleurait son absence dans sa chambre. J’ai besoin de vous car je me trouve aujourd’hui dans la plus grande solitude. François est à mes côtés comme toujours mais il ne peut pas comprendre et je ne veux pas qu’il comprenne car je ne veux pas qu’il se salisse. Pour le bien de nos enfants je veux qu’il ne sache rien et qu’il ne se mêle de rien. Je lui ai déjà demandé de quitter Paris avec les enfants pour qu’ils rejoignent nos terres en province mais il refuse, il ne veut pas me quitter. Je l’aime tant et je lui en suis reconnaissante mais je ne veux pas que les malheurs d’une mère et d’une épouse retombent sur le reste de la famille.
Gabrielle me supplie de vous demander quelques nouvelles de sa chère cousine qu’elle aime au moins autant que je vous aime. Écrivez-lui et donnez-lui de ses nouvelles, que je puisse voir une nouvelle fois son beau sourire sur son visage si angélique. Adieu ma sœur, je n’ose plus vous écrire. Je vous aime tendrement et vous prie de ne pas m’oublier si je dois mourir.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le sixième jour du mois d’avril 1679
La Princesse Wielopolski à la Comtesse de Chalais
Ma sœur, ma chère, ma tendre, ma plus aimée sœur,
Vous qui m’êtes plus précieuse que la vie et dont je ne peux me passer, c’est avec un grand déchirement que j’ai reçu la lettre de notre père et la vôtre seulement quelques jours après. Votre terreur me glace le sang et je ne trouve plus le sommeil maintenant que je vous sais en si grand danger. Ivan ne peut pas me consoler. Il est à Varsovie et je ne peux trouver dans les bras de mes enfants le réconfort que je pourrais trouver dans les siens et même s’il était là, la plus douce des caresses ne saurait éloigner mon esprit des malheurs de ma chère sœur.
Vous vous souvenez certainement du procès qui frappa notre ancien amant, le beau Geoffrey de Peyrac, il y a maintenant presque vingt ans. Cet homme qui fut si tendre et prévenant à notre égard, qui vous combla pendant tant de mois et me combla pendant de longues années, qui fut tristement brûlé en place de Grève pour sorcellerie. Vous savez comme moi, que ces accusations étaient fausses, mais comme moi vous devez certainement trembler de voir ce terrible événement se produire une nouvelle fois. Je vous en prie, je sais que vous ne la portez pas dans votre cœur mais le sacrifice me semble nécessaire, prenez contact avec sa veuve, elle saura vous aider, j’en suis certaine.
Je quitte Cracovie demain dans la nuit et je pars pour Paris pour vous retrouver. Je suis navrée de vous mettre devant le fait accompli et de ne pas vous avoir demandé ni votre avis, ni votre hospitalité mais il m’est impossible de rester en Pologne en vous sachant si accablée en France loin de moi et de ma protection. Je vous charge par cette lettre de prévenir mes gens à mon hôtel de l’île Saint-Louis de ma future arrivée. Ils sauront prendre leurs dispositions et je sais que je trouverai mon hôtel prêt à mon arrivée. Je vous embrasse ma sœur et vous assure de mon amitié indéfectible.
Du château de Wawel
Le cinquième du mois de mai 1679
La Princesse Wielopolski au Prince Ivan Wielopolski
Moja miłość
Je vous quitte aujourd’hui et mon cœur se serre à cette pensée. Voilà un mois maintenant que je n’ai pu sentir votre corps contre le mien dans notre lit qui me semble terriblement grand sans vous mon tendre amour, un mois que je n’ai pu entendre votre voix à mon oreille et un mois que je n’ai pu sentir votre baiser sur mes lèvres et votre absence me brûle. Ne soyez pas fâché, je vous en prie, de mon départ précipité, mais vous savez bien que si j’agis de la sorte c’est bien parce que je ne peux faire autrement. Je brûle de vous revoir mon tendre amour et je prierai chaque jour pour que nos retrouvailles se fassent le plus tôt possible sous de meilleures auspices. Je déteste vous abandonner mais je ne peux laisser ma famille seule face à un tel péril. Ma tendre Diane, notre sœur bien-aimée, encourt un grand danger et je ne peux la laisser seule, sans autre soutien que celui de son mari dans une capitale qui semble prête à s’enflammer d’un jour à l’autre. Je vous laisse la lettre de mon père, je suis certaine qu’elle répondra à toutes vos questions si vous en avez. Adieu mon amour, j’espère vous revoir bientôt.
Kocham cię
Votre Hélène
Du château de Wawel
Le sixième du mois de mai 1679
La princesse Wielopolski au Prince Henri Wielopolski
Je vous prie de bien vouloir m’excuser mon fils, mon tendre Henri, de ne pas vous avoir prévenu de mon départ, pour cette lettre bien trop courte mais je n’ai pas le temps d’écrire (je doute d’ailleurs que vous réussissiez à déchiffrer mes mots entre les tâches d’encre et mes boucles tremblantes) et pour la chambre que vous trouverez vide demain matin en me cherchant. Votre tante se trouve dans un grand péril qui pourrait lui coûter la vie si nous ne réunissons pas toutes les forces et toutes les ressources de notre famille. Vous savez à quel point elle m’est précieuse et l’amour que vous portez à votre frère et à vos sœurs vous fera comprendre mon départ. Je suis partie pour Paris et je ne sais pas quand je rentrerai. Gabriela part avec moi pour la France, elle brûle de revoir sa chère cousine et vous savez bien que je ne peux rien refuser à mes enfants. Je vous laisse en charge du château, des terres et de nos gens. J’ai en vous une pleine confiance, mon fils, et si vous tenez autant de votre grand-père que moi de lui je sais que vous vous acquitterez avec brillo de cette lourde tâche. Je ne sais quand votre père sera de retour de Varsovie mais dès qu’il sera venu priez-le de m’écrire le plus rapidement possible. Je vous embrasse trois fois sur le front mon cher enfant.
Du château de Wawel
Le septième du mois de mai 1679
L’Évêque de Bayeux à la Comtesse de Chalais
Ma chère sœur
Si je vous écris aujourd’hui c’est pour vous demander l’hospitalité. Je quitte Bayeux dès demain et je ne veux pas loger à Versailles au milieu d’une cour qui tourmente ma chère sœur. Je vous demande donc ma petite Diane de me faire préparer une chambre dans votre hôtel, vous me connaissez et savez que je me ferai le plus discret possible et que je ne dérangerai pas votre famille. J’irai moi-même supplier le roy et la Maintenon, qui, si mon instinct ne me trompe pas et il ne me trompe jamais, prendra bientôt ses fonctions de pute royale à la place de la Montespan, et je ferai tout ce qu’y est en mon pouvoir pour les convaincre de votre innocence. J’irai tous les jours à la cour s’il le faut pour clamer votre innocence et votre pureté. Si je dois aller à Rome et parler à sa Sainteté pour vous sauver je le ferai ma sœur. Je remuerai ciel et terre, j’userai de toute l’influence que je peux avoir sur le chef des idiots en robe pourpre pour vous sauver. J’attends des nouvelles d’Hélène mais je ne doute pas qu’elle vous ait déjà informé de son soutien. Je ne sais si Florent vous a écrit mais j’avais chez moi il y a seulement deux jours la petite Louise qui m’a assuré de tout l’amour que son père vous porte et du départ prochain de sa famille pour la capitale. Vous le verrez sans doute quand il arrivera à Paris. Je ne sais si ses soutiens à la cour sont grands mais je sais que comme moi il les remuera tous pour sauver votre honneur et votre vie.
Une pensée me frappe ma sœur alors que je vous écris. Je ne sais si vous l’avez déjà fait mais, si vous le pouvez, écrivez à votre parrain, Monsieur de Saint-Simon. Il a toujours ses entrées chez le roy et pourra certainement vous être utile. E, voyant le visage de notre ami Louis l’idiot sera peut-être saisi du souvenir du roy son père et de l’amitié qu’il portait à notre famille. Cela le fera peut-être fléchir. Je compte sur votre hospitalité ma sœur et vous embrasse
Votre dévoué frère
Philippe d’Herblay, Évêque de Bayeux
Post-scriptum : J’amène avec moi deux de mes chèvres que je ne saurais laisser aux soins, aussi bons soient-ils, de ma gouvernante. Elles requièrent des soins que moi seul peux leur donner et je ne peux prendre le risque de me séparer d’elles. Veuillez donc, je vous prie, demander à vos gens de faire installer dans votre jardin un petit enclos dans lequel elles pourront loger pendant mon séjour chez vous.
De la cathédrale de Bayeux
Le vingtième du mois de mai 1679
Chapter 2: Lettres de l'été de l'an de grâce 1679
Notes:
"Les femmes de génie sont pour la plupart esprits-forts; les hommes de génie, au contraire, ont généralement de la foi."
Jean-Paul
Chapter Text
Florent d’Herblay à la Comtesse de Chalais
J’espère que cette lettre vous trouvera enfin ma sœur. Voilà maintenant trois fois qu’elle m’est renvoyée et trois fois que je reprends ma plume pour vous écrire. Je ne sais qui sont les espions que le roy a fait mettre à vos portes mais ils sont certainement talentueux et pleins de zèle pour que la lettre pleine de soutien et de tendresse d’un frère éploré ne puisse vous atteindre. Je ne sais si vous m’avez écrit car je doute que vos lettres puissent sortir de la capitale mais si vous l’avez fait et que je ne les ai pas reçu je vous prie de ne pas m’en vouloir, ma sœur, car c’est contre mon gré que je n’ai pu y répondre. Je n’ai point eu de nouvelles de notre père depuis sa lettre du mois de mars, je suppose que vous n’en avez pas reçues non plus et que comme moi cela vous rassure. Cela veut dire que notre mère n’a point eu vent de ses machinations et c’est tant mieux. Pour nous comme pour elle car si elle en avait eu connaissance nous aurions reçu les lettres pleines de tristesse et de grandiloquence frôlant le mauvais goût de notre père qui, malgré son âge, est toujours aussi fou de notre mère que quand il l’a rencontrée pour la première fois. Si vous avez quelques nouvelles d’elle ma sœur, donnez-les moi et en échange je vous en donnerai de votre enfant.
Votre fils René est bien arrivé dans notre demeure il y a maintenant trois semaines comme je vous le faisais savoir dans la première version de cette lettre. Si vous aviez encore peur pour lui, ne craignez plus ma sœur car il est en sécurité. Il ne quitte pas ma bibliothèque et se plonge dans Racine à toute heure du jour ou de la nuit. Cette vision me réjouit ma sœur car, comme vous le savez, aucun de mes enfants n’a voulu me suivre sur le chemin des Belles-Lettres alors voir mon petit neveu lire ainsi dans le fauteuil dans lequel vous et moi lisions autre fois est une vision qui me remplit de bonheur. Je dois même dire madame qu’il a pour la chose un certain talent naturel. J’ai pu lire quelques-uns des vers qu’il a couchés dans le charmant carnet que lui a offert notre sœur et je dois dire que je les trouve assez bons pour un jeune homme de son âge. Sa mélancolie naturelle a quelque chose de très anglais ma sœur et je vous encourage à lui apprendre cette langue plutôt que l’allemand et le russe avec lequel vous vous obstinez à lui remplir le crâne car je suis certain qu’il pourrait composer de charmantes petites choses dans cette langue. Si vous m’en donnez l’autorisation je lui prendrais le meilleur professeur de langue du pays et je peux vous assurer ma sœur qu’en peu de temps il parlera mieux l’Anglais que William Shakespeare. Cela sera charmant !
Quelque chose m’inquiète cependant ma sœur, je tiens de René que vous avez demandé à votre mari de quitter Paris avec vos enfants. Il me dit que vous leur avez demandé de quitter la capitale le plus rapidement possible pour rejoindre vos terres et d’y demeurer jusqu’à ce que les vagues du scandale se soient calmées. La chose est-elle vraie? Et si elle est vraie est-elle déjà faite? Si, ma sœur, je trouve admirable que vous protégiez votre famille des éclaboussures et du remous du scandale, je doute pourtant de votre méthode. Diane, je connais votre passion pour votre mari, je doute que l’éloigner de vous vous soit profitable. Songez-vous bien à ce que vous faites ma sœur en vous éloignant de lui? Pouvez-vous vraiment rester loin de votre amour? Diane, vous savez bien que les gens qui s'aiment ne sont pas faits pour être séparés et Bérénice ne dit-elle pas à Titus :
“ Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous
Que le jour recommence, et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus? ”
Ma chère sœur, je pense à vous et prie pour vous depuis ma retraite. J’ai mandé une invitation à la chasse du roy le mois prochain. Vous connaissez mon aversion pour ce sport mais j’espère en faire partie si cela peut aider votre cas. Marguerite et les enfants vous embrassent tendrement. Louise m’a écrit pour me dire qu’elle demeurerait quelque temps avec son oncle à Bayeux et qu’elle viendrait vous voir avec lui à Paris. Je vous embrasse ma sœur et vous souhaite des jours meilleurs.
Le quatrième du mois de juin 1679
Du château d’Azay-le-rideau
Le prince Ivan Wielopolski à la Princesse Wielopolski
Mon aimée, ma chérie, ma vie, mon cher trésor, mon tendre amour
Que le temps me semble long loin de vous mon cœur bien-aimé, il me semble que jamais je ne peux trouver de repos quand vous n’êtes pas dans mes bras. Moi qui croyais vous trouver dans le parc à mon retour de Varsovie je trouvais notre petite Diane dans les bras de notre Aliocha et il me sembla voir des larmes sur ses joues. Quand elle me vit, elle se jeta dans mes bras et me raconta tout ce qui s’était passé depuis mon départ entre deux sanglots qui me brisèrent le cœur. Aliocha et moi restèrent bien une heure à la consoler avant qu’Henri et Ania ne nous rejoignent, informés certainement de mon arrivée par les domestiques. Ils m’apprirent votre départ et, voyant certainement la terreur sur mes traits, me donnèrent la lettre de votre père qui m’informa de tout. Oh mon amour! Que je suis désespéré d’apprendre la situation de votre sœur, dîtes lui bien que dans mes pensées je suis tout avec elle.
Pourtant ma tendre si je vous écris ce n’est point pour vous gronder, ni pour vous dire à quel point je vous aime même si jamais je ne pourrais me lasser de vous le dire. Non, si je vous écris aujourd’hui c’est pour vous informer de l’avancée de l’affaire pour laquelle je me suis rendue à Varsovie. Elle est en bonne voie, le roy n’est pas hostile à ma proposition et est certainement très sensible aux cadeaux que vous lui avez fait porter, je suis certain que d’ici quelques mois je pourrais vous rejoindre en France. Ce n’est qu’une question de semaine avant que l’ambassadeur ne meurt, son état de santé s’est grandement dégradé et les médecins ne peuvent rien faire d’autre que d’apaiser un peu ses souffrances, si nous continuons nos assauts je suis certain que nous serons nommés en France. Je le souhaite de tout cœur pour nous mon tendre amour car je sais à quel point cela vous rendrait heureuse ma chérie. Je vous tiendrai au courant de mes plus petites avancées mon amour et je vous engage d’en faire de même de votre côté.
Je vous aime, je vous aime et je vous embrasse mon tendre amour et je prie chaque jour pour votre prompt retour. Je souhaite que vos nuits soient pleines de moi comme les miennes sont pleines de vous.
Kocham cię
Votre Ivan
Du château de Wawel
Le treizième du mois de juin 1679
Le Prince Ivan Wielopolski au Comte de Chalais
Ne soyez pas étonné si je vous écris aujourd’hui mon cher beau-frère. Vous excuserez, je l’espère, les maladresses du style et de la langue dont souffrent mes lettres et l’illisibilité de ma graphie. Je sais que mon français souffre encore de quelques imperfections impardonnables pour un homme de lettres et de culture tel que vous, que je respecte et que j’admire. Pardonnez la liberté que je prends monsieur en vous écrivant et je tiens à vous dire que je n’attends pas de vous la moindre réponse, que cette lettre n’est pas intéressée, qu’elle n’est que pleine de sympathie et de soutien pour vous, votre femme et pour vos enfants, mes neveux et nièces que j’adore. La tendresse qui unit nos deux épouses me pousse aujourd’hui à vous écrire et à vous assurer mon amitié et mon soutien dans l’épreuve qui secoue aujourd’hui votre maisonnée. J'ose dire que nous nous sommes toujours estimés et que j'ai pour vous, monsieur le comte, non seulement une grande admiration mais aussi une affection sincère que l'amitié que je porte à votre épouse, ma sœur, a faite fleurir au fil des mois et des années. Je sais que vous aimez ma chère sœur autant que j'aime ma tendre épouse, nous pouvons nous entendre là-dessus monsieur, mon cher beau-frère. Nous sommes deux Ulysses capturés par une belle Calypso, mais que cette capture est douce ! Mon cher beau-frère, je vous assure une nouvelle fois toute mon amitié. Si un jour le besoin de la plus petite chose devient pressant pour vous, écrivez moi, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider. Je vous salue monsieur avec tous les honneurs qui vous sont dus.
Du château de Wawel
Le cinquième du mois de juillet 1679
L’Evêque de Bayeux à la Duchesse d’Alameda
Ma chère maman,
Mon père m’avait prié de ne rien vous dire de ce que je m’apprête à vous révéler dans cette lettre mais comme vous le savez je ne fut jamais un enfant très obéissant. Je n’ai pas la docilité de Florent ou la douceur de Diane et contrairement à Hélène je n’ai pas hérité de la ruse de notre père. Vous m’avez toujours dit que de tous vos enfants, Hélène et moi ressemblions le plus à notre père et, si je peux le voir dans le cas d’Hélène sans trop d’efforts, je dois vous avouer que j’ai parfois bien du mal à voir les similitudes entre ma physionomie et celle de mon père. Ma chère maman, comme je ne ressemble pas à mon père je n’agirai pas comme lui et ne vous dissimulerai rien contrairement à lui. Ne vous en faîtes pas, en vous révélant la vérité je ne brise aucun serment, je n’ai jamais rien promis à mon père et il me semble que vous révéler la vérité est la chose la plus chrétienne à faire. Ma mère, vous savez que je vous aime et que je vous vénère plus que tout dans le monde, je ne peux rien vous cacher. J’ai pour mon père une profonde et sincère affection mais je ne peux accepter plus longtemps les cachotteries qu’il vous fait même si je comprends ses raisons.
J’étais l’autre jour chez Madame de Sévigné, vous comprendrez plus tard ce que je faisais à Paris, et il m’est revenu en mémoire une de ces lettres qu’elle avait écrites il y a quelques années de cela à mon bon ami Coulanges que je fréquentais assidûment avant que je ne parte pour Bayeux. Vous connaissez le goût de cette dame pour le badinage et l’esprit de salon et vous savez aussi toute mon horreur pour cet art. Je ne m’amuserai pas, comme elle l’avait fait du temps du mariage de Monsieur de Lauzun avec Mademoiselle, à vous faire languir et deviner la vérité. Je vais vous la dire purement et simplement. Maman, Diane est accusée d’avoir pris part à cette terrible affaire des poisons qui semble ne pas avoir de fin. On dit qu’elle a usé de poudres pour s’assurer l’amour du roy, qu’elle a empoisonné certaines de ses concurrentes et que sa fille, la petite Anne, n’est pas la fille de mon beau-frère mais bien celle du roy. Je suis aux côtés de Diane depuis un mois maintenant maman et nous vous invitons à nous rejoindre dans les plus brefs délais.
Je vous baise trois fois les mains ma chère maman et vous prie de me répondre promptement. Adressez votre réponse à Hélène en son hôtel de l’île Saint-Louis, elle y a pris ses quartiers il y a maintenant trois jours et sera ravie de recevoir de vos nouvelles. Gabriela est avec elle et chaque jour elle vous ressemble un peu plus, c’est une jeune femme charmante, je crois d’ailleurs qu’elle a été promise à un jeune chevalier polonais dont elle s’est éprise lors d’un bal à Varsovie, elle demande sans cesse des nouvelles de sa chère grand-mère. La demeure d’Hélène n’est pas surveillée, cela serait bien imprudent d’espionner la femme triplement vénérée du deuxième homme le plus puissant du royaume de Pologne. Répondez-nous vite, ma chère maman, et n’hésitez pas à houspiller mon père.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le dix-septième du mois de juillet 1679
La Comtesse de Chalais au Duc de Saint-Simon
Monsieur mon très aimé et très vénéré parrain, je vous écris aujourd’hui dans la plus grande détresse car je ne sais plus vers qui me tourner. Vous fréquentez la cour, vous connaissez le roy mieux que personne car vous avez été dans l’entourage de son père puis de sa mère pendant de longues et belles années. Je ne sais quel crédit vous avez auprès de lui mais je vous prie d’en user. De la cour, vous connaissez aussi les manières, les usages et les commérages qui s’y répandent plus rapidement qu’une épidémie de grippe aviaire en plein mois de janvier, vous devez donc déjà connaître, je n’en doute point, les malheurs qui m’accablent. Mon cher parrain, vous savez bien que je ne vous demanderais rien si ma situation n’était pas si infortunée. Oh monsieur, vous savez mon innocence, vous me connaissez aussi bien que mes parents et vous savez que jamais je n’aurais commis une si grande infamie ! Monsieur, j’implore votre secours, je vous supplie, de toute mon âme de bien vouloir me secourir de l’embarras dans lequel je me trouve.
Monsieur, vous me connaissez comme un père et je vous ai toujours considéré comme un oncle et non comme un simple parrain, je vous supplie monsieur, à genoux et avec toute la ferveur chrétienne dont je suis capable, de me soutenir dans cette épreuve et de bien vouloir parler au roy en ma faveur. Monsieur, si j’ai été son amante c’était il y a plus de quinze ans. Je ne sais quel aveuglement pousse le roy à ne pas démentir mon implication dans cette terrible affaire car il sait mon innocence. Je n’ai pas partagé sa couche depuis plus de quinze ans et, malgré ses demandes empressées je n’ai jamais retrouvé le chemin de son lit. Je vous en supplie une dernière fois, défendez-moi auprès de lui et auprès de Madame de Maintenon qui vous tient en fort haute estime.
Cette lettre pourtant mon cher parrain n’est pas seulement intéressée. Je vous prie de me donner des nouvelles de votre charmante épouse, ma marraine et de votre fils. Vous savez l’affection que je lui porte et je voulais vous dire que je serai ravie de pouvoir vous accueillir tous les trois en mon hôtel de Paris quand le vent Je laisse ici la plume à mon frère Philippe qui réside chez moi depuis quelques semaines et qui a tant de choses à vous dire, à vous et au petit Louis qui a dû bien grandir depuis la dernière fois que je l’ai vu.
Monsieur, veuillez m’excuser car je ne vous écris pas autant que je le devrais. Je suis bien scélérat et je vous prie de bien vouloir m’excuser monsieur. Ma qualité de parrain est une chose que je prends à cœur comme vous le savez et vous pouvez être certain que dès que les circonstances me le permettront je viendrai vous rendre visite à vous et à votre famille qui me manque beaucoup. Je n’ai pas la verve de ma soeur pour professer mon amour et ma loyauté à votre maison mais je puis vous assurer que mon coeur tout entier est tourné vers vous. C’est maintenant à mon cher filleul que j’écris. Je ne sais pas s'il lit mieux depuis que je l’ai vu pour la dernière fois mais je suis certain que vous pourrez l’aider dans son déchiffrage. Mon petit Louis, vous êtes toujours le bienvenu à Bayeux, vous manquez beaucoup aux gens qui s’occupent de ma maison qui ne cessent de demander de vos nouvelles et vous me manquez à moi aussi car ma maison est bien vide sans vos joyeux rires d’enfant. Je vous embrasse mon cher enfant et je présente mes respects à Monsieur le Duc et à Madame la duchesse.
Votre ami dévoué Philippe d’Herblay, Évêque de Bayeux
Je reprends la plume, mon parrain, pour vous embrasser et vous remercier une dernière fois. Je ne sais pas mesurer l’ampleur de votre pouvoir et de votre influence à la cour de France mais je sais que le roy Si vous devez me répondre monsieur, je vous prie d’adresser vos lettres à ma sœur en son hôtel de l’île Saint-Louis, elle est arrivée depuis quelques temps maintenant pour me soutenir dans la terrible épreuve qui m’accable. Je vous embrasse tendrement monsieur mon parrain.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le vingt-septième du mois de juillet 1679
La Comtesse de Chalais à Angélique de Peyrac
Cela fait bien trop longtemps Madame la Maréchale que je n’ai pris de vos nouvelles. Je sais bien que notre première rencontre ne se fit pas sous les meilleurs auspices, votre mari était alors l’amant de ma sœur et fut le mien avant d’être le sien, et vous aviez contre nous quelques griefs que je puis comprendre maintenant que je suis moi-même mariée car je redouterais de rencontrer l’ancienne maîtresse de mon époux. Cependant, j’ose croire que le commerce intime que ma sœur et moi avons entretenu avec lui avant votre mariage n’a plus d’importance aujourd’hui et que vous songerez à moi et me jugerez en ma qualité de comtesse de Chalais épouse trop heureuse d’un homme qui m'aime et que j’adore et non en tant que Diane d’Herblay, sœur d’Hélène d’Herblay qui furent les maîtresses de votre époux avant votre mariage. Le comte, madame, vous révérait et vous aimait comme peu d’hommes aimèrent leur femme. Vous savez mieux que moi l’ignominie que fut son procès et les fausses accusations déclenchées par la fureur d’un roy jaloux du succès d’un homme en amour et en fortune. Madame, je me trouve aujourd’hui dans la même situation que votre cher époux, je suis accusée de toute part et ma tête est sur l’échafaud. On m’accuse de sorcellerie madame, d’adultère et d’empoisonnement et on me menace du bûcher. Vous savez la douleur de perdre l’être que vous aimez le plus au monde aux flammes de la justice, madame, si vous ne pensez pas à moi penser à mon mari qui connaîtra la même douleur que vous il y a vingt ans maintenant.
C’est donc un service que je vous demande par cette lettre. Je me souviens madame de l’homme qui prit la défense de votre mari il y a maintenant presque vingt ans. Si je ne me souviens pas de son nom, je me souviens bien de son visage si plein de sympathie et de détermination à prouver l’innocence de votre époux. Je vous en prie madame, donnez moi son nom, aucun avocat ne semble vouloir prendre ma défense et je suis dans la plus grande détresse du monde.
Je vous présente mes respects Madame la Maréchale et espère avoir l’honneur de vous recevoir bientôt chez moi en compagnie de mes amis. Nous avons bien des choses à nous dire madame sans que le poids de la justice royale ne pèse sur nos épaules et sur nos mots. Je vous souhaite les meilleures choses du monde madame et tout le bonheur possible.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le quatrième du mois d’août 1679
Chapter 3: Lettres de l’automne de l’an de grâce 1679
Summary:
"Le fantôme n'a pas tord. On ne doit jamais perdre de vue sa dignité. Par morale j'entends le produit réel de deux grandeurs imaginaires. Les grandeurs imaginaires sont devoir et vouloir. Le produit s'appelle morale et ne laisse pas dénier sa réalité."
Frank Wedekind - L'éveil du printemps
Chapter Text
La Duchesse d’Alameda à l’Évêque de Bayeux
Je vous remercie mon fils pour l’hospitalité que vous m’offrez dans votre dernière lettre. Je suis bien aise des dispositions que vous avez prises à mon égard même si votre père vous les reproche. Oh mon cher fils, mon pauvre petit Philippe comme il vous a maudit quand il a lu votre lettre et comme il a pleuré en m’expliquant tout ce qu’il me cache depuis trop longtemps maintenant. J’ai cru revoir à mes pieds le jeune abbé d’Herblay qui me suppliait de lui pardonner toutes les offenses qu’il avait pu me faire dans sa jeunesse. Oh mon fils, dès que je l’ai vu à genoux devant moi j’ai voulu le pardonner mais je ne l’ai pas fait. Je l’ai relevé et lui ai dit que j’avais besoin de quelques temps loin de lui. Je ne lui ai pas dit où je me rendais et je vous prie de ne pas le lui dire.
J’espère que vous avez prévenu votre sœur de mon arrivée prochaine et si vous ne l’avez pas fait je vous prie de le faire dans les plus brefs délais. Je vous connais mon cher fils et sais bien que vous êtes capable de m’avoir invité sans avoir prévenu votre sœur de ma prochaine arrivée alors qu’elle est la maîtresse de maison. Mes bagages seront prêts dans les prochains jours et je vous rejoindrai à Paris le plus rapidement possible. Je m’arrêterai quelques jours chez votre frère avant de vous retrouver à l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois car il m’a manqué. Vous savez à quel point mes petits-enfants me sont chers et si Louise est avec vous chez sa tante trois autres d’entre eux se trouvent chez Florent. Ces quelques jours que je passerai chez votre frère vous laisseront le temps de prévenir votre sœur de mon arrivée et lui laissera le temps de prendre toutes ses dispositions pour mon arrivée et excusez-vous pour tout le dérangement que vous lui causez depuis votre arrivée à Paris.
Si vous le pouvez, dîtes à Hélène que je viendrai lui rendre visite, elle m’a beaucoup manqué et à défaut d’avoir votre père à mes côtés j’aurai près de moi la personne sur terre qui lui ressemble le plus. J’ai si hâte de la revoir, elle et ma petite Gabriela, je ne les vois pas, elle et ses enfants, autant que je le voudrais. D’ailleurs, je suis ravie d’apprendre le prochain mariage de ma petite-fille et de savoir qu’elle me ressemble de plus en plus chaque jour mon impatience grandit plus encore depuis que vous m’avez annoncé ces nouvelles.
Je vous embrasse mon fils et vous assure de tout mon amour, de toute mon affection et de toute ma reconnaissance. Vous avez bien fait mon fils de me révéler toute la vérité sur la situation dans laquelle se trouve ma fille même si cela contrarie votre père.
Du château de Bourron
Le septième du mois de septembre 1679
La Comtesse de Chalais à Florent d’Herblay
J’ai enfin reçu votre lettre mon cher frère, je ne sais quel genre de périples elle a dû traverser pour enfin rejoindre mon hôtel mais je l’ai maintenant entre mes mains et je m’empresse de vous répondre. Je vous remercie pour tout le soutien que vous et votre femme m’offrez pendant ces temps terribles qui m’accablent et pour toutes les dispositions que vous prenez à mon égard. Vous détestez la cour monsieur et pourtant pour moi vous êtes prêt à y retourner et à supporter les cancans, les intrigues et les complots pour pouvoir aider votre pauvre sœur qui se trouve la plus accablée des femmes de la cour et pourtant… Oh mon frère! Vous vous souvenez de Louise et de Raoul mieux que personne vos deux amants qui furent si accablés par la cour que la première se retira dans un couvent et que le second se fit tuer à la guerre par amour pour elle et pour vous ! Monsieur, mon frère, mon cher Florent, je me trouve dans la même situation qu’eux il y a plus de vingt ans et j’ai peur de subir le même sort que notre cher Raoul alors que je n’ai commis aucun péché.
Louise est bien avec moi, si les circonstances n’avaient pas été si terribles pour moi je l’aurais amené avec moi à la cour pour la présenter. Elle y ferait fureur, vous me dîtes dans votre lettre que vos enfants n’ont point appétences pour les choses des arts mais je puis vous assurer que Louise a ce bel esprit des femmes de lettres et toute la grâce des plus belles dames de la cour. Je compte la renvoyer chez vous avant la fin de l’année car même si sa présence m’est précieuse et réconfortante je ne veux as qu’elle soufre de l’infortune de sa tante.
J’entends vos craintes quant à l’éloignement auquel je soumets mon mari et mes enfants mais je vous assure que dans la situation dans laquelle je me trouve demande de telles dispositions. Mon cher mari me manque terriblement et j’aimerai mieux l’avoir à mes côtés car sans lui je ne suis plus rien. Mais je ne regrette pas mon choix. C’est pour mes enfants que je lui ai demandé de partir. Je veux qu’ils puissent vivre leur vie de la manière dont ils l’entendent et s’ils demeurent avec moi ils ne pourront jamais rien faire. Ils me manquent terriblement soyez en sur mais c’est dans leur intérêt que je leur ai demandé de partir.
Je suis bien aise des nouvelles que vous m’avez donné de mon fils et je vous prie de bien vouloir m’en donner de ma chère mère quand elle sera chez vous. Philippe, qui se trouve chez moi depuis quelques temps m’a dit qu’elle comptait passer par chez vous avant de nous retrouver. Comme je l’ai dit à notre père je vous prie de bien vouloir adresser vos lettres à Hélène désormais qui vous embrasse avec toute la tendresse du monde. D’ailleurs, elle me prie de vous dire que si vous devez monter à la capitale elle sera ravie de vous accueillir chez elle. Elle se sent seule, un seul de ses enfants a voulu l’accompagner et son cher mari a dû rester en Pologne pour des affaires dont elle ne me dit rien. Je vous embrasse mon cher Florent et salue avec tendresse votre femme et vos deux fils.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le quinzième du mois septembre 1679
Le Duc de Saint-Simon à la Comtesse de Chalais
C’est avec le plus grand désarroi du monde que j’ai reçu votre lettre ma chère filleule. Je me doutais de la gravité de votre situation mais je n’en avais pas pris la mesure encore. Oh ma pauvre petite filleule, comme je suis accablée par vos malheurs et par la tristesse que vous laissez transparaître qui sont d’un naturel le plus charmant du monde madame. Je peux vous dire que le grand La Bruyère serait ravi de lire vos lettres, je vous présenterai à l’occasion car je ne crois pas que vous ayez commerce avec lui. Je sais que vous fréquentez monsieur de Bussy-Rabutin, Monsieur de Racine et Monsieur de La Fontaine, je suis certain que si grands amis vous placent en haute estime dans le salon du monsieur que je viens juste de mentionner. Je vous y ferai introduire dès que les temps seront meilleurs pour vous. Je me rends à Versailles sur l’heure pour vous défendre auprès de la cour.
Ma lettre sera donc trop courte ma chère filleule mais je vous promets que les suivantes seront bien plus longues mais je vous prie de croire que celle-la est tout aussi pleine d’affection que le seront les suivantes qui seront pourtant bien plus longues. Je vous écris madame, dans le carrosse qui me mène à Versailles et vous prie de m’excuser pour la mauvaise graphie de mes mots mais les secousses du voyages ne me permettent pas de vous écrire ici de ma meilleure écriture. Je n’ai malheureusement pas autant de temps pour vous répondre que je le voudrais mais je peux vous assurer que dès que je serai confortablement installé à la cour je vous écrirai, je vous écrirai le plus souvent possible.
Madame la princesse Wielopolski, c’est à vous que je m’adresse enfin, votre sœur m’a demandé de vous envoyer toutes les lettres que je pourrais lui écrire pour quelques raisons de sécurité que je comprends fort bien. Je connais votre discrétion votre altesse et me doute que jamais vous n’ouvririez un courrier destiné à votre sœur. Mais comme je sais aussi qu’elle n’a aucun secret pour vous et que je suis certain qu’elle vous lira cette lettre je tiens à vous remercier pour tout ce que vous faîtes pour elle et tous les sacrifices que vous êtes prête à faire pour l’aider. Je vous embrasse toutes les deux mes chères enfants et je vous prie de transmettre mes meilleurs sentiments à ma grande amie Madame votre mère.
Du château de Blaye
Le premier du mois d’octobre 1679
Le Duc d’Alameda à l’Evêque de Bayeux
C’est pour vous gronder que je vous écris aujourd’hui mon cher fils. Vous devez déjà savoir que votre mère a quitté notre château et si elle a refusé de me dire où elle se rendait je suis certaine qu’elle s’est rendue à Paris chez votre sœur où vous demeurez également d’après ce que me dit la lettre que vous avez adressée à votre mère. Monsieur, je vous en veux. Non pas de lui avoir révélé la vérité sur la situation de votre sœur car je vous ai trop bien éduqué et vous êtes un homme trop chrétien pour cacher quoi que ce soit à votre mère que vous vénérez plus que tout. Vous ne pouviez pas mentir monsieur et j’en suis bien conscient. Cela me rend fier d’ailleurs monsieur de vous savoir si respectable et si honnête. Vous êtes prêt à trahir votre père pour faire la chose la plus chrétienne du monde. Oh, c’est bien heureux que vous fussiez devenu évêque plutôt que moi car jamais je n’aurais pu avoir votre vertu et votre bon sens mon fils. Vous avez eu raison de lui révéler tout ce que j’ai voulu lui cacher. Vous avez raison mon fils et pourtant je suis bien fâché contre vous.
C’est un terrible coup que vous m’avez porté mon fils. Je sais que vous n’éprouvez aucun remords quant à ce que vous avez fait mais moi je vous en vous monsieur. J’ai tort de vous en vouloir mais je ne puis faire autrement. Mon fils, c’est parce que vous n’avez jamais été malade d’amour que vous n’éprouvez aucun remord quant au coup que vous venez de me porter. Vous ne pouvez pas savoir à quel point votre mère me manque et à quel point ses reproches ont brisé mon cœur. Monsieur, je sais que vous avez eu raison de tout lui révéler et que je n’aurais pas dû lui cacher les malheurs qui accablaient ma fille, votre sœur, notre chère Diane. J’ai voulu la préserver et j’ai eu tort car c’est une femme capable de supporter les pires choses du monde. Je devrais le savoir plus que n’importe qui, elle a tout supporté, mes pires écarts, mes pires crimes et pourtant j’ai préféré lui cacher une chose bien moins horrible que tout ce que je lui ai déjà infligé. Une chose enfin qu’elle aurait dû savoir car après tout Diane est sa fille et elle l’aime tendrement. Je lui ai tout dit monsieur et la voilà partie.
Monsieur, je termine ma lettre en vous implorant, en vous implorant de bien vouloir me défendre auprès de votre mère, de la supplier de bien vouloir me pardonner, de lui dire que je l’aime de tout mon pauvre cœur et que je ne peux me passer d’elle. Je ne sais si vous le ferez mais je vous demande de le faire quand même. Embrassez pour moi votre sœur et mes petits-enfants que j’aime tendrement. Je vous baise les mains mon fils et espère que vous trouverez dans votre cœur la charité de me pardonner.
Du château de Bourron
Le dix-neuvième du mois d’octobre 1679
Le Duc d’Alameda à la Princesse Wielopolski
Ma princesse, ma chère petite princesse, ma petite Hélène qui m’a tant manqué car je ne la vois pas aussi souvent que je le voudrais,
Je vous écris car vous êtes la seule à pouvoir me secourir de la terrible situation dans laquelle je me trouve. Vous savez maintenant que votre mère se trouve à Paris et qu’elle a contre moi quelque courroux causé par ma négligence et mes mensonges. Son courroux est juste, je ne le nie pas mais ma princesse je ne peux rester longtemps loin de votre mère. Je ne l’ai jamais pu et maintenant que je suis vieux je le peux encore moins. Madame, je vous prie de lui parler en ma faveur. Vous connaissez mes sentiments, vous comprenez mes raisons et je sais que vous saurez adoucir son cœur et son courroux. J’ai demandé à Philippe de parler à votre mère en ma faveur mais je doute qu’il le fasse. Hélène, ma princesse, de tous mes enfants vous êtes celle qui me ressemble le plus et celle, j’en suis certain qui comprend le mieux mes intentions à l’égard de votre mère. Vous êtes digne et noble ma chère fille et votre cœur est le plus pur du monde. Parlez lui ma princesse, vous êtes raisonnable et vous nous aimez, votre mère et moi, bien tendrement, vous serez la meilleure avocate dont je puisse rêver.
Je vous embrasse ma princesse et vous plains sincèrement. Vous voilà devenu l’avocate d’un père qui ne mérite pas tant de tendresse, la confidente d’une sœur désespérée et une épouse séparée d’un mari tendrement aimé. Vous êtes bien à plaindre ma chère fille. Je vous remercie ma princesse et vous baise trois fois les mains.
Du château de Bourron
Le vingtième du mois d’octobre 1679
La Duchesse d’Alameda au Duc d’Alameda
Monsieur,
Vous n’aurez pas aujourd’hui le droit à la tendresse que je vous réserve habituellement dans mes lettres. Oh, ne doutez point un instant que je vous aime Aramis et qu’être loin de vous ne me déchire pas le cœur à chaque instant. Je ne serai pas longue non plus car j’ai bien d’autres choses à faire que de vous écrire monsieur croyez-le bien. Depuis que je suis à Paris je n’ai pas eu un instant pour moi, non, la défense de l’honneur de ma fille m’occupe trop. Pourtant je m’arrête quelques instants pour vous écrire monsieur car j’ai bien de la peine pour vous. Hélène m’a parlé de votre repentance et je suis prête à l’accepter monsieur car elle m’a touchée bien profondément. Même Philippe m’a parlé en votre faveur, c’est que vos remords doivent être bien grands monsieur pour que celui qui a dénoncé mes agissements vous soutienne ainsi. Je n’écrirai pas plus, je n’ai rien d’autre à vous dire tant que vous ne m’adresserez pas directement vos excuses. Je vous baise les mains monsieur mon mari.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le quinzième du mois de novembre 1679
L’Évêque de Bayeux à Madame de Maintenon
C’est avec le plus grand respect du monde, et tous les hommages qui vous sont dus que je vous écris aujourd’hui madame. Je vous assure par avance que ma lettre ne sera point trop longue et que je ne vous ennuierai pas longtemps avec mes mots et mes discours. Je parlerai donc simplement. Madame, vous êtes l’amie du roy la plus intime et la plus chère et j’espère vous convaincre par cette lettre de plaider en faveur de ma famille auprès du roy. Je connais madame votre piété et votre dévotion et, si vous me connaissez au moins de réputation, vous savez que je ne suis pas un menteur. Madame, je puis vous jurer sur les plus saintes reliques de notre Église que ma sœur, Madame Diane Elisabeth d’Herblay épouse de François Comte de Chalais, fille du Duc et de la Duchesse d’Alameda, filleule de Claude de Rouvroy duc de Saint-Simon, pair de France, sœur de Florent Clément d’Herblay héritier de nos parents, d’Hélène Marie d’Herblay Princesse Wielopolski et de Philippe Armand d’Herblay évêque de Bayeux, femme trois fois respectable, est innocente de tout ce dont on l’accuse. Elle est prête à reconnaître tous les torts qu’elle a pu avoir un jour. Elle est prête à reconnaître qu’elle fut bien la maîtresse du comte de Toulouse puis celle du roy de France, elle est prête à reconnaître qu’elle prit part dans les machinations de nos parents pendant la terrible affaire de l’homme au masque de fer, prête à reconnaître enfin que dans les salons qu’elle fréquente elle ne fut pas toujours charitable ni avec le roy, ni avec les gens de la cour. Madame, elle est prête à tout reconnaître. Mais elle n’avouera pas des crimes qu’elle n’a point commis. Madame, je sais que vous avez vous-même fréquenté les salons de Paris, que vous y avez croisé ma sœur, je suis certain que vous avez pu y constater la pureté de son cœur et la gentillesse de son âme, l’élégance de ses manières et de sa conversation. Oh madame si vous l’avez rencontré vous devez la savoir innocente car il est impossible qu’un ange tel qu’elle puisse commettre un si grand crime. Je vous supplie madame, de considérer ma lettre et son comportement et je puis vous assurer que vous serez alors convaincue de son innocence.
Je vous présente une dernière fois mes respects madame, je m’incline à vos genoux car vous êtes madame la femme de France qui méritez le plus le respect d’un humble représentant de Dieu sur terre comme moi. Je ne vous demande rien madame car vous ne me devez rien. Mais si ma lettre a pu vous convaincre de l’innocence de ma sœur, je vous supplie alors très humblement de la défendre un jour si les choses prenaient un tournant trop terrible pour elle et pour notre famille. Je vous les mains madame et les pieds avec tout le respect et la vénération qui vous sont dus.
Votre très dévoué Évêque de Bayeux
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le troisième du mois de décembre 1679
Chapter 4: Lettres de l’hiver de l’an de grâce 1680
Notes:
"Mon abandon à Henry se fond si complètement dans sa douceur humide que le monde n'est plus que femme et pénis, comme si nous nous trouvions, tous les deux, dans la matrice originelle, nageant dans la chair et le miel, comme dans un monde suprêmement soyeux, une sensation portée à son paroxysme, comme on peut en ressentir lorsqu'on se baigne nu dans l'eau, lorsqu'on touche de la soie, lorsqu'on est secoué par l'orgasme. C'est cette nudité, cette obscurité, cette sensation aveuglante. De n'être que chair-et-miel qui est le sexe – et d'où je ressors comme du plus magique des bains. Et il n'y a pas de fin - pendant des jours, je vis dans cette sensation charnelle ; pendant des jours, la vie ne monte pas jusqu'à mon cerveau, elle me touche et m'entoure exactement comme Henry me touche ; la vie est une poursuite de ses caresses. Il laisse l'empreinte de sa chair sur ma peau, dans mon ventre, et pendant des jours, je ne sens que mes jambes. Rien dans la tête... le monde entre les jambes... Le monde sombre, humide, vivant. Et hier Henry m'a dit qu'il s'était mis à chanter après m'avoir quittée, et moi aussi je chantais. Et je chante toujours, je suis démesurément heureuse."
Anaïs Nin - Inceste
Chapter Text
La Princesse Wielopolski au Prince Wielopolski
Moja miłość,
Ivan, comme vous me manquez mon amour. Vous me manquez à chaque instant mais c’est quand je suis enveloppée dans mes draps que vous me manquez le plus. Vous m’avez souhaité dans votre dernière lettre que mes nuits soient pleines de vous comme les vôtres sont pleines de moi. Oh mon amour, mes nuits sont si pleines de vous que je ne peux trouver le sommeil. Quand je ferme les yeux c’est votre visage que je vois et quand je m’approche pour l’embrasser je me réveille toujours. Je ne peux trouver aucune satisfaction quand je rêve de vous. Oh mon amour comme j’ai besoin de vous. Je sais bien que ce n’est pas un mot dont vous entendez tous les sens mais c’est le seul qui me vient aujourd’hui pour parler de ce terrifiant besoin que j’ai de vous, du vide que je ressens en moi quand je ne suis pas dans vos bras. J’ai besoin de vous mon amour dans tous les sens possible. J’ai besoin de vous sur moi, contre moi, dans moi, je vous veux partout à la fois monsieur et je ne veux que vous. Je veux vos mains monsieur, je veux vos mains partout sur mon corps. Je les veux sur mes seins, sur ma gorge, entre mes jambes, là où vous savez si bien vous en servir. Quoique là ce n’est pas de votre main dont j’ai besoin mais de votre bouche, de votre langue et de bien plus encore. J’ai besoin de vous en moi mon amour. Mon ventre est creux, mon amour, vide et il ne demande qu’à être rempli par vous de toutes les manières possibles. Ce vide qui me prend les entrailles à chaque fois que je pense à vous m’empêche de trouver le sommeil et c’est une maigre consolation que de pouvoir glisser ma main entre mes cuisses pour me toucher en pensant à vous. Rien ne peut remplacer votre caresse mon amour, votre caresse est pour moi la chose la plus merveilleuse du monde. Non, ce n’est pas vrai. Ce qu’il y a de plus merveilleux au monde c’est la façon que vous avez de me prendre, de me posséder, de me pénétrer. J’ai besoin de vous sentir en moi, de sentir votre force et votre amour, de vous sentir aller et venir entre mes jambes car enfin cette sensation je ne peux la reproduire par moi-même avec mes doigts bien moins habiles que vous. Je pense à vous mon amour et ne je ne trouverai pas de repos tant que je ne vous aurais pas eu en moi. Je pense à vous nuit et jour et je ne pense qu’à vous, il n’y a que vous et votre amour.
Kocham cie
Votre Hélène qui vous aime plus que la vie.
De l’hôtel de l’île Saint-Louis
Le neuvième du mois de janvier 1680
Le Duc d’Alameda à la Duchesse d’Alameda
Ma Louise
Aujourd’hui je ne vous écris pas pour vous faire des excuses mais pour vous dire tout l’effet que votre absence me fait. Penser à vous à chaque seconde de la journée est la seule chose qui m’empêche de sombrer dans la folie car c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour tromper le temps. Et quand je pense à vous ma chère, mes nuits sont plus longues et pourtant elles sont toujours bien trop courtes car une nuit toute entière ne peut être suffisante pour que la pensée de vous me rassasiât. Et dans mes rêves, jamais je ne peux retrouver le goût de vos lèvres, de votre peau, de vos seins, du miel qui coule sur votre langue quand vous me murmurez à l'oreille les mots les plus doux du monde. L'on croirait que toutes ses années passées la tête posée contre votre poitrine, la bouche lovée contre votre bouche, la main étroitement serrée dans la vôtre et avec nos cœurs battant à l'unisson auraient rendu votre corps, votre cœur, votre âme plus belle encore que celle des anges clairs comme le cristal de votre regard, pourtant il me semble que chaque jour je découvre en vous quelque chose de nouveau. Moi qui croyait connaître par cœur celle qui s'est rendue maîtresse de mon cœur lors d'un bal il y a bien longtemps, me voilà une nouvelle fois trompé. Non pas par vous, ma vie, ma joie, ma Louise, mais par moi-même et mon orgueilleux esprit. Une vie entière à vos côtés ne serait pas suffisante pour saisir toute votre grandeur. Ma Louise, je vous veux, je vous veux si terriblement que mon envie me brûle, elle ne brûle pas que mon corps elle brûle aussi mon âme qui me maudit d’avoir autant besoin de vous. Oh je ne pensais pas qu’après tant d’années de mariage je pourrais encore avoir autant envie de mon épouse, de révérer son corps chaque jour que Dieu m’offre, je me trompais encore, je ne pourrais jamais avoir assez de toi et de ton corps ma joie, mon amour. Je vous veux chaque jour à chaque instant. Me voilà seul depuis bien trop longtemps madame et l’image de votre corps gravé dans mon esprit ne peut me satisfaire. Je veux votre corps, je vous veux vous. Quand vous reviendrez Louise car je sais que vous reviendrez, je vous attendrai nu dans notre chambre, allongé sur notre lit et vous ferez de moi tout ce que vous voudrez car je suis votre esclave docile et obéissant qui ne demande qu’à être guidé par vous. Ma vie, ma joie, ma Louise je vous attends, je vous aime, je vous veux et je vous le montrerai de toutes les manières que mon esprit voudra bien imaginer. Je vous aime mon amour et je vous attends, je vous attendrai chaque jour, je vous attendrai jusqu’à ce que vous me reveniez et je ne cesserai pas un instant de vous aimer et de penser à vous.
Du château de Bourron
Le vingt-troisième du mois de janvier 1680
La Duchesse d’Alameda au Duc d’Alameda
Aramis c’est une douce torture que la lettre que vous m’avez écrite. Je vous savais poète, je vous savais amant mais je ne savais pas que vous pouviez être les deux à la fois. Oh cette lettre mon cher cette lettre…. Cette lettre a créé en moi un si fort et puissant désir de vous…. Désir pour lequel je vous maudis car vous n’êtes pas là pour le combler, pour le satisfaire. Parfois j’aimerais vous haïr mais chaque fragment de mon être me rappelle à quel point je vous aime, à quel point je vous adore et à quel point j’ai besoin de vous. Mon amour c’est avec les mains, avec les lèvres et avec mon sexe que j’ai lu votre lettre car mes yeux seuls ne pouvaient pas supporter tout l’amour et le désir qui s’en dégageaient. Mon amour, je ne sais comment après tout ce temps vous réussissez encore à vous faire désirer de cette manière mais vous y arrivez. Je vous désire Aramis. Oh non, c’est bien plus que du désir, c’est une nécessité. Sans vous je me sens partir un peu plus à chaque instant. Ce n’est que quand vos mains, vos grandes mains que j’aime tant embrasser et sentir contre ma gorge, enserrent mes hanches et me figent contre notre couche que je me sens complètement présente à moi-même. Ce n’est que quand je sens votre langue contre mes seins que je me sens bien, que quand votre bouche est contre la mienne que je suis heureuse et ce n’est que quand vous me possédez que j’oublie tous mes soucis. Oh même dans mon courroux je vous aime et je vous désire ma vie, mon tendre, ma joie. Même quand je voudrais vous détester je vous veux en moi car je ne suis vraiment complète que quand vous êtes en moi et que je sens votre souffle sur ma nuque, vos dents contre ma gorge et vos mains sur mes seins. Aramis c’est une belle vision de vous que vous m’offrez dans votre lettre. Oh comme je vous veux mon ami. Je vous veux comme vous vous êtes décrit vous-même nu sur notre lit. Je veux faire de vous ce qu’il me plaît et je veux que vous fassiez de moi ce qu’il vous plaît. Je rougis encore comme une adolescente alors que j’écris ces mots et pourtant c’est à mon mari que je parle, que j’écris, mon mari avec qui j’ai couché tant de fois, dont j’ai eu quatre enfants et dont je ne peux me lasser du corps et pourtant ce soir je suis une adolescente écrivant à son premier amant. Je n’ai pas honte de rougir ainsi, au contraire j’en suis heureuse car c’est là la preuve que je vous désire toujours de cette passion d’adolescents qui ne peuvent jamais se satisfaire d’un seul ébat. C’est un grand désir que vous avez créé en moi mon ami, désir qui restera inassouvi tant que je n’aurai pas retrouvé le chemin de votre couche, de vos bras, tant que je ne vous sentirez pas en moi. Ce soir je me toucherai en pensant à vous car c’est le seul remède contre l’insomnie que j’ai pu trouver. Si vous ne trouvez pas le sommeil non plus, touchez vous mon amour et pensez à moi. Je vous aime et je vous promets de revenir bientôt car je ne crois pas que je tiendrai encore longtemps loin de vos baisers et de vos caresses.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le trente-et-unième du mois de janvier 1680
La Comtesse de Chalais au Comte de Chalais
Comme je regrette de vous avoir demandé de me quitter mon tendre ami. Je ne me rendais pas compte du vide que cette absence engendrerait en moi. Pas seulement un vide dans mon cœur mais aussi un vide dans mon ventre. Je me regarde nue dans le miroir le matin et je vois les traces de la vie que j’ai portée à six reprises. Je vois les marques sur mon ventre que vous aimez tant parcourir de votre langue et de vos doigts, je vous les marques sur mes cuisses auxquelles vous aimez vous agripper, je passe ma main sur mon ventre et je le trouve si plat. François j’aimais cent fois mieux quand mon ventre était rond et plein de vie. Oh comme j’aimais les regards que vous lanciez à mon ventre, comme j'aimais les baisers que vous posiez dessus même dans les moments les plus inconvenants pour vous et pour moi, j'aimais la façon que vous aviez de me désirer quand j’étais enceinte François. Je sais que vous n’avez jamais autant aimé me prendre que quand j’étais enceinte et je n’ai jamais autant aimé être à vous que quand mon ventre était plein de vie. Je ne pense qu’à vous depuis que vous êtes parti et je ne trouve pas dans la caresse de mes doigts ou de mes draps le plaisir que je prends sur vos doigts ou votre langue. Monsieur, la chose que je vais vous avouer est terrible mais quand je suis avec mes amis dans un salon c’est à vous que je pense. Enfin non, ce n’est pas à vous que je pense mais à vos caresses, à vos baisers, je jette un œil sur mes meubles et je nous revois allongés nus dessus. J’entends vos gémissements à mon oreille et je peux presque vous sentir en moi. Revenez moi vite François, je n’aurais jamais dû vous chasser car j’ai trop besoin de vous, je vous aime trop et je ne peux me passer de vous.
De l’hôtel de la rue de Francs-Bourgeois
Le dixième du mois de février 1680
Le Comte de Chalais à la Comtesse de Chalais
La torture est aussi dure pour moi que pour vous mon cher amour, je suis un homme bien démuni sans vous madame et je ne sais plus quoi faire de moi, de mes pensées et de mon corps. Je me touche en pensant à vous mais mon plaisir sans vous est ridicule. Je tourne dans notre château comme un lion en cage et votre lettre ne fut point la clef de ma prison dorée que j’espérais. Savez-vous bien ma Diane dans quel désespoir votre lettre m’a plongée? Elle m’a rappelé que je pourrais être en vous dans votre lit, plutôt que dans ma main dans le mien. Ma main n’est pas comme la vôtre, elle ne connaît pas comme la vôtre l’art de me faire plaisir et encore, votre main connaît encore moins bien cet art que votre bouche. Oh quand je m’endors Diane c’est vos lèvres enroulées autour de moi que je vois. Je vous veux ma chère épouse, je vous veux et j’ai besoin de vous. Comme je voudrais que vous fussiez enceinte à nouveau car savez vous bien à quel point je vous aime et je vous trouve belle quand vous êtes enceinte? Je vous l’ai dit et vous l’ai montré un nombre de fois trop grand pour une mémoire d’homme et pourtant je veux vous le montrer encore une fois. Je vous aime tant quand vous êtes enceinte madame et savez-vous pourquoi? Parce que voir votre ventre se gonfler me rappelle toutes les fois où vous avez été mienne et me rappelle que vous êtes à moi et que personne d’autre que moi ne sera en vous jusqu’à la fin de vos jours. Quand je rentrerai Diane, quand vous serez lavée de tout soupçon, la première chose que je ferai ce sera de vous jeter sur notre lit et de vous prendre de la tombée de la nuit jusqu’à ce que l’aube vienne et j’espère bien que de cette nuit viendra un nouvel enfant car votre ventre rond me permettra de crier mon amour pour vous au monde tout entier. Je vous aime ma Diane et n’attends que le plaisir de vous revoir enfin.
Du château de Chalais
Le dix-septième de mois de février 1680
Le Prince Ivan Wielopolski à la Princesse Wielopolski
Mon tendre amour, ma belle Hélène, femme trois fois trop bonne pour moi, vous que je vénère, que j’aime et désire,
Sans votre lettre je crois bien que je serai devenu fou mon cher amour car ne pas avoir de vos nouvelles me tue. Et pourtant quand j’ai reçu votre lettre j’ai cru mourir une nouvelle fois. Mon amour, vous ne pouvez pas me dire des choses comme ça alors que je suis si loin de vous et que je ne peux pas toucher votre corps, que je ne peux pas vous embrasser ou vous parler et vous dire à quel point je vous aime et à quel point je ne peux me passer de vous. Vous me manquez mon amour plus que vous ne le croyez et si vos mains ne vous apportent aucune satisfaction, je peux vous affirmer que les miennes ne m’en offrent pas non plus. Il n’y a que la chaleur enveloppante de votre main, de votre bouche ou de votre sexe qui puisse m’apporter une libération. Je vous veux tellement madame. Je n’ai pas pu vous posséder depuis trop longtemps. Je vous veux dans mes bras, en train de crier mon nom de manière à ce que tout le château entende que vous êtes à moi, à moi seul et qu’il n’y a que moi sur terre qui sache comment vous faire plaisir. Je vous veux tremblante de plaisir entre mes bras, gémissante, collante de la sueur de nos ébats et de la chaleur des baisers dont je vais couvrir votre corps quand vous me reviendrez, je veux que toutes les pensées intelligentes dont vous gratifiez si souvent notre cour disparaissent de votre bouche pour être remplacé par mon nom, simplement pas mon nom, c’est le seul mot que je veux entendre dans votre bouche. Oh puis je vous prendrai dans mes bras madame et vous garderez contre moi jusqu’au matin. je vous regarderai dormir et quand l’aurore vous réveillera je vous prendrai à nouveau car une nuit entière pleine d’ébats ne sera pas suffisante pour apaiser la soif que j’ai de vous et de votre corps. Je vous aime tant mon amour, mon Hélène, ma tendre, ma chérie, je ne supporte plus d’être si loin de vous. Revenez-moi je vous en supplie.
Kocham cie
Votre Ivan qui n’est rien sans vous
Du château de Wawel
Le premier du mois de mars 1680
Chapter 5: Lettres du printemps de l’an de grâce 1680
Notes:
"Et je comprenais l'impossibilité où se heurte l'amour. Nous nous imaginons qu'il a pour objet un être qui peut être couché devant nous, enfermé dans un corps. Hélas ! Il est l'extension de cet être à tous les points de l'espace et du temps que cet être a occupés et occupera. Si nous ne possédons pas son contact avec tel lieu, avec telle heure, nous ne le possédons pas. Or nous ne pouvons toucher tous ces points."
Marcel Proust
Chapter Text
Florent d’Herblay à l’Evêque de Bayeux
Si j’ai pris tant de temps pour vous écrire monsieur c’est parce que je n’en voyais pas l’utilité. Je n’ai pas grand chose à vous dire et je crois bien que vous non plus. Je sais que vous prenez soin de ma sœur et que vous avez pris soin de ma fille et je vous en suis très reconnaissant. Des affaires m’ont malheureusement retenu en Touraine. Je compte me rendre à la chasse du roy qui se tiendra dans deux semaines et j’espère que vous en ferez également partie. Je sais bien que vous ne mangez plus ni viandes, ni poissons, ni œufs et que vous haïssez la chasse plus que toute autre chose au monde mais j’ose croire que pour notre sœur vous serez prêt à faire ce sacrifice.
Monsieur, Louise m’a dit que vous avez proposé de vous rendre à Rome pour demander conseil au Pape. Si je vous écris, mon frère, c’est pour vous demander de le faire. Monsieur, je sais que vous n’aimez pas sa sainteté que vous lui trouvez l’air d’un hypocrite et d’un fat et je suis assez d’accord avec vous. Pourtant, mon frère, je vous prie de mettre vos affections de côté et d’aller voir le Pape. Si nous ne pouvons avoir de l’influence sur le roy peut-être que sa sainteté le pourra et il n'y a que vous et notre frère très chrétien Ivan qui puissiez avoir une influence sur lui. Je vous supplie mon frère de faire ce sacrifice pour notre sœur.
Je vous présente mes respects monsieur mon frère, Marguerite vous salue, Louise et René vous embrassent, Raoul et Jacques vous prient de venir bientôt nous rendre visite. Je joins mes prières aux leurs. Mon cher frère, nous n’avons pas toujours eu d’aussi bonnes relations que Diane et Hélène mais je vous assure que je suis sincèrement attaché à vous et que je prends tous vos intérêts très à cœur. Au plaisir de vous voir bientôt mon cher frère.
Du château d’Azay-le-rideau
Le vingt-huitième du mois de mars 1680
L’Evêque de Bayeux à Florent d’Herblay
C’est avec surprise monsieur que j’ai reçu votre lettre. Je n’attendais plus de vos nouvelles! Je suis de retour à Bayeux, mon cher frère, et je ne comptais pas me rendre à la chasse du roy mais puisque vous demandez de vous y accompagner je le ferai. Nous ne serons pas trop de deux pour tenter de convaincre la cour de l’innocence de notre sœur. Je chevaucherai avec vous pendant cette chasse mais je ne tiendrai point de fusil et je ne tuerai point d’animaux dans les sous-bois de Chantilly. Je parlerai à Madame de Maintenon. Je lui ai envoyé une lettre il y a quelques temps à laquelle elle n’a pas daigné répondre mais je compte bien lui parler à cette chasse car je suis certain qu’elle y sera présente. Elle a comme moi de l’aversion pour la mort des animaux et je pourrais converser avec elle en toute tranquillité pendant que vous autres chasserez. Si je la gagne nous pourrons peut-être gagner le roy.
Pour ce qui est du Pape mon frère vous n’avez pas besoin de me supplier. Mes bagages sont déjà prêts et je comptais partir pour l’Italie à la fin du mois. Je partirai donc plus tard mais je partirai. Je poserai mes valises chez Hélène le temps de la chasse puis je repartirai. Je vous écrirai depuis l’Italie pour vous informer de l’avancée de nos affaires. Dès que j’aurai informé son idiotie de la situation de notre sœur et que j’aurai recueilli son avis sur la question, j'écrirai au roy pour lui faire part de son opinion. Je ne doute pas qu’il sera de notre côté car il n’aime pas beaucoup le roy mais il aime beaucoup notre beau-frère qui est un bien meilleur chrétien que notre roy. Si nous ne parvenons pas à faire flancher le soleil, peut-être que la voix de Dieu le pourra.
Je vous embrasse mon frère, vous, votre femme ma sœur que j’aime beaucoup et dont la compagnie m’est toujours agréable, ma nièce, mes deux neveux et mon cher René que je n’ai pas eu le plaisir de voir à Paris. Je vous dis à très bientôt monsieur. Je suis bien aise de vous voir bientôt.
De la cathédrale de Bayeux
Le premier du mois d’avril 1680
La Duchesse d’Alameda au Duc d’Alameda
Mon amour, mon aimé, mon Phoebus, mon cher Aramis,
C’est une lettre bien courte que je vous écris aujourd’hui. Je n’ai pas grand chose à vous dire si ce n’est que je pars. Oh ne vous alarmez pas mon ami, je ne quitte pas votre compagnie, c’est celle de Diane que je quitte. Je la quitte pour vous retrouver. Oui mon ami, mon amour. Je reviens à Bourron, je retourne dans vos bras. Vous m’avez manqué Aramis, vous m’avez manqué. Ne croyez pas que je ne suis plus fâchée contre vous car je le suis mais je ne puis rester plus longtemps loin de vous, de vos bras et de votre amour. J’ai besoin de vous, j’ai besoin de votre main dans la mienne, de vos lèvres sur ma tempe et contre ma bouche, enfin j’ai besoin de vous tout entier. Et j’ai besoin d’entendre votre voix à mon oreille le matin quand je me réveille, c’est mon plaisir parfait Aramis, de me réveiller dans vos bras le matin, de sentir votre souffle dans mes cheveux, vos lèvres contre mon oreille, votre main droite sur mon ventre et votre gauche sur ma cuisse, votre torse contre mon dos et surtout, c’est mon plaisir d’entendre votre voix et vos gémissements en premier le matin. Cela fait tant d’années que je me réveille ainsi dans vos bras tous les matins et pourtant il me semble que jamais je ne pourrais m’en lasser. J’ai si hâte de vous revoir mon cher, mon tendre mari, je ne pense qu’à vous.
Je vous embrasse mon Aramis, je vous embrasse de toute mon âme, de tout mon cœur, de tout mon être. Je vous aime, je vous aime oh mon dieu que je vous aime, je ne peux me passer de vous et me voilà. Je cours vers vous, je me précipite de nouveau dans vos bras. Je quitte Paris à la fin du mois et je retourne chez nous, dans notre maison, dans notre lit, dans vos bras, mon Aramis, mon amour, mon Phoebus.
De l’hôtel de l’île Saint-Louis
Le quinzième du mois d’avril 1680
Le Duc d’Alameda à la Duchesse d’Alameda
Ma vie, ma joie, ma Louise, mon tendre amour,
Oh que votre lettre m’a fait plaisir ! Je l’ai lue et relue tant de fois ! Et si seulement j’avais pu les lire, vos tendres mots d’amour, avec les lèvres madame, ma Louise, mon amour je l’aurais fait car toucher vos mots de mes lèvres c’est presque aussi doux pour moi que d’entendre votre voix. Oh que mon lit est grand et vide sans vous, que notre maison n’a plus rien d’un foyer et que mon cœur se déchire quand je passe devant un de vos portraits. Vous me manquez mon tendre amour, ma vie, ma joie. Votre départ et votre absence m’ont appris une nouvelle fois à quel point votre présence m’est indispensable à quel point je ne suis rien sans vous. Je sais que je vais passer auprès de vous pour le pire des égoïstes mais je suis heureux madame que vous quittiez la compagnie de notre fille. Je sais bien qu’elle a besoin de vous, de votre soutien et de votre étreinte maternelle et de vos bons conseils mais je la jalouse madame car c’est elle qui peut dormir dans vos bras et pas moi. Je suis un égoïste madame car je préfère vous avoir auprès de moi en province plutôt que vous ne soyez loin de moi à Paris chez votre fille qui a bien plus besoin de vous en ce moment que moi. Mais vous me connaissez madame, quand il est question de vous je perds tout mon bon sens.
Je vous aime madame, je vous aime, je vous adore, je ne pense qu’à vous, je n’aime que vous et je n’ai jamais aimé que vous. Je vous attends madame, je vous attends et je vous attendrai chaque jour assis sur les marches de notre château, les bras ouverts et le cœur plein de vous. Je ne peux penser qu’à vous maintenant que je sais que vous allez enfin me revenir.
Du château de Bourron
Le trentième du mois d’avril 1680
Le Prince Ivan Wielopolski à la Comtesse de Chalais
C’est bien la première fois depuis le début de cette terrible affaire que j’ai pris la peine de prendre la plume pour vous écrire ma chère sœur et je vous prie de bien vouloir m’excuser pour ce manque de civilité. Je vous prie de croire que je suis bien de tout cœur avec vous, que j’ai pour vous toute la tendresse du monde et que je pense à vous avec la plus grande tendresse fraternelle. Si je vous écris aujourd’hui c’est pour vous faire une proposition. Je ne pense pas qu’elle vous plaise mais je me dois de vous la faire quand même. Je n’en ai point encore parlé à Hélène mais je suis certain qu’elle sera de mon avis. Je vous écris pour vous proposer de quitter la France et de vous rendre en Pologne jusqu’à ce que votre innocence soit rendue officielle en France. Ce n’est pas de fuir que je vous propose mais bien de quitter la France de manière légale et officielle avec le secours du roy de Pologne qui approuve notre projet. Je pense qu’Hélène l’aura convaincu mieux que moi, je le soupçonne d’avoir des vues sur elle, cela me fait bien rire et je pense que cela vous fera rire aussi. Si vous acceptez ma proposition ma chère sœur, je vous assure que toute la Pologne remuera ciel et terre pour vous aider.
Je suis navré de vous accabler par mes propositions ma chère sœur mais je crois qu’il est de mon devoir de vous proposer cette alternative. je me doute qu’elle n’aura pas bonne presse auprès de vous, de votre mari que je tiens en fort haute estime ou de vos enfants car même si je sais qu’ils aiment beaucoup leurs cousins je ne suis pas certain que cela leur plairait de vivre en Pologne. Je vous prie de bien vouloir considérer ma proposition ma chère sœur et de me faire savoir bien vite par ma chère épouse votre réponse.
Je vous embrasse ma chère sœur avec toute la fraternité que j’ai pour vous et toute mon affection. Je vous prie de bien vouloir embrasser ma tendre Hélène pour moi. Cela fait trop longtemps que je n’ai pu le faire.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le sixième du mois de mai 1680
Le Duc de Saint-Simon à Angélique de Peyrac
Je ne crois pas avoir, Madame la Maréchale, l’honneur d’être connu de vous. Je me présenterai donc simplement, Monsieur Claude de Rouvroy. Je suis le parrain de madame la comtesse de Chalais que vous avez connu par votre mari. Je suis pair de France et duc de Saint-Simon. Je crois vous avoir vu à la cour il y a bien longtemps où vous fîtes grande impression sur le roi. Je vous écris aujourd’hui madame pour vous supplier de répondre à la lettre que vous a dressée ma filleule. Chaque jour son besoin d’un bon avocat se fait plus pressant et le votre lui avait fait grande impression il y a vingt ans. Elle ne vous demande rien d’autre que son nom, ni recommandations, ni argent, ni autre aide, simplement le nom de votre avocat. Je vous implore madame de bien vouloir la secourir.
Je vous baise les mains madame la maréchale et vous salue respectueusement.
Du château de Versailles
Le vingtième du mois de mai 1680
Chapter 6: Lettres de l’été de l’an de grâce 1680
Summary:
"L’humanité n’est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scélérat a ses vertus, comme l’honnête homme a ses faiblesses. Cette vérité me paraît d’autant plus nécessaire à croire, que c’est d’elle que dérive
la nécessité de l’indulgence pour les méchants comme pour les bons; et qu’elle préserve ceux-ci de l’orgueil, et sauve les autres du découragement."Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses
Chapter Text
La Comtesse de Chalais à la Duchesse d’Alameda
Mère, ma chère et très tendre mère, vous voilà repartie pour vos terres et si ce voyage réjouit certainement mon père qui a toujours hâte de vous retrouver il me rend bien triste. J’aimais vous avoir à mes côtés ma chère petite maman car je me sentais si bien dans vos bras réconfortants. Je sais que vous aimez mon père plus que vous n’aimez vos enfants et je ne vous en veux pas car c’est le plus bel amour du monde qui existe entre vous et lui. Je comprends que vous vouliez retourner dans votre nid d’amour mais je suis bien attristée par votre départ car je suis bien seule sans vous. Hélène vient me voir tous les jours et Florent le fait aussi dès qu’il ne se rend pas à Versailles mais c’est la nuit que votre absence me pèse car quand je me lève les couloirs sont silencieux. Je me crois épiée de partout et je ne peux pas aller me réfugier dans vos bras, dans votre lit, contre votre cœur qui m’aime tant. J’ai besoin de vous ma chère maman, vous me manquez et j’ai peur de mourir avant de pouvoir vous revoir.
Voilà maintenant deux semaines que je n’ai pas de nouvelles de ce qui se dit de moi à la cour. Hélène m’assure que c’est une chose rassurante mais je ne sais si je dois la croire. Je sais le talent qu’elle a pour la chose politique et je suis certaine que ses analyses des gens de cour sont bien plus fines et poussées que les miennes mais pourtant j’ai peur. Oh maman! Je me sens comme une enfant. Je crois toujours qu’on va venir me chercher dans mon hôtel pour m’emmener à la Bastille, j’ai peur pour ma tête maman. Tant de femmes se font condamner ces derniers temps et j’ai bien peur d’être la prochaine. Hélène me jure qu’elle ne les laissera pas faire mais je ne sais quel pouvoir elle peut bien avoir sur le jugement royal. Maman, pourquoi le roy ne clame-t-il pas mon innocence?! Il sait que je n’ai pas fait ce dont on m’accuse. Oh c’est un bien méchant homme que celui-la, comment celui qui doit être l’incarnation sur terre de la justice divine peut-il laisser passer une telle injustice?! Mais je ne vous accable pas plus longtemps ma chère maman avec mes malheurs.
Quand vous serez à Bourron ma mère, embrassez mon père pour moi et ne le boudez pas trop. Vous savez qu’il vous aime plus que tout, plus que sa propre vie et qu’il serait prêt à mourir pour vous. Il mérite vos remontrances mais ne le faîtes pas trop souffrir madame. Embrassez-le, d’abord pour moi, ensuite pour Hélène et finalement pour vous. Il a voulu bien faire, il a voulu vous préserver de mes malheurs et vous épargner des chagrins et si ses actions furent maladroites ses intentions étaient pures. Embrassez-le, ma mère, et aimez-le, c'est votre fille qui vous le demande à genoux.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le septième du mois de juin 1680
La Duchesse d’Alameda à la Comtesse de Chalais
Ma chère fille, vous me manquez déjà. Vous savez que ce n’est pas de gaîté de cœur que je vous ai quitté. Je suis bien heureuse d’être dans les bras de mon mari mais vous savoir si accablée et si loin de moi me tord le cœur. J’aimerais tant vous dire que je suis sereine et certaine que vous serez bientôt libérée de toutes vos souffrances mais je ne peux vous mentir. Votre position est toujours aussi délicate qu’en mars de l’année dernière et les nouvelles que vous m’avez données de la cour dans votre dernière lettre ne me paraissent pas être de bonnes nouvelles. J’écrirai encore ma fille s’il le faut à tous les soutiens que je puis encore avoir là-bas. La cour ne me hait point, non, mais elle m’a oubliée. Quelques personnes sont encore attachées à ma personne et aux intérêts de notre famille mais elles sont peu nombreuses. Je les mobiliserai, je vous le promets et nous viendrons à bout de cette infamie.
J'écrirai à votre parrain dans la semaine car cela fait bien longtemps que je n’ai point causé avec lui. Vous savez l’affection qui naquit entre nous quand nous nous rencontrions pour la première fois. Il vous aime tendrement monsieur votre parrain et il vous l’a prouvé à de multiples reprises ces derniers mois. Remerciez-le pour vous et pour moi quand vous le reverrez.
Ma chère fille, ma tendre petite Diane que j’aime plus qu’elle ne le croit, je pense à vous de toute mon âme et je prie pour vous chaque jour. J’ai bien embrassé votre père et pour vous et pour Hélène et pour moi-même. Ne vous en faîtes pas. Je ne l’ai pas trop grondé car dès que j’ai vu ses yeux si pleins d’amour mon cœur et ma résolution fondirent comme la neige au soleil. Je vous aime ma fille, votre père et moi pensons à vous.
Du château de Bourron
Le vingt-et-unième du mois de juin 1680
La Duchesse d’Alameda à la Princesse Wielopolski
Ma petite Hélène, je suis désolée de ne pas être passée vous voir avant de repartir pour Bourron mais je ne pouvais plus rester aussi longtemps loin de votre père. Vous savez comme je l’aime ma fille car vous aussi êtes amoureuse de votre mari. Je n’ai pas votre courage ma fille, ni votre résignation, je ne peux rester éloignée de lui trop longtemps car chaque jour passé loin de lui brise un peu plus mon cœur qui n’est complet que quand il prend ma main dans la sienne et que ses lèvres sont contre les miennes. Je ne sais comment vous faîtes car voilà plus d’un ans que vous êtes séparée d’un mari que vous aimez le plus tendrement du monde. Je ne puis rester si longtemps loin de votre père, loin de cet homme que j’aime depuis de longues années. Que j’aimerais avoir votre courage ma fille car grâce à lui j’aurais pu rester plus longtemps aux côtés de votre sœur qui a terriblement besoin de moi. Si votre sœur est une Artémis alors vous ma fille vous êtes une Athéna et je voudrais que vous puissiez me donner un peu de votre sagesse car j’en ai grand besoin aujourd’hui. Je vous promets de lui écrire souvent.
Je fus si ravie de voir ma petite Gabriela. Philippe ne m’avait pas menti. Elle me ressemble beaucoup. Par moment, quand elle était assise à la fenêtre, je croyais me voir moi-même. Vous souvenez-vous du portrait de moi à la lecture que votre père fit faire quand vous n’aviez que trois ans? Gabriela pourrait aussi bien en être le sujet. Les mêmes boucles rousses, les mêmes yeux, la même posture. Je ne pensais pas qu’un de mes petits-enfants me ressemblerait autant et pourtant… Et Gabriela et Gabrielle sont mon parfait portrait et cela me comble autant que cela me perturbe. Le jeune homme vers lequel son cœur penche me semble tout à fait charmant mais je vous prie de ne pas trop précipiter l’hymen entre eux car ils sont jeunes et pas encore sérieux. Mais dès que vous serez assurée de la grandeur et de la noblesse de ses sentiments, mariez-les car ils feront un couple fort bien assorti.
Je vous aime ma fille et votre père aussi. Il m’a tout de suite demandé des nouvelles de sa petite princesse. Les années ne lui ont pas pas fait abandonner ce surnom qu’il vous donnait quand vous n’étiez encore qu’une enfant et je trouve cela tout fait charmant. Nous vous embrassons bien tendrement.
Du château de Bourron
Le vingt-et-unième du mois de juin 1680
La Princesse Wielopolski à l'Évêque de Bayeux
Je ne sais mon cher Philippe si vous êtes déjà arrivé à Rome, si vous avez déjà pu voir le pape et même si vous avez pu parler à qui que ce soit et je vous écris pourtant pour vous mettre en garde. Je sais que vous voulez écrire au roy pour soutenir la cause de notre sœur, je ne vous écris pas pour vous interdire de le faire mais pour vous suggérer de bien vouloir surveiller votre langage quand vous vous adresserez à lui. Comme moi vous avez hérité du franc-parler de la famille d'Herblay. Nous n’avons point le talent et le goût de la littérature comme notre frère et notre sœur mais je prie de bien vouloir lire Racine avant de vous adresser au roy de France. Vous ne pouvez pas lui parler comme vous me parlez à moi où à notre père. Vous me direz certainement que ma manière de m’adresser à lui n’est guère mieux que la vôtre mais monsieur c’est que notre statut n’est pas le même. Je suis femme du deuxième homme le plus puissant du royaume de Pologne, le roy de France ne peut rien contre moi car je suis presque son égale, je puis donc lui parler d’une manière bien plus familière que vous ne le pouvez. Surveillez votre langage mon frère, le roy ne sera mis dans de bonnes dispositions si vous ne vous adressez pas correctement à lui. Pour votre sœur monsieur, je vous prie de bien vouloir surveiller votre langue et je suis certaine que celui que vous appelez “le chef des idiots en robe pourpre” sera d’accord avec moi sur la question. Je vous embrasse mon frère et vous prie de prendre mes remarques en considération.
De l’hôtel de l’île Saint-Louis
Le vingt-septième du mois de juillet 1680
L’Evêque de Bayeux au Roy Louis XIV
A sa majesté le roy de France
J’écris à votre majesté depuis le Vatican où sa sainteté me fait l’honneur de m’accueillir. Je vous prie de bien vouloir excuser ma hardiesse mais je me faisais un devoir de vous écrire. Vous connaissez ma sœur et les malheurs qui l’accablent et c’est à ce sujet que j’écris aujourd’hui à votre majesté. Je ne cherche pas par cette lettre à vous convaincre de son innocence car je sais que vous la connaissez déjà. Je ne cherche pas non plus à prouver à votre cour quoi que ce soit car vous êtes le seul qui pourra la faire changer d’avis au sujet de ma chère sœur. Ma lettre sera courte sire (car je sais bien que votre majesté ne m’apprécie que parce que nous partageons un filleul et que si on lui avait laissé le choix elle aurait préféré ne jamais avoir à faire à un homme tel que moi) car je ne cherche point à vous assommer avec mes mots. Si je vous écris sire c’est pour vous donner l’avis du pape quand au procès que l’on fait à ma sœur. S’il n’a pas tranché sur la question de son innocence il me presse de vous communiquer ces paroles :
“Mon fils, me dit-il , si votre sœur est réellement innocente et que l’homme que l’on dit offensé le sait, il est du devoir de cet homme d’affirmer haut et fort l’innocence de cette dame. Peut-être qu’il en sera humilié mais il vaut mieux qu’il soit humilié sur terre plutôt que le jour du jugement dernier. Il est juste, chrétien et moral de clamer l’innocence d’une dame injustement accusée.” Voici votre majesté ce que sa sainteté me dit en confidence il y a quelques jours.
C’est avec le plus grand respect du monde sire que je m’agenouille devant vous en présentant les paroles de sa sainteté. Je vous prie de bien vouloir excuser mon impertinence et la familiarité de mon langage mais je ne saurais changé qui je suis même si c’est pour plaire à un roy.
Monseigneur Philippe d’Herblay Evêque de Bayeux
Du palais papale du Vatican
Le septième du mois d’août 1680
Angélique de Peyrac à la Comtesse de Chalais
J’espère que vous ne me tiendrez pas rigueur madame la Comtesse du temps que j’ai pris pour répondre à votre lettre. Je vous jure que c’est contre ma volonté que j’ai pris autant de temps à vous répondre. C’est que j’ai été prise et inquiétée de toutes parts. Je n’ai pas non plus été épargnée par cette terrible affaire des poisons. Si je ne suis pas accusée d’un crime comme vous l’êtes, on a tenté de m’assassiner. Vous voyez bien l’embarras dans lequel je me trouve car comme vous je ne puis trop sortir de chez moi. Et madame, un grand événement est venu secouer ma vie il y a seulement quelques jours. Je n’ai pas le temps de vous écrire longtemps madame car cet événement occupe tout mon esprit.
Madame, à vous je peux le dire : mon époux est vivant, Geoffrey de Peyrac est vivant et je pars à sa recherche. Je ne vous donnerai pas d’autres nouvelles madame car je n’aurais pas le temps, ni le cœur, ni l’esprit de vous écrire car toutes mes pensées seront dirigées vers mon époux. Je prends cependant le temps de vous recommander à l’ami dont vous m’avez parlé dans votre l’être. Le nom de mon avocat, qui aujourd’hui est un ami bien cher, est François Desgrez, je lui ai écrit en votre nom et vous aurez bientôt de ses nouvelles car il est prêt à vous défendre. Je vous baise cent fois les mains madame et vous souhaite une meilleure fortune que la mienne.
Sincèrement vôtre.
Angélique de Peyrac Comtesse de Toulouse, Marquise de Plessis et Maréchale de France
Du château de Versailles
Le douzième du mois d’août 1680
Chapter 7: Lettres de l’automne de l’an de grâce 1680
Summary:
"Je n'ai jamais eu de problème dans ma vie pour donner aux autres ce qu'ils veulent. Mais personne n'a jamais été capable d'en faire autant. Personne ne me touche, personne ne s'approche de moi."
Sarah Kane - 4.48 Psychose
Chapter Text
Le Prince Ivan Wielopolski au Duc d’Alameda
Monsieur,
Vous que j’ai l’honneur de pouvoir appeler mon père, vous qui m’avez offert votre fille, mon tendre amour, mon Hélène que j’aime plus que tout, qui m’est plus précieuse que la vie, la mère de mes tendres enfants, la plus belle et la plus grande de toutes les femmes du monde, souffrez d’être le premier, après ma tendre épouse, à qui j’annonce une nouvelle bien joyeuse pour notre famille. Me voilà, depuis deux semaines maintenant, nommé ambassadeur de Pologne en France. Monsieur, c’est une charge que je demande depuis plusieurs années maintenant et que je me vois enfin attribuée. Quand je l’ai demandée c’était pour que nous puissions, ma famille et moi-même, résider en France bien plus souvent que nous le faisions avant aujourd’hui. Car, si mon Hélène est très heureuse en Pologne, qu’elle y est respectée par tous les gens de la cour et profondément aimé voire adorée par nos gens et par les habitants de notre bonne ville de Cracovie, son bonheur ne saurait être complet sans une proximité plus grande avec ses parents, ses frères, sa sœur et ses neveux et nièces qu’elle aime du plus bel amour du monde. Vous êtes comme moi monsieur, je le sais, vous êtes comme moi, vous êtes épris de votre femme plus que n’importe quel homme et comme moi vous ne pouvez rien refuser à la femme que vous aimez. J’ai donc demandé cette charge et je l’ai enfin obtenue, voilà mon Hélène comblée et si elle est heureuse je le suis également. Je pourrais rejoindre la France à compter du mois d’octobre 1682. Hélène est ravie de cette nouvelle, nos enfants aussi, nous vous verrons bien plus souvent maintenant et nous en sommes tout à fait charmés. Vous manquez beaucoup à vos petits-enfants et je ne voudrais pas qu’ils se marient et partent bien loin sans vous avoir revu monsieur. Mes fils vous ressemblent plus chaque jour et j’aimerais que vous en soyez témoin.
Si je vous écris monsieur, ce n’est pas seulement pour vous annoncer, à vous et à madame votre épouse ma mère que j’embrasse avec toute la tendresse et toute la vénération que je lui dois, le bonheur qui me touche aujourd’hui. Si je vous écris monsieur c’est pour vous annoncer l’entreprise dans laquelle je me lance aujourd’hui. Puisque me voilà ambassadeur de Pologne en France, je me vois offrir à la cour de France une place que les plus grands seigneurs de votre pays pourraient m’envier, me voilà par la force des choses, intime du roy de France. J’userai donc de cette place monsieur pour défendre votre fille, ma chère sœur, la charmante Diane de Chalais. J’écrirai au roy dès que le tumulte des réjouissances aura quitté ma demeure et je lui ferai savoir que la cour de Pologne s’oppose à ce que l’on continue les poursuites contre Madame la Comtesse de Chalais et que si elle doit encore être accusée nous la ferons quitter la France pour l’installer à la cour de Pologne où nous la protégerons de toutes les accusations.
Mon père, je m’agenouille à vos pieds et baise les mains de votre chère épouse ma mère. J’espère pouvoir me rendre utile à notre famille plus que je ne l’ai été jusqu’à maintenant. Je vous promets d’user de tout le pouvoir et de toute l’influence que je puis avoir à la cour de France et sur la roy qui la dirige pour défendre votre fille. Je vous présente mes hommages monsieur le duc et à vous aussi madame la duchesse. Je reste madame, monsieur, votre dévoué fils et votre humble et loyal serviteur.
Du château de Wawel
Le vingtième du mois de septembre 1680
La Princesse Wielopolski au Roy Louis XIV
A sa majesté le roy de France
Vous connaissez sire, le franc-parler de la famille d’Herblay et, si ma qualité devrait m’interdire de parler de la sorte, je ne ferai pas exception à cette tradition familiale. Ce n’est pas en tant qu’Hélène d’Herblay, sœur de Diane de Chalais, femme semblable à la déesse dont elle porte le nom, injustement accusée d’un crime odieux que je me permets de vous écrire sire. Non. C’est en ma qualité d’épouse du Prince Ivan Wielopolski, ambassadeur de Pologne en France, en ma qualité de Princesse et dirigeante de Cracovie, finalement c’est en ma qualité de deuxième femme de Pologne que j’écris aujourd’hui à sa majesté le roy de France. Sire, je sais tout des accusations qui pèsent sur ma sœur et je sais, et vous le savez aussi, qu’elles sont fausses et qu’elles sont le pire mensonge que la cour de France ait jamais produit. Sire, je sais que ma sœur a partagé votre lit pendant une unique nuit, car croyez bien qu’elle n’a pour moi aucun secret, et je sais également qu’elle ne l’a plus jamais partagé après cette unique nuit. Vous savez la vérité de mes paroles, vous savez qu’elle n’a partagé votre lit qu’une fois et qu’elle ne fut plus jamais votre maîtresse après ce jour. Vous savez aussi, sire, que ma sœur ne nourrit aucune ambition politique et qu’elle n’a aucun intérêt à devenir votre favorite. Si nous nous ressemblons c’est bien là la grande différence entre nous. Ma sœur n’a aucun attrait pour la politique, ni pour les choses de cour, ni pour les intrigues dont je suis férue et auxquelles j’excelle comme vos espions qui résident dans mon château ont dû vous le dire. Sire, vous savez l’innocence de ma sœur et je vous demande, vous supplie plutôt, de bien vouloir affirmer cette innocence devant la cour qui l’accable depuis de longs mois maintenant et de faire cesser toutes les poursuites contre elle.
Je vous écris sire pour vous informer de la résolution à laquelle mon époux et moi-même nous nous sommes rangés. Sire, mon but n’est pas ici de vous commander mais bien de vous recommander de bien vouloir prendre la défense de ma sœur. Vous savez son innocence mieux que quiconque et si vous nourrissez contre elle quelques ressentiments quant à cette terrible affaire d’Espagne dans laquelle ma famille prit une grande part que je ne nierai pas ici, ne croyez-vous pas qu’elle a été assez punie pour cette erreur ces derniers mois? Considérez mes observations sire. Je vous dirai donc la résolution que nous avons prise, si vous vous obstinez à laisser courir les calomnies sur le cas de ma sœur, la cour de Pologne se fera un devoir de faire quitter le pays dans le plus grand secret, sans que vous puissiez rien y faire, à elle et à sa famille pour les faire vivre chez moi jusqu’à ce que la France lui présente ses excuses les plus plates. Elle ne doit pas payer sire, pour les vices d’une autre. L’humiliation sera moins grande sire, si vous la défendez aujourd’hui plutôt que dans un an.
C’est la seule lettre que je vous écrirai sire, soyez-en assuré, je vous importunerai point trop longtemps. Je quitte Paris dès que l’encre de cette missive sera sèche et je n’y reviendrai qu’avec mon époux. Considérez bien ma lettre sire car je crains fort que vous n’ayez à subir tout le courroux de la cour de Pologne si vous laissez les accusations et les malheurs continuer à accabler ma pauvre sœur. Vous me voyez sire, agenouillée à vos pieds, je vous baise trois fois les mains et prends congé de vous.
Son altesse royale la Princesse Hélène Wielopolski
De l’hôtel de l’île Saint-Louis
Le premier du mois d’octobre 1680
Le Prince Ivan Wielopolski au Roy Louis XIV
A sa majesté le roy de France,
C’est en ma qualité d’ambassadeur de Pologne en France, de personne de sang royal, de grand chef des armées de mon pays et de premier conseiller du roy Jean, troisième de son nom, souverain élu de la Pologne, que je me permets aujourd’hui d’écrire à sa très gracieuse majesté le roy de France. Je crois savoir que mon épouse vous adressera aussi une lettre (qui contiendra à peu de choses près tout ce que je voudrais vous dire) et j’ose croire que quand vous recevrez la mienne vous aurez déjà lu la sienne. Je ne répèterai pas sire, ce que ma femme vous aura déjà dit, nous savons votre patience et je ne veux pas la pousser à bout par la répétition de la requête que mon épouse, son altesse royale la Princesse Hélène, vous a déjà soumise. Je tiens cependant à présenter mes excuses à votre majesté pour les propos que ma femme a certainement tenus dans sa lettre. Son langage n’est pas toujours le plus altier et si c’est un trait de personnalité que je chéris chez elle, je sais bien que ce langage ne trouvera pas, chez le roy de France, une oreille attentive. Estimez donc sire cette lettre comme la formulation plus élégante de la demande de mon épouse. Je n’insisterai pas plus sur les raisons qui me pousse à soutenir la demande de ma femme et de toute sa famille. Je me contenterai de rappeler à votre majesté l’innocence de madame ma sœur dans le crime dont on l’accuse, la tendresse fraternelle que j’ai pour elle, l’amour que j’ai pour ma femme, le respect que je porte à sa famille et l’intérêt que je porte à la grandeur de votre âme et de votre conduite me pousse à vous supplier de montrer à tout le monde son innocence.
Je vous présente une nouvelle fois mes excuses sire mais vous savez ma civilité et savez que jamais je ne me serai permis d’écrire à une personne de votre rang et de votre sang si les conditions n’avaient pas été si extrêmes. Sire, épargnez ma sœur, rétablissez ses droits et son innocence. Ce n’est pas seulement un beau-frère tendrement épris de sa femme et attaché sincèrement à sa famille qui vous supplie. C’est un homme qui a à cœur votre grandeur et la justice de votre cour.
Votre dévoué serviteur, son altesse royal le Prince Ivan Wielopolski,
ambassadeur de Pologne en France,prince du sang et ami dévoué de votre majesté le roy de France
Du château de Wawel
Le deuxième du mois d’octobre 1680
Le duc d’Alameda au Prince Ivan Wielopolski
Mon fils,
C’est trop d’honneur que vous me faîtes en m’appelant votre père et je ne sais pas si je mérite d’être appelé ainsi par un homme aussi respectable et aussi grand que vous car monsieur vous êtes bien le meilleur homme du monde. Monsieur, vous n’aviez pas à accepter de tels sacrifices pour ma famille. Vous ne nous devez rien et je vois bien que c’est purement par tendresse pour nous que vous avez fait ce que vous avez fait. Vous avez secouru ma fille que j’aime plus que tout et je sais bien que vous, ma tendre Hélène et Monsieur de Saint-Simon, êtes les principaux acteurs de son retour en grâce. J'aimerais pouvoir vous remercier autrement que par les mots monsieur. Monsieur, si je pouvais vous donner une deuxième fois ma fille pour vous remercier je le ferai. Elle est en chemin pour revenir chez vous et, d’après ce qu’elle a bien voulu me dire, elle n’attend que le moment où elle pourra enfin se jeter à nouveau dans vos bras. Aimez-la monsieur, car elle m’est plus précieuse que la vie et mérite tout l’amour du monde, aimez-la car vous êtes le seul homme du monde digne de ma fille, de ma princesse.
Je ne sais comment vous remercier monsieur, pour tout ce que vous et ma petite princesse, ma fille, mon Hélène, votre épouse avez fait pour ma famille. Je sais combien les sacrifices que vous avez fait pour ma Diane sont grands. Vous avez accepté de laisser partir votre épouse et votre fille en France, vous avez tout fait pour accélérer votre entreprise auprès de votre roy. Je sais à quel point vous aimez mon Hélène et vos enfants, restez toujours en de tels sentiments monsieur et aimez ma famille jusqu’à la fin de vos jours que j’espère la plus tardive possible. Quand Gabriela sera officiellement fiancée faîtes-nous savoir la date de ses noces car nous serons en Pologne pour ce joyeux événement.
Je suis à vos genoux monsieur et si les mercis ne perdaient pas leur sens quand on les répète trop je vous dirais monsieur tous les mercis que le monde peut contenir. Mon épouse et moi-même attendons votre retour en France avec une grande impatience car nous brûlons tous les deux de vous embrasser de toute notre âme pour vous remercier. Je reste monsieur votre très dévoué et très reconnaissant beau-père, à jamais votre obligé.
Du château de Bourron
Le douzième de mois de novembre 1680
La Comtesse de Chalais à la Princesse Wielopolski
Ma chère Hélène, ma tendre grande sœur, femme du monde la plus précieuse, la plus digne et la plus noble de toutes les femmes que la terre n’ait jamais portée, ma sœur que j’aime tant.
Je n’ai pas les mots, ma sœur, pour t’exprimer toute ma reconnaissance et toute ma gratitude. Oh Hélène, je sais bien que c’est toi qui porta au roy le coup de grâce qui acheva sa résolution et que c’est grâce à toi que je suis aujourd’hui lavée de tout soupçon. Je sais que tu l’as vu à Versailles avant ton départ, que pour moi tu as reculé ce même départ dès que tu reçus l’invitation du roy au bal pour l’anniversaire de madame de Montespan et que c’est là que tu plaidas ma cause une dernière fois et que c’est là que tu obtenus pour moi la grâce et les excuses royales. J’ai obtenu les excuses les plus dignes du monde et toute la cour en fut témoin. Je crois même avoir vu la Maintenon me sourire alors que la Montespan me toisait d’un regard qui me disait bien toute sa haine. Je ne lui donne plus que quelques mois dans le lit du roy et je crois bien qu’elle a déjà perdu sa place dans son cœur. Comme j’aime les excuses royales, ma sœur! Je ne pensais pas que ce serait si plaisant de revenir en grâce. Me voilà invitée à tous les bals, à tous les festins et à tous les divertissements. Que je m’amuse ma sœur et que je suis heureuse pour mes enfants et pour mon cher François qui pourront goûter avec moi aux plaisirs de la cour.
Je suis bien triste que vous ayez quitté la France mais je sais bien que l’absence de votre mari commençait à vous peser. Vous avez fait pour moi les plus belles choses et les plus grands sacrifices. Vous mourrez d’envie de retrouver votre mari et je ne vous en blâme pas. Je vous connais ma sœur, vous êtes comme moi, vous aimez trop votre mari. Il vous manque terriblement et vous allez enfin pouvoir le retrouver. Nous ne sommes pas sans nous revoir ma sœur puisque les nouvelles fonctions de votre mari vous feront bien vite revenir en France. Je pourrais alors revoir mes autres neveux et nièces qui m’ont bien manqué. J’attends votre retour avec impatience même si je vous souhaite de passer avec mon cher Ivan les plus belles heures possibles avant de revenir en France.
François et les enfants devraient arriver demain à Paris, tu sais mieux que personne le plaisir que j’ai à les retrouver car pour moi tu quittas ton mari pendant presque deux ans. Par amour pour moi ma sœur tu fis les plus grands sacrifices et aujourd’hui tu pars enfin pour les retrouver. Je ne t’embête pas plus longtemps ma sœur et je t’embrasse tendrement.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le trentième du mois de novembre 1680
Chapter 8: Lettres de l’hiver de l’an de grâce 1681
Notes:
“Les grandes âmes ne sont pas soupçonnées ; elles se cachent ; ordinairement, il ne paraît qu'un peu d'originalité. Il y a de plus grandes âmes qu'on ne le croirait.”
Stendhal
Chapter Text
Le Duc de Saint-Simon au Roy Louis XIV
Je m’incline à vos genoux sire car je viens d’apprendre le bonheur qui touche aujourd’hui ma filleule. Je ne suis qu’un piètre orateur et je n’ai pas la verve de ma chère filleule ou de son frère mon très cher ami Philippe de Bayeux. Je suis ravi de voir, sire, que vous n’avez pas été insensible aux assauts simultanés du prince de de la princesse Wielopolski et de moi-même. Je comprends les raisons qui vous ont poussé à ne pas agir pendant tant de temps mais vous voilà raisonné et raisonnable et je suis ravie d’apprendre le bonheur de ma chère Comtesse de Chalais et de sa famille. Je suis bien triste d’avoir dû quitter la cour si tôt, tellement tôt que je ne fus pas présent pour la grâce de ma filleule, mais je ne veux point laisser mon fils trop longtemps aux soins de sa mère et de son parrain monseigneur l'évêque de Bayeux qui a bien voulu venir nous rendre visite quand il est revenu de Rome où il a fréquenté le pape pendant quelques mois. J’ai, bien sûr, pour elle et pour lui le plus grand respect et la plus grande admiration mais je ne veux pas laisser à eux seuls la direction et l’éducation de l’âme de mon fils. Je veux moi-même lui apprendre à se comporter comme un homme de cour.
Pour rester sur le sujet de votre filleul, sachez qu’il se porte bien et j’entends votre demande de le voir bientôt à la cour car vous ne l’avez point vu depuis son baptême. Dès qu’il saura se tenir convenablement devant une personne de sang royal je vous l’amènerai à Versailles et vous pourrez constater par vous-même qu’il deviendra bientôt un jeune homme digne de son royal et très vénérable parrain. Je sais que monseigneur l’évêque de Bayeux et vous-même avez quelques différents sur certains points de religion et de morale mais je puis vous assurer qu’il n’y a pas meilleur guide que lui pour enseigner la vertu et la piété à une jeune âme comme celle de mon fils.
C’est avec le plus grand respect du monde sire que je m’incline devant vous et que je pose mes armes à vos pieds. Vous pourrez toujours compter votre majesté sur la fidélité, l’amitié et le soutien de la famille des Saint-Simon. Je me fais vieux, sire, et je ne tarderai pas à mourir je pense. Je vous assure par avance de l’amour que vous portera mon fils en grandissant et de l’amitié indéfectible de la maison des ducs de Saint-Simon à l’égard de votre majesté et de votre gouvernement.
Votre très dévoué serviteur,
Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon et pair de France
Du château de Blaye
Le premier du mois de janvier 1681
La Princesse Wielopolski au Prince Ivan Wielopolski
Mon amour, mon tendre Ivan,
Je vous écris aujourd’hui pour vous donner les meilleures nouvelles du monde! Je serai à vos côtés dans moins de deux semaines et j’ai juré à Gabriela de ne rien vous dire par lettre mais je ne puis tenir plus longtemps. Vous savez que je déteste avoir pour vous des secrets et que je ne peux jamais rien vous cacher, je vous révélerai donc tout. Comme vous le savez, Gabriela et moi nous reposons depuis quelques semaines maintenant à l’ambassade Berlin avant de reprendre notre route pour Cracovie où je vous retrouverai enfin. Nous comptons partir le lendemain du jour où je vous écris cette lettre. Berlin est une ville qui me plaît beaucoup et j’espère pouvoir y retourner avec vous mon amour avant que nous ne partions pour la France. C’est à Berlin que se déroule l’aventure que je vais vous raconter ici.
Nous avons rencontré à Berlin, par le plus grand des hasards, dans un de ces charmants cafés qui sont si à la mode en France et qui commencent à se répandre dans toute l’Europe, le jeune chevalier Waldek Karski qui était venu voir son parrain, que vous devez connaître puisqu’il est ambassadeur de Pologne en Prusse. Vous vous souvenez certainement de lui car nous avions déjà discuté ensemble de la possibilité de l’unir à notre Gabriela dont il semblait déjà bien épris il y a presque deux ans maintenant. Quand il nous vit monsieur, je vis ses joues s’embraser comme celles d’un enfant qui embrasse une dame pour la première fois. Gabriela ne faisait pas meilleure figure mais si elle vous jurera le contraire quand nous vous retrouverons. Nous le vîmes une seconde fois à un bal donné par son parrain. Si vous aviez vu les yeux de notre fille quand ils se sont croisés au bal de l’ambassade… Oh! J’ai cru me revoir quand je vous rencontrais pour la première fois. En souvenir de notre première rencontre monsieur je les ai laissés seuls et je ne les revis que le lendemain. De là ils se virent tous les jours parfois en ma compagnie, parfois seuls et je les regardais avec une tendresse infinie. Et voilà qu’il y a une semaine du moment où je vous écris cette lettre qu’il sonna à ma porte et qu’il s’agenouilla devant moi pour me demander de manière officielle la main de Gabriela. J’acceptais tout de suite sa demande mais lui fis aussi savoir qu’il lui faudra vous faire la même demande dans deux semaines puisqu’il fera le voyage jusqu’en Pologne avec nous. Oh mon ami! Comme Gabriela fut heureuse quand je lui annonçais que j’acceptais la demande de son amant. Je croyais nous revoir en Espagne quand ils s’étreignirent et qu'ils s'embrassèrent. Comme je les aime et comme notre fille est heureuse !
La perspective de ce mariage me rend si heureuse mon amour! Oh je crois bien qu’il l’aime autant que vous m’aimez et je suis certaine que notre fille sera heureuse avec lui! Donnez-lui votre bénédiction car je ne crois pas que nous trouverons un jour un homme aussi amoureux de notre fille que celui-la. Mon amour vous verrez bientôt la pureté de ses sentiments.
Je vous aime de toute mon âme monsieur et je n’attends rien d’autre que le plaisir de vous revoir enfin. Je rêve de ce moment où je pourrais enfin retrouver la douceur et la tendresse de vos bras, de vos étreintes, de vos baisers et l’ardeur de nos ébats. Vous me manquez. Vous êtes si proche et pourtant encore si loin.
Kocham cię
Votre Hélène
De l’ambassade de Pologne à Berlin
Le seizième du mois de janvier 1681
La Comtesse de Chalais à Florent d’Herblay
Oh mon frère! Il est bien dommage que vous ayez quitté Paris alors que les divertissements s’y font de plus en plus charmants et qu’il est dommage que Louise soit partie avec vous car je suis sûre que tout le monde serait charmé de voir à la cour une demoiselle aussi belle, aussi pleine d’esprit et de vertus que votre fille. Elle serait une charmante demoiselle d’honneur et si vous voulez je l’introduirai auprès des filles de sa majesté, je suis certaine qu’elle saura les charmer. Mes enfants sont encore trop jeunes pour fréquenter la cour avec autant d’assiduité que moi et même si Olivier et Gabrielle sont intéressés par cet endroit, ils ne s’y rendent pas souvent et François et moi nous trouvons bien seuls là-bas. La capitale est plus agitée qu’une fourmilière mon cher frère et il ne se passe pas un jour sans que nous ayons quelque chose à faire, quelqu’un à voir où un spectacle auquel assister.
Pourtant mon cher Florent, je m’ennuie dans cette capitale maintenant vidée de presque toute ma famille. Philippe est chez mon parrain auprès du petit Louis pour lequel il a un amour fou. C’est bien dommage qu’il se soit fait religieux car je crois bien qu’il aurait été un père tout à fait charmant et certainement très épris de ses enfants. Vous-même êtes rentré dans votre cher château et vous ne comptez pas revenir à Paris de si tôt. Notre père et notre mère sont retournés sur leurs terres et, comme vous le savez, Gabriela sera mariée avant la fin de l’année, ils préparent un voyage en Pologne pour assister à son mariage. J’y serai également, Philippe aussi et j’espère qu’on vous y verra également. Hélène vient de rentrer en Pologne et son absence me pèse chaque jour que Dieu fait. Je me sens seule dans une ville pleine d’agitation. Je citerai ici monsieur Racine qui est si cher à votre cœur et au mien :
“C'est dans les villes les plus peuplées que l'on peut trouver la plus grande solitude.”
Vous voyez ce que votre absence me fait mon frère car sans vous je m’ennuie. Oh je continue de fréquenter mes chers salons mais depuis quelques temps je n’y vois que Madame de Lafayette et vous savez le peu d’estime que je lui porte. Vous souvenez-vous de ce chat dont Madame de Sévigné parla dans une de ses lettres? Vous savez! Ce chat qui manqua d’arracher les yeux à cette chère Madame de Lafayette! J’aurai aimé que ce chat réussisse car je n’aurais pas eu à la supporter si souvent!
Donnez-moi encore quelques nouvelles de René car cela fait bien trop longtemps que je ne l’ai pas vu. Est-il toujours un bon poète? Son apprentissage de l’anglais avance-t-il comme vous l'espériez? Pense-t-il à son père et à sa mère de temps en temps? Enfin va-t-il bien? Je compte beaucoup sur lui monsieur, sur mes autres enfants, sur les vôtres et sur ceux d’Hélène aussi pour réaliser un ouvrage dont j’ai le secret. Je compte sur eux pour éblouir la terre par leur grandeur, la grandeur de leur âme, de leurs gestes, de leurs paroles et de leurs talents et pour continuer l’ouvrage que nous avons commencé en faisant perdurer la famille d'Herblay jusqu’au jugement dernier. Je vous embrasse mon frère, vous, votre femme et vos enfants. Vous me manquez tous et je brûle de vous revoir. Merci enfin mon cher Florent pour tout ce que vous avez fait pour moi pendant
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le quatrième du mois de février 1681
La Comtesse de Chalais au Duc et à la Duchesse d’Alameda
C’est le cœur plein de joie que je vous écris aujourd’hui mes chers parents. J’ai fait atteler hier mes équipages et nos bagages sont prêts pour notre départ pour la Pologne. René fera le trajet avec Florent jusqu’à Berlin et quand nous nous y retrouverons il passera dans notre voiture. Je vous crois déjà à Berlin et j’espère que cette lettre vous trouvera sans problème. Oh je suis ravie de savoir que notre famille sera bientôt entièrement réunie pour un évènement aussi joyeux que celui du mariage de notre petite Gabriela. Je ne pensais pas que nous serions tous réunis aussi rapidement mais cette pensée me réjouit profondément. J’ai hâte de voir à quoi peut ressembler son jeune futur. Gabrielle n’a de cesse de me questionner à son sujet et je n’ai malheureusement rien d’autre à lui répondre que : “votre tante le trouve parfaitement charmant et votre cousine en est fort éprise, il doit donc être assez joli garçon”. Je crois qu’elle envie le bonheur de celle qui est comme sa sœur et je l’ai surprise, il y a quelques jours seulement, dans l'écriture d’une lettre à destination de sa cousine lui demandant si ce charmant jeune homme n’a pas quelques cousins ou frères qui pourraient lui convenir. La chose m’a faite rire et j’ai voulu vous la conter. Ne dîtes pas à Gabrielle que je vous ai dit une chose pareille car elle pourrait bien m’en vouloir.
J’ai reçu hier la visite de Madame de Maintenon, vous n’êtes pas sans savoir qu’elle a définitivement remplacé Madame de Montespan dans le cœur du roy et si elle ne s’en vante pas, toute la cour et tout Paris le sait. Elle est venue s’excuser auprès de moi. Philippe lui avait écrit une lettre en décembre 1679 et elle n’en avait rien fait. Je fut fort aise de recevoir ses excuses et je dois vous avouer, surtout à vous mon père, qu’il y avait quelque chose de fort plaisant dans le fait de voir la nouvelle favorite du roy ramper à mes pieds avec les excuses les plus plates du monde. Je pensais que l’anecdote vous amuserait, en tout cas elle fit bien rire mon cher ami Bussy quand je la lui racontais au dernier salon de Monsieur de la Rochefoucauld.
Je vous embrasse tous les deux bien tendrement et je vous affirme une nouvelle fois le plaisir que j’aurai à vous voir à Berlin dans deux ou trois semaines. Si vous avez quelques nouvelles d'Hélène, donnez-les moi car ma sœur me manque beaucoup et j’ai si hâte de la revoir cette chère sœur qui a tant fait pour moi. Je reste madame, monsieur, votre très dévoué et affectueuse fille.
De l’hôtel de la rue des Francs-Bourgeois
Le dixième du mois de février 1681
Le duc d’Alameda à ses enfants l’Évêque de Bayeux, Florent d’Herblay, la Princesse Wielopolski
et la Comtesse de Chalais
Mes chers enfants,
En vous écrivant aujourd’hui je me souviens de cette terrible lettre que je vous envoyais quand Diane fut accusée de la pire des ignominies et s’il y a deux ans j’étais un père désespéré aujourd’hui je suis rempli de joie par cette nouvelle lettre. Cette lettre que je vous ai adressée à tous, il y a deux ans, jour pour jour, dans laquelle j’étais accablée je ne l’oublie pas mais elle m’est devenue bien douce car c’est grâce à elle que nous nous retrouvons tous dans quelques jours seulement. Aujourd’hui c’est plein de joie que je vous écris, que je vous écris mon bonheur. Plein de joie non seulement parce que ma petite-fille que j’adore se marie et sera très heureuse avec son futur époux. Mais si je vous écris ce n’est pas pour vous exprimer ma joie en tant que grand-père mais ma fierté en tant que père.
Florent, je dois vous dire toute mon admiration, toute mon affection et toute ma tendresse. Pour votre sœur, vous avez affronté une cour que vous détestez, vous vous êtes montré digne de porter un jour le titre de duc d’Alameda. J’attends avec impatience que vous me montriez votre nouvelle pièce dont vous m’avez tant parlé et qui, j’en suis sûr sera tout à fait charmante et aussi bonne que celles de Monsieur Racine que vous aimez tant.
Philippe, vous m’avez été si précieux dans toute cette affaire. Vous m’avez brouillé pendant un temps avec votre mère mais vous avez eu raison de le faire car je méritais les reproches qu’elle m’a fait. Vous êtes le meilleur chrétien du monde et je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi, pour votre mère et pour votre sœur.
Diane, vous avez été digne de la déesse dont vous portez le nom, vous avez fait preuve d’une abnégation, d’une grandeur face aux périls qui vous tourmentaient, d’une sagesse et pourtant d’un mordant qui vous ont certainement aidé à supporter de si terribles circonstances. Je suis fier de vous ma fille car vous êtes plus noble et plus digne que toutes les grandes femmes de notre histoire.
Hélène, vous avez été digne du nom que vous portez. Vous portez bien le nom de ma chère et tendre sœur, le nom d’un amour indéfectible pour votre famille. Jamais fille ne fut jamais plus digne de son prénom que vous. C’est vous et votre mari que je remercie le plus car c’est vous qui avez finalement fait fléchir le roy de France. Je vous embrasse ma fille et vous remercie de tout ce que vous avez fait pour votre sœur.
Je vous embrasse mes chers enfants alors que notre famille connaît enfin des jours meilleurs.
De l’ambassade France à Berlin
Le vingt-neuvième du mois de mars 1681

ophelilacs on Chapter 8 Sat 03 Jun 2023 10:37PM UTC
Comment Actions
Kaantt on Chapter 8 Sun 04 Jun 2023 08:35AM UTC
Comment Actions
ophelilacs on Chapter 8 Sat 03 Jun 2023 10:38PM UTC
Comment Actions
Kaantt on Chapter 8 Sun 04 Jun 2023 08:35AM UTC
Comment Actions
MrDawn (Guest) on Chapter 8 Wed 14 Jun 2023 05:02AM UTC
Comment Actions
Parnokianlipstic on Chapter 8 Sat 01 Jul 2023 02:20PM UTC
Comment Actions
Kaantt on Chapter 8 Mon 03 Jul 2023 05:09PM UTC
Comment Actions